Déclaration de M. François Patriat, secrétaire d'Etat aux PME, au commerce, à l'artisanat et à la consommation, sur la nécessité de renforcer les liens entre les PME et la distribution et la réforme de la loi Galland sur l'interdiction de revente à perte, Paris le 22 mars 2001.

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Circonstance : Clôture de la conférence PME-distribution à Paris le 22 mars 2001

Texte intégral

Tout d'abord je veux remercier LSA pour son invitation.
LSA est un média d'information que j'ai appris à apprécier. Loin des polémiques, les sujets traités donnent toujours lieu à des analyses très professionnelles et utiles aux opérateurs.
J'apprécie aussi son ouverture aux pratiques commerciales étrangères, votre revue fait référence en la matière, et votre capacité à décrypter les tendances du commerce de demain m'impressionne réellement.
Votre excellent dossier sur la relation PME - distribution illustre parfaitement mon propos.
Dois-je vous dire aussi que votre humour m'a conquis ? Organiser une conférence sur le thème " PME - distribution : mieux travailler demain ", rue des huissiers, c'est une façon de voir l'avenir à laquelle je ne m'attendais pas
Plus sérieusement, je souhaiterais, à l'issue de vos travaux, vous dire mon sentiment sur la relation PME - distribution.
Je ne veux pas faire de philosophie, dans nos sujets économiques et commerciaux, elle est souvent indigente.
Simplement je ferais trois réflexions. Je les porte au débat, nous devrons en reparler ensemble.
1) La loi " Galland ", celle qui interdit la revente à perte, est arrivée au bout de sa logique.
Aujourd'hui nous faisons le constat que cette loi :
- ne favorise pas la distribution qui a déséquilibré la construction de ses marges (plus de marge avant, tout sur la marge arrière) au détriment des fournisseurs,
- pénalise fortement les PME qui ne peuvent durablement supporter les excès de la coopération commerciale,
- n'a pas d'effet concurrentiel sur le niveau des prix. Le consommateur est le grand absent.
Dire que la loi Galland est une loi pour la concurrence est un contre-sens, ce serait plutôt une loi de cartel.
Il faudra bien que l'on se pose dans les mois qui viennent la question de savoir comment sortir de cette logique de l'absurde.
2) Les PME jouent un rôle central dans l'équilibre de l'offre des grandes surfaces.
Vous le dites très bien. Le choix, l'innovation, ce sont les PME : près de 5 000 références sur 12 000 dans la grande distribution.
Au delà des chiffres, ce qui m'intéresse, ce sont les conditions économiques de la mise en avant des produits.
Et là, il faut dire les choses comme elles sont : les conditions de vente sont dures, très dures dans la grande distribution.
Mais il peut y avoir aussi des bons accords, des partenariats qui existent sur la durée, la longue durée. Certains fournisseurs travaillent depuis plus de 30 ans avec les mêmes acheteurs.
Je ne vais pas, comme d'autres, dire qu'il faut supprimer les marques de distributeur ou réserver des mètres linéaires aux PME. Cela n'est pas sérieux. Le commerce vit lorsque chacun fait bien son métier et pas le métier des autres.
Ce qui est constructif, c'est la recherche d'accords gagnant-gagnant. J'observe l'évolution des centrales d'achat, je sais les efforts faits pour faire évoluer le comportement des acheteurs (l'intéressement au volume d'affaires traité avec chaque compte-fournisseur est une formule intéressante).
Mais il y a des progrès à faire encore. Il n'est pas admissible de refuser un rendez-vous à un fournisseur, il n'est pas normal de refuser de lui signifier son déréférencement, en le laissant dans le doute ou à la discrétion de chaque magasin.
Cela doit changer, la loi " Nouvelles Régulations Economiques " devra permettre de clairement séparer les pratiques recommandables et celles qui sont condamnables.
Vous qui êtes les professionnels du secteur, emparez-vous de la commission des pratiques commerciales (créée par la loi NRE), vous avez là un vrai pouvoir de régulation économique.
3) La fracture qui s'ouvre sépare de plus en plus les fournisseurs entre eux.
Je suis frappé de constater l'amélioration du climat dans la relation PME - distribution.
J'ai quelques inquiétudes sur celui des fournisseurs entre eux.
J'ai relevé des interprofessions parfois très divisées, il y a une hostilité naissante entre les petits fournisseurs et les plus gros.
Aujourd'hui le linéaire, ce n'est pas le client (la distribution) qui en limite l'accès, c'est le plus gros fournisseur, avec des exigences de gamme et d'assortiment qui sont parfois déraisonnables.
Ne confondons pas tout, a quoi servirait le libre-service s'il ne rimait plus avec le libre choix ?
Je m'adresse là à la distribution : les PME, ce n'est pas la référence qui fait l'appoint, la touche locale, le produit alibi. Ce sont des références à part entière qui peuvent aussi apporter beaucoup à la notoriété de l'enseigne (je ne ferai pas de publicité mais que l'on songe à "Reflets de France" ).
En conclusion, je voudrais revenir sur quelque chose que l'on oublie parfois.
La distribution française s'est imposée en France et dans le monde parce qu'elle apportait de la Valeur.
Elle apportait la meilleure connaissance du consommateur, n'oublions jamais cela.
Cet atout, elle l'a toujours dans son jeu. Les plus grands industriels n'y pourront rien. Leurs succès sont remarquables, ils proviennent d'une capacité sur les volumes qu'eux seuls possèdent.
Mais les industriels ne seront jamais aussi bons marchands que les commerçants.
C'est cette vérité simple que j'ai eu l'occasion de délivrer aux grands industriels.
Pour les PME, le lien avec la distribution est une solution face à la concurrence des grands.
Je veux renforcer ce lien, c'est possible, c'est même souhaitable si ce lien se tisse à partir de relations équilibrées et équitables.
(source http://www.pme-commerce-artisanat.gouv.fr, le 2 avril 2001)