Déclaration de Mme Fadela Amara, secrétaire d'Etat à la politique de la ville sur les mesures déjà prises ou à envisager pour réduire les inégalités de santé, Paris le 5 décembre 2008.

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Circonstance : Journée "Politique de la ville, territoires et politique de santé : agir ensemble au niveau local" à Paris le 5 décembre 2008

Texte intégral

Messieurs les députés,
Mesdames et messieurs les élus,
Mesdames et messieurs les préfets,
Mesdames, Messieurs,
Je suis très heureuse d'être parmi vous.
Ma présence à vos côtés aujourd'hui, au sein du ministère de la santé, prouve l'importance que j'accorde à la santé et à l'enjeu qui nous rassemble.
Cet enjeu est un enjeu de taille : la réduction des inégalités de santé.
Je me réjouis de l'ampleur de la mobilisation pour agir ensemble contre cette injustice sociale.
Je n'ai pas pu assister au séminaire « santé et Contrats Urbains de Cohésion Sociale », organisé à Bordeaux, en octobre dernier. Je le regrette. Mais je sais que vos travaux ont été fructueux et qu'ils permettront une meilleure prise en compte de la santé des habitants des quartiers populaires.
Parce que le constat est accablant et vous le connaissez comme moi. Alors que l'on affirme régulièrement avoir en France le meilleur système de santé, alors que l'on se réjouit de l'allongement de l'espérance de vie des Français, les inégalités de santé, tant géographiques et territoriales que sociales, se creusent.
En France,
- on a plus de risques d'être en surpoids si on habite la région Nord que si on habite la région PACA.
- on a moins de chance de bénéficier d'une action de prévention si on habite un quartier choc que si on habite un quartier chic.
- On est souvent victime de discrimination à l'accès aux soins si on est bénéficiaire de la couverture maladie universelle (CMU). Or, je vous le rappelle, les bénéficiaires de la CMU sont 2,4 fois plus nombreux dans les zones urbaines sensibles qu'ailleurs.
- De plus, le rapport 2008 de l'Observatoire National des Zones Urbaines Sensibles (ONZUS) vient de nous le confirmer : on compte 2 fois moins de médecins dans les zones urbaines sensibles que dans le reste du territoire national. Et 3 fois moins de médecins dans les ZUS que dans les unités urbaines auxquelles elles appartiennent.
- Et enfin, un ouvrier a six ans d'espérance de vie de moins qu'un cadre.
Je considère que cette réalité est contraire aux valeurs de notre République. Des valeurs d'égalité, de solidarité et de justice sociale.
Or, vous le savez, le retour de la République dans les quartiers populaires est au coeur de mon action et de celle du gouvernement.
Le retour de la République dans les quartiers populaires, c'est :
- la présence d'une médecine de proximité ;
- ce sont des délais d'attentes raisonnables pour obtenir un rendez-vous au centre-médico-psychologique ou chez le dentiste ;
- ce sont des actions d'éducation pour la santé menées auprès des jeunes pour prévenir les grossesses précoces ;
- c'est la prévention des consommations de drogues dans les établissements scolaires et en bas des barres d'immeubles ;
- c'est l'accompagnement de ceux qui en ont le plus besoin dans leurs démarches d'ouverture de droits ou dans leur parcours de soins.
Partout sur le territoire national, à la ville comme à la campagne, nos concitoyens doivent bénéficier des mêmes droits et des mêmes chances.
Nous devons être d'autant plus vigilants en cette période de crise.
Car vous le savez comme moi, c'est la santé qui passe après tout le reste quand le budget est serré.
Nous devons mener une politique de santé publique ambitieuse localement, au plus près des exigences et des besoins des habitants.
Chaque fois qu'une action est mise en oeuvre sur le terrain, dans nos quartiers populaires, elle contribue au bien-être des habitants qui y vivent.
Je parle bien de « bien-être », car pour moi :
« la santé est un état complet de bien-être physique, social, mental et pas seulement l'absence de maladie ou d'infirmité ». Telle que la définit l'Organisation mondiale de la santé.
La santé ne se limite pas à l'hôpital. La santé ne se limite pas aux soins primaires. La santé, c'est aussi la prévention. La santé c'est aussi le cadre de vie. La santé, c'est aussi le logement et l'éducation.
Les déterminants de la santé sont variés. Et la logique de la politique de la ville est de considérer l'habitant et l'environnement dans lequel il évolue pour agir sur chacun de ces déterminants.
En clair, chaque volet des contrats urbains de cohésion sociale contribue à la santé des habitants des quartiers populaires.
Je sais que nous partageons cette approche de la santé globale. Je le sais, car j'ai conscience que les acteurs ici présents sont des précurseurs de la démarche ateliers santé ville.
Aujourd'hui, les 260 ateliers santé ville représentent un modèle nouveau dans le paysage de la politique de santé publique.
Cette démarche est un outil pour les nombreux élus locaux volontaires pour s'engager dans une politique locale de santé.
C'est un atout pour la cohésion sociale de notre pays.
Nés sur les territoires de la politique de la ville, les ateliers santé ville ont fait émerger de nouvelles pratiques, de bonnes pratiques. Où les habitants et les professionnels de terrain deviennent les véritables acteurs de la politique locale de santé.
Ce sont eux qui font remonter leurs besoins au niveau politique. Ce sont eux qui interpellent le maire et le préfet. Ce sont eux qui construisent ensemble une réponse « sur mesure » adaptée aux besoins des habitants.
Dans une commune d'Ile-de-France, les habitants ont émis le souhait, lors du diagnostic local, que la santé des femmes soit une priorité de l'atelier santé ville.
C'est la médecine scolaire, les femmes relais, le service de protection maternelle et infantile, et la coordinatrice atelier santé ville qui ont travaillé ensemble à l'élaboration d'un projet de prévention.
Ils ont souhaité cibler les jeunes scolarisés et traiter des relations filles- garçons mais également de la vie relationnelle et sexuelle et de la prévention du sida.
Le centre social, les pharmaciens, les médecins libéraux et les associations de quartiers ont été mobilisés. Chaque acteur a apporté sa pierre à l'édifice.
Potentialiser les moyens et les ressources, c'est là toute la force de la démarche ASV.
Vous l'aurez compris, je tiens à cette démarche novatrice. Je l'ai d'ailleurs défendue en juillet 2007. Alors que je prenais à peine mes fonctions, certains envisageaient sa disparition.
Aujourd'hui, je reste mobilisée. Je souhaite que la démarche soit confortée et amplifiée. Je souhaite que vous développiez des observatoires locaux de santé. C'est grâce à ces outils que nous pourrons mesurer l'impact des politiques menées et faire valoir les droits des habitants des quartiers populaires.
J'ai d'ailleurs souhaité que les moyens financiers alloués aux ateliers santé ville augmentent en 2009. Ce sont treize millions d'euros de mon budget qui seront consacrés aux ateliers santé ville.
Par ailleurs, je sais que les arbitrages de la revue générale des politiques publiques vous préoccupent.
Le Conseil national des villes a émis un avis sur la mise en place des agences régionales de santé. Il a proposé des pistes pour que les enjeux actuels de notre système de santé soient inscrits dans les fondements de cette nouvelle structure.
Sachez que je ferai tout pour que le lien entre les champs sanitaire et social soit préservé. Car l'organisation des soins et les innovations médicales ne règleront pas à elles seules la souffrance psycho-sociale dans les quartiers populaires.
Sachez que je ferai tout pour que la politique régionale de santé ne soit pas déconnectée de la politique de santé menée au niveau local.
Je souhaite que les futures agences régionales de santé soient signataires des contrats urbains de cohésion sociale. Et que la réduction des inégalités de santé soit un objectif inscrit à leur feuille de route.
Sachez que je ferai tout pour pérenniser la collaboration entre l'Etat et les collectivités territoriales dans le domaine de la santé.
J'ai d'ailleurs tenu à mobiliser le droit commun en ce sens. Le projet de loi « Hôpital, patients, santé et territoires » porté par Roselyne Bachelot prévoit ainsi, la mise en place en 2010, par la future agence régionale de santé, de contrats locaux de santé. Ils devront se baser sur l'expérience des ateliers santé ville.
D'ici là, je souhaite que les acquis du volet santé des Contrats Urbains de Cohésion sociale soient renforcés et valorisés.
Soyons clair, la démarche atelier santé ville manque encore de visibilité. Et de nombreux acteurs, y compris des responsables politiques, n'ont pas encore conscience de la plus value apportée par cette démarche à la politique de santé publique.
J'ai donc demandé au Délégué interministériel à la ville, le préfet Masurel, que je salue, de veiller à ce que l'Agence pour la Cohésion Sociale et l'égalité des chances (ACSé) vous accompagne dans l'évaluation de la démarche atelier santé ville. Car la politique que je mène est basée sur la culture du résultat.
Vous l'aurez compris, la santé est une de mes priorités.
Je compte sur vous pour que les travaux de la journée nous aident à aller de l'avant.
Je vous remercie.
Source http://www.espoir-banlieues.fr, le 12 décembre 2008