Interview de M. Luc Chatel, secrétaire d'Etat à l'industrie et à la consommation, porte-parole du gouvernement, à "RMC" le 19 décembre 2008, sur la mission sur l'avenir de l'automobile, le prochain statut de La Poste et sur la réforme du lycée.

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Média : Emission Forum RMC FR3 - RMC

Texte intégral

J.-J. Bourdin.- Notre invité ce matin, L. Chatel, porte-parole du Gouvernement. Vous présidez aussi le comité stratégique sur l'avenir de l'automobile.

Oui, je vais l'installer cet après-midi. N. Sarkozy m'a confié une mission sur l'avenir de l'industrie automobile qui connaît de graves difficultés, et cet après-midi, j'installerai à Bercy le comité stratégique pour l'avenir de l'automobile, c'est-à-dire que je mettrai autour de la table tous les acteurs qui vivent de et par l'automobile. Bien sûr les constructeurs, le secteur de la sous-traitance, ces PME qu'on connaît dans nos territoires, c'est aussi les représentants des salariés parce que l'enjeu pour l'avenir de l'automobile c'est l'emploi. Les pôles de compétitivité, quelles sont les grands projets de recherche et développement, d'innovation pour rester dans le coup en matière d'automobile. Et l'enjeu c'est quoi ? C'est de maintenir, de conforter l'industrie automobile dans notre pays tellement elle est importante. Il faut l'aider, oui.

Est-ce que vous allez conditionner cette aide à un engagement écrit ? Est-ce que vous allez demander aux constructeurs de ne pas délocaliser, de s'engager par écrit à ne pas délocaliser.

Cela a été le discours qu'a tenu N. Sarkozy lundi auprès des constructeurs. Il a réuni les constructeurs automobiles...

Donc, vous allez demandez aux constructeurs de s'engager par écrit - je dis bien par écrit - à ne pas délocaliser.

Il est très important où l'automobile connais une crise dramatique, l'Etat soit au rendez-vous. Pourquoi ? Donc, il sera présent, le président de la République l'a bien dit. Donc nous regardons. En ce moment, nous avons déjà fait un geste en matière de crédit puisque les constructeurs automobiles ne pouvaient plus se financer pour proposer des crédits à la consommation à leurs clients, alors qu'il y a deux clients sur trois qui achètent un véhicule neuf à crédit. Nous l'avons fait. Simplement, le président de la République a dit : nous sommes prêts à aller plus loin pour vous aider notamment dans vos investissements, mais à deux conditions : premièrement, le maintien des sites, deuxièmement, la question du dividende. On n'imagine pas que l'Etat puisse apporter des aides, un soutien aux constructeurs automobiles, et puis que la même année, il y ait des distributions de dividendes pour les actionnaires.

C'est un engagement oral ou écrit ?

La forme n'est pas encore déterminée. L'important c'est de sauver nos constructeurs. Quand vous voyez que vous avez trois constructeurs américains qui sont au bord du dépôt de bilan - ce n'est pas le cas de nos constructeurs français mais ils sont en situation très difficile - l'objectif c'est mobilisation générale. Et c'est l'objectif du comité stratégique qui se réunit cet après-midi.

Je dis cela, parce que les constructeurs Français font fabriquer de l'automobile à l'étranger, et les constructeurs étrangers font fabriquer de l'automobile en France. Et finalement, ils sont plus vertueux, les constructeurs étrangers qui font fabriquer en France ?

D'abord, il faut éviter la caricature...

Ce n'est pas une caricature, c'est une réalité aussi.

Non, non, il y a une réalité, je la connais puisque j'ai même assister des usines françaises, en tout cas de coopération entre par exemple PSA et Toyota en République Tchèque, j'y étais il y a un mois. Mais il faut aussi rappeler que la France produit environ 1,5 million véhicules, alors que les constructeurs français ne vendent que 800.000 véhicules. On a un excédant de production de l'automobile en France. Simplement, quand on regardera la tendance, on s'aperçoit que la part des véhicules français fabriqués en France, c'était 60 % il y a 4 ans. C'est 40 % aujourd'hui. Donc, c'est cela qui nous a alerté, c'est cela qui nous inquiète et qui justifie une mobilisation générale de l'ensemble des acteurs. C'est ce que nous allons faire.

C'est un avertissement lancé aussi aux constructeurs automobiles français.

Il est temps que tout le monde se mette autour de la table, parce qu'il a y certes la crise, mais il n'y a pas que la crise. Il y a une mutation mondiale. Où en sont nos constructeurs en matière de nouveaux projets, avec le moteur électrique ? C'est le combat de demain, donc il faut qu'ils soient bien placés. Et puis l'emploi, parce que l'industrie automobile c'est 700.000 emplois directs ou indirects, 2,5 millions si vous voyez l'ensemble de la filière.

N'oubliez pas les sous-traitants.

Oui, exactement. Ils seront autour de la table cet après-midi.

A propos d'automobile, tiens ! Un décret imposera aux conducteurs un examen de 21 points de contrôle sur leur voiture si celle-ci a été accidentée. Si un seul de ces points est défaillant, ils écoperont d'une interdiction de circuler jusqu'à ce que les réparations soient effectuées, c'est pour quand ?

Je vais vous faire une confidence : j'ai entendu cette information, et scoop de RMC tout à l'heure au journal de 8 heures. Donc, écoutez, c'est une disposition qui est actuellement préparée par D. Bussereau, le secrétaire d'Etat aux transports. Je ne la connais pas dans le détail, je vous dis la vérité, franchement, puisque vous avez parlé franchement. Ce que je sais c'est qu'il y a une volonté du Gouvernement de renforcer la sécurité et d'être vigilant sur ces sujets parce qu'il y a trop de véhicules qui circulent, qui ne sont pas conformes...

Ce sera appliqué.

Oui bien sûr ce sera appliqué.

Ce sera appliqué et cela devrait rentrer en vigueur en même temps que le nouveau système d'immatriculation de véhicules.

Il faudra interroger mon collègue D. Bussereau. Il sera plus précis, et répondra davantage mieux à cette question.

Je l'ai interrogé hier matin, et il devait me donner l'information dans la journée. Il ne l'a pas fait.

C'est un homme de parole, donc je pense que si vous le rappelez aujourd'hui, il vous la donnera.

L'alliance nationale des experts automobile est déjà sur le sujet et nous confirme l'information.

Vous voyez !

Qu'est-ce qu'on a d'autre ? On a La Poste. Le président de la République en a parlé hier. La Poste va devenir une société anonyme avec des fonds publics. C'est la Caisse Des Dépôts, par exemple, qui va apporter l'argent nécessaire à La Poste pour se moderniser ?

Absolument.

C'est ce que j'ai compris.

Quel est le sujet ? En 2011, nous allons avoir une ouverture à la concurrence, qui est prévue au niveau européen. C'est-à-dire qu'il y a de nouveaux acteurs qui vont arriver et faire la concurrence à La Poste. Donc, notre Poste à nous, elle a deux défis à relever : celui-là, d'avoir de nouveaux concurrents qu'elle n'a pas aujourd'hui ; puis, deuxièmement, le défi de mutation technologique. Aujourd'hui, elle a une nouvelle concurrence : c'est tous les médias électroniques. Sachez que cette année, par exemple, le volume de courrier en France va baisser de 3.5 % parce que les entreprises font d'avantage appel à Internet, messagerie électronique et autre. Le devoir de l'Etat actionnaire que nous sommes c'est de préparer La Poste à cette mutation. Nous avons mis là encore tout le monde autour de la table, c'est la commission Ailleret. Il y avait à la fois les représentants de La Poste, les clients de La Poste, qu'ils soient particuliers ou entreprises. Et il y avait aussi les représentants du personnel, les salariés. Ils ont travaillé pendant trois mois. Et ils vont faire un certain nombre de propositions en considérant quels sont les défis auquel la poste va faire face : se moderniser dans le domaine du courrier, se préparer à un combat qui va être fort dans le domaine du colis. Et donc, pour cela, La Poste a besoin de moyens : environ 3 milliards d'euros. Un peu moins...

3 milliards d'euros ! Qui sont donnés par qui ?

Le président de la République a eu l'occasion de s'exprimer hier. Il sera plus précis cet après-midi puisqu'il réunit la commission Ailleret à l'Elysée. L'idée c'est que : 1/ on transforme le statut de La Poste, qui deviendra une société anonyme, mais que cette société anonyme reste 100 % public. C'est-à-dire qu'il n'est pas question de privatisation, il n'est pas question d'aller sur les marchés. Il est question que ce soit des capitaux publics : l'Etat, la Caisse Des Dépôts...

Qui a encore de l'argent dans ses caisses, la Caisse des Dépôts, parce qu'elle est sollicitée de toutes parts.

Oui mais la Caisse Des Dépôts elle doit être au côté de l'Etat pour les actifs stratégiques. Et La Poste, nous considérons que c'est un actif stratégique. Le Président sera plus précis cet après-midi.

C'est vrai qu'on a appris hier ce que le président de la République va annoncer aujourd'hui ?

Oh ! Mais chacun est un petit peu dans son rôle. C'était des syndicats. Ce que je constate, c'est d'abord qu'ils ont apporté une forte contribution. J'ai été très heureux de constater pendant trois mois, ils ont assisté à toutes les réunions, ils ont participé, ils sont arrivés avec leurs idées...

Vous êtes en train de les caresser dans le sens du poil, les syndicats, là ?

Non, ce que je constate c'est qu'il y a aussi une méthode. On est dans une situation sans précédant, de crise économique très difficile. Donc, je crois qu'il y a un moment où au-delà de nos différences, il faut qu'on soit capable de se mobiliser, de se réunir et de travailler ensemble. C'est ce que nous avons fait pour La Poste, puisque la commission Ailleret a fait partager par les différents acteurs un certain nombre de points : le fait que l'entreprise doit rester publique, le fait que l'Etat doit rester très puissant, fort, l'unique actionnaire. C'est un constat qui a été partagé par tous les acteurs.

C'est ce que vous avez fait à La Poste, et peut-être pas dans l'Education nationale, puisque le dossier de la réforme du lycée sera rouvert, c'est ce que précise le ministre X. Darcos, avec des états généraux du lycée qui seront organisés. Ce matin, nous avions en ligne et en direct une représentante des mouvements lycéens, qui nous disait : "nous, ce qu'on veut c'est que la réforme du lycée soit définitivement enterrée et ce qu'on veut c'est qu'on revienne sur les suppressions de postes dans l'Education nationale". Est-ce que la réforme du lycée est définitivement enterrée ?

Pour moi, ce qui est important, c'est d'expliquer aux jeunes... Vous évoquiez...

Non mais répondez-moi : est-ce qu'elle est définitivement enterrée, parce qu'on ne comprend pas.

Je vais vous répondre : il y aura une réforme du lycée.

Pourquoi une réforme du lycée ?

Et pourquoi il y aura une réforme du lycée ? Parce que... regardez la situation aujourd'hui. Sur une classe d'âge, vous avez 150.000 élèves qui quittent le lycée sans aucun diplôme, sans qualification. Zéro. C'està- dire que c'est ceux que vous retrouverez plus tard, malheureusement, dans les Pôles Emploi, l'ANPE, voire parfois au RMI ou au RSA. C'est 150.000. Il en reste 330.000 qui passent le Bac. Sur ces 330.000, 100 % a le Bac en deux ans. Cela veut dire qu'en fait, le Bac ce n'est plus une étape dans la vie. Et ensuite, à l'université, qu'es-ce qui se passe ? Au out de trois ans, il y a la moitié qui n'a rien du tout. Donc, le système du lycée français ne fonctionne pas. D'ailleurs, une étude européenne vient d'indiquer que c'est le lycée le moins égalitaire, le plus inégalitaire, avec un autre pays d'Europe, des pays de l'OCDE. Donc, il faut réformer ce lycée. Comme nous avons mis en place une réforme du primaire, comme il y a eu une réforme du collège, comme V. Pécresse travaille sur une réforme du lycée (sic), eh bien X. Darcos, il réformera le lycée. Simplement, ce qui est important, c'est de prendre le temps de la concertation...

C'est une nouvelle réforme ?

C'est une réforme du lycée.

C'est la nouvelle réforme alors ou pas. Je ne comprends pas très bien, parce que vous dites : il va y avoir... finalement, on revient sur ce qu'on a fait, le dossier sera rouvert, on va réunir des états généraux, et puis, la réforme... Une nouvelle réforme ?

Une nouvelle réforme. On aura débattu, discuté, expliqué la pédagogie...

Jusque là, vous n'aviez pas pris le temps de la pédagogie ?

X. Darcos a réuni à de nombreuses fois les organisations des lycéens...

C'est ce que j'entends. Vous aussi, vous l'avez entendu.

...Simplement, il faut un moment constater que la pédagogie est à nouveau nécessaire. Il faut aussi constater qu'il y a beaucoup de désinformations, et que ce n'est pas inutile de prendre du temps pour expliquer des choses, clairement, et tuer un certain nombre d'idées qui sont complètement...

Et pourtant, X. Darcos était sur tous les plateaux de radio, de télévision depuis des semaines et des semaines...

Ecoutez, je vais vous prendre un exemple de désinformation. Il y a quelques jours, au Sénat, X. Darcos a annoncé à la tribune du Sénat, que contrairement à ce qu'il avait entendu, il n'y aurait pas de suppression des maternelles - c'est une rumeur qui a couru - et j'ai entendu dans des manifestations des gens défiler en disant "on va supprimer la maternelle" !

Donc, pas de maternelle, on est sur les lycées !

Oui mais c'est très important, c'est un des exemples de désinformation. Et l'après-midi même, vous aviez un site Internet qui s'ouvrait indiquant que X. Darcos allait supprimé, qu'il l'avait annoncé au Sénat, qui a recueilli 13.000 signatures dans l'après-midi. Donc, il y a aussi de la désinformation, et c'est pour cela qu'il faut prendre le temps de l'explication, de la pédagogie, de l'écoute mais aussi de la volonté de stopper...

onc, ce que vous n'aviez pas fait suffisamment... Il faut le reconnaître, non ? On ne va le reconnaître, on ne va dire "oui c'est vrai, on n'a pas assez discuté, oui c'est vrai, on remet en place une nouvelle réforme, on va écouter les lycéens, on met en place une nouvelle réforme".

Mais c'est ce qu'a annoncé X. Darcos. Il l'a dit comme...

Pas franchement.

Mais si ! Il l'a dit au Sénat : je reprends les discussions, on va échanger, on va écouter, mais sur le fond, on réformera le lycée, parce que comme je vous l'ai dit tout à l'heure, c'est indispensable.

Est-ce que le Gouvernement va revenir sur les suppressions de postes annoncées ?

La réponse est non. Pourquoi ? Eh bien, parce que nous sommes engagés dans un effort sans précédent de maîtrise de la dépense publique. N. Sarkozy a fait campagne en indiquant qu'il ne renouvellerait pas un fonctionnaire sur deux. Un fonctionnaire sur deux, c'est partout. A Bercy, moi, à la DGCCRF, malheureusement, on ne va pas renouveler un fonctionnaire sur deux. Dans un certain nombre d'autres administrations, on ne renouvelle pas un sur deux. Il faut donc dans chaque secteur aller vers une logique de non renouvellement. Je rappelle que malgré cela, nous avons un taux d'encadrement, c'est-à-dire un nombre d'enseignants par élève, qui est nettement supérieur à ce qu'il était au début des années 90. Donc, arrêtons de caricaturer. S'il suffisait de créer des postes, de mettre des moyens, ça se saurait. C'est ce qui a été fait depuis vingt-cinq ans, et on a vu les résultats.

Les ressources humaines ne fonctionnent pas bien à l'Education nationale, si j'ai bien compris.

Non, elles fonctionnent insuffisamment bien. C'est pour cela que nous engageons toutes ces réformes.

Source : Premier ministre, Service d'Information du Gouvernement, le 19 décembre 2008