Interview de M. Xavier Bertrand, secrétaire général de l'UMP à France Info le 6 février 2009, sur l'intervention télévisée de Nicolas Sarkozy, les mesures annoncées pour relancer l'économie, notamment la suppression de la taxe professionnelle et sur la polémique concernant Bernard Kouchner.

Prononcé le

Intervenant(s) : 

Média : France Info

Texte intégral

M. Fauvel.- Comme promis, il est avec nous pour commenter la prestation de N. Sarkozy hier soir sur TF1, France 2 et M6. Bonjour X. Bertrand.
 
Bonjour. Nouveau patron de l'UMP, ex ministre, comment vous jugez cette performance de N. Sarkozy, s'il fallait la résumer, disons en deux mots, ce matin ?
 
Langage de vérité et des solutions pour faire face à cette crise.
 
Le virage social, vous l'avez vu, vous ?
 
La volonté du Président est simple : c'est de mettre tout sur l'emploi et pour protéger l'emploi, parce que la vraie possibilité de donner un sens à la solidarité c'est de donner du travail et c'est de préserver le travail. Le cap de la campagne présidentielle, ce qui avait été voulu par les Français, c'est de réhabiliter le travail. Et la mobilisation est totale pour l'emploi. C'était cela, je crois, le message très fort d'hier, parce que la garantie du pouvoir d'achat c'est un emploi et un salaire tous les mois. Et le plan de relance par l'investissement, c'est pour donner du travail aux entreprises et c'est aussi pour soutenir l'emploi. Voilà vraiment le fil conducteur : on s'en sortira par le travail et par la solidarité. C'était le discours du Président, hier soir.
 
Inflexion ou non, dans le discours de N. Sarkozy ?
 
Beaucoup d'explications. Il y a eu de la démagogie parfois sur ce qui a été entrepris par le Gouvernement. Il y a eu la caricature et, plus d'une fois, il a voulu remettre les pendules à l'heure. Il a tenu un langage de pédagogie, c'est vrai, mais surtout un langage de vérité, en ne niant pas les choses. On est aujourd'hui face à une crise, la crise du siècle, une crise sans précédent, qui touche tous les pays du monde. Et ce que nous devons veiller, c'est bien évidemment ne pas faire d'erreur mais trouver les bonnes solutions. Et j'ai vraiment le sentiment que ce qui a été voulu hier, c'était de montrer qu'on protégeait les Français, qu'il fallait les protéger encore mieux, les jeunes ; les jeunes qui, parce qu'ils sont sur le marché de l'emploi depuis très peu de temps, n'ont pas droit à l'indemnisation en matière de chômage, il faut les protéger ; les fins de CDD, si on est dans une période de crise, cela va être plus difficile encore pour eux, il faut penser à eux. Et puis aussi bien évidemment les classes moyennes. Ces classes moyennes qui sont toujours trop riches, comme l'on dit, pour avoir la solidarité, et qui ne sont pas assez riches pour s'en sortir par elles-mêmes, eh bien il faut penser à eux parce qu'ils ont le sentiment d'être écrasées depuis des années et des années, d'être oubliées. Et là, le message est clair, avec des mesures précises pour les aider à joindre les deux bouts, et pas des projets.
 
Un langage de vérité dans la bouche de N. Sarkozy, dites-vous. Quand N. Sarkozy dit que le plan de sauvetage des banques n'a pas coûté un centime aux Français, l'argent qu'on a prêté, c'est de l'argent que l'Etat emprunte lui aussi, verse donc lui aussi des intérêts. Est-ce qu'on peut parler de langage de vérité sur ce point ?
 
Mais bien évidemment, parce que ce qu'il faut que vous disiez, c'est que cet argent prêté aux banques, les banques payent pour cet argent 8 % d'intérêt, mais l'Etat verse aussi des intérêts, parce que c'est de l'argent qui creuse son déficit, c'est de l'argent qu'on emprunte aujourd'hui à l'extérieur. Souvenez-vous de ce qui avait été dit ! C'est que les banques trouvaient même que ce taux d'intérêt était très important, pourquoi ? Parce que le taux d'intérêt que les banques versent à l'Etat est plus important que le taux auquel l'Etat emprunte. Parce que ce qui est important, ne l'oublions pas - on peut donner l'impression, vous et moi d'être techniques en ce moment de la matinée - mais il fallait aussi soutenir non pas les banquiers, non pas vraiment les banques mais l'épargne, les économies des Français. On a été quand même été à deux jours de la catastrophe la plus absolue. On a réussi à maintenir l'économie en marche, le système financier en marche, et surtout au final, l'argent qui a été prêté aux banques a permis avec 1,4 milliard d'euros d'avoir aussi un financement qui va être affecté à qui ? Aux mesures justement attendues pour les plus fragiles et pour les plus exposés à la crise.
 
Votre priorité justement sur ces mesures, c'est quoi la suppression de la première tranche de l'impôt sur le revenu comme l'a proposé hier soir N. Sarkozy ? Quel est pour vous la mesure qui vous semble la plus sociale, ou la plus à même de répondre aux attentes des Français ?
 
Je pense que les deux publics aujourd'hui, les Français les plus exposés et aussi les classes moyennes, sont les deux publics prioritaires. Il ne faut pas oublier de valoriser aussi l'entreprise, parce que quand on décide en 2010 de supprimer complètement la taxe professionnelle, c'est pour dire : on va maintenir un maximum d'activité en France. Mais surtout il y a un autre message à ceux qui sont éloignés de la France pour installer leurs entreprises, à une époque, c'est de dire : relocalisez, revenez en France, recréez de l'emploi en France. C'est un message très fort, c'est un investissement important que de supprimer la taxe professionnelle. Mais nous n'oublions pas aujourd'hui que la priorité des priorités, c'est de protéger les Français dans leur emploi et dans leur pouvoir d'achat.
 
On parle justement de la taxe professionnelle. Il y a déjà ce matin une levée de boucliers de la part de certaines communes, y compris d'ailleurs dirigées par des membres de l'UMP. Puisqu'on vient de leur retirer - on va leur retirer - avec cette taxe professionnelle ce qui constituait parfois la moitié de leurs revenus. Pourquoi l'Etat se défausse-t-il ainsi sur les collectivités ?
 
Il n'est pas question une seule seconde de se défausser. Quand le président de la République a lancé hier qu'il y aurait un coût, que cela représenterait un coût, 8 milliards, c'est bien évidemment...
 
Mais est-ce qu'on ne fonctionne pas à l'envers, tout simplement, en annonçant d'abord la fin de la taxe professionnelle avant de s'interroger sur les moyens de redonner de l'argent aux communes ?
 
Mais attendez ! Tout ce débat on l'a déjà eu, parce que la vraie levée de boucliers c'est celle des élus locaux, c'est celle des syndicalistes, c'est celle des salariés, quand leur entreprise ferme parce qu'elle part à l'étranger, parce que là-bas il y a moins d'impôts, il y a moins de taxes et il y a moins de charges. Cela fait des années qu'on dit cela. On ne fait pas de la politique en restant les bras croisés, et en se lamentant. Ce que nous voulons...
 
Vous dites aux communes ce matin : oui, cet argent sera compensé, il n'y aura pas de manque à gagner dans vos caisses ?
 
Ce qu'a dit le président de la République hier, c'est que cela représenterait justement un coût et qu'on va trouver les solutions. Mais attendez ! Quand il y a des émissions comme celle-ci, on y va bien sûr pour expliquer mais aussi pour faire des propositions. Il faut bien qu'à un moment donné, les propositions soient sur la table. Celle-ci en est une, elle est très forte, elle est attendue depuis des années. On ne va pas laisser les communes bien évidemment sans rien, on va aussi être aux côtés des communes, mais il faut savoir ce qu'on cherche : l'emploi, l'emploi en premier, l'emploi en priorité. On s'en donne les moyens, enfin.
 
Le dossier B. Kouchner, il a été abordé hier soir par N. Sarkozy, qui lui a confirmé son soutien entier. Est-ce que chez vous, il y a l'ombre d'un doute quand même, non pas d'un point de vue légal, puisque N. Sarkozy l'a rappelé, et P. Péan d'ailleurs le dit : il n'y a rien d'illégal dans les pratiques relevées, mais est-ce que d'un point de vue moral, chez vous, cela ne suscite pas quand même, comment dire, un petit doute ?
 
Moi, je l'ai dit, j'ai dit très clairement dès le premier jour : on a affaire à un livre à charge, un livre très critique. Et c'est seulement quelques jours après, quelques jours après seulement que monsieur Péan a reconnu qu'il n'y avait rien d'illégal. Donc, vous savez, la confusion des genres entretenue par certains, notamment par monsieur Péan, ça va bien. Je crois qu'il y a la nécessité, aujourd'hui, au moment où on est face à une crise sans précédent, où les Français veulent qu'on soit concentrés sur leurs inquiétudes, répondre justement à leurs problèmes, tout ce qui a été entretenu, la confusion qui a été créée autour de B. Kouchner, ça n'a pas de sens, et, je le dis aussi franchement, cette chasse à l'homme politique, qu'il soit de droite, qu'il soit de gauche, ça va bien.
 
Merci X. Bertrand. Dans un peu moins d'une heure, dans votre siège, c'est M. Aubry qui sera avec nous. Donc la chef du principal parti de gauche qui répondra peut-être au chef du principal parti de droite. Si vous aviez un mot à dire ce matin à M. Aubry, pour essayer de lui expliquer pourquoi N. Sarkozy a été bon, hier soir, pourquoi il a eu raison de s'exprimer ainsi ?
 
Juste une chose : face à une crise sans précédent, chacun a ses opinions politiques. L'on peut sortir plus vite de cette crise si on travaille tous ensemble. C'est le message qu'a passé le président de la République hier, aux organisations syndicales. Je pense que, comme dans certains pays, on peut se retrouver pour faire face à une crise, et ensuite, chacun retrouvera ses opinions, ses convictions, ses divergences. Mais à un moment donné, de se retrouver un petit peu face à l'intérêt général, ça peut avoir du sens.
 
Voilà. Message transmis à M. Aubry qui sera invitée de France Info et de R. Duchemin tout à l'heure, à 8h15. Merci X. Bertrand.
 
Source : Premier ministre, Service d'Information du Gouvernement, le 6 février 2009