Texte intégral
Les États généraux de l'automobile portent un véritable espoir pour l'ensemble d'une filière. Je voudrais sincèrement vous remercier de votre mobilisation. Je crois que le nombre d'intervenants et la diversité des prises de parole témoignent de l'impatience des uns et des autres à débattre de l'avenir de la filière automobile.
L'enjeu de ces États généraux consiste d'abord à réunir des acteurs qui, bien que travaillant dans la même direction, ne se parlent pas toujours. Ils sont parfois concurrents, ont parfois des analyses divergentes. Toutefois, la situation actuelle fait que nous avons véritablement besoin de nous parler et de travailler ensemble pour construire l'avenir de la filière. Notre démarche doit être résolument constructive et collaborative.
Si nous sommes aujourd'hui réunis, c'est sans doute parce que la crise est passée par là. L'automobile traverse une triple crise. Cette crise est d'abord financière. L'ensemble de la filière - constructeurs, mais également équipementiers et sous-traitants - a besoin de se financer. La crise est également celle de la demande. Les besoins des consommateurs changent. Les questions environnementales sont passées par là. Il faut également tenir compte des besoins en sécurité, en praticité et en adaptabilité. Le véhicule souhaité par les consommateurs aujourd'hui n'est pas le même que celui d'il y a quelques années. La place de la voiture dans la société tend à changer. Tout au long de la journée, des économistes et des sociologues viendront nous le dire. Enfin, la crise est celle du modèle économique de l'automobile. La Peugeot 205 ou la Renault 5 avaient cinq ou six concurrentes sur le marché. Aujourd'hui, sur chaque segment de marché, il y a environ vingt à trente concurrents.
La compétition est féroce entre les acteurs. Cette compétition a entraîné des choix industriels tels que des stratégies de délocalisation et de construction à moindre coût, ou une pression naturelle sur les achats et l'ensemble de la filière. La surcapacité industrielle est aujourd'hui évaluée, sur l'ensemble du continent européen, à environ 5 millions de véhicules. Certains chiffres sont terribles : pour la première fois, la balance commerciale du secteur automobile a été négative. En cinq ans, nous avons perdu, sur notre territoire, la fabrication d'un million de véhicules. Cette situation inédite et cette triple crise nécessitaient cette mobilisation générale.
J'ai récemment entendu des voix se demander s'il s'agissait du rôle de l'État que de faire cela. Je sais très bien qui on ira trouver si la situation continue d'être mauvaise. Il n'est donc pas anormal que l'État cherche à éviter un certain nombre de choses et anticipe l'avenir de la filière automobile. De plus, le président de la République a fait un choix stratégique et un choix politique fort. Comme il l'a dit, « nous ne laisserons pas tomber notre industrie automobile ». Dès lors que nous souhaitons sauver cette industrie, là où d'autres pays ont sans doute fait d'autres choix, nous devons mobiliser l'ensemble des acteurs pour y parvenir. C'est un enjeu stratégique considérable. C'est un enjeu en termes d'emploi. L'automobile emploie près de 10 % de la population active en France, dans des métiers différents et des dizaines de milliers de PME diffuses sur l'ensemble du territoire - fonderie, forge, décolletage, plasturgie, garagistes, concessionnaires. De même, la distribution est très présente sur notre territoire.
L'enjeu est également économique. L'automobile est une locomotive pour l'ensemble de l'industrie et pour l'ensemble de l'économie française. Elle équivaut à 1 % du PIB et à 15 % des investissements en recherche et développement. Il y a encore des réservoirs de croissance considérables dans l'automobile. Les constructeurs et les équipementiers ont déjà appréhendé ces gisements. Songeons que l'Argentine possède cinq fois moins de véhicule par habitant que la France, la Chine vingt fois moins et l'Inde quarante fois moins. C'est vous dire les réservoirs de croissance qui peuvent exister, au niveau mondial, si nous sommes capables, ensemble, de faire les bons choix.
Enfin, l'enjeu est sociétal. La place de la voiture dans la société est en train de changer. Pendant longtemps, la voiture a été synonyme de liberté, de rêve ou de plaisir. Aujourd'hui, il y a sans doute un nouveau modèle à inventer. L'aspect citoyen joue. La consommation pour la consommation n'est plus forcément le seul objectif des consommateurs. Nous voyons apparaître de nouveaux usages de la voiture. Un nouveau modèle économique se dessine. Il faut l'inventer ensemble. C'est précisément l'objet de ces États généraux. Je sais qu'historiquement, les États généraux ont parfois mené à des révolutions. C'est précisément à une révolution que je vous appelle ce matin.
Révolution de compétitivité
Comment continuer à fabriquer des automobiles en France ? Comment faire en sorte que ce soit économiquement rentable et intéressant ?
Révolution dans les rapports sur l'ensemble de la filière
L'automobile, ce n'est pas uniquement les constructeurs et les donneurs d'ordres, certes indispensables pour fabriquer des voitures, c'est également la multitude de PME, de territoires et de savoir-faire pour lesquels il faut sans doute réinventer le partage de la valeur, des prises de risque et des investissements.
Révolution dans notre approche du véhicule de demain.
Les technologies bougent. La France possède un savoir-faire indiscutable en matière d'énergie électrique. Elle possède des constructeurs forts. Un certain nombre d'industriels ont beaucoup travaillé. L'enjeu de ces États généraux consiste également à regarder comment nous pouvons fédérer nos moyens, les mutualiser pour être plus forts.
Révolution en matière de compétences
La filière automobile, c'est un savoir-faire humain qui se transmet de génération en génération. Comment, dans les années qui viennent, renouveler ces compétences et construire des parcours tout au long de la vie ?
Vous l'avez compris, c'est un véritable espoir qui peut naître aujourd'hui pour la filière si vous jouez le jeu. Je suis plutôt optimiste. J'ai déjà eu l'occasion de réunir le comité stratégique qui organise ces États généraux. J'y ai constaté que la parole était très libre. J'attends aujourd'hui de votre part qu'il en soit de même. Soyez audacieux. Tout est permis aujourd'hui pour que nous soyons, ensemble, capables de sceller un nouveau pacte automobile entre les acteurs, pour faire en sorte que nous fassions émerger à nouveau un secteur automobile qui soit plus fort et plus solidaire. Bons États généraux.
Source http://www.minefe.gouv.fr, le 21 janvier 2009