Interview de M. Georges Sarre, président délégué du Mouvement des citoyens, à RMC le 23 mars 2001, sur la situation en Corse, les accords de Matignon, le score de la gauche aux élections municipales, la décision du Premier ministre d'interdire le cumul des mandats et sur la position du PCF après les élections.

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Texte intégral

P. Lapousterle Une voiture contenant des explosifs a été découverte par la police hier, sur dénonciation, action revendiquée par Armata corsa, avec une fois de plus des conseils donnés au Gouvernement sur la politique à suivre en matière judiciaire. Quel est votre sentiment ?
- "Quelle que soit la faction parmi les nationalistes, c'est le chantage permanent. Le processus de Matignon n'a rien changé, n'a rien enrayé. La France est soumise, par des petits groupes minoritaires, à des pressions violentes."
Pensez-vous que c'est la conséquence des accords de Matignon ?
- "Bien entendu. Les accords de Matignon, qui devaient amener la tranquillité et la paix, n'ont malheureusement rien changé. Les attentats sont nombreux, multiples, et le processus de Matignon, d'une certaine façon, a encore fait éclater un peu plus les divisions au sein des séparatistes corses. Le processus de Matignon contient des effets pervers dont nous allons débattre bientôt à l'Assemblée nationale. Nous allons nous battre vigoureusement : J.-P. Chevènement, qui passe à la Commission des lois, et moi-même allons beaucoup travailler pour montrer ce qu'est en réalité ce processus. Car s'il concerne la Corse au premier chef, dans un premier temps, en réalité, il concerne l'ensemble et plus particulièrement la république française."
J. Bové a été condamné à trois mois de prison fermes hier. Est-ce que, comme la plupart des responsables de gauche, vous condamnez ce verdict un peu élevé ?
- "C'est la justice qui condamne, je constate un verdict. Les médias ne servent pas de paratonnerre."
Le Mouvement des Citoyens, dont vous êtes le président délégué, a dit qu'à ses yeux, la gauche plurielle avait vécue. Est-ce que cela veut dire que l'équilibre défini en 1997 est rompu et que vous demandez de nouvelles règles du jeu pour aller aux prochaines élections avec le Parti socialiste ?
- "En effet, nous considérons que ce qu'on nomma la gauche plurielle en 1997 est mort. Il n'y a plus d'équilibre, vous venez de le dire, des forces au sein de cette majorité : le PCF est trop faible, les Verts sont trop forts et le Mouvement des citoyens n'est pas représenté au Gouvernement depuis que J.-P. Chevènement a démissionné."
Il va y avoir un remaniement. Demandez-vous à ce qu'un membre du Mouvement des citoyens soit nommé dans le Gouvernement ?
- "Pas le moins du monde ! Nous ne souhaitons pas revenir au Gouvernement, car nous considérons qu'aujourd'hui, le Gouvernement a pour action d'entretenir, de relancer, de soutenir deux dérives : la première est la dérive républicaine et la deuxième est la dérive libérale. Dans ces conditions, je ne vois pas ce que nous, les représentants du pôle républicain, nous qui souhaitons que les revendications légitimes des couches populaires soient prises en compte, irions faire dans cette galère."
Faites-vous toujours partie de la majorité ?
- "Absolument, avec un soutien critique et une non-participation."
Pensez-vous que la politique de L. Jospin est responsable du mauvais résultat de la gauche aux élections municipales ?
- "Oui, je ne mets pas cela sur le compte de la météo ! C'est la conséquence de certains choix qui consistent à privilégier les sujets de société plutôt que de s'intéresser à ce qui préoccupent nos compatriotes, en premier lieu le pouvoir d'achat pas suffisamment fort, donc une croissance qui n'est pas suffisamment soutenue et en même temps, on le voit bien, l'insécurité dans tous les domaines, que ce soit l'avenir des retraites ou que ce soit la lutte contre la délinquance. On fait de beaux discours sur la sécurité, mais quand J.-P. Chevènement a préconisé des solutions dans le cadre de la réunion du Comité de sécurité intérieure, madame Guigou a combattu les propositions de J.-P. Chevènement ! Souvenez-vous, c'était l'époque où il parlait des "sauvageons", où il souhaitait faire en sorte que ces enfants, pré-adolescents ou adolescents soient extraits de leur milieu social et environnemental pour être mis dans des établissements où 15 enfants auraient été resocialisés, à qui on aurait proposé de reprendre des études, pour les mettre en situation d'avoir après la possibilité de s'insérer dans la société. Cela n'a pas été fait ! Ils sont donc toujours dans les banlieues, aux pieds des HLM, enquiquinant en permanence les gens qui vivent là. Ce sont à peu près 2 500 à 3 000 jeunes qui pourrissent la vie de millions de Français."
Si je vous entends bien ce matin, vous pensez que la candidature de J.-P. Chevènement aux présidentielles est pratiquement nécessaire ?
- "A l'heure actuelle, l'offre à gauche est pauvre. Si on constate ce qui s'est passé à l'occasion des élections municipales - regardez la "ceinture rouge" -, vous constaterez qu'on a voté avec les pieds ! La sanction est massive. S'il appartient à J.-P. Chevènement de dire ce qu'il fera, je suis tout à fait convaincu qu'il est nécessaire que nous puissions construire un pôle républicain, pour s'opposer au pôle gauche-verts."
Est-ce que L. Jospin a pris une bonne décision en empêchant le cumul des fonctions entre maire et ministre ?
- "Les Français, contrairement à ce qui s'écrit, n'attachent pas une importance particulière au cumul. S'ils ont de bons élus, ils veulent les garder, qu'ils cumulent ou qu'ils ne cumulent pas. Mais la démarche de L. Jospin est assez stupéfiante, je déclare tranquillement que c'est carrément donner la prime aux battus ! C'est une première. Avant, que ce soit sous la IIIe, la IVe ou la Vème République, un ministre battu rendait son portefeuille. Ce sont ceux qui sont battus qui gardent leur portefeuille et les autres, s'ils veulent gérer leur commune, s'en vont ! Comprenne qui pourra."
Concernant le Parti communiste, comprenez-vous l'attitude de R. Hue qui, ce matin, dans l'Humanité, dit qu'ils ont perdu mais qu'il reste et que les ministres communistes restent au Gouvernement ?
- "Le Parti communiste ne peut plus bénéficier du sentiment protestataire. Il est trop inféodé au Gouvernement, au Parti socialiste, ses cadres sont trop vieillis sous le harnais... Il reste au Gouvernement, en cautionnant et défendant une ligne sociale-libérale, qui chaque trimestre, s'attaque au service public - on va encore avoir la question de l'ouverture du capital de Gaz de France, etc. Le Parti communiste fait ce qu'il vaut mais je pense qu'il est dans l'erreur. S'il ne change pas de cap résolument, je crains qu'il ait des jours difficiles."
Pas beaucoup d'amis dans la gauche plurielle pour vous, ce matin !
"Que des amis ! Parce que dans la vie, on doit parler franchement. Il en va de l'avenir de la gauche."
(Source http://sig.premier-ministre.gouv.fr, le 26 mars 2001)