Déclaration de M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement des transports et du logement, sur le projet de loi relatif à la sécurité routière, au Sénat le 10 février 1999.

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Circonstance : Examen en seconde lecture du profet de loi relatif à la sécurité routière, au Sénat le 10 février 1999

Texte intégral

Monsieur le Président,
Mesdames et Messieurs les Sénateurs,
Le débat qui souvre pour examiner en seconde lecture le projet de loi portant diverses mesures relatives à la sécurité routière est hélas au coeur même de lactualité ; le bilan dramatique de la Saint-Sylvestre a suscité, à juste titre, de vives réactions de la part de nos concitoyens et chacun a pu entendre lappel de lopinion publique pour une politique rigoureuse et persévérante de lutte contre linsécurité.
Lannée 1998 est malheureusement à marquer dune pierre noire, puisque, si jen crois les bilans provisoires qui me sont fournis, le nombre daccidents corporels serait en baisse en 1998 mais le nombre de tués sur les routes est en augmentation de lordre de 4 % par rapport à 1997. Pour la première fois depuis 10 ans, nous aurons à déplorer une aggravation de la situation par rapport à lannée précédente !
Nous ne pouvons nous résigner à une telle situation.
Il est intolérable, en effet, quon recense en moyenne chaque jour 23 tués sur lensemble des routes et des rues du territoire national.
Il est intolérable que linsécurité routière reste la première cause de mortalité de nos jeunes : on ne répétera jamais assez que la classe dâge 18-24 ans représente 10 % de la population française mais 20 % du nombre de tués dans des accidents de la circulation.
Il est intolérable enfin quun pays comme la France se situe parmi les derniers du peloton des Etats membres de lUnion européenne et que le risque dy être tué sur la route soit deux fois plus élevé quau Royaume-Uni ou que dans les pays scandinaves.
La comparaison des objectifs que nous voulons atteindre avec la situation actuelle nous montre à la fois lambition et lampleur de leffort à accomplir et la voie à suivre. Ce ne peut être que celle de linitiative, du courage, du rassemblement de toutes les énergies.
Je sais, Mesdames et Messieurs les Sénateurs, que vous partagez ce sentiment. Le vote que vous avez émis, en première lecture, à lunanimité des groupes, en témoigne.
Je tiens ici à signaler linitiative de la haute assemblée que me semble aller dans le sens de ce sursaut que jappelle de mes voeux : il y a trois semaines, le Président Poncelet et le sénateur Miquel mont invité à participer au colloque sur la sécurité routière. Je les remercie encore une fois de cette initiative qui va dans le sens de la prise de conscience de chacun sur ce sujet. Jen profite pour rappeler le soutien que jai également reçu de M. Bosson et Mme Idrac. Je les remercie de cet acte responsable.
Le projet de loi qui vous est proposé nest quun volet, certes important mais en lui-même insuffisant, de la politique de sécurité routière.
Je le répète une nouvelle fois : laxe porteur de notre action, cest dabord léducation et la formation, sous toutes ses formes, depuis la plus tendre enfance puis tout au long de la vie du conducteur et plus généralement de lusager de la route que nous sommes tous. Sans doute peu spectaculaire car elle est faite dinitiatives multiples et diversifiées sur lensemble du territoire, certainement moins médiatique car ce nest quà long terme quelle peut porter des fruits, cette orientation est la seule capable dinscrire dans la durée les résultats obtenus.
Elle touche en effet au comportement dans ses déterminations les plus profondes et nous considérons que cest dabord en faisant appel à la responsabilité individuelle et en inculquant les valeurs de civisme que nous parviendrons durablement à un comportement plus apaisé sur la route, à ce respect de lautre indispensable à un partage harmonieux des espaces de circulation.
Jindique en ce sens que la mobilisation prend corps, sur le terrain, pour proposer des formations complémentaires adaptées aux conducteurs novices, dans lannée qui suit lobtention du permis de conduire. Plus de trente préfectures se sont portées volontaires pour organiser à grande échelle cette offre de formation et des sociétés dassurances, dans le cadre daccords conclus avec des opérateurs compétents, réalisent des expérimentations qui seront progressivement étendus à léchelon national pour lensemble de leurs jeunes adhérents.
Jévoquerais également la table ronde que nous avons organisée le 18 janvier avec Madame Massin, déléguée interministériel à la sécurité routière, Marie-Georges Buffet, ministre de la jeunesse et des sports, et Madame Ségolène Royal, ministre déléguée à lenseignement scolaire, sur le thème de « la mobilisation des jeunes pour la sécurité routière ».
Les débats y ont été riches et directs. Les deux groupes de travail qui ont décidés ce jour-là - sur les retours des troisièmes mi-temps et sur les sorties en boîtes de nuit - font des propositions qui seront examinées lors du prochain comité interministériel sur la sécurité routière qui se tiendra avant la fin de ce trimestre.
Lopération « LABEL VIE », qui a également été lancé le 18 janvier, est un appel à projets auprès des jeunes de 14 à 28 ans et devrait permettre la concrétisation dinitiatives prises par les jeunes pour la sécurité routière. Nous espérons ainsi recueillir 1500 projets élaborés par des jeunes pour des jeunes, et nous avons prévus une aide financière spécifique pouvant atteindre 5000 francs pour les projets distingués par le jury.
Mais il ne faut jamais perdre de vue quune politique de sécurité routière nest efficace que si elle porte simultanément et de manière cohérente sur lensemble des aspects du problème. A côté de léducation et de la formation il faut également agir sur les infrastructures routières et sur les véhicules ; mais aussi, dans le même temps, il faut savoir être ferme en matière de contrôle et de sanction. Les exemples concrets le prouvent mieux que nimporte quelle démonstration théorique : les pays qui réussissent le mieux pour faire reculer linsécurité routière sont ceux qui ont compris que le respect des règles du code de la route est une exigence première du respect de lautre.
Je nignore pas que cette question du contrôle et des sanctions fait lobjet de vives controverses et dun débat social permanent ; je nignore pas non plus que nombre de commentateurs se plaisent à opposer la formation dune part, la sanction de lautre et feignent de considérer quil sagirait de choisir lune au détriment de lautre. En réalité, il nen est rien et en matière de sécurité routière, comme dans les autres domaines de la sécurité publique, il doit y avoir non seulement complémentarité, mais aussi unité de synergie, de conception et daction entre ces deux éléments indissociables dune politique efficace.
Cest dans cet esprit que je souhaiterais que les mesures qui vous sont soumises pour la seconde fois soient examinées et débattues.
Comme vous le savez, le projet regroupe six mesures qui font parties des 25 retenues par le Comité Interministériel de la Sécurité Routière du 26 novembre 1997, qui se mettent progressivement en place dans le cadre de partenariats entre les différents acteurs concernés.
Deux dentre elles, figurant en quatrième et cinquième partie du projet, ont été votées dans les mêmes termes en première lecture par le Sénat le 7 avril 1998 et par lAssemblée nationale le 10 décembre 1998. Elles concernent respectivement la création dun délit en cas de récidive dans lannée pour un excès de vitesse de plus de 50 km/h par rapport à la limite réglementaire, et le dépistage systématique des stupéfiants pour les conducteurs impliqués dans des accidents mortels. Il est inutile dépiloguer sur limportance de ces textes dans le dispositif général ; ils constituent un signal fort et traduisent notre volonté collective de réprimer des comportements de toute évidence inadmissibles sur la route.
Les quatre autres parties du projet de loi ont fait lobjet damendements de la part de lAssemblée nationale. Quils soient de pure forme ou apportent dutiles précisions ou compléments, quils aient ou non fait lobjet dune approbation du Gouvernement, ils portent la marque de la qualité du travail parlementaire et de lintérêt que la représentation nationale manifeste sur ce sujet.
Je me limiterai à mettre laccent sur quelques points, sans répéter ce qui a été dit lors du débat en première lecture.
La première partie du projet vise à rendre obligatoire le suivi du stage de sensibilisation aux causes et conséquences des accidents de la route pour les conducteurs novices auteurs dinfractions graves.
Le gouvernement considère que cette formation doit sajouter aux sanctions déjà prévues, dès lors quelle permet à linfractionniste de reconstituer une partie de son capital de points, dans les mêmes conditions que les stages effectués dans le cadre de la loi de 1989 sur la base du volontariat par lensemble des conducteurs.
LAssemblée nationale, préoccupée par le problème du coût de ces stages pour les jeunes conducteurs, a considéré quils devaient se substituer à la peine damende normalement prévue. Ce point me parait devoir être débattu car il pose manifestement un problème déquité vis à vis de ceux ayant connus des infractions moins lourdes.
La deuxième partie du projet vise à assainir le fonctionnement des établissements denseignement de la conduite et à améliorer la qualité de leurs prestations. Dutiles précisions ont été apportées par lAssemblée nationale.
La troisième partie du projet a pour objet détablir la responsabilité pécuniaire des propriétaires de véhicules en cas de contrôle sans interception, dès lors que le conducteur na pu être identifié.
LAssemblée nationale, à la suite des travaux du Sénat, a introduit des amendements qui visent à mieux expliciter la portée et les modalités dapplication de la mesure. Je partage ce souci de clarification, tant il est vrai que nos intentions et la réalité du projet ont été trop souvent caricaturés voire déformés ou déviés.
Cette mesure, je le répète, est nécessaire pour que puissent se développer des stratégies de contrôle mieux adaptées à laccidentologie car seuls des moyens automatiques permettent par exemple de contrôler les vitesses aux points les plus dangereux où linterception nest pas toujours possible ; car elle est nécessaire aussi pour garantir légalité de toutes les catégories dusagers devant la loi.
Rien dans ce texte nautorise à évoquer le spectre de ce que daucuns appellent la délation, et les amendements apportés par les deux assemblées ont levé les ambiguïtés qui pouvaient éventuellement subsister. Il sagit, vous le savez, détendre les règles qui régissent depuis 25 ans le stationnement à des catégories dinfractions clairement spécifiées et en nombre limité : excès de vitesse, franchissement dun feu rouge ou dun arrêt stop.
La sixième et dernière partie du projet autorise la suspension judiciaire du permis de conduire en cas de condamnation pour absence ou modification du dispositif obligatoire de limitation de vitesse par construction des véhicules lourds. LAssemblée nationale a apporté au projet des amendements techniques.
Voilà, mesdames et messieurs les sénateurs, les principales questions dont vous êtes conviés à débattre et je voudrais saluer une nouvelle fois lexcellent travail de la commission des lois du Sénat et de son rapporteur, monsieur Lanier.
Le Gouvernement sera ouvert aux propositions émanant de tous les bancs et jai la conviction que vos travaux vont faire franchir une étape décisive vers ladoption dun texte dont lunique objet est de faire reculer linsécurité routière dans notre pays. Cest un objectif qui requiert la mobilisation permanente de chacune et chacun de nous.