Interview de Yves Jego, secrétaire d'État chargé de l'Outre-mer, dans "Le Parisien" du 25 février 2009, sur l'état des négociations de sortie de crise en Guadeloupe.

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Média : Le Parisien

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Le Parisien : Pourquoi la situation reste-t-elle bloquée ?
Yves Jégo : D'abord, tout le monde se parle. Même si c'est compliqué, des rendez-vous sont fixés pour remettre tout le monde autour de la table. Je considère qu'il y a aujourd'hui dans les différentes solutions envisagées par les uns et les autres tous les ingrédients pour aller piocher dans chacune d'entre elles le meilleur afin de bâtir un accord permettant à chacun de s'y retrouver.
Le Parisien : En attendant, la situation sur la terrain reste confuse. Concrètement, que faire pour en sortir ?
Yves Jégo : Au bout de cinq semaines d'un conflit aussi compliqué, personne ne peut imaginer que cela devienne facile d'un seul coup. Mais encore une fois, beaucoup de progrès ont été faits et mon expertise, après avoir passé dix jours complets sur le terrain, me fait dire qu'avec un peu de bonne volonté et de méthode, on a désormais ce qu'il faut pour obtenir une signature et permettre à chacun de sortir sans humilier l'autre.
Le Parisien : Y a-t-il des solutions pour permettre d'aligner les prix sur ceux de la métropole ?
Yves Jégo : On l'a fait pour l'essence. Il y a quelques mois, le carburant à Pointe-à-Pitre était à 30 ou 35 centimes au dessus du prix en métropole, il est aujourd'hui à 2 centimes en dessous tant en Guadeloupe qu'en Martinique. Le Président de la République s'est engagé, dans le cadre des états généraux de l'Outre-Mer, à formater un système permettant d'ailleurs de garder le prix de l'essence proche de celui de la métropole. Il souhait aussi qu'un tel engagement soit pris sur un nombre conséquents de produits de consommation courante. J'y travaille avec la fédération du grand commerce et avec tous les acteurs concernés. Je pense que l'on peut arriver en quelques semaines à mettre en place un système sain apportant de vraies réponses sur la question si crucial des prix en Guadeloupe comme partout dans les DOM.
Le Parisien : Vous paraissez bien optimiste...
Yves Jégo : Si je ne l'étais pas il y a longtemps que je me serais découragé face à un dossier si compliqué et si lourd de tensions ! Je reste évidemment prudent mais je peux vous dire que la parole présidentielle et l'engagement de remettre à plat tout le système dans le cadre des états généraux a débloqué beaucoup de choses. Depuis mon retour j'ai énormément travaillé dans la discrétion totale pour rapprocher tous les points de vue. Rien n'est encore fait mais aujourd'hui tout est là pour y arriver.
Le Parisien : Vous comptez retourner sur place avant les états généraux ?
Yves Jégo : Je suis prêt à partir dès que ce sera nécessaire.
Le Parisien : Dans ces difficultés à sortir de la crise, y a-t-il une dimension « néocolonialiste » ou raciale ?
Yves Jégo : L'Histoire et ses drames pèsent d'un poids très important dans ce conflit. Je dirai que la géographie vient aussi nous contraindre. Tout ceci a participé à générer une économie déséquilibrée et monopolistique qu'il faut remettre complètement à plat. Le Président de la République l'a dit très clairement. Cette réponse de fond attendue de la part de l'Etat depuis si longtemps est un des résultats positifs de ce conflit. Ce n'est pas seulement une crise de pouvoir d'achat mais c'est aussi une crise identitaire. Les Antilles cherchent leur voie pour entrer dans le 21ème siècle. C'est un devoir national que de les accompagner dans cette mutation.
Source http://www.outre-mer.gouv.fr, le 25 février 2009