Texte intégral
Mesdames et messieurs les préfets,
Le Premier ministre a souhaité qu'avec la lutte contre l'insécurité et un effort accru de solidarité en faveur de nos concitoyens les plus démunis, l'amélioration de la qualité de la vie quotidienne figure parmi les trois priorités de l'action gouvernementale pendant la dernière année de cette législature. Nous aurons ainsi l'occasion au cours d'un prochain CIV de renforcer le programme national de solidarité et de rénovation urbaine, lancé le 14 décembre 1999.
Mais il nous faut d'ores et déjà assurer la mise en uvre des mesures décidées. Le cadre législatif de notre action a trouvé toute sa cohérence avec le vote de la loi solidarité et renouvellement urbains. Venant après celle relative au renforcement de l'intercommunalité, dont on peut constater avec satisfaction le succès qu'elle rencontre auprès des élus locaux, et la loi d'orientation sur l'aménagement du territoire, elle contribue à faire désormais de chacune des 150 agglomérations françaises, le territoire pertinent de la solidarité urbaine. Les contrats de ville, les grands projets de ville et les opérations de renouvellement urbain dès maintenant, les contrats d'agglomération demain, constituent les outils pour faire vivre cette solidarité urbaine. Les moyens financiers ont été renforcés et des dispositifs complémentaires comme le programme de 10000 adultes relais et le fonds de revitalisation économique, sont désormais opérationnels et vous permettent de conforter l'action des acteurs de terrain.
Je voudrais aborder aujourd'hui trois thèmes, les services publics, l'emploi et la revitalisation économique, le renouvellement urbain. J'évoquerai en conclusion l'indispensable politique d'évaluation que nous devons mener.
1) Les services publics
Le prochain CIV permettra de dresser le bilan, département par département, des mesures de renforcement de la qualité et de la présence des services publics bénéficiant aux habitants des quartiers. Je voudrais insister plus particulièrement sur certaines d'entre elles :
La circulaire du Premier ministre du 26 décembre 2000 vous demande tout d'abord de relancer les programmes d'implantation des services publics dans les quartiers, en identifiant des opérations concrètes dans le cadre de vos projets territoriaux et en négociant dans le cadre des contrats de ville, des "projets de services publics de quartier", qui permettront des améliorations sur la qualité d'accueil et les horaires d'ouverture.
Le renforcement de la politique de la ville nécessitera des adaptations dans l'organisation de vos administrations, sur laquelle vous avez dorénavant plus de prise.
Je pense au renforcement absolument nécessaire des moyens des "missions ville" dans les préfectures ou à leur transformation en délégations interservices, et à l'accélération du déploiement des délégués de l'Etat dans les quartiers, dispositif que le Premier ministre vous a demandé de généraliser dans tous les quartiers prioritaires.
Je pense également à la simplification des procédures de la politique de la ville, notamment en direction des associations, qui me paraît un impératif absolu de crédibilité pour cette politique. Trop d'associations ou de collectivités locales se plaignent encore à juste titre de la lourdeur de nos procédures, dont l'allègement radical est possible. Le rapport parlementaire de M Sandrier sur les associations et une mission interministérielle d'inspection IGA IGF pour les services de l'Etat sont en cours sur ces points. Leurs premières conclusions montrent que la simplification est en marche, mais encore trop lentement et trop timidement. Je vous demande de me faire connaître vos propositions en ces domaines pour le prochain CIV.
La gestion des ressources humaines dans le cadre de la politique de la ville constitue un autre volet important, auquel le comité interministériel à la réforme de l'Etat qui se tiendra avant l'été, devrait consacrer des efforts significatifs.
Si les programmes de formation sont bien engagés, la motivation des agents et la reconnaissance de la spécificité des fonctions exercées dans la politique de la ville, me paraît justifier une nouvelle réflexion. La mise en uvre des mesures décidées par le dernier CIV en matière de logement ou de NBI, par exemple, s'est avérée parfois décevante, en ne privilégiant pas suffisamment les agents de terrain directement concernés. Nous allons avec le ministère de la fonction publique, analyser l'ensemble de vos propositions et vous indiquer prochainement les orientations retenues.
J'attends beaucoup par ailleurs de l'exercice des "chartes de gestion" des personnels impliqués dans la politique de la ville, demandé par le Premier ministre en octobre dernier aux différents ministères, et qui permettra d'aborder la question des conditions de travail et la gestion des carrières.
Le troisième train de mesures concernait l'accès à la fonction publique, encore trop fermée aujourd'hui aux habitants des quartiers. Les différents ministères doivent s'impliquer, à l'exemple de la police, dans l'élargissement de leur recrutement, qui passe à la fois par une meilleure information, par des dispositifs de pré-recrutement, éventuellement dès le secondaire, et l'ouverture de 3èmes voies, ainsi que par des préparations adaptées. Les 5000 offres de formation rémunérée aux concours gérées par l'ANPE doivent aussi être mobilisées, dans le cadre de l'effort global de résorption du chômage dans les quartiers.
2) L'emploi et la revitalisation économique
Les résultats du dernier recensement montrent qu'entre 1990 et 1999, non seulement le chômage a fortement augmenté dans les quartiers classés en zone urbaine sensible, mais que l'écart entre ces quartiers et l'ensemble de la ville a continué de s'accroître. Fort heureusement, depuis un an, le chômage a commencé à baisser dans ces quartiers. Toutefois, l'écart ne s'est pas réduit, sauf exception. Nous devons donc absolument intensifier nos efforts en faveur des publics les plus éloignés de l'emploi, et notamment les jeunes.
J'attire votre attention sur la situation des emplois jeunes. Si nous nous préoccupons d'ores et déjà, et à juste raison, de la perennisation de ces emplois, ce dispositif a encore, et pour beaucoup de postes, plusieurs années de vie devant lui. Or, le taux de jeunes résidant dans les quartiers est bien loin des 20% que nous vous avions fixé, avec Martine Aubry, comme objectif. Il a même fortement chuté l'an dernier. C'est pourquoi, je vous demande un effort particulier pour faire remonter ce taux. Les résultats bien meilleurs, obtenus dans le cadre du dispositif Trace, montrent que cela est possible.
Par ailleurs, les jeunes des quartiers doivent se voir proposer toute la gamme des emplois jeunes. Ils ne doivent pas, comme cela est trop souvent le cas , être cantonnés dans les emplois de sécurité ou de médiation.
Dans cette période de reprise économique, il est également indispensable de renforcer notre action dans la lutte contre les discriminations, notamment à l'embauche. La réunion de tables rondes locales avec tous les partenaires sociaux comme nous l'avons fait au niveau national, peut être l'occasion de manifester la détermination des pouvoirs publics dans ce domaine. Aux côtés de la ministre de l'emploi et du ministre de l'intérieur, j'insiste auprès de vous pour que les dispositifs mis en place, et notamment les codac, soient animées avec vigueur, en y associant les associations antiracistes, les syndicats mais aussi les délégués du médiateur, qui peuvent jouer un rôle fort utile dans ce combat.
S'il n'y a pas de lien automatique entre emploi des habitants des quartiers et revitalisation économique, celle-ci, par le changement d'image qu'elle peut entraîner, contribue, autant indirectement, que par la création de postes de travail, au renouvellement des quartiers populaires.
Je mentionnerai tout d'abord l'évolution du dispositif zones franches. Vous savez que le pacte de relance avait prévu la fin du dispositif pour 2001. Le gouvernement a décidé de prolonger ce dispositif de façon dégressive sur trois ans, afin de prendre en compte les efforts d'équipement consentis par les villes et éviter aux entreprises nouvelles une rupture trop brutale de régime fiscal et social. Le dispositif ZRU, quant à lui, a été amélioré et est également prolongé. Je vous demande de bien informer les entreprises de ces mesures, afin d'apaiser les inquiétudes légitimes qui se manifestent à l'approche de l'échéance initialement prévue.
Le fonds de revitalisation économique vous permet tout d'abord de soutenir le tissu existant. J'appelle à cet égard votre attention sur les problèmes de sécurité rencontrés par les professions de santé dans certains quartiers.
Nous avons décidé, avec Daniel Vaillant et Bernard Kouchner, d'y consacrer un atelier lors des rencontres nationales des CLS. Mais d'ores et déjà, au niveau départemental ou des agglomérations, vous pouvez utiliser les outils de la politique de la ville pour aider ces professions à se protéger, mais aussi à s'organiser, pour offrir des dispositifs de soins adaptés à la population de ces quartiers. Je pense aux subventions d'investissement pour des locaux dans lesquels ces professions se regroupent, comme la maison médicale au Havre par exemple, à la mise à disposition d'adultes relais, mais aussi à l'utilisation du FRE pour les équipements de sécurité ou encore des crédits dégagés par le Conseil de sécurité intérieure pour les CLS, dont nous vous avons précisé le mode d'emploi avec Daniel Vaillant et Florence Parly dans une circulaire récente.
Le fonds de revitalisation économique doit aussi soutenir en priorité les créateurs d'entreprise et notamment les jeunes des quartiers. Gardons lui toute sa simplicité. 20000F pour démarrer un projet, c'est déjà beaucoup, en comparaison de la moyenne des capitaux réunis en France pour créer une entreprise.
Utilisez le plus possible, pour gérer ce fonds, les réseaux existants de soutien à la création d'entreprises, et bien entendu, les chambres consulaires. Si nous réussissons ensemble ce pari, ce sera l'occasion de mettre en avant des réussites économiques de jeunes issus des quartiers, et donc aussi d'accès à la citoyenneté.
Dans cet objectif de revitalisation économique des quartiers, promouvons aussi de plus en plus d'opérations combinant argent public et argent privé. Le fonds de revitalisation économique permet déjà d'attribuer jusqu'à 150 000 francs d'aide à des investissements dans les quartiers. Pour les projets de plus grande envergure, le fonds de renouvellement urbain de la caissse des dépôts doit être pleinement mobilisé. De premiers exemples à Roubaix, Vaulx-en-Velin, Saint-Etienne montrent que c'est possible. La création prochaine des premières sociétés d'investissement régionales sera le signe encore plus tangible de notre volonté commune, avec Daniel Lebègue, de développer cet axe nouveau dans la politique de la ville, d'association des investissements publics et privés. N'hésitez donc pas à mobiliser les directions régionales de la CDC pour monter ce type de projet.
Revitalisation économique et renouvellement urbain sont étroitement liés, et les premiers succès enregistrés dans les grands projets urbains que je citais démontrent tout le potentiel de cette dynamique.
3) Le renouvellement urbain
Quelques grands projets de ville et opérations de renouvellement urbain doivent être encore finalisés. Je vous demande, dans toute la mesure du possible, d'envisager la signature de ces conventions dans les prochaines semaines, afin que nous puissions présenter au Premier ministre fin juin, un premier bilan, le plus complet possible, de la mise en uvre de ce programme. Au delà de la signature des conventions et de la répartition des crédits, je souhaite que les services de l'Etat maintiennent une implication forte sur le fond des projets. J'attire aujourd'hui votre attention sur un thème, correspondant au souhait exprimé par le Premier ministre lors du colloque de l'Unesco consacré aux violences scolaires, celui d'une étroite articulation entre grand projet de ville et projet éducatif local.
Je cite le Premier ministre : " nous devons définir une véritable stratégie collective de prise en charge des enfants à la fois dans et hors de l'école, dans le cadre d'un partenariat renforcé et amplifié avec tous les acteurs locaux, institutionnels et associatifs. Les grands projets de ville devront être le cadre prioritaire d'expérimentation de cette stratégie. Il conviendra notamment, à cette ocasion, d'assurer une meilleure insertion des établissements dans les quartiers en les ouvrant à d'autres activités et services destinés à la population. Ainsi s'amorcera une autre politique de l'éducation, plus globale et plus soucieuse de tout ce que les enfants et les jeunes peuvent vivre hors les murs de l'école. "
Pour traduire cette directive du Premier ministre, nous mettrons en place dans les prochaines semaines, avec Jack Lang, une mission nationale d'appui conjointe à nos deux ministères qui sera à votre disposition et à celle des recteurs et inspecteurs d'académie, pour vous assister dans le montage de ces projets.
Je vous rappelle également que la constitution d'un comité consultatif d'habitants est obligatoire dans chaque GPV et je vous demande de ne débloquer aucun financement sans mise en place officielle de ce comité consultatif.
Concernant les programmes de requalification urbaine je vous confirme notre souhait, avec Marie-Noelle Lienemann, d'amplifier le mouvement que nous avions amorçé avec Louis Besson, d'opérations de démolitions d'immeubles HLM obsolètes. Je vous rappelle que ce nombre a doublé en trois ans, 7000 logements en 2000 contre 3500 en 1998, mais que nous devons réussir en 2001 ou 2002 à dépasser 10000 logements démolis. Cette amplification est indispensable pour assurer le renouvellement du parc, mais aussi pour changer progressivement l'image du logement social, en combinant opérations de démolition et programmes de construction bien intégrés au tissu urbain.
Ce sera aussi l'une des voies pour mettre en uvre l'objectif de 20 % de logements sociaux dans toutes les villes, fixé par la loi SRU.
Je vous indique à cet égard qu'en remplacement des dispositions censurées par le conseil constitutionnel, je présenterai au Parlement dans le cadre du projet de loi relatif aux mesures urgentes de réformes à caractère économique et financier, un nouveau dispositif majorant les pénalités financières en cas de carence de la commune et organisant le pouvoir de substitution du préfet.
Je souhaite que sur la base des opérations de démolition déjà réalisées ou en projet, vous puissiez me faire connaître dans les prochaines semaines, en vue du CIV, les mesures de simplification de procédures administratives ou les mesures financières qui seraient de nature à faciliter l'amplification de ce mouvement.
Par ailleurs, pour préparer les mesures de renforcement du programme national de renouvellement urbain, je souhaite que vous puissiez dans les toutes prochaines semaines et en tout état de cause avant la fin du mois de mai, pour des raisons évidentes de calendrier de préparation simultanée du civ et du projet de loi de finances pour 2002, m'indiquer :
- concernant les copropriétés dégradées, les opérations de traitement qui vous paraissent pouvoir être montées d'ici la fin de l'année, et être mises en uvre à partir de 2002, et les crédits nouveaux qui devraient être dégagés pour ces opérations ;
- concernant le désenclavement des quartiers en GPV, je remercie les préfets qui m'ont déjà répondu. Je vous précise qu'il s'agit bien d'identifier des opérations lourdes qui ne peuvent être financées, ni dans le cadre des crédits de droit commun, ni dans le cadre des contrats de plan, ni dans le cadre des actuelles enveloppes GPV. Il est donc indispensable que je puisse disposer d'une estimation, même sommaire à ce stade, de leur coût global d'une part, et de la part de financement Etat nouveau qu'il serait nécessaire de mobiliser, d'autre part. Je vous demande ces précisions car elles me sont indispensables et elles n'apparaissent pas toujours dans les réponses que j'ai reçues à ce jour.
- Enfin, concernant la nouvelle liste d'opérations de renouvellement urbain que nous envisageons de retenir, je vous demande également quand ce n'est déjà fait, de m'adresser rapidement, au delà des lettres d'intention, les dossiers de candidature.
Le renouvellement urbain, c'est aussi la gestion urbaine de proximité. Maintenant que les contrats de ville sont signés, il est primordial d'amener les organismes HLM à s'engager sur des objectifs précis en termes de gestion de proximité. C'est pourquoi en application des contrats de ville, des conventions tripartites d'application Etat ville HLM devraient être signées à cet effet dans les prochains mois . Nous sommes convenus avec Jean-Claude Gayssot que ce sera d'ailleurs l'une des conditions imposées pour bénéficier de l'exonération de taxe foncière prévue en zone urbaine sensible par la loi SRU. La mise en uvre de la ligne qualité de service qui sera renforcée en 2002 vous fournit également une autre occasion de contractualisation.
Monsieur le ministre,
Mesdames et messieurs les préfets
Je souhaite que la politique de la ville soit exemplaire en matière d'évaluation des politiques publiques. J'installerai dans les prochaines semaines un comité national d'évaluation de la politique de la ville, dont j'ai décidé de confier la présidence à René Vandierendonck, maire de Roubaix, et qui comprendra à côté d'universitaires et de spécialistes de l'évaluation, des praticiens dont des représentants locaux de l'Etat. Il ne s'agit pas de procéder à une évaluation nationale de la politique de la ville qui serait bien illusoire, mais de suivre et d'analyser les travaux qui seront menés au niveau local sous votre responsabilité. Je vous rappelle en effet que j'ai souhaité qu'il soit procédé à deux séries d'évaluation, une évaluation des contrats de ville et une évaluation des politiques régionales de la ville. J'insisterai simplement sur une dimension de cette politique d'évaluation qui rejoint largement l'esprit du projet de loi sur la démocratie de proximité, que présentera prochainement Daniel Vaillant : il s'agit de la participation des habitants.
La généralisation et le renforcement du rôle des conseils de quartiers fournira un cadre propice au développement de ce mouvement. Il s'agit de prendre en compte une véritable aspiration de nos concitoyens que nous avons bien ressentie lors des dernières élections municipales.
Mesdames et messieurs les préfets, je vous remercie de votre engagement renouvelé et de celui de vos collaborateurs au service de l'amélioration de la vie quotidienne de nos concitoyens dans les quartiers populaires de nos villes. Je sais compter sur vous pour donner encore plus de force à cette nouvelle ambition pour la ville qu'a tracée voici trois ans le Premier ministre et qu'il a constamment soutenue depuis.
(source http://www.ville.gouv.fr, le 2 mai 2001)
Le Premier ministre a souhaité qu'avec la lutte contre l'insécurité et un effort accru de solidarité en faveur de nos concitoyens les plus démunis, l'amélioration de la qualité de la vie quotidienne figure parmi les trois priorités de l'action gouvernementale pendant la dernière année de cette législature. Nous aurons ainsi l'occasion au cours d'un prochain CIV de renforcer le programme national de solidarité et de rénovation urbaine, lancé le 14 décembre 1999.
Mais il nous faut d'ores et déjà assurer la mise en uvre des mesures décidées. Le cadre législatif de notre action a trouvé toute sa cohérence avec le vote de la loi solidarité et renouvellement urbains. Venant après celle relative au renforcement de l'intercommunalité, dont on peut constater avec satisfaction le succès qu'elle rencontre auprès des élus locaux, et la loi d'orientation sur l'aménagement du territoire, elle contribue à faire désormais de chacune des 150 agglomérations françaises, le territoire pertinent de la solidarité urbaine. Les contrats de ville, les grands projets de ville et les opérations de renouvellement urbain dès maintenant, les contrats d'agglomération demain, constituent les outils pour faire vivre cette solidarité urbaine. Les moyens financiers ont été renforcés et des dispositifs complémentaires comme le programme de 10000 adultes relais et le fonds de revitalisation économique, sont désormais opérationnels et vous permettent de conforter l'action des acteurs de terrain.
Je voudrais aborder aujourd'hui trois thèmes, les services publics, l'emploi et la revitalisation économique, le renouvellement urbain. J'évoquerai en conclusion l'indispensable politique d'évaluation que nous devons mener.
1) Les services publics
Le prochain CIV permettra de dresser le bilan, département par département, des mesures de renforcement de la qualité et de la présence des services publics bénéficiant aux habitants des quartiers. Je voudrais insister plus particulièrement sur certaines d'entre elles :
La circulaire du Premier ministre du 26 décembre 2000 vous demande tout d'abord de relancer les programmes d'implantation des services publics dans les quartiers, en identifiant des opérations concrètes dans le cadre de vos projets territoriaux et en négociant dans le cadre des contrats de ville, des "projets de services publics de quartier", qui permettront des améliorations sur la qualité d'accueil et les horaires d'ouverture.
Le renforcement de la politique de la ville nécessitera des adaptations dans l'organisation de vos administrations, sur laquelle vous avez dorénavant plus de prise.
Je pense au renforcement absolument nécessaire des moyens des "missions ville" dans les préfectures ou à leur transformation en délégations interservices, et à l'accélération du déploiement des délégués de l'Etat dans les quartiers, dispositif que le Premier ministre vous a demandé de généraliser dans tous les quartiers prioritaires.
Je pense également à la simplification des procédures de la politique de la ville, notamment en direction des associations, qui me paraît un impératif absolu de crédibilité pour cette politique. Trop d'associations ou de collectivités locales se plaignent encore à juste titre de la lourdeur de nos procédures, dont l'allègement radical est possible. Le rapport parlementaire de M Sandrier sur les associations et une mission interministérielle d'inspection IGA IGF pour les services de l'Etat sont en cours sur ces points. Leurs premières conclusions montrent que la simplification est en marche, mais encore trop lentement et trop timidement. Je vous demande de me faire connaître vos propositions en ces domaines pour le prochain CIV.
La gestion des ressources humaines dans le cadre de la politique de la ville constitue un autre volet important, auquel le comité interministériel à la réforme de l'Etat qui se tiendra avant l'été, devrait consacrer des efforts significatifs.
Si les programmes de formation sont bien engagés, la motivation des agents et la reconnaissance de la spécificité des fonctions exercées dans la politique de la ville, me paraît justifier une nouvelle réflexion. La mise en uvre des mesures décidées par le dernier CIV en matière de logement ou de NBI, par exemple, s'est avérée parfois décevante, en ne privilégiant pas suffisamment les agents de terrain directement concernés. Nous allons avec le ministère de la fonction publique, analyser l'ensemble de vos propositions et vous indiquer prochainement les orientations retenues.
J'attends beaucoup par ailleurs de l'exercice des "chartes de gestion" des personnels impliqués dans la politique de la ville, demandé par le Premier ministre en octobre dernier aux différents ministères, et qui permettra d'aborder la question des conditions de travail et la gestion des carrières.
Le troisième train de mesures concernait l'accès à la fonction publique, encore trop fermée aujourd'hui aux habitants des quartiers. Les différents ministères doivent s'impliquer, à l'exemple de la police, dans l'élargissement de leur recrutement, qui passe à la fois par une meilleure information, par des dispositifs de pré-recrutement, éventuellement dès le secondaire, et l'ouverture de 3èmes voies, ainsi que par des préparations adaptées. Les 5000 offres de formation rémunérée aux concours gérées par l'ANPE doivent aussi être mobilisées, dans le cadre de l'effort global de résorption du chômage dans les quartiers.
2) L'emploi et la revitalisation économique
Les résultats du dernier recensement montrent qu'entre 1990 et 1999, non seulement le chômage a fortement augmenté dans les quartiers classés en zone urbaine sensible, mais que l'écart entre ces quartiers et l'ensemble de la ville a continué de s'accroître. Fort heureusement, depuis un an, le chômage a commencé à baisser dans ces quartiers. Toutefois, l'écart ne s'est pas réduit, sauf exception. Nous devons donc absolument intensifier nos efforts en faveur des publics les plus éloignés de l'emploi, et notamment les jeunes.
J'attire votre attention sur la situation des emplois jeunes. Si nous nous préoccupons d'ores et déjà, et à juste raison, de la perennisation de ces emplois, ce dispositif a encore, et pour beaucoup de postes, plusieurs années de vie devant lui. Or, le taux de jeunes résidant dans les quartiers est bien loin des 20% que nous vous avions fixé, avec Martine Aubry, comme objectif. Il a même fortement chuté l'an dernier. C'est pourquoi, je vous demande un effort particulier pour faire remonter ce taux. Les résultats bien meilleurs, obtenus dans le cadre du dispositif Trace, montrent que cela est possible.
Par ailleurs, les jeunes des quartiers doivent se voir proposer toute la gamme des emplois jeunes. Ils ne doivent pas, comme cela est trop souvent le cas , être cantonnés dans les emplois de sécurité ou de médiation.
Dans cette période de reprise économique, il est également indispensable de renforcer notre action dans la lutte contre les discriminations, notamment à l'embauche. La réunion de tables rondes locales avec tous les partenaires sociaux comme nous l'avons fait au niveau national, peut être l'occasion de manifester la détermination des pouvoirs publics dans ce domaine. Aux côtés de la ministre de l'emploi et du ministre de l'intérieur, j'insiste auprès de vous pour que les dispositifs mis en place, et notamment les codac, soient animées avec vigueur, en y associant les associations antiracistes, les syndicats mais aussi les délégués du médiateur, qui peuvent jouer un rôle fort utile dans ce combat.
S'il n'y a pas de lien automatique entre emploi des habitants des quartiers et revitalisation économique, celle-ci, par le changement d'image qu'elle peut entraîner, contribue, autant indirectement, que par la création de postes de travail, au renouvellement des quartiers populaires.
Je mentionnerai tout d'abord l'évolution du dispositif zones franches. Vous savez que le pacte de relance avait prévu la fin du dispositif pour 2001. Le gouvernement a décidé de prolonger ce dispositif de façon dégressive sur trois ans, afin de prendre en compte les efforts d'équipement consentis par les villes et éviter aux entreprises nouvelles une rupture trop brutale de régime fiscal et social. Le dispositif ZRU, quant à lui, a été amélioré et est également prolongé. Je vous demande de bien informer les entreprises de ces mesures, afin d'apaiser les inquiétudes légitimes qui se manifestent à l'approche de l'échéance initialement prévue.
Le fonds de revitalisation économique vous permet tout d'abord de soutenir le tissu existant. J'appelle à cet égard votre attention sur les problèmes de sécurité rencontrés par les professions de santé dans certains quartiers.
Nous avons décidé, avec Daniel Vaillant et Bernard Kouchner, d'y consacrer un atelier lors des rencontres nationales des CLS. Mais d'ores et déjà, au niveau départemental ou des agglomérations, vous pouvez utiliser les outils de la politique de la ville pour aider ces professions à se protéger, mais aussi à s'organiser, pour offrir des dispositifs de soins adaptés à la population de ces quartiers. Je pense aux subventions d'investissement pour des locaux dans lesquels ces professions se regroupent, comme la maison médicale au Havre par exemple, à la mise à disposition d'adultes relais, mais aussi à l'utilisation du FRE pour les équipements de sécurité ou encore des crédits dégagés par le Conseil de sécurité intérieure pour les CLS, dont nous vous avons précisé le mode d'emploi avec Daniel Vaillant et Florence Parly dans une circulaire récente.
Le fonds de revitalisation économique doit aussi soutenir en priorité les créateurs d'entreprise et notamment les jeunes des quartiers. Gardons lui toute sa simplicité. 20000F pour démarrer un projet, c'est déjà beaucoup, en comparaison de la moyenne des capitaux réunis en France pour créer une entreprise.
Utilisez le plus possible, pour gérer ce fonds, les réseaux existants de soutien à la création d'entreprises, et bien entendu, les chambres consulaires. Si nous réussissons ensemble ce pari, ce sera l'occasion de mettre en avant des réussites économiques de jeunes issus des quartiers, et donc aussi d'accès à la citoyenneté.
Dans cet objectif de revitalisation économique des quartiers, promouvons aussi de plus en plus d'opérations combinant argent public et argent privé. Le fonds de revitalisation économique permet déjà d'attribuer jusqu'à 150 000 francs d'aide à des investissements dans les quartiers. Pour les projets de plus grande envergure, le fonds de renouvellement urbain de la caissse des dépôts doit être pleinement mobilisé. De premiers exemples à Roubaix, Vaulx-en-Velin, Saint-Etienne montrent que c'est possible. La création prochaine des premières sociétés d'investissement régionales sera le signe encore plus tangible de notre volonté commune, avec Daniel Lebègue, de développer cet axe nouveau dans la politique de la ville, d'association des investissements publics et privés. N'hésitez donc pas à mobiliser les directions régionales de la CDC pour monter ce type de projet.
Revitalisation économique et renouvellement urbain sont étroitement liés, et les premiers succès enregistrés dans les grands projets urbains que je citais démontrent tout le potentiel de cette dynamique.
3) Le renouvellement urbain
Quelques grands projets de ville et opérations de renouvellement urbain doivent être encore finalisés. Je vous demande, dans toute la mesure du possible, d'envisager la signature de ces conventions dans les prochaines semaines, afin que nous puissions présenter au Premier ministre fin juin, un premier bilan, le plus complet possible, de la mise en uvre de ce programme. Au delà de la signature des conventions et de la répartition des crédits, je souhaite que les services de l'Etat maintiennent une implication forte sur le fond des projets. J'attire aujourd'hui votre attention sur un thème, correspondant au souhait exprimé par le Premier ministre lors du colloque de l'Unesco consacré aux violences scolaires, celui d'une étroite articulation entre grand projet de ville et projet éducatif local.
Je cite le Premier ministre : " nous devons définir une véritable stratégie collective de prise en charge des enfants à la fois dans et hors de l'école, dans le cadre d'un partenariat renforcé et amplifié avec tous les acteurs locaux, institutionnels et associatifs. Les grands projets de ville devront être le cadre prioritaire d'expérimentation de cette stratégie. Il conviendra notamment, à cette ocasion, d'assurer une meilleure insertion des établissements dans les quartiers en les ouvrant à d'autres activités et services destinés à la population. Ainsi s'amorcera une autre politique de l'éducation, plus globale et plus soucieuse de tout ce que les enfants et les jeunes peuvent vivre hors les murs de l'école. "
Pour traduire cette directive du Premier ministre, nous mettrons en place dans les prochaines semaines, avec Jack Lang, une mission nationale d'appui conjointe à nos deux ministères qui sera à votre disposition et à celle des recteurs et inspecteurs d'académie, pour vous assister dans le montage de ces projets.
Je vous rappelle également que la constitution d'un comité consultatif d'habitants est obligatoire dans chaque GPV et je vous demande de ne débloquer aucun financement sans mise en place officielle de ce comité consultatif.
Concernant les programmes de requalification urbaine je vous confirme notre souhait, avec Marie-Noelle Lienemann, d'amplifier le mouvement que nous avions amorçé avec Louis Besson, d'opérations de démolitions d'immeubles HLM obsolètes. Je vous rappelle que ce nombre a doublé en trois ans, 7000 logements en 2000 contre 3500 en 1998, mais que nous devons réussir en 2001 ou 2002 à dépasser 10000 logements démolis. Cette amplification est indispensable pour assurer le renouvellement du parc, mais aussi pour changer progressivement l'image du logement social, en combinant opérations de démolition et programmes de construction bien intégrés au tissu urbain.
Ce sera aussi l'une des voies pour mettre en uvre l'objectif de 20 % de logements sociaux dans toutes les villes, fixé par la loi SRU.
Je vous indique à cet égard qu'en remplacement des dispositions censurées par le conseil constitutionnel, je présenterai au Parlement dans le cadre du projet de loi relatif aux mesures urgentes de réformes à caractère économique et financier, un nouveau dispositif majorant les pénalités financières en cas de carence de la commune et organisant le pouvoir de substitution du préfet.
Je souhaite que sur la base des opérations de démolition déjà réalisées ou en projet, vous puissiez me faire connaître dans les prochaines semaines, en vue du CIV, les mesures de simplification de procédures administratives ou les mesures financières qui seraient de nature à faciliter l'amplification de ce mouvement.
Par ailleurs, pour préparer les mesures de renforcement du programme national de renouvellement urbain, je souhaite que vous puissiez dans les toutes prochaines semaines et en tout état de cause avant la fin du mois de mai, pour des raisons évidentes de calendrier de préparation simultanée du civ et du projet de loi de finances pour 2002, m'indiquer :
- concernant les copropriétés dégradées, les opérations de traitement qui vous paraissent pouvoir être montées d'ici la fin de l'année, et être mises en uvre à partir de 2002, et les crédits nouveaux qui devraient être dégagés pour ces opérations ;
- concernant le désenclavement des quartiers en GPV, je remercie les préfets qui m'ont déjà répondu. Je vous précise qu'il s'agit bien d'identifier des opérations lourdes qui ne peuvent être financées, ni dans le cadre des crédits de droit commun, ni dans le cadre des contrats de plan, ni dans le cadre des actuelles enveloppes GPV. Il est donc indispensable que je puisse disposer d'une estimation, même sommaire à ce stade, de leur coût global d'une part, et de la part de financement Etat nouveau qu'il serait nécessaire de mobiliser, d'autre part. Je vous demande ces précisions car elles me sont indispensables et elles n'apparaissent pas toujours dans les réponses que j'ai reçues à ce jour.
- Enfin, concernant la nouvelle liste d'opérations de renouvellement urbain que nous envisageons de retenir, je vous demande également quand ce n'est déjà fait, de m'adresser rapidement, au delà des lettres d'intention, les dossiers de candidature.
Le renouvellement urbain, c'est aussi la gestion urbaine de proximité. Maintenant que les contrats de ville sont signés, il est primordial d'amener les organismes HLM à s'engager sur des objectifs précis en termes de gestion de proximité. C'est pourquoi en application des contrats de ville, des conventions tripartites d'application Etat ville HLM devraient être signées à cet effet dans les prochains mois . Nous sommes convenus avec Jean-Claude Gayssot que ce sera d'ailleurs l'une des conditions imposées pour bénéficier de l'exonération de taxe foncière prévue en zone urbaine sensible par la loi SRU. La mise en uvre de la ligne qualité de service qui sera renforcée en 2002 vous fournit également une autre occasion de contractualisation.
Monsieur le ministre,
Mesdames et messieurs les préfets
Je souhaite que la politique de la ville soit exemplaire en matière d'évaluation des politiques publiques. J'installerai dans les prochaines semaines un comité national d'évaluation de la politique de la ville, dont j'ai décidé de confier la présidence à René Vandierendonck, maire de Roubaix, et qui comprendra à côté d'universitaires et de spécialistes de l'évaluation, des praticiens dont des représentants locaux de l'Etat. Il ne s'agit pas de procéder à une évaluation nationale de la politique de la ville qui serait bien illusoire, mais de suivre et d'analyser les travaux qui seront menés au niveau local sous votre responsabilité. Je vous rappelle en effet que j'ai souhaité qu'il soit procédé à deux séries d'évaluation, une évaluation des contrats de ville et une évaluation des politiques régionales de la ville. J'insisterai simplement sur une dimension de cette politique d'évaluation qui rejoint largement l'esprit du projet de loi sur la démocratie de proximité, que présentera prochainement Daniel Vaillant : il s'agit de la participation des habitants.
La généralisation et le renforcement du rôle des conseils de quartiers fournira un cadre propice au développement de ce mouvement. Il s'agit de prendre en compte une véritable aspiration de nos concitoyens que nous avons bien ressentie lors des dernières élections municipales.
Mesdames et messieurs les préfets, je vous remercie de votre engagement renouvelé et de celui de vos collaborateurs au service de l'amélioration de la vie quotidienne de nos concitoyens dans les quartiers populaires de nos villes. Je sais compter sur vous pour donner encore plus de force à cette nouvelle ambition pour la ville qu'a tracée voici trois ans le Premier ministre et qu'il a constamment soutenue depuis.
(source http://www.ville.gouv.fr, le 2 mai 2001)