Déclaration de M. Louis Besson, secrétaire d'Etat au logement, sur la circulaire relative à la prévention des expulsions, Paris le 17 février 1999.

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Circonstance : Conférence de presse sur la circulaire relative à la prévention des expulsions, à Paris le 17 février 1999

Texte intégral

Mesdames, Messieurs,
Je suis particulièrement heureux de vous recevoir aujourdhui pour vous présenter la circulaire interministérielle relative à la prévention des expulsions locatives pour impayés de loyers qui vient dêtre envoyée aux préfets.
Les expulsions locatives sont en effet un sujet important tant par son ampleur que par ses conséquences souvent graves. Mais, jusquau vote de la loi de lutte contre les exclusions, il était traité selon une logique profondément insatisfaisante.
Cest un sujet important, quelques chiffres nous lindiquent.
Vous trouverez dans le dossier qui vous a été remis des chiffres détaillés datant de 1996 sur les expulsions. Des chiffres globaux viennent de mêtre transmis, pour 1997 : sils ne permettent pas une étude fine, ils confirment les ordres de grandeur et les évolutions en cours.
En 1997 :
113000 assignations pour paiement de loyer (avec demande ou constat de résiliation de bail) ont abouti à :
88000 décisions dexpulsion (résiliation du bail) suivies de 48000 commandements de quitter les lieux, qui ont débouché sur 32000 demandes de concours de la force publique, dont 14500 ont été accordées.
Tous ces chiffres sont en hausse par rapport aux années précédentes. Seul le nombre dexpulsions avec intervention effective de la force publique (4700) est en baisse par rapport à 1996 (4900).
Ces chiffres doivent cependant être mis en relation avec le nombre de locataires en situation dimpayé de loyer dau moins deux mois : fin 1996, 325000 étaient dans cette situation, dont les deux tiers en HLM et un tiers dans le secteur privé.
Lexpulsion est aussi une question importante en raison de ses conséquences graves. Le logement est un élément essentiel de sécurité et dinsertion, indispensable au maintien au quotidien du lien social. Il nest pas besoin dinsister sur la rupture grave que constitue, à cet égard, lexpulsion du logement. Mais pas seulement lexpulsion : cest toute la procédure (laudience pour résiliation de bail, la venue des huissiers au domicile, la délivrance du commandement de quitter les lieux) qui contient des aspects menaçants, déstabilisants, accentuant le sentiment dinsécurité et de rejet.
Or, jusqu'à la loi de lutte contre les exclusions du 29 juillet 1998, les expulsions locatives pour impayés étaient examinées sans distinction préalable des cas de mauvaise foi et des cas dimpécuniosité, donc selon une démarche inadaptée à un contexte de précarisation dune partie de la population.
La saisine de lEtat, en loccurrence du Préfet, ne se faisait quaprès léchec de lhuissier dans lapplication du jugement, selon une logique dordre public. Labsence de prise en compte de lorigine des difficultés du locataire à lamont de la décision de justice nétait pas de nature à privilégier la recherche prioritaire dune solution. Les problèmes sociaux, financiers, ou de rupture dans la structure familiale, que peut rencontrer le locataire nintervenaient quà travers leur effet (limpayé), avec ses conséquences souvent automatiques (la résiliation du bail, puis le commandement de quitter les lieux).
La procédure laissait très peu de marge de manuvre au juge (voire aucune) et les locataires avaient très peu la possibilité dexposer leurs problèmes, dêtre aidés pour y faire face.
Quant à lEtat, son rôle était limité à tous points de vue : il nintervenait pour lessentiel quen fin de procédure pour accorder (ou non) le concours de la force publique, après une enquête sociale. Et labsence de recherche de solutions préventives lentraînait dans des prises en charge de plus en plus lourdes des indemnisations des bailleurs auxquels était refusé le concours de la force publique...
Il fallait absolument changer de logique avec une première saisine du Préfet en vue dun traitement social et préventif. La loi de lutte contre les exclusions, venant après nombre de réflexions, de concertations et dexpériences locales innovantes, a permis cette avancée significative : la prévention des expulsions locatives est un aspect décisif de son volet logement.
La réforme quelle institue permet dagir tôt, afin de traiter, pour les locataires de bonne foi, le problème le plus en amont possible, avant la résiliation du bail. Ceci permettra daider à temps les ménages en difficultés et, autre aspect du problème, déviter aux propriétaires le cumul de retards de loyers qui aboutissent parfois à des montants difficilement récupérables.
Pour les locataires du parc HLM, bénéficiaires daides au logement, la loi dorientation relative à la lutte contre les exclusions a dabord rendu obligatoire la saisine de la section départementale des aides publiques au logement (SDAPL) ou de la caisse dallocations familiales (CAF) avant lassignation en justice.
Cette phase de contentieux administratif doit obligatoirement intervenir afin de faciliter la recherche de solutions entre le bailleur et le locataire par des plans dapurement ou lorientation vers des aides telles que le FSL. Le bailleur social ne peut saisir la justice quaprès avoir mené cette phase amiable estimée à 3 mois maximum.
La deuxième mesure consiste à confier au Préfet, pour tous les locataires, un rôle central puisquil sera automatiquement informé, deux mois avant laudience, de toute assignation et devra diligenter une enquête sociale, mobiliser les acteurs, informer le juge avant le terme de ce délai de 2 mois institué par la loi.
En effet, pour tous les locataires (dans le parc social ou privé, quils soient ou non bénéficiaires dune aide au logement), un délai de 2 mois sépare maintenant obligatoirement lassignation pour résiliation de bail et lexamen de laffaire par le juge. Cest un élément très novateur de la réforme, car ce délai doit être mis à profit pour conduire un vrai travail social.
La personne sera alors contactée, donnera son point de vue, exposera sa situation. Cette innovation est décisive. Dans le système qui existait avant la loi de lutte contre les exclusions, le seul moment où le locataire pouvait donner son point de vue était laudience : dune part ceci venait bien tard pour trouver une solution, dautre part moins dun locataire sur deux assistait à laudience.
Examen des droits en matière daide au logement, plan dapurement de la dette, aides financières, relogement dans un logement plus adapté, accompagnement social, saisine du FSL ou de tout autre dispositif,... : toute la palette des outils existants doit - en cas dimpécuniosité dorigine sociale - être utilisée, pendant les 2 mois, pour trouver une solution, avant laudience si possible.
Le juge disposera ainsi à laudience de lensemble de ces informations que le préfet lui aura transmises. Il pourra, même doffice, accorder des délais de paiement.
Sil prononce la résiliation du bail, il pourra transmettre le cas des personnes de bonne foi au préfet, pour que soit recherchée une solution de relogement, dans le cadre du plan départemental dactions pour le logement des personnes défavorisées ou dans le contingent réservé pour le préfet dans le secteur HLM.
Lefficacité de ces mesures essentiellement préventives repose sur la mobilisation de nombreux acteurs et dispositifs. La circulaire insiste à ce sujet sur lamélioration de la coordination de tous les partenaires, principalement par la mise en place, dans tous les départements, dune charte de prévention des expulsions.
Dautre part un travail est actuellement en cours avec la chambre nationale des huissiers pour rendre les actes dhuissier plus compréhensibles pour les personnes en difficulté.
Ce dispositif densemble de prévention des expulsions locatives est ambitieux : le traitement préventif et social qui en est le cur, reposant sur un rôle nouveau du préfet, devrait permettre une baisse du nombre de jugements de résiliation de bail et dexpulsion. Nous y veillerons : un suivi de sa mise en uvre sera organisé. Les deux parties - locataires et propriétaires - devraient y gagner en délai et en sécurité. Nous serons attentifs à ce que cet objectif soit bien atteint.
Je viens de vous dire "nous" : lexpulsion est en effet un thème éminemment interministériel, à la croisée de champs très divers.
La circulaire est ainsi signée par Mme Guigou, M. Chevènement, M. Gayssot et moi-même : ceci traduit un véritable travail délaboration en commun, pour donner pleine efficacité à ce dispositif nouveau. Ce travail interministériel a été complété par diverses consultations avec lUNFOHLM, la Chambre nationale des huissiers, le secteur associatif, la CNAF et lUNPI.
Je me permets d' ajouter deux derniers points :
ce dispositif aura besoin, pour fonctionner, de moyens appropriés, que ce soit pour les solutions à apporter aux locataires de bonne foi ou éventuellement pour mener l' enquête sociale qui aura permis l' élaboration de ces solutions. L' augmentation des moyens financiers du FSL de 44 % en 1999 répond notamment à ce besoin.
Depuis juillet 1997, le gouvernement a revalorisé fortement puis actualisé les aides au logement, auxquelles 4,5 milliards de francs supplémentaires ont ainsi été consacrés. Cet apport financier, qui porte l' engagement financier des aides à 75 milliards, est important pour la prévention des expulsions : il contribuera à limiter la formation des impayés de loyers, en amont de tout le dispositif dont je viens de vous entretenir.
Dans le même esprit, je souhaite vous informer que le dispositif de garantie locative sera bientôt mis en place par le 1 % logement :
pour tous les locataires dans le parc conventionné lié au nouveau statut du bailleur privé ; pour les jeunes jusqu'à leur premier contrat à durée indéterminée et pour les salariés en mobilité professionnelle, quel que soit le parc de logement dans lequel ils sont locataires.
Comme vous le voyez, l'action du gouvernement est globale.
Je vous remercie de votre attention, et je suis disposé à répondre à vos questions.
(Source http://www.equipement.gouv.fr, le 17 février 1999)