Texte intégral
Monsieur le Président (Bruno DUPONT),
Monsieur le Président de l'interprofession des fruits et légumes frais (Gilles VIGNAUD),
Mesdames et messieurs les présidents,
Mesdames, messieurs,
J'ai grand plaisir à prendre part aujourd'hui à votre 63ème Congrès national des producteurs de fruits. J'étais venu à votre rencontre l'an dernier à Nancy, et il est pour moi à la fois important et naturel de venir faire, un an après, le point avec vous sur les différents chantiers de fond qui concernent votre secteur, mais aussi, bien sûr, sur la conjoncture.
La campagne de fruits d'été 2008 a été marquée par des volumes limités à cause des nombreux accidents climatiques du printemps dernier, en particulier, mais pas seulement, dans toute la vallée du Rhône.
Je sais que la hausse des prix résultant des faibles volumes produits en fruits d'été n'a pas suffi à compenser les pertes de volume récolté ; certaines de vos exploitations et de vos structures commerciales en ont été durement fragilisées.
Pour les fruits d'automne, par exemple pour les pommes et les poires, après un bon début de campagne, nous devons rester vigilants sur l'évolution des cours, compte tenu notamment des barrières à l'export avec certains pays tiers ainsi que de la dévaluation de la livre.
Face aux aléas climatiques exceptionnels de 2008, le Gouvernement a voulu être très réactif en mettant le plus rapidement possible en oeuvre un plan global et ambitieux pour venir en aide aux arboriculteurs dans l'ensemble des départements touchés par le gel.
Le montant total de l'intervention du Fonds national de garantie des calamités agricoles (FNGCA) pour ce sinistre est estimé à 70 millions d'euros, dont plus 50 millions d'euros ont déjà été délégués, notamment du fait du versement d'un acompte. Les taux d'indemnisations ont été majorés pour les producteurs très fortement touchés.
Au-delà, j'ai débloqué des mesures économiques exceptionnelles : prêts bonifiés de consolidation, aides directes au titre du fonds d'allègement des charges, et aide directe de trésorerie VINIFLHOR. Ces trois mesures complémentaires, qui représentent un total de 11,5 millions d'euros, sont en cours de mise en oeuvre au plan local. Des mesures sociales ont également complété ce dispositif, ainsi qu'un dégrèvement de la taxe foncière sur les propriétés non bâties.
Concernant les entreprises d'aval, coopératives et entreprises d'expédition, nous avons ouvert la possibilité de bénéficier de prêts à taux zéro. La finalisation des circulaires d'application est en cours, avec des montants d'intervention revalorisés.
Au total, le traitement des conséquences de ce gel de printemps représente un effort financier global d'ores et déjà engagé de plus de 80 Millions euros.
Cette mobilisation, elle constitue la réponse normale du Gouvernement face à des situations de détresse. Soyez certain que c'est dans le même état d'esprit que je fais face à la catastrophe intervenue le week-end dernier dans le Sud-Ouest, avec cette tempête d'une extrême violence. Les dommages causés aux vergers seront pris en compte comme il se doit.
Ce gel catastrophique du printemps 2008 est la malheureuse illustration de ce qui est devenu l'une de mes plus fortes convictions, à la tête du Ministère de l'Agriculture et de la Pêche : dans un monde de plus en plus soumis aux aléas climatiques et aux nouveaux agents pathogènes, le développement et l'amélioration des outils de gestion des risques est une priorité absolue pour l'agriculture.
C'est pour cela que j'ai souhaité donner une impulsion nouvelle au développement de l'assurance récolte dès 2009, en faisant passer le taux de soutien de l'Etat à 40 % pour les fruits et légumes. Ce montant peut être complété pour les producteurs organisés par une prise en charge dans le cadre de l'OCM.
Un premier bilan des programmes opérationnels déposés pour 2009 fait ressortir que vous avez prévu de consacrer près de 7 % de vos programmes pour prévenir les crises, dont un tiers sous forme de prime d'assurance récolte. C'est très encourageant.
Cette dynamique doit être confortée et accrue grâce aux résultats du bilan de santé de la PAC. En effet, l'accord obtenu à 27, le 20 novembre dernier, sous Présidence française, permettra, à compter de 2010, une subvention pouvant atteindre 65 % du montant de la prime d'assurance récolte, dont 75 % seront financés par l'Union européenne. L'attractivité du dispositif deviendra donc particulièrement importante.
Les outils obtenus dans le cadre du bilan de santé permettront également d'aller beaucoup plus loin dans la couverture des risques sanitaires. Le mécanisme prévu consiste en une contribution publique à des fonds professionnels de mutualisation, cofinancée là aussi à 75 % par l'Union européenne.
Les modalités précises de ces dispositifs restent à définir, et nous y travaillons actuellement en étroite concertation avec vos représentants.
Enfin, le bilan de santé a ouvert une nouvelle possibilité juridique pour les interprofessions du secteur des fruits et légumes : des CVO pourront désormais, à l'instar des autres filières, être levées pour la constitution de fonds sanitaires.
Parler des outils de couverture des risques sanitaires m'amène à la délicate question de la Sharka, véritable fléau pour l'arboriculture du Sud de la France.
Ce dossier nécessite une collaboration étroite entre l'Etat et l'ensemble de la filière, et une forte coordination nationale. Et de ce point de vue, Monsieur le Président, je vous remercie de votre implication directe.
La lutte contre la Sharka ne doit pas faiblir. La parution fin 2008 de l'arrêté national en fixant les modalités est de ce point de vue un pas important, comme vous l'avez souligné.
Evidemment, l'accompagnement financier de cette lutte est l'un des paramètres-clé de sa réussite. Vous le savez, l'indemnisation sanitaire dans le cadre des arrachages dus à la Sharka fonctionne aujourd'hui selon un mode totalement dérogatoire par rapport à la loi. Nous devons rapidement mettre en place la « caisse de solidarité » prévue par la loi, et dans ce cadre, nous sommes totalement disposés à revoir, avec vous, le barème des indemnisations sanitaires.
Je sais que vous êtes prêts à ce travail, et que vous avez déjà entrepris des discussions au sein de l'interprofession ; je vous remercie de votre volonté et de votre sens de la responsabilité. Ce travail doit avancer rapidement, et en se plaçant d'ores et déjà dans la perspective des nouvelles possibilités que nous offrira la PAC, dès 2010, au travers des « fonds sanitaires » que j'évoquais il y a un instant.
Après la question de la prise en charge de la lutte sanitaire se pose la question, tout aussi essentielle, de l'accompagnement économique des producteurs affectés par la Sharka. A l'image de ce qui est fait dans la Drôme, il est certainement nécessaire de mettre en place des commissions locales dans d'autres départements, sous l'égide des Préfets. Ces commissions réunissant les professionnels, l'Etat, mais également l'ensemble des organismes financeurs (collectivités, banques, organismes sociaux) pourraient étudier les dossiers individuels de demandes de reconversion. L'Etat pourra financer en partie la réalisation de diagnostics individuels d'exploitation. L'aide à la rénovation des vergers sera également bonifiée pour ces exploitations.
Sur ce dossier Sharka, avec à la fois le volet « lutte » et le volet « reconversion économique », il faut que nous continuions à travailler ensemble. C'est un travail de longue haleine, difficile, mais je pense qu'il serait pire que tout de baisser la garde maintenant. Cela réduirait à néant les efforts déjà accomplis depuis des années, et cela nous mènerait à court terme tout droit dans une impasse.
L'année qui vient de s'écouler restera comme une année charnière en ce qui concerne l'organisation et la gouvernance de vos filières. C'est un chantier très important qui a été conduit là, qui engage l'avenir, et dans lequel votre fédération a joué un rôle véritablement moteur.
A l'occasion de la mise en place de la nouvelle OCM, j'ai souhaité qu'une réflexion soit entamée sur l'articulation et la complémentarité des rôles des différents acteurs économiques de la filière, afin d'aboutir à un schéma d'organisation rénové, cohérent et plus performant.
Plusieurs mois de réflexion et de concertation ont abouti à la Charte nationale adoptée en mai dernier par le Conseil spécialisé de VINIFLHOR. Je tiens ici à saluer une nouvelle fois l'engagement de la très grande majorité des professionnels dans le sens de cette charte, notamment votre fédération syndicale, ainsi que l'interprofession des fruits et légumes frais INTERFEL.
Quel bilan en tirer, six mois après la finalisation du nouveau cadre réglementaire ?
Prouvant bien que le nouveau schéma, même s'il heurte parfois des positions acquises, va dans le sens d'une plus grande efficacité et d'une plus grande logique, les producteurs ont choisi de se saisir des nouveaux outils mis à leur disposition.
Plusieurs AOP nationales sont à ce jour reconnues ou en cours de reconnaissance : c'est le cas pour la pêche-nectarine, pour le raisin de table, le pruneau, les fruits d'industrie, ou encore la fraise. D'autres projets sont d'ores et déjà annoncés pour 2009, comme la pomme et la poire, les agrumes, la châtaigne ou l'abricot. Vous le savez, pour appuyer ce nouveau schéma, j'ai mobilisé tous les leviers à ma disposition :
J'ai décidé une bonification des taux d'aides nationales en faveur des producteurs liés à une AOP nationale ; Je réserve aux AOP nationales la primauté de l'extension des règles ; J'ai dégagé des aides en faveur du fonctionnement des AOP nationales ; Enfin, nous sommes en train de réviser la composition de l'ensemble des commissions consultatives afin que des représentants des AOP nationales puissent y siéger officiellement.
Dans la foulée de ce travail sur la gouvernance de vos filières, j'ai engagé une réflexion sur la question de l'expérimentation. Depuis que les missionnaires que j'avais mandaté ont fait part de leurs préconisations, à la fin de l'été dernier, les réactions ont été nombreuses, pas toujours unanimes, parfois changeantes dans le temps...
Je souhaite néanmoins pouvoir avancer sur ce sujet, sans brusquer, dans le consensus. Il faut notamment finaliser les modalités de mise en place d'un comité de programmation stratégique unique et d'un conseil scientifique unique.
Un petit peu de travail est encore nécessaire pour y arriver. Soyez bien certains qu'il ne s'agit pas pour moi de remettre en cause tel ou tel acteur du dispositif français d'expérimentation ; il s'agit de préserver l'excellence de l'expérimentation française en l'axant sur des sujets prioritaires, définis clairement par produit et par toutes les familles professionnelles.
Vous l'avez également souligné : les derniers mois ont été très riches en discussions et en évolutions en ce qui concerne les traitements phytosanitaires. C'est normal, car l'impact des produits phytosanitaires sur la santé humaine - celle des agriculteurs en premier lieu, et celle des consommateurs - ainsi que sur l'environnement, est au coeur des préoccupations de nos concitoyens.
A la suite du Grenelle de l'environnement, le plan Ecophyto 2018, a été élaboré en concertation avec les utilisateurs, les fabricants, les élus, les scientifiques et les ONG. Il vise à réduire la dépendance des exploitations agricoles aux traitements chimiques, tout en maintenant un niveau de production agricole élevé.
La filière des fruits a de longue date réalisé des progrès significatifs en matière de pratiques phytosanitaires. Vous avez participé de manière constructive à ces discussions et vous continuerez à être associés de près à la mise en oeuvre de ce plan, notamment sur la question sensible que vous avez évoquée des modalités de mesurage de l'effort de réduction réalisé. Sur ce point, soyez rassuré, nous tiendrons compte de votre expertise et du résultat des travaux que vous avez engagés.
Ce plan Ecophyto 2018 comporte au final un ensemble de 105 mesures, concernant notamment la formation des agriculteurs, la certification des activités de conseil et de vente de produits phytosanitaires, ou la création dès 2009 d'un réseau de surveillance de la santé des végétaux unique et informatisé
Le retrait du marché des préparations contenant les substances actives les plus préoccupantes doit être réalisé dans la concertation : c'est un point sur lequel je suis très vigilant. C'est pourquoi j'ai créé la « commission des usages orphelins » qui réunit autour du directeur général de l'alimentation, l'AFSSA, les firmes phytopharmaceutiques, les professionnels des différentes filières et leurs centres techniques. Le CTIFL est pleinement associé à ces travaux, compte tenu de son expertise irremplaçable sur le sujet.
L'objectif, c'est d'identifier et d'anticiper les impasses techniques existantes ou à venir, et de travailler ensemble à des solutions concrètes à court, moyen et long termes. Nous avons été très attentifs et pragmatiques pour la suppression déjà réalisée de 30 molécules. Ce que nous avons fait pour ces 30 substances, on continuera de la faire pour les autres.
Autre évolution essentielle : au niveau européen, le « Paquet pesticides », vient d'être adopté par le parlement : je m'en réjouis car c'est le résultat du compromis obtenu sous présidence Française entre le Conseil et le Parlement. C'était une des priorités de notre présidence.
Nous avons mené une négociation difficile et nous avons réussi à trouver le bon équilibre entre, d'une part, une disponibilité suffisante en produits de traitement des plantes pour une agriculture compétitive, et, d'autre part, la réduction de leur impact sur la santé publique et l'environnement.
Ce paquet pesticide est important car il va notamment permettre une meilleure harmonisation des conditions d'autorisations entre les Etats membres, par l'instauration de zones (il y en aura trois) dans lesquelles la reconnaissance mutuelle sera la règle.
Enfin, la transposition de la nouvelle directive cadre sur l'utilisation durable des produits phytosanitaires va entraîner la révision de l'arrêté du 12 septembre 2006. Ses objectifs seront consolidés, mais leur mise en oeuvre pourra évoluer vers une gestion plus fine et proportionnée des mesures, et une plus grande responsabilité des producteurs. L'objectif est une mise en oeuvre pour la prochaine campagne de mai-juin, au moment où les interventions sont les plus nombreuses.
Avec ces différents cadres, nous avons désormais sur les questions phytosanitaires une bonne visibilité à 10 ans, et une méthode de travail. Nous devons collectivement anticiper les étapes, notamment en termes de disponibilité des produits, et ne pas attendre le dernier moment pour réfléchir à des solutions de substitution.
Vous regrettez, Monsieur le Président, la timidité des pouvoirs publics face aux nombreuses campagnes de communication qui se multiplient sur la question des résidus dans les fruits et légumes, misant parfois davantage sur le sensationnel ou sur l'émotionnel que sur le scientifique et sur le pédagogique.
Il faut sans doute en effet que l'Etat soit plus présent dans ce débat, sans alimenter de polémique, mais pour apporter des explications claires et précises. Je souhaite que le Ministère de l'Agriculture définisse une vraie politique de communication sur le sujet, afin d'éclairer l'opinion publique. Il faut que nous y travaillions ensemble.
A un moment de votre intervention, Monsieur le Président, vous vous êtes insurgé contre le vent de libéralisme qui souffle parfois à Bruxelles, emportant sur son passage, dans le cas précis évoqué, 26 des 36 normes spécifiques sur les fruits et légumes.
Je crois que vous me connaissez assez maintenant pour savoir que, sur ce point, je partage votre analyse. Comme vous le savez, la France s'est opposée au projet de la Commission européenne, en rappelant combien le maintien des normes était nécessaire pour garantir les échanges commerciaux et permettre l'approvisionnement du marché en produits de qualité homogène et satisfaisante.
Mais malgré l'opposition de nombreux Etats Membres, le texte a pu être adopté.
Il convient dès lors d'en prendre acte. Vous vous êtes employés sans tarder à rebâtir un cadre au niveau interprofessionnel. Je vous soutiendrai dans cette voie, notamment en étudiant rapidement, en lien avec ma collègue Christine Lagarde, ce que nous permet la règlementation communautaire en matière d'accord interprofessionnel de normalisation, au service des consommateurs.
Pour terminer, quelques mots sur un sujet qui nous tient farouchement à coeur, autant à vous qu'à moi : l'accessibilité des fruits et légumes.
Il y a un an encore, quand nous avons décidé de lancer l'opération « un fruit pour la récré », tout était à bâtir.
Que de chemin parcouru depuis !
Un cahier des charges d'appel à projet validé par tous, un site internet complet et performant, plus de 500 écoles et 90.000 enfants bénéficiant du programme, 2 millions d'enfants concernés par l'opération « un fruit pour les loisirs », des outils pédagogiques variés, un projet de guide de visites d'entreprises... et un programme validé au niveau communautaire pour une mise en oeuvre européenne dès la rentrée 2009 !
Je tiens à vous féliciter, Monsieur le Président, pour l'implication des professionnels de la filière dans ce magnifique chantier, animé avec brio et passion par Jean-Pierre LEBRUN.
Nous avons réussi avec pragmatisme et détermination cette première phase, il nous faut maintenant construire un programme de distribution à plus grande échelle.
Avec l'adoption du programme communautaire, ce sont près de 12 millions d'euros de financements communautaires qui iront à la France dès la rentrée 2009 pour cette action. Nous sommes vigilants pour que les modalités d'application en cours de définition soient simples et flexibles. Nous devons bâtir une stratégie au niveau national, sur la base de nos expériences, et communiquer auprès des collectivités territoriales pour fédérer et faire de ce projet une réussite collective.
Le mot de la fin sera pour un autre chantier que votre fédération développe en lien avec l'accessibilité aux fruits : le projet de création d'un identifiant pour les fruits.
Je suis tout à fait favorable à continuer l'accompagnement de la mise en oeuvre de ce projet, qui doit être fédérateur pour l'ensemble des acteurs de la filière. Il doit faire l'objet d'une validation technique au sein du « pôle accessibilité » et pouvoir ainsi bénéficier de financements au titre des projets pilotes développés au sein du pôle en 2009.
En 2008, nous avons du faire face à des crises sévères, et nous avons en même temps progressé ensemble sur plusieurs chantiers essentiels pour l'avenir.
Ces chantiers continuent à constituer des enjeux pour cette année 2009 : installation de la nouvelle gouvernance de vos filières, développement de l'accessibilité, amélioration des outils de prévention et de gestion des risques sanitaires et climatiques, renforcement du dialogue interprofessionnel...
Sur tous ces sujets, vous m'avez montré votre motivation et votre volonté d'avancer.
J'ai confiance en votre capacité à regarder lucidement l'avenir, et à trouver les clés pour s'y préparer.
Je vous remercie de votre attention.
Source http://www.agriculture.gouv.fr, le 30 janvier 2009
Monsieur le Président de l'interprofession des fruits et légumes frais (Gilles VIGNAUD),
Mesdames et messieurs les présidents,
Mesdames, messieurs,
J'ai grand plaisir à prendre part aujourd'hui à votre 63ème Congrès national des producteurs de fruits. J'étais venu à votre rencontre l'an dernier à Nancy, et il est pour moi à la fois important et naturel de venir faire, un an après, le point avec vous sur les différents chantiers de fond qui concernent votre secteur, mais aussi, bien sûr, sur la conjoncture.
La campagne de fruits d'été 2008 a été marquée par des volumes limités à cause des nombreux accidents climatiques du printemps dernier, en particulier, mais pas seulement, dans toute la vallée du Rhône.
Je sais que la hausse des prix résultant des faibles volumes produits en fruits d'été n'a pas suffi à compenser les pertes de volume récolté ; certaines de vos exploitations et de vos structures commerciales en ont été durement fragilisées.
Pour les fruits d'automne, par exemple pour les pommes et les poires, après un bon début de campagne, nous devons rester vigilants sur l'évolution des cours, compte tenu notamment des barrières à l'export avec certains pays tiers ainsi que de la dévaluation de la livre.
Face aux aléas climatiques exceptionnels de 2008, le Gouvernement a voulu être très réactif en mettant le plus rapidement possible en oeuvre un plan global et ambitieux pour venir en aide aux arboriculteurs dans l'ensemble des départements touchés par le gel.
Le montant total de l'intervention du Fonds national de garantie des calamités agricoles (FNGCA) pour ce sinistre est estimé à 70 millions d'euros, dont plus 50 millions d'euros ont déjà été délégués, notamment du fait du versement d'un acompte. Les taux d'indemnisations ont été majorés pour les producteurs très fortement touchés.
Au-delà, j'ai débloqué des mesures économiques exceptionnelles : prêts bonifiés de consolidation, aides directes au titre du fonds d'allègement des charges, et aide directe de trésorerie VINIFLHOR. Ces trois mesures complémentaires, qui représentent un total de 11,5 millions d'euros, sont en cours de mise en oeuvre au plan local. Des mesures sociales ont également complété ce dispositif, ainsi qu'un dégrèvement de la taxe foncière sur les propriétés non bâties.
Concernant les entreprises d'aval, coopératives et entreprises d'expédition, nous avons ouvert la possibilité de bénéficier de prêts à taux zéro. La finalisation des circulaires d'application est en cours, avec des montants d'intervention revalorisés.
Au total, le traitement des conséquences de ce gel de printemps représente un effort financier global d'ores et déjà engagé de plus de 80 Millions euros.
Cette mobilisation, elle constitue la réponse normale du Gouvernement face à des situations de détresse. Soyez certain que c'est dans le même état d'esprit que je fais face à la catastrophe intervenue le week-end dernier dans le Sud-Ouest, avec cette tempête d'une extrême violence. Les dommages causés aux vergers seront pris en compte comme il se doit.
Ce gel catastrophique du printemps 2008 est la malheureuse illustration de ce qui est devenu l'une de mes plus fortes convictions, à la tête du Ministère de l'Agriculture et de la Pêche : dans un monde de plus en plus soumis aux aléas climatiques et aux nouveaux agents pathogènes, le développement et l'amélioration des outils de gestion des risques est une priorité absolue pour l'agriculture.
C'est pour cela que j'ai souhaité donner une impulsion nouvelle au développement de l'assurance récolte dès 2009, en faisant passer le taux de soutien de l'Etat à 40 % pour les fruits et légumes. Ce montant peut être complété pour les producteurs organisés par une prise en charge dans le cadre de l'OCM.
Un premier bilan des programmes opérationnels déposés pour 2009 fait ressortir que vous avez prévu de consacrer près de 7 % de vos programmes pour prévenir les crises, dont un tiers sous forme de prime d'assurance récolte. C'est très encourageant.
Cette dynamique doit être confortée et accrue grâce aux résultats du bilan de santé de la PAC. En effet, l'accord obtenu à 27, le 20 novembre dernier, sous Présidence française, permettra, à compter de 2010, une subvention pouvant atteindre 65 % du montant de la prime d'assurance récolte, dont 75 % seront financés par l'Union européenne. L'attractivité du dispositif deviendra donc particulièrement importante.
Les outils obtenus dans le cadre du bilan de santé permettront également d'aller beaucoup plus loin dans la couverture des risques sanitaires. Le mécanisme prévu consiste en une contribution publique à des fonds professionnels de mutualisation, cofinancée là aussi à 75 % par l'Union européenne.
Les modalités précises de ces dispositifs restent à définir, et nous y travaillons actuellement en étroite concertation avec vos représentants.
Enfin, le bilan de santé a ouvert une nouvelle possibilité juridique pour les interprofessions du secteur des fruits et légumes : des CVO pourront désormais, à l'instar des autres filières, être levées pour la constitution de fonds sanitaires.
Parler des outils de couverture des risques sanitaires m'amène à la délicate question de la Sharka, véritable fléau pour l'arboriculture du Sud de la France.
Ce dossier nécessite une collaboration étroite entre l'Etat et l'ensemble de la filière, et une forte coordination nationale. Et de ce point de vue, Monsieur le Président, je vous remercie de votre implication directe.
La lutte contre la Sharka ne doit pas faiblir. La parution fin 2008 de l'arrêté national en fixant les modalités est de ce point de vue un pas important, comme vous l'avez souligné.
Evidemment, l'accompagnement financier de cette lutte est l'un des paramètres-clé de sa réussite. Vous le savez, l'indemnisation sanitaire dans le cadre des arrachages dus à la Sharka fonctionne aujourd'hui selon un mode totalement dérogatoire par rapport à la loi. Nous devons rapidement mettre en place la « caisse de solidarité » prévue par la loi, et dans ce cadre, nous sommes totalement disposés à revoir, avec vous, le barème des indemnisations sanitaires.
Je sais que vous êtes prêts à ce travail, et que vous avez déjà entrepris des discussions au sein de l'interprofession ; je vous remercie de votre volonté et de votre sens de la responsabilité. Ce travail doit avancer rapidement, et en se plaçant d'ores et déjà dans la perspective des nouvelles possibilités que nous offrira la PAC, dès 2010, au travers des « fonds sanitaires » que j'évoquais il y a un instant.
Après la question de la prise en charge de la lutte sanitaire se pose la question, tout aussi essentielle, de l'accompagnement économique des producteurs affectés par la Sharka. A l'image de ce qui est fait dans la Drôme, il est certainement nécessaire de mettre en place des commissions locales dans d'autres départements, sous l'égide des Préfets. Ces commissions réunissant les professionnels, l'Etat, mais également l'ensemble des organismes financeurs (collectivités, banques, organismes sociaux) pourraient étudier les dossiers individuels de demandes de reconversion. L'Etat pourra financer en partie la réalisation de diagnostics individuels d'exploitation. L'aide à la rénovation des vergers sera également bonifiée pour ces exploitations.
Sur ce dossier Sharka, avec à la fois le volet « lutte » et le volet « reconversion économique », il faut que nous continuions à travailler ensemble. C'est un travail de longue haleine, difficile, mais je pense qu'il serait pire que tout de baisser la garde maintenant. Cela réduirait à néant les efforts déjà accomplis depuis des années, et cela nous mènerait à court terme tout droit dans une impasse.
L'année qui vient de s'écouler restera comme une année charnière en ce qui concerne l'organisation et la gouvernance de vos filières. C'est un chantier très important qui a été conduit là, qui engage l'avenir, et dans lequel votre fédération a joué un rôle véritablement moteur.
A l'occasion de la mise en place de la nouvelle OCM, j'ai souhaité qu'une réflexion soit entamée sur l'articulation et la complémentarité des rôles des différents acteurs économiques de la filière, afin d'aboutir à un schéma d'organisation rénové, cohérent et plus performant.
Plusieurs mois de réflexion et de concertation ont abouti à la Charte nationale adoptée en mai dernier par le Conseil spécialisé de VINIFLHOR. Je tiens ici à saluer une nouvelle fois l'engagement de la très grande majorité des professionnels dans le sens de cette charte, notamment votre fédération syndicale, ainsi que l'interprofession des fruits et légumes frais INTERFEL.
Quel bilan en tirer, six mois après la finalisation du nouveau cadre réglementaire ?
Prouvant bien que le nouveau schéma, même s'il heurte parfois des positions acquises, va dans le sens d'une plus grande efficacité et d'une plus grande logique, les producteurs ont choisi de se saisir des nouveaux outils mis à leur disposition.
Plusieurs AOP nationales sont à ce jour reconnues ou en cours de reconnaissance : c'est le cas pour la pêche-nectarine, pour le raisin de table, le pruneau, les fruits d'industrie, ou encore la fraise. D'autres projets sont d'ores et déjà annoncés pour 2009, comme la pomme et la poire, les agrumes, la châtaigne ou l'abricot. Vous le savez, pour appuyer ce nouveau schéma, j'ai mobilisé tous les leviers à ma disposition :
J'ai décidé une bonification des taux d'aides nationales en faveur des producteurs liés à une AOP nationale ; Je réserve aux AOP nationales la primauté de l'extension des règles ; J'ai dégagé des aides en faveur du fonctionnement des AOP nationales ; Enfin, nous sommes en train de réviser la composition de l'ensemble des commissions consultatives afin que des représentants des AOP nationales puissent y siéger officiellement.
Dans la foulée de ce travail sur la gouvernance de vos filières, j'ai engagé une réflexion sur la question de l'expérimentation. Depuis que les missionnaires que j'avais mandaté ont fait part de leurs préconisations, à la fin de l'été dernier, les réactions ont été nombreuses, pas toujours unanimes, parfois changeantes dans le temps...
Je souhaite néanmoins pouvoir avancer sur ce sujet, sans brusquer, dans le consensus. Il faut notamment finaliser les modalités de mise en place d'un comité de programmation stratégique unique et d'un conseil scientifique unique.
Un petit peu de travail est encore nécessaire pour y arriver. Soyez bien certains qu'il ne s'agit pas pour moi de remettre en cause tel ou tel acteur du dispositif français d'expérimentation ; il s'agit de préserver l'excellence de l'expérimentation française en l'axant sur des sujets prioritaires, définis clairement par produit et par toutes les familles professionnelles.
Vous l'avez également souligné : les derniers mois ont été très riches en discussions et en évolutions en ce qui concerne les traitements phytosanitaires. C'est normal, car l'impact des produits phytosanitaires sur la santé humaine - celle des agriculteurs en premier lieu, et celle des consommateurs - ainsi que sur l'environnement, est au coeur des préoccupations de nos concitoyens.
A la suite du Grenelle de l'environnement, le plan Ecophyto 2018, a été élaboré en concertation avec les utilisateurs, les fabricants, les élus, les scientifiques et les ONG. Il vise à réduire la dépendance des exploitations agricoles aux traitements chimiques, tout en maintenant un niveau de production agricole élevé.
La filière des fruits a de longue date réalisé des progrès significatifs en matière de pratiques phytosanitaires. Vous avez participé de manière constructive à ces discussions et vous continuerez à être associés de près à la mise en oeuvre de ce plan, notamment sur la question sensible que vous avez évoquée des modalités de mesurage de l'effort de réduction réalisé. Sur ce point, soyez rassuré, nous tiendrons compte de votre expertise et du résultat des travaux que vous avez engagés.
Ce plan Ecophyto 2018 comporte au final un ensemble de 105 mesures, concernant notamment la formation des agriculteurs, la certification des activités de conseil et de vente de produits phytosanitaires, ou la création dès 2009 d'un réseau de surveillance de la santé des végétaux unique et informatisé
Le retrait du marché des préparations contenant les substances actives les plus préoccupantes doit être réalisé dans la concertation : c'est un point sur lequel je suis très vigilant. C'est pourquoi j'ai créé la « commission des usages orphelins » qui réunit autour du directeur général de l'alimentation, l'AFSSA, les firmes phytopharmaceutiques, les professionnels des différentes filières et leurs centres techniques. Le CTIFL est pleinement associé à ces travaux, compte tenu de son expertise irremplaçable sur le sujet.
L'objectif, c'est d'identifier et d'anticiper les impasses techniques existantes ou à venir, et de travailler ensemble à des solutions concrètes à court, moyen et long termes. Nous avons été très attentifs et pragmatiques pour la suppression déjà réalisée de 30 molécules. Ce que nous avons fait pour ces 30 substances, on continuera de la faire pour les autres.
Autre évolution essentielle : au niveau européen, le « Paquet pesticides », vient d'être adopté par le parlement : je m'en réjouis car c'est le résultat du compromis obtenu sous présidence Française entre le Conseil et le Parlement. C'était une des priorités de notre présidence.
Nous avons mené une négociation difficile et nous avons réussi à trouver le bon équilibre entre, d'une part, une disponibilité suffisante en produits de traitement des plantes pour une agriculture compétitive, et, d'autre part, la réduction de leur impact sur la santé publique et l'environnement.
Ce paquet pesticide est important car il va notamment permettre une meilleure harmonisation des conditions d'autorisations entre les Etats membres, par l'instauration de zones (il y en aura trois) dans lesquelles la reconnaissance mutuelle sera la règle.
Enfin, la transposition de la nouvelle directive cadre sur l'utilisation durable des produits phytosanitaires va entraîner la révision de l'arrêté du 12 septembre 2006. Ses objectifs seront consolidés, mais leur mise en oeuvre pourra évoluer vers une gestion plus fine et proportionnée des mesures, et une plus grande responsabilité des producteurs. L'objectif est une mise en oeuvre pour la prochaine campagne de mai-juin, au moment où les interventions sont les plus nombreuses.
Avec ces différents cadres, nous avons désormais sur les questions phytosanitaires une bonne visibilité à 10 ans, et une méthode de travail. Nous devons collectivement anticiper les étapes, notamment en termes de disponibilité des produits, et ne pas attendre le dernier moment pour réfléchir à des solutions de substitution.
Vous regrettez, Monsieur le Président, la timidité des pouvoirs publics face aux nombreuses campagnes de communication qui se multiplient sur la question des résidus dans les fruits et légumes, misant parfois davantage sur le sensationnel ou sur l'émotionnel que sur le scientifique et sur le pédagogique.
Il faut sans doute en effet que l'Etat soit plus présent dans ce débat, sans alimenter de polémique, mais pour apporter des explications claires et précises. Je souhaite que le Ministère de l'Agriculture définisse une vraie politique de communication sur le sujet, afin d'éclairer l'opinion publique. Il faut que nous y travaillions ensemble.
A un moment de votre intervention, Monsieur le Président, vous vous êtes insurgé contre le vent de libéralisme qui souffle parfois à Bruxelles, emportant sur son passage, dans le cas précis évoqué, 26 des 36 normes spécifiques sur les fruits et légumes.
Je crois que vous me connaissez assez maintenant pour savoir que, sur ce point, je partage votre analyse. Comme vous le savez, la France s'est opposée au projet de la Commission européenne, en rappelant combien le maintien des normes était nécessaire pour garantir les échanges commerciaux et permettre l'approvisionnement du marché en produits de qualité homogène et satisfaisante.
Mais malgré l'opposition de nombreux Etats Membres, le texte a pu être adopté.
Il convient dès lors d'en prendre acte. Vous vous êtes employés sans tarder à rebâtir un cadre au niveau interprofessionnel. Je vous soutiendrai dans cette voie, notamment en étudiant rapidement, en lien avec ma collègue Christine Lagarde, ce que nous permet la règlementation communautaire en matière d'accord interprofessionnel de normalisation, au service des consommateurs.
Pour terminer, quelques mots sur un sujet qui nous tient farouchement à coeur, autant à vous qu'à moi : l'accessibilité des fruits et légumes.
Il y a un an encore, quand nous avons décidé de lancer l'opération « un fruit pour la récré », tout était à bâtir.
Que de chemin parcouru depuis !
Un cahier des charges d'appel à projet validé par tous, un site internet complet et performant, plus de 500 écoles et 90.000 enfants bénéficiant du programme, 2 millions d'enfants concernés par l'opération « un fruit pour les loisirs », des outils pédagogiques variés, un projet de guide de visites d'entreprises... et un programme validé au niveau communautaire pour une mise en oeuvre européenne dès la rentrée 2009 !
Je tiens à vous féliciter, Monsieur le Président, pour l'implication des professionnels de la filière dans ce magnifique chantier, animé avec brio et passion par Jean-Pierre LEBRUN.
Nous avons réussi avec pragmatisme et détermination cette première phase, il nous faut maintenant construire un programme de distribution à plus grande échelle.
Avec l'adoption du programme communautaire, ce sont près de 12 millions d'euros de financements communautaires qui iront à la France dès la rentrée 2009 pour cette action. Nous sommes vigilants pour que les modalités d'application en cours de définition soient simples et flexibles. Nous devons bâtir une stratégie au niveau national, sur la base de nos expériences, et communiquer auprès des collectivités territoriales pour fédérer et faire de ce projet une réussite collective.
Le mot de la fin sera pour un autre chantier que votre fédération développe en lien avec l'accessibilité aux fruits : le projet de création d'un identifiant pour les fruits.
Je suis tout à fait favorable à continuer l'accompagnement de la mise en oeuvre de ce projet, qui doit être fédérateur pour l'ensemble des acteurs de la filière. Il doit faire l'objet d'une validation technique au sein du « pôle accessibilité » et pouvoir ainsi bénéficier de financements au titre des projets pilotes développés au sein du pôle en 2009.
En 2008, nous avons du faire face à des crises sévères, et nous avons en même temps progressé ensemble sur plusieurs chantiers essentiels pour l'avenir.
Ces chantiers continuent à constituer des enjeux pour cette année 2009 : installation de la nouvelle gouvernance de vos filières, développement de l'accessibilité, amélioration des outils de prévention et de gestion des risques sanitaires et climatiques, renforcement du dialogue interprofessionnel...
Sur tous ces sujets, vous m'avez montré votre motivation et votre volonté d'avancer.
J'ai confiance en votre capacité à regarder lucidement l'avenir, et à trouver les clés pour s'y préparer.
Je vous remercie de votre attention.
Source http://www.agriculture.gouv.fr, le 30 janvier 2009