Déclaration de M. François Fillon, Premier ministre, lors d'un point de presse présentant le décret précisant le mode de rémunération des dirigeants d'entreprises, à Paris le 30 mars 2009.

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Mesdames et Messieurs,
La France et les Français sont confrontés à une crise économique comme le monde n'en a pas connu depuis près d'un siècle. Elle peut toucher directement ou indirectement chacun d'entre nous. Il n'est pas question que certains échappent à ses conséquences, alors que d'autres vont connaître le chômage ou une baisse de leurs rémunérations, c'est tout simplement une question de justice.
Une polémique s'est développée depuis plusieurs semaines à propos des chefs d'entreprise et des rémunérations et des avantages que certains se sont octroyés au mépris de la morale la plus élémentaire.
Le Gouvernement ne laissera pas le comportement irresponsable de quelques-uns jeter l'opprobre sur les dirigeants d'entreprise en général. Notre économie ne se développera pas sans des entrepreneurs nombreux, dynamiques et motivés. Le Gouvernement souhaite favoriser la libre entreprise et permettre à chacun de bénéficier d'une rémunération à la mesure de sa contribution au développement économique et social.
Mais pour cela, il est impératif que des règles et des disciplines encadrent les rémunérations des dirigeants d'entreprise pour garantir qu'aucun abus ne sera plus commis. Il est, par ailleurs, normal que pour la période de crise, ces règles soient encore renforcées, surtout pour les entreprises qui bénéficient directement de financements de la part de l'Etat.
Avant de vous préciser les décisions que le gouvernement a prises, je voudrais insister sur le fait que la France est la première place financière importante en Europe à se doter d'un texte réglementaire qui s'applique de manière stricte à l'ensemble des entreprises bénéficiant d'un soutien public exceptionnel dans le cadre de la crise financière.
Alors, comment allons-nous procéder ? Il faut distinguer trois types de situations :
- d'abord, les entreprises qui, face à la crise, sont aidées par l'Etat ou qui bénéficient de fonds publics, il s'agit des grandes banques éligibles à la SPPE et des constructeurs automobiles. Pour ces entreprises, des restrictions supplémentaires par rapport aux règles de droit commun sont nécessaires. Leurs dirigeants devront donc renoncer aux stock-options et aux actions gratuites et également accepter que les parts variables et exceptionnelles de leurs rémunérations soient strictement encadrées. Leurs critères d'attribution devront être rendus publics. Enfin, il ne pourra évidemment pas y avoir d'attribution et encore moins de versement si l'entreprise en cause est amenée à procéder à des licenciements importants.
Ces règles sont des règles de temps de crise, le décret prévoit qu'elles s'appliqueront au moins jusqu'à la fin de 2010. Un rapport sera préparé avant cette date par le ministre de l'Economie, il fera le bilan de la mise en oeuvre de ces mesures. Le cas échéant, le dispositif pourrait être adapté ou prolongé si cela s'avérait nécessaire.
Il faut, par ailleurs, que ces nouvelles règles soient mises en oeuvre sans délai, le décret sera donc publié au Journal officiel dès demain matin et il sera donc immédiatement applicable. Sans attendre, Christine Lagarde recevra dès cet après-midi les dirigeants des banques concernées en vue de la signature d'avenants aux conventions qui avaient été conclues avec eux. Pour ce qui concerne les constructeurs automobiles, les projets de convention en cours de finalisation seront adaptés en vue d'une signature qui aura lieu dans les tous prochains jours.
Ce décret, à l'inverse de la loi, nous permet donc d'agir tout de suite et c'est ce que nos concitoyens demandent.
- la deuxième catégorie qui nécessite une action du Gouvernement, c'est celle des entreprises publiques. En matière de politique de rémunération, l'Etat doit évidemment être exemplaire. Le décret prévoit donc que les entreprises publiques devront respecter des règles et des principes de gouvernance de haut niveau en termes éthiques. Cela vaut à la fois pour la part variable des rémunérations des dirigeants et pour leurs éventuelles indemnités de départ.
- Enfin, pour ce qui concerne les autres entreprises, les responsables du MEDEF et de l'AFEP ont confirmé au Gouvernement, il y a quelques jours, leur volonté d'une pleine application du Code de gouvernance AFEP / MEDEF. Ces principes - nous avons déjà eu l'occasion de le dire - sont bons. Mais nous devons être certains qu'ils seront effectivement respectés.
J'ai donc demandé à Christine Lagarde et à Brice Hortefeux d'écrire à Laurence Parisot et à Jean-Martin Folz pour leur demander la mise en place d'un Comité des sages, chargé de veiller à ce que les dirigeants mandataires sociaux des entreprises, mettant en oeuvre un plan social d'ampleur ou recourant massivement au chômage partiel, reconsidèrent l'ensemble de leurs rémunérations. Notre souhait est que ce comité soit mis en place d'ici la fin du mois, il va sans dire qu'il devra être composé de personnalités incontestables.
Par ailleurs, conformément à la loi, l'AMF contrôlera l'application du code de conduite dans son rapport annuel sur la gouvernance qui sera publié dès la fin des assemblées générales, c'est-à-dire à la fin du mois de juin. Je demande à l'AMF de tenir dès à présent un tableau de bord des résolutions soumises aux assemblées générales par les entreprises aidées pour vérifier en temps réel le respect des engagements.
Avec l'ensemble de ces mesures, nous nous donnons les moyens de l'exemplarité en matière de politique de rémunération des dirigeants. Je veux vous dire qu'avec Christine Lagarde et Brice Hortefeux, je serai particulièrement vigilant à en suivre la bonne exécution. Car, je veux vous le redire, c'est une question de justice.Source http://www.premier-ministre.gouv.fr, le 31 mars 2009