Texte intégral
J.-M. Aphatie.- Bonjour, B. Kouchner.
Bonjour, monsieur Aphatie.
Confirmez-vous la prise d'otages de cinq Français - quatre adultes, un enfant - capturés, samedi, sur leur voilier par des pirates de la mer somaliens ?
Je ne l'infirme pas. Mais je n'ai pas de détails ; et si j'en avais, je ne vous les donnerais pas puisque vous le savez, une opération anti-piraterie qui a été initiée par la France, maintenant regroupe un nombre important de pays. On peut constater simplement que ce bateau et d'autres d'ailleurs - il y a eu un autre bateau qui a été arraisonné - ces bateaux sont attaqués très loin des côtes maintenant, extrêmement loin, ce qui évidemment ne simplifie pas la tâche de l'opération "Atalante" qui est une opération européenne.
Sans entrer dans les détails de cette prise d'otages puisque nous comprenons qu'une certaine confidentialité est nécessaire, pouvez-vous nous dire si ces pirates et leurs otages sont localisés ce matin ?
Oui, ils sont localisés. Ils l'étaient depuis hier. Vous savez, nous avons un centre de crise maintenant bien équipé. Tous se regroupent là, y travaillent jour et nuit, ils sont cinquante. Malheureusement, les temps l'exigent.
Le 26 juillet 2007, le président de la République prononçait un discours à Dakar où il disait notamment ceci : "Le drame de l'Afrique, c'est que l'homme africain n'est pas assez entré dans l'Histoire". S. Royal était à Dakar, hier soir. Ecoutez-la : "Quelqu'un est venu vous dire à Dakar que l'homme africain n'est pas entré dans l'Histoire. Pardon ! Pardon ! pour ces paroles humiliantes et qui n'auraient jamais dû être prononcées". Quelle est votre réaction, B. Kouchner ?
Que c'est un effet facile, surtout longtemps après ; et que la phrase ne peut pas être tirée du contexte. Cette phrase était sans doute maladroite mais ça ne signifiait ni racisme, ni jugement péjoratif. Enfin que S. Royal découvre ça, la réaction a été un peu lente.
C'est peut-être la première fois qu'une personnalité de votre niveau qualifie de "maladroite" la phrase qu'a prononcée le président de la République ?
Non, elle était maladroite dans le contexte, oui je dis ça. Oui je pense qu'elle a été mal comprise, vous savez, devant l'Assemblée, etc. Ecoutez, moi je n'y étais pas, mais je sais qu'elle a été mal comprise. Mais, il y a eu après un discours du Cap, et ce discours du Cap a été très bien compris et il a initié - enfin en tout cas il a annoncé - ce qu'était la politique étrangère de la France vis-à-vis de l'Afrique, c'est-à-dire considérer qu'il s'agissait de pays adultes, de pays indépendants et qu'il était terminé le temps des interventions avec l'Armée française pour défendre les gouvernements en proie à des conflits internes. Et une par une, les bases sont négociées, les bases militaires, et les accords de défense renégociés un par un.
Un leader de l'opposition qui demande à l'étranger "pardon" pour des phrases prononcées par le président de la République, cela vous semble-t-il normal ou cela vous choque-t-il, B. Kouchner ?
Ah vous savez, il faut beaucoup de choses pour me choquer. Ca me semble extraordinairement maladroit et très démagogique.
De la part de S. Royal ?
Pas de la part d'une autre (rires).
Titre du Figaro, ce matin, tiens je vais vous le montrer...
Bah, ça c'est gentil alors.
...Je ne sais pas si vous avez eu le temps de le lire. "Désaccord Obama - Sarkozy sur la Turquie en Europe".
Monsieur Aphatie !
B. Obama est favorable à l'entrée de la Turquie en Europe ; N. Sarkozy a répété, dimanche, qu'il y était opposé. Il n'avait pas changé d'avis. Et vous, B. Kouchner, vous avez toujours été favorable à l'entrée de la Turquie en Europe !
Ah, si vous personnalisez les choses, je vais répondre parce que sinon, cette découverte, ça fait vingt ans, vingt-cinq ans que les Américains sont tout à fait favorables, les Anglais aussi, à l'entrée de la Turquie dans l'Union européenne.
Et vous, B. Kouchner ?
Et depuis toute sa campagne et un certain nombre de gens de gauche également ne sont pas favorables à l'entrée de la Turquie. Nous ouvrons ce qu'on appelle des chapitres pour que l'approche soit facilitée ; mais le Président Sarkozy a répété sa position. Je vous rappelle quand même...
C'est la vôtre qui m'intéresse, ce matin, B. Kouchner.
Oui, mais je vais vous la donner. Vous savez que ce n'est pas aux Américains de décider qui entre en Europe ou pas.
Nous sommes patrons chez nous !
Ce n'est pas parce que ce sont des amis et que nous nous comprenons et que c'est beaucoup plus facile de s'opposer à des amis, que nous allons partager leurs sentiments. Le Président Obama a exprimé une opinion. Nous la connaissions depuis longtemps. Et le Président Sarkozy a répondu très vivement. Ce qui prouve que nous ne sommes pas vraiment alignés, voyez-vous mais ... et fortement opposés parfois. Amicalement, c'est mieux, mais fortement opposés. Moi, j'étais partisan de l'entrée de la Turquie dans l'Union européenne.
Vous en parlez à l'imparfait !
Oui, parce que j'ai été très choqué par cette forme de pression qui a été exercée sur nous et surtout par ce rappel de la publication - c'était en 2005 - et Monsieur Rasmussen...
Forte pression à propos de la nomination de monsieur Rasmussen à la tête de l'OTAN par les Turcs ?
Oui, à la tête de l'OTAN ; et ce monsieur Rasmussen, vous vous en souvenez, était le Premier ministre du Danemark lorsque les caricatures du Prophète Mahomet ont été publiées et il les a défendues au nom de la liberté de l'expression. Ce rappel me semblait le moins qu'on puisse dire, maladroit.
De la part des Turcs.
Donc l'évolution de la Turquie dans le sens, disons, d'une religion plus renforcée, d'une laïcité moins affirmée, m'inquiète.
Voilà. Vous disiez qu'il vous en fallait beaucoup pour être choqué. Voilà, ça vous a choqué, avez-vous dit ?
Oui, la pratique m'a choqué. Mais enfin, vous savez, c'est à l'unanimité que monsieur Rasmussen a été élu... Enfin, il n'a pas été élu, c'est un consensus.
Non, non, bien sûr, désigné.
Donc comme secrétaire général de l'OTAN.
Et donc, ça vous amène à réviser peut-être votre jugement sur l'entrée de la Turquie en Europe ?
Comme je vous l'ai dit, j'ai été choqué.
Dans un communiqué conjoint, la France et la Chine ont parlé du Tibet. La France a récusé tout soutien à l'indépendance du Tibet sous quelque forme que ce soit.
"A récusé".
Oui.
Récuser, ça veut dire qu'elle rejette les accusations qui auraient pu être émises contre la position de la France. La France n'a jamais été partisane de l'indépendance du Tibet, c'est vrai.
Mais pourquoi était-il nécessaire de le rappeler, alors, si vous ne l'avez jamais été, B. Kouchner ?
Ecoutez, cette phrase m'a posé problème et j'en ai parlé au Président de la République, bien sûr. Et puis, j'ai décidé... vous connaissez ma position : les Droits de l'Homme doivent être au coeur de notre politique mais pas la résumer. Donc était-il important dans une période de crise comme celle-là, après le G20 -au G20 d'ailleurs- de réaffirmer la nécessité, pour le développement, j'espère, de l'emploi et pour l'avenir de cette crise, pour la raccourcir le plus possible, je pense que c'était nécessaire.
Au prix du Tibet !
Pas au prix du Tibet. Personne n'a dit que nous ne devions pas... Il n'y a pas une phrase qui concerne une rencontre future entre des responsables et le Dalaï Lama. Nous avons répété notre... Non ! Soyons bien précis : nous avons répété notre position, celle du Dalaï Lama, en particulier, que je connais très bien, et qui n'a jamais demandé l'indépendance du Tibet.
Vous disiez, B. Kouchner, c'est en 1993 : "Le Tibet meurt de nos silences". Oui. C'est une phrase qui reste d'actualité, B. Kouchner ?
Oui. Mais les droits de l'Homme au Tibet doivent être défendus.
Mais ils ne le sont pas. Vous le savez.
Ecoutez, ils le sont le plus possible par nous et par des communiqués et par des militants et par tout ce qu'on peut faire de loin. Il n'empêche que, il faut être réaliste, il faut être efficace. Il ne faut pas être un enfant de choeur ou alors, il faut démissionner tous les jours. Les droits de l'Homme et une politique étatique ne sont parfois pas très compatibles. L'un se fonde sur l'autre, mais ne se fond pas dedans.
B. Kouchner, ministre des Affaires étrangères, parfois choqué, parfois pas, était l'invité d'RTL, ce matin. Bonne journée.
V. Parizot (RTL) : Vous ne l'avez pas choqué, aujourd'hui. Je n'ai pas l'impression.
Non, ce sont les Turcs qui l'ont choqué !
Ah les Turcs m'ont défavorablement impressionnés par cette insistance-là !
V. Parizot : Et c'est ce qu'on retiendra. Merci beaucoup B. Kouchner.
Source : Premier ministre, Service d'Information du Gouvernement, le 7 avril 2009
Bonjour, monsieur Aphatie.
Confirmez-vous la prise d'otages de cinq Français - quatre adultes, un enfant - capturés, samedi, sur leur voilier par des pirates de la mer somaliens ?
Je ne l'infirme pas. Mais je n'ai pas de détails ; et si j'en avais, je ne vous les donnerais pas puisque vous le savez, une opération anti-piraterie qui a été initiée par la France, maintenant regroupe un nombre important de pays. On peut constater simplement que ce bateau et d'autres d'ailleurs - il y a eu un autre bateau qui a été arraisonné - ces bateaux sont attaqués très loin des côtes maintenant, extrêmement loin, ce qui évidemment ne simplifie pas la tâche de l'opération "Atalante" qui est une opération européenne.
Sans entrer dans les détails de cette prise d'otages puisque nous comprenons qu'une certaine confidentialité est nécessaire, pouvez-vous nous dire si ces pirates et leurs otages sont localisés ce matin ?
Oui, ils sont localisés. Ils l'étaient depuis hier. Vous savez, nous avons un centre de crise maintenant bien équipé. Tous se regroupent là, y travaillent jour et nuit, ils sont cinquante. Malheureusement, les temps l'exigent.
Le 26 juillet 2007, le président de la République prononçait un discours à Dakar où il disait notamment ceci : "Le drame de l'Afrique, c'est que l'homme africain n'est pas assez entré dans l'Histoire". S. Royal était à Dakar, hier soir. Ecoutez-la : "Quelqu'un est venu vous dire à Dakar que l'homme africain n'est pas entré dans l'Histoire. Pardon ! Pardon ! pour ces paroles humiliantes et qui n'auraient jamais dû être prononcées". Quelle est votre réaction, B. Kouchner ?
Que c'est un effet facile, surtout longtemps après ; et que la phrase ne peut pas être tirée du contexte. Cette phrase était sans doute maladroite mais ça ne signifiait ni racisme, ni jugement péjoratif. Enfin que S. Royal découvre ça, la réaction a été un peu lente.
C'est peut-être la première fois qu'une personnalité de votre niveau qualifie de "maladroite" la phrase qu'a prononcée le président de la République ?
Non, elle était maladroite dans le contexte, oui je dis ça. Oui je pense qu'elle a été mal comprise, vous savez, devant l'Assemblée, etc. Ecoutez, moi je n'y étais pas, mais je sais qu'elle a été mal comprise. Mais, il y a eu après un discours du Cap, et ce discours du Cap a été très bien compris et il a initié - enfin en tout cas il a annoncé - ce qu'était la politique étrangère de la France vis-à-vis de l'Afrique, c'est-à-dire considérer qu'il s'agissait de pays adultes, de pays indépendants et qu'il était terminé le temps des interventions avec l'Armée française pour défendre les gouvernements en proie à des conflits internes. Et une par une, les bases sont négociées, les bases militaires, et les accords de défense renégociés un par un.
Un leader de l'opposition qui demande à l'étranger "pardon" pour des phrases prononcées par le président de la République, cela vous semble-t-il normal ou cela vous choque-t-il, B. Kouchner ?
Ah vous savez, il faut beaucoup de choses pour me choquer. Ca me semble extraordinairement maladroit et très démagogique.
De la part de S. Royal ?
Pas de la part d'une autre (rires).
Titre du Figaro, ce matin, tiens je vais vous le montrer...
Bah, ça c'est gentil alors.
...Je ne sais pas si vous avez eu le temps de le lire. "Désaccord Obama - Sarkozy sur la Turquie en Europe".
Monsieur Aphatie !
B. Obama est favorable à l'entrée de la Turquie en Europe ; N. Sarkozy a répété, dimanche, qu'il y était opposé. Il n'avait pas changé d'avis. Et vous, B. Kouchner, vous avez toujours été favorable à l'entrée de la Turquie en Europe !
Ah, si vous personnalisez les choses, je vais répondre parce que sinon, cette découverte, ça fait vingt ans, vingt-cinq ans que les Américains sont tout à fait favorables, les Anglais aussi, à l'entrée de la Turquie dans l'Union européenne.
Et vous, B. Kouchner ?
Et depuis toute sa campagne et un certain nombre de gens de gauche également ne sont pas favorables à l'entrée de la Turquie. Nous ouvrons ce qu'on appelle des chapitres pour que l'approche soit facilitée ; mais le Président Sarkozy a répété sa position. Je vous rappelle quand même...
C'est la vôtre qui m'intéresse, ce matin, B. Kouchner.
Oui, mais je vais vous la donner. Vous savez que ce n'est pas aux Américains de décider qui entre en Europe ou pas.
Nous sommes patrons chez nous !
Ce n'est pas parce que ce sont des amis et que nous nous comprenons et que c'est beaucoup plus facile de s'opposer à des amis, que nous allons partager leurs sentiments. Le Président Obama a exprimé une opinion. Nous la connaissions depuis longtemps. Et le Président Sarkozy a répondu très vivement. Ce qui prouve que nous ne sommes pas vraiment alignés, voyez-vous mais ... et fortement opposés parfois. Amicalement, c'est mieux, mais fortement opposés. Moi, j'étais partisan de l'entrée de la Turquie dans l'Union européenne.
Vous en parlez à l'imparfait !
Oui, parce que j'ai été très choqué par cette forme de pression qui a été exercée sur nous et surtout par ce rappel de la publication - c'était en 2005 - et Monsieur Rasmussen...
Forte pression à propos de la nomination de monsieur Rasmussen à la tête de l'OTAN par les Turcs ?
Oui, à la tête de l'OTAN ; et ce monsieur Rasmussen, vous vous en souvenez, était le Premier ministre du Danemark lorsque les caricatures du Prophète Mahomet ont été publiées et il les a défendues au nom de la liberté de l'expression. Ce rappel me semblait le moins qu'on puisse dire, maladroit.
De la part des Turcs.
Donc l'évolution de la Turquie dans le sens, disons, d'une religion plus renforcée, d'une laïcité moins affirmée, m'inquiète.
Voilà. Vous disiez qu'il vous en fallait beaucoup pour être choqué. Voilà, ça vous a choqué, avez-vous dit ?
Oui, la pratique m'a choqué. Mais enfin, vous savez, c'est à l'unanimité que monsieur Rasmussen a été élu... Enfin, il n'a pas été élu, c'est un consensus.
Non, non, bien sûr, désigné.
Donc comme secrétaire général de l'OTAN.
Et donc, ça vous amène à réviser peut-être votre jugement sur l'entrée de la Turquie en Europe ?
Comme je vous l'ai dit, j'ai été choqué.
Dans un communiqué conjoint, la France et la Chine ont parlé du Tibet. La France a récusé tout soutien à l'indépendance du Tibet sous quelque forme que ce soit.
"A récusé".
Oui.
Récuser, ça veut dire qu'elle rejette les accusations qui auraient pu être émises contre la position de la France. La France n'a jamais été partisane de l'indépendance du Tibet, c'est vrai.
Mais pourquoi était-il nécessaire de le rappeler, alors, si vous ne l'avez jamais été, B. Kouchner ?
Ecoutez, cette phrase m'a posé problème et j'en ai parlé au Président de la République, bien sûr. Et puis, j'ai décidé... vous connaissez ma position : les Droits de l'Homme doivent être au coeur de notre politique mais pas la résumer. Donc était-il important dans une période de crise comme celle-là, après le G20 -au G20 d'ailleurs- de réaffirmer la nécessité, pour le développement, j'espère, de l'emploi et pour l'avenir de cette crise, pour la raccourcir le plus possible, je pense que c'était nécessaire.
Au prix du Tibet !
Pas au prix du Tibet. Personne n'a dit que nous ne devions pas... Il n'y a pas une phrase qui concerne une rencontre future entre des responsables et le Dalaï Lama. Nous avons répété notre... Non ! Soyons bien précis : nous avons répété notre position, celle du Dalaï Lama, en particulier, que je connais très bien, et qui n'a jamais demandé l'indépendance du Tibet.
Vous disiez, B. Kouchner, c'est en 1993 : "Le Tibet meurt de nos silences". Oui. C'est une phrase qui reste d'actualité, B. Kouchner ?
Oui. Mais les droits de l'Homme au Tibet doivent être défendus.
Mais ils ne le sont pas. Vous le savez.
Ecoutez, ils le sont le plus possible par nous et par des communiqués et par des militants et par tout ce qu'on peut faire de loin. Il n'empêche que, il faut être réaliste, il faut être efficace. Il ne faut pas être un enfant de choeur ou alors, il faut démissionner tous les jours. Les droits de l'Homme et une politique étatique ne sont parfois pas très compatibles. L'un se fonde sur l'autre, mais ne se fond pas dedans.
B. Kouchner, ministre des Affaires étrangères, parfois choqué, parfois pas, était l'invité d'RTL, ce matin. Bonne journée.
V. Parizot (RTL) : Vous ne l'avez pas choqué, aujourd'hui. Je n'ai pas l'impression.
Non, ce sont les Turcs qui l'ont choqué !
Ah les Turcs m'ont défavorablement impressionnés par cette insistance-là !
V. Parizot : Et c'est ce qu'on retiendra. Merci beaucoup B. Kouchner.
Source : Premier ministre, Service d'Information du Gouvernement, le 7 avril 2009