Interview de M. Xavier Bertrand, secrétaire général de l'UMP, dans "Les Echos" le 24 mars 2009, sur les rémunérations des chefs d'entreprise, les réformes et les propositions de l'UMP face à la crise économique.

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Qu'attendez-vous du discours de Nicolas Sarkozy aujourd'hui ?
Ce qui est important aujourd'hui pour notre famille politique et les Français, c'est de rappeler quel est le cap. Dans la crise actuelle, il ne faut pas perdre ses repères, il faut rester fidèle à ses valeurs : travail, réussite, justice. Ce n'est pas dans la tempête qu'il faut changer de cap.
La majorité ne donne-t-elle pas un coup de barre à gauche sur les rémunérations des patrons ou les stock-options ?
Je suis le premier à avoir dénoncé le parachute doré de Pat Russo chez Alcatel il y a un an. Visiblement, les comportements de certains ne changent pas. Quelques patrons continuent de se comporter comme des « seigneurs de la finance ». Que M. Bouton, qui est toujours là d'ailleurs, touche des stock-options sur la base d'indicateurs de performance ne manque pas de surprendre au vu du contexte. Une loi a été votée, qui incite à distribuer des actions à tous les salariés, mais les dirigeants de la Société Générale se sont appuyés sur une décision de l'assemblée générale qui s'est tenue avant l'entrée en vigueur de cette législation. De qui se moque-t-on ?
C'est invraisemblable qu'il ait fallu toutes ces interventions politiques pour que les dirigeants renoncent aux stock-options. Une telle situation est aujourd'hui légale mais pas morale, il faut donc changer la loi.
Le code de bonne conduite de l'Afep et du Medef est-il suffisant ?
Manifestement non, puisque leurs recommandations ne sont pas suivies d'effet par tous les patrons. Quand le contrat ne suffit pas, il faut passer par la loi. L'UMP soutiendra les initiatives législatives du gouvernement ou sera à l'initiative de textes parlementaires. D'ailleurs, en avril, nous présenterons nos propositions pour favoriser un meilleur partage de la valeur dans l'entreprise, qui seront issues des travaux d'Eric Besson et de Frédéric Lefebvre. Nos propositions iront très loin. Je crois aussi au développement de l'actionnariat salarié. Il faut impulser de vrais changements de comportements.
Faut-il plafonner la rémunération des patrons d'entreprise ?
La question a été posée aux Etats-Unis dans des cas précis. En France se pose plutôt la question des écarts de salaire et des augmentations pour les résorber. Que les salaires de quelques-uns s'envolent quand ceux du plus grand nombre stagnent, ce n'est pas normal. Et nous proposerons là encore des évolutions législatives fortes. Il s'agit aussi de conforter les entrepreneurs qui ont parfaitement compris qu'on traverse non seulement une crise économique et financière mais aussi éthique.
Il ne faut pas laisser quelques-uns casser l'image de l'entreprise alors que nombre d'employeurs se battent pour l'emploi de leurs salariés ou prennent des initiatives éthiques comme Franck Riboud par exemple. Nous ne devons pas oublier que ce sont les entreprises qui créent de l'emploi et des richesses.
Xavier Darcos a opéré un nouveau recul vendredi sur les masters d'enseignement. Le gouvernement se casse-t-il les dents sur le dossier de l'éducation comme ses prédécesseurs ? Où est la rupture ?
Si le dossier était facile cela se saurait. On n'est tout de même pas restés sans rien faire : il y a notamment l'adoption de la loi sur l'autonomie des universités de Valérie Pécresse. Xavier Darcos a mené des réformes importantes. Sur les lycées, il s'agit de prendre un peu plus de temps pour expliquer et mettre en perspective. L'immobilisme n'est pas à l'ordre du jour.
Jean-François Copé se présente comme celui qui assume le rôle ingrat de « celui qui dit des vérités qui dérangent ». Vous, quel est votre rôle ?
Je suis dans un esprit collectif. Le rôle du Mouvement populaire, c'est à la fois d'apporter des idées dans le débat, de tester des réformes et d'être porteur de réformes. Il est indispensable que nous soyons à l'initiative de propositions concrètes. Ce sera le cas, par exemple, sur la reprise d'entreprises, qui doit être simplifiée, tout comme la feuille de paie.
L'atout du parti, c'est de s'appuyer sur des cadres, des militants, des élus locaux, donc d'être complètement connecté à la société française.
Mais comment être audible avec un chef de l'Etat omniprésent ?
Le problème n'est pas de parler fort, mais de parler juste, avec des idées fortes. L'heure n'est plus à l'eau tiède.
Quels enseignements tirez-vous de vos deux premiers mois à la tête de l'UMP ?
D'abord que le Mouvement populaire doit parler à tout le monde, à ceux qui réussissent, aux classes moyennes comme à ceux qui sont fragilisés par la crise. Et qu'il ne faut pas être fragile sur ses valeurs et convictions. Le Mouvement populaire est sur une nouvelle dynamique avec des débats sur les questions qui préoccupent les Français : la crise, le partage des richesses, la bioéthique...
Les européennes seront votre premier test électoral. Où placez-vous la barre à atteindre ?
Faire élire le plus de députés européens possible. Et je ne vais pas ménager mon énergie pour montrer que l'on peut faire bouger l'Europe. Le Fonds social européen est-il assez souple et utilisé ? Non. Le Fond d'ajustement à la mondialisation est-il assez facile à utiliser ? Non. Je crois aussi qu'une partie importante des Français en a ras-le-bol de l'obsession anti-sarkozy qui conduit les socialistes à tout critiquer en bloc. Cette obsession les aveugle, les empêche d'être force de proposition. Leur campagne sur les libertés publiques, les Français voient bien que tout cela n'est que du baratin. Le flop du PS ce week-end en témoigne.
Source http://www.u-m-p.org, le 25 mars 2009