Interview de M.Hervé Novelli, secrétaire d'Etat au commerce, à l'artisanat, aux petites et moyennes entreprises, au tourisme et aux services, à "LCI" le 28 avril 2009, sur la baisse de la tva dans la restauration et les créations d'emploi attendues.

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Média : La Chaîne Info

Texte intégral

C. Barbier.- La grippe porcine sème l'inquiétude dans le monde entier, et pourtant les passagers d'avions en provenance de Mexico ne sont pas examinés spécifiquement, ni interrogés à Roissy. Est-ce qu'on n'est pas un peu imprudents, légers en France ?

Non, je ne crois pas. Je crois qu'il y a eu une bonne réactivité du ministre de la Santé ; le ministère des Affaires étrangères a d'ores et déjà mis en place une cellule de crise, toutes les précautions sont prises, et le ministre du Tourisme en face de vous, indique, bien évidemment, que si l'on peut en ce moment, sauf motif impératif, aller dans un autre endroit, une autre destination touristique que le Mexique, c'est plutôt prudent.

Vous le déconseillez fermement, quand même, c'est presque un veto au voyage ?

Clairement, non, ça n'est pas un veto, mais il faudra y aller pour des motifs impérieux. Et mon rôle est de dire aux touristes français : en ce moment, il y a beaucoup d'autres destinations, à commencer par la France, qui peuvent réserver beaucoup d'attrait.

Le grand sujet du jour c'est la TVA dans la restauration ; la TVA va baisser, passer de 19,6 % à 5,5 %, normalement au 1er juillet. En échange, que vont aujourd'hui vous offrir les professionnels lors de leurs états généraux ? Par exemple, on commence du coté de la baisse des prix, on attend une liste de produits. Quand on nous dit "café", "eaux minérales", et puis le "steak haché des enfants", c'est un peu maigre, non ?

Oui, c'est maigre et ça ne sera pas ça, ce sera beaucoup mieux que cela. Nous allons conclure cet après-midi avec C. Lagarde, un contrat d'avenir avec l'ensemble des professionnels de la restauration, les neuf syndicats professionnels vont signer avec nous ce contrat d'avenir, qui portera sur trois thèmes : les prix, l'emploi-la formation, et enfin la modernisation du secteur.

Alors dans l'ordre, les prix.

Les prix, nous avons conclu avec les restaurateurs un accord global qui consiste à répercuter l'intégralité de la baisse du taux de TVA sur un certain nombre de produits, de manière à ce que chaque Française ou Français, qui ira dans un restaurant pourra avoir un menu - entrée, plat, dessert, café - avec la répercussion intégrale du taux de TVA, c'est-à-dire + de 10 %.

On voit un journal professionnel, L'Hôtellerie-Restauration, appuyé sur l'étude d'un cabinet (...) nous dire : "seuls 40 % des restaurateurs vont vraiment pratiquer ces baisses de prix, les autres préfèrent garder la cagnotte de la baisse de TVA pour investir". C'est vrai ?

Il y en a qui sont réticents, et simplement c'est un contrat. Un contrat, ce sont des engagements, les huit syndicats professionnels et, dès le lendemain, avec les responsables professionnels, je vais entamer un tour de France.

Vous contrôlerez ?

Nous contrôlerons, d'abord nous mettrons en oeuvre la mesure. Le président de la République va l'annoncer ce matin. Dès que la date sera connue, je commencerai ce tour de France, et nous apposerons avec les professionnels sur les restaurants qui s'y engagent un logo "états généraux" dans lequel il y aura la baisse du taux de TVA et les prix aussi.

Deuxième chantier, les créations d'emplois. On dit : 40.000 emplois d'ici à 2011, mais 20.000 en apprentissage. Là aussi, ça semble un peu mince ?

C'est un secteur très créateur d'emplois. En moyenne dans les dix dernières années, entre 10 et 15.000 créations d'emplois nettes. Il y aura un engagement ferme des professionnels en matière de créations d'emplois supplémentaires, de telle manière que emplois supplémentaires+apprentis supplémentaires, cela fera 40.000. Voilà des engagements très clairs et très précis.

On sait que ce sont des métiers difficiles, que parfois les jeunes traînent des pieds pour rentrer dans ces métiers. Ne faut-il pas donner d'autres avantages que simplement de l'emploi ? Ne faut-il pas augmenter les salaires, donner une sixième semaine de congés payés, un 13ème mois ?

C'est pour cela que les professionnels, dans le cadre de la signature de ce contrat d'avenir, s'engageront à entamer des négociations dès la signature de ce contrat d'avenir, avec, je crois, puisque la négociation aura un calendrier très précis, des avancées en matière de salaires, en matière de protection sociale, en matière de mutuelles. Il y a beaucoup à faire dans la restauration aussi de ce point de vue pour la rendre encore plus attractive.

Plus de jours d'ouverture, plus d'horaires tardifs d'ouverture pour les restaurants ?

Tout cela se discute et se discutera. Mais ce qui est clair c'est que, cet avantage qui est donné aujourd'hui à la restauration française doit profiter aux consommateurs, aux salariés, et aussi à la modernisation de ce secteur.

Combien d'investissement, combien d'hôtels-restaurants neufs, combien de rénovations qui donneront du travail aux artisans et au BTP ?

Je compte beaucoup sur l'investissement, les investissements que les restaurateurs vont faire. La restauration française doit faire face à un certain nombre de défis comme d'autres branches, comme l'hôtellerie. Dans l'hôtellerie, j'ai mis en place les conditions de la modernisation avec la classification hôtelière que nous allons réformer, que nous sommes en train de réformer avec la création de la cinquième étoile, pour hausser la qualité. On va faire de même dans la restauration. Il y aura la création d'un fonds de modernisation de la restauration française qui permettra d'investir dans les trois ans qui viennent 1 milliard d'euros de crédits supplémentaires pour la modernisation de la restauration.

Tout ça mit bout à bout, quand on compare aux 2,5 milliards de manque à gagner annuel pour l'Etat que va coûter cette suppression de TVA, cette baisse de TVA, est-ce que ce n'est pas cher payé quand même ?

C'est d'abord un engagement politique, et il va être tenu, et c'est à noter. Toute la classe politique a fait des promesses sur la baisse du taux de la restauration, à gauche comme à droite.

Une petite pique pour J. Chirac ce que vous dites, là. Il n'a pas su tenir la promesse ?

Le candidat Jospin avait fait la même promesse, et c'est N. Sarkozy qui la tient. C'est déjà très important parce que ça conforte la crédibilité de la parole publique. Et puis, je fais...j'ai baptisé ce contrat "un contrat d'avenir" parce que je fais confiance, d'abord à la restauration française. Nous allons voir quelles sont les contreparties, comment elles vont être tenues. Et je suis convaincu qu'au total ce contrat d'avenir va permettre à la restauration française de maintenir son rang qui est certainement le premier ou l'un des premiers rangs au monde.

N'avez-vous pas par manque de chance engagé cette réforme au moment où le tourisme des étrangers, justement, qui viennent voir le beau pays qui est le nôtre, va s'effondrer à cause de la crise économique ?

Eh bien raison de plus, c'est parce qu'il va y avoir des difficultés dans la fréquentation touristique étrangère que nous avons le devoir de donner un signal clair de l'engagement des pouvoirs publics en faveur de ceux qui concourent à l'attractivité touristique de notre pays. C'est 6,5 % de la création de valeur ajoutée dans notre pays, deux fois plus que l'automobile, les activités touristiques. Ca nécessite qu'on s'y intéresse et c'est ce que nous faisons.

10 % de baisse dans les hôtels constatée en février par rapport à l'an passé. Vous attendez quel effondrement du tourisme étranger pour cet été ?

Je ne fais pas de prévisions car elles sont toujours démenties, notamment en matière d'activité touristique. L'année dernière, on nous avait prédit une saison d'été catastrophique, et cet hiver on devait faire une mauvaise saison. Nous avons fait l'année dernière et cette année de très belles saisons touristiques, la France reste la première destination mondiale ; il y a bien sûr des zones de fragilité mais je reste optimiste. L'activité touristique est très réactive, elle résiste à la crise et elle sortira une des premières de cette crise.

Vous demandez aux Français de rester en France cet été pour aider tous ces secteurs ?

Je ne leur demande pas parce qu'ils le font, ils aiment la France, et les Français sont parmi ceux qui restent le plus dans leur pays ; 85 % des Français passent leurs vacances en France, c'est très bien ainsi, je ne vais pas m'en plaindre.

63.400 chômeurs de plus en mars. Vous, vous recensez 145.300 auto-entrepreneurs de plus depuis le début janvier. Est-ce que ce n'est pas une illusion ? Est-ce que vos auto-entrepreneurs ce ne sont pas de futurs chômeurs qui s'ignorent parce que le retour dans l'entreprise va se casser la figure ?

Non, pas du tout. Déjà l'année dernière dans les chiffres de créations d'entreprises, sur les 327.000 entreprises qui s'étaient créées, il y en avait la moitié qui était créée par des chômeurs. Donc, qu'est-ce que ça veut dire ? Ca veut dire simplement qu'aujourd'hui, lorsque vous êtes dans une situation difficile, vous vous prenez en main et ça correspond à une aspiration de la société française, une sorte de "je veux m'en tirer, mais je suis, moi, confiant dans mon projet, dans mes capacités, et je crée mon activité". C'est cela qui explique le succès de l'auto-entrepreneur, et je m'en réjouis. Parce que ce nouveau statut permet un développement des initiatives individuelles qui se retrouvera dans les chiffres de la croissance française.

La "loi Hôpitaux, Patients, Santé et Territoire", la loi Bachelot, met un peu le feu à l'hôpital. Est-ce qu'on n'a pas donné trop de pouvoir aux gestionnaires dans cette loi, ne faut-ils revenir un peu et redonner du pouvoir aux médecins ?

Pendant des années, tous les rapports indiquaient qu'il fallait donner à l'hôpital, justement aux directions d'hôpitaux, un pouvoir plus important. Tout est dans l'affaire d'un équilibre avec la communauté médicale. Je le...

Il faut partager ?

...je le crois, j'en suis même convaincu, que le texte proposé, défendu avec opiniâtreté par R. Bachelot, réalise cet équilibre. En tout cas, il faut que les hôpitaux s'inscrivent dans cette démarche d'une meilleure gestion, parce que c'est l'argent des Français qui est aujourd'hui dépensé pour les produits de santé, et ce texte me semble réaliser un bon équilibre.

Source : Premier ministre, Service d'Information du Gouvernement, le 28 avril 2009