Interview de M. Bernard Accoyer, président de l'Assemblée nationale, à La Chaîne Info le 12 mai 2009, sur le projet de loi sur le téléchargement illégal sur internet, le projet de loi sur l'hôpital, la réforme du règlement de l'Assemblée nationale et le blocage des universités.

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Média : La Chaîne Info

Texte intégral

C. Barbier.- La loi Hadopi aborde aujourd'hui son vote solennel à l'Assemblée que vous présidez. Appelez-vous à un vote massif pour écraser la gauche, pour punir la gauche d'avoir fait capoter la première mouture du texte ?
 
Non, je n'appelle pas à un vote massif mais j'appelle à des débats sereins et à un vote qui ne donne pas lieu à des éclats particuliers. Il faut que le Parlement s'exprime. Il y a une majorité, normalement, elle devrait être majoritaire, même s'il y a eu des débats internes. Et puis, nous tournerons la page, c'est un texte qui est nécessaire pour les droits d'auteur.
 
Les quelques UMP qui sont encore en désaccord sur le fond auront le droit de ne pas voter ou de voter contre en liberté de conscience ?
 
De toute façon, la liberté de vote existe dans les groupes, bien entendu. Mais il y a là, une majorité claire qui s'est dessinée au sein du groupe UMP, même si tout le monde n'est pas absolument d'accord, elle s'exprimera, je pense, cet après midi. C'est une nécessité sur ces questions de droits d'auteur, d'avoir des dispositions qui permettent de faire respecter la création, de rétribuer les créateurs.
 
On dit qu'elle est mort-née, le Parlement européen n'en veut pas, il ne veut pas qu'il y ait de coupure d'Internet sans décision de justice.
 
Permettez-moi de préciser que le Parlement européen, quant à lui, a légiféré sur les droits fondamentaux et qu'il est précisé que le raccordement à Internet, l'abonnement à Internet, n'est pas un droit fondamental, comme la liberté d'aller et de venir.
 
Couper Internet et en même temps continuer à faire payer l'abonnement aux téléchargeurs qui auront été démasqués, c'est la double peine. C'est un peu sévère, non ?
 
Ça, c'est effectivement la formule. Mais néanmoins, si ce n'était pas le cas, ce serait donc le fournisseur d'accès qui serait sanctionné.
 
F. Bayrou s'alarme, s'alarme de la surveillance du réseau qu'entraînera Hadopi. Alors, il y aura des espions de la Toile, privés, payés par les ayants droit ou par les sociétés de disques ou de cinémas pour traquer les pirates ?
 
Arrêtons ! Si la France n'était pas un des lieux où les libertés sont les plus respectées dans le monde, cela se saurait. Et en tout cas, dans le monde, on considère que c'est chez nous qu'il y a le plus de liberté. Donc je crois qu'il ne faut pas dire n'importe quoi.
 
Présiderez-vous vous-même la séance ? Parce que certains à l'UMP vous ont reproché d'avoir confié les débats, la dernière fois, à un vice-président socialiste.
 
Deux choses. D'abord, la présidence de séance est une présidence qui est neutre, elle s'exerce dans la sérénité et il n'est pas question qu'elle puisse être critiquée. Autrement, c'est comme dans une classe, il n'y a plus d'autorité et plus rien ne va. Mais pour ce qui est des votes solennels, pour ce qui est d'un certain nombre de textes, qui touchent notamment au fonctionnement des institutions ou de l'Assemblée, je présiderai les débats.
 
Hier, pendant qu'elle examinait le nouveau règlement de l'Assemblée nationale, la Commission des lois a décidé d'alléger les sanctions contre l'absentéisme. Alors on tombe des nues ! Après l'incident Hadopi, on croyait au contraire que cela allait être durci.
 
Il y a déjà dans le règlement des dispositions qui ne sont pas appliquées, parce qu'elles n'étaient pas applicables avant que nous organisions notre travail législatif. C'est ce que je vais justement mettre en oeuvre avec le règlement que je suis en train...
 
Les absents seront punis ?
 
...Que je suis en train de faire adopter, que nous allons, je l'espère, adopter à l'Assemblée nationale. Pourquoi on change le règlement ? Tout simplement pour que le fonctionnement du Parlement soit plus proche des Français, plus lisible - que les députés participent de façon plus visible aux problèmes et à la solution de ces problèmes qui sont ceux des Français. Et donc, bien entendu, il y a des dispositions à l'intérieur en faveur de la présence, contre l'absentéisme. Elles auraient pu s'appliquer, ces dispositions, dans quelques semaines. Bon, la Commission les a quelque peu modifiées, peu importe. Mais ce que je peux vous dire, c'est que sur ce point, les choses vont changer.
 
L'année prochaine les absents auront tort et seront punis ? Les vrais absents...
 
D'abord, il ne faut pas résumer le travail des parlementaires à la présence physique pendant des semaines entières sur la discussion d'un texte où il y a des débats qui n'en finissent pas. Ce qui est important, c'est le moment des scrutins, que l'on sache ce que les députés votent et qu'ils soient présents pour le vote. Et ça, ce sera effectivement, cela va changer complètement pour ce qui est des scrutins.
 
Alors ce nouveau règlement doit aussi déterminer le temps de parole accordé à chacun. J.-M. Ayrault, ce matin, dans Le Figaro, accuse J.-F. Copé, président du groupe UMP. Il l'accuse d'avoir supprimé toutes les concessions que vous aviez accordées à l'opposition. Est-ce que Copé est en train de saboter votre gentleman agreement ?
 
Non. D'abord, parce que la majorité doit évidemment être majoritaire pour adopter le règlement. Nous sommes en face du débat politique, entre le président du groupe majoritaire, le président du groupe d'opposition principal. Il y a des affrontements politiques, c'est la vie de l'Assemblée, c'est la vie du Parlement.
 
Est-ce que J.-F. Copé ne tire pas un peu trop la couverture du côté du groupe majoritaire ?
 
Ecoutez, quand on est président du groupe majoritaire, on défend son groupe, quand on est président du groupe d'opposition, on le défend aussi et c'est un équilibre qu'il faut trouver. Et cet équilibre, j'appelle à ce qu'il se fasse, à ce qu'il se rassemble autour de ma résolution que j'ai construite de manière très équilibrée, après un long travail de concertation avec tous les groupes, pour essayer de trouver tous les points de consensus. Et lorsqu'il n'y avait pas consensus, les points qui rapprochaient les positions. Parce que, un règlement, c'est-à-dire ce qui va traduire dans les faits ce qu'attendent les Français de leurs députés, un règlement ce n'est pas fait pour la majorité du moment ni contre l'opposition du moment, c'est évidemment un règlement qui va s'appliquer absolument à tout le monde.
 
Par exemple, les présidents de groupe, dans votre idée, leur temps de parole ne devait pas être compté, ils étaient un peu hors sol, ils étaient un peu dans un statut d'extra territorialité. J.-F. Copé, lui dit, non, qu'il faut compter le temps de parole des présidents, il a juste accordé un petit bonus de quinze minutes. Vous l'appelez à revenir vers votre position ?
 
Je le souhaite, je le souhaite. J'ai moi-même été président de groupe, je pense que le temps de parole des présidents de groupe a deux intérêts. D'abord, rappeler la position des groupes et également ramener le calme, lorsqu'il y a un peu de surchauffe dans l'Hémicycle. Il ne faut pas que le président de groupe se trouve en concurrence sur le temps avec ses propres députés.
 
Avez-vous lu le livre de J.-F. Copé ?
 
Oui.
 
Est-ce que c'est le livre d'un supporter loyal de N. Sarkozy ?
 
Je crois ce que disent mes collègues, ils disent qu'il est loyal avec N. Sarkozy, je lui fais donc confiance.
 
Est-il normal qu'un ministre, en l'occurrence, c'était B. Hortefeux, annonce de l'exécutif, une session extraordinaire du Parlement. Comme si le Parlement était à disposition du...
 
La décision de convoquer le Parlement en session extraordinaire est évidemment une prérogative du chef de l'Etat. Et donc, là, il y a eu un peu de rapidité, de précipitation dans les annonces.
 
Y aura-t-il une session extraordinaire en juillet, et jusqu'à quand ?
 
Il est bien probable qu'il y en ait une, évidemment...
 
Jusqu'au 14, jusqu'au 30 ?
 
...Compte tenu du nombre de textes qui sont en attente, compte tenu du fait que maintenant les Parlementaires ont davantage de temps pour eux, pour le contrôle et pour l'évaluation, pour des textes qu'ils ont eux-mêmes élaborés, le Gouvernement aura besoin, oui, que nous siégeons certainement quelque temps supplémentaire après la session ordinaire. Mais tout cela dépendra de la volonté du chef de l'Etat.
 
C'est le travail du dimanche qui occupera vos débats à ce moment là ?
 
D'abord ce n'est pas le travail du dimanche, ce sont des dérogations d'ouverture pour un certain nombre de commerces dans certaines zones. Donc parlons des choses telles qu'elles sont. Je ne sais pas si le Gouvernement le mettra dans une session extraordinaire, s'il y en convoque une. En tout cas, il a annoncé que ce serait un texte qui serait examiné à nouveau, prochainement.
 
Accepterez-vous aussi d'entrer plus tôt en septembre, pour que l'on démarre la saison plus tôt ?
 
Ecoutez, commençons déjà à bien terminer le travail de cette session et puis, pour l'automne, le Gouvernement verra en fonction des urgences. Et les parlementaires, de toute façon, sont disponibles.
 
N. Sarkozy lâche du lest sur la réforme des hôpitaux, le pouvoir des médecins est renforcé face au pouvoir des directeurs. Est-ce que le docteur Accoyer, puisque c'est votre profession d'origine, considère que c'est un repli tactique, par crainte, un peu, de l'embrasement des hôpitaux ?
 
Je pense que c'est de la concertation, il y a un certain nombre de problèmes qui sont apparus sur les dispositions adoptées à l'Assemblée. Il est normal qu'avant la lecture au Sénat, il y ait un certain nombre de réglages. Le Président qui a souhaité regarder cela de très près, parce qu'il est particulièrement attaché à l'hôpital, qui est un rouage essentiel du système de soins français, le Président y a apporté sa contribution. C'est une bonne évolution.
 
Les médecins marquent un point quand même...
 
Il y a eu une concertation et c'est vrai qu'il est utile, dans une institution aussi complexe qu'un hôpital, que le corps médical n'ait pas le pouvoir mais qui puisse infléchir, donner un certain nombre d'indications pour les décisions du pouvoir administratif dans l'hôpital.
 
Les facs restent bloquées. Est-ce que X. Darcos n'a pas eu tort, hier, de menacer les bloqueurs d'être privés de diplôme, de radicaliser le mouvement ?
 
Non, écoutez, il se trouve que je suis suffisamment âgé pour avoir vécu, en plein coeur de mes études universitaires justement, mai 68. Avec le recul, je me rappelle qu'il y avait une minorité de bloqueurs, une minorité d'agitateurs, et qui, parce qu'ils maîtrisent les techniques, avaient conduit à des blocages. Et à cette époque-là, également...
 
Il faut les punir ?
 
...Il n'avait pas été possible que les examens se déroulent dans les conditions normales et nous en avions pâti. C'est la même chose aujourd'hui, les étudiants, leurs parents, les familles qui essayent de poursuivre des études pour avoir les meilleures chances dans la vie, se trouvent empêchés de cette liberté fondamentale qui est de pouvoir travailler quand on en a envie et quand on veut faire des sacrifices pour travailler, se former et se préparer à la vie. Ce n'est pas juste, c'est une atteinte aux libertés.
 
Source : Premier ministre, Service d'Information du Gouvernement, le 12 mai 2009