Déclaration de M. Eric Woerth, ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique, sur le suivi et l'évaluation des politiques sociales, Paris le 14 mai 2009.

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Circonstance : Colloque " Mesurer la performance des politiques de sécurité sociale : l'apport des programmes de qualité et d'efficience, à Paris le 14 mai 2009

Texte intégral

Mesdames et Messieurs les Parlementaires,
Mesdames et Messieurs les Présidents,
Mesdames et Messieurs les Directeurs,
Mesdames, Messieurs,
Permettez-moi tout d'abord de souligner l'opportunité de ce colloque consacré aujourd'hui aux programmes de qualité et d'efficience. Il permet des échanges entre les différents acteurs des politiques de sécurité sociale, notamment le gouvernement, le parlement et la Cour des comptes, en amont du projet de loi de financement de la sécurité sociale de l'automne prochain. Plus fondamentalement, il vient à propos pour nous permettre, dans le contexte économique dégradé que nous traversons, de réfléchir aux nécessaires progrès de nos démarches d'analyse de la dépense sociale et de son financement : l'objectif est d'en améliorer l'efficacité, et ainsi de contribuer à restaurer la soutenabilité de nos finances publiques dans leur ensemble.
Les programmes de qualité et d'efficience, qui ont été institués par la loi organique du 2 août 2005, transposent dans une certaine mesure au domaine social la démarche « objectifs - résultats » à l'oeuvre dans les projets annuels de performance annexés aux lois de finances : ils marquent un progrès très appréciable de notre capacité collective de jugement sur l'efficience de la dépense sociale. Grâce aux programmes annexés au PLFSS pour 2009, nous pouvons éclairer des questions essentielles pour nos politiques sociales, telles que le maintien d'un haut niveau de prise en charge publique des dépenses de santé des Français assorti d'un financement viable ; nous pouvons mesurer les conditions de l'équilibre à long terme de nos systèmes de retraite, et tout particulièrement les voies d'une amélioration de la participation des salariés âgés à l'activité économique.
Ces programmes permettent de mesurer les réussites indéniables de notre politique en faveur des familles ; ils montrent le nécessaire effort de simplification des formalités de recouvrement des prélèvements sociaux pour les entreprises et les assurés.
Ces programmes constituent un outil d'analyse et de débat sur nos politiques sociales, dont chacun doit se saisir : gouvernement, parlement, partenaires sociaux, administrations de l'État, organismes de sécurité sociale, collectivités territoriales... C'est un outil au service de la qualité du débat démocratique sur nos politiques sociales et, je l'espère, de la qualité de ces politiques mêmes.
Si, dans le contexte de fort ralentissement de l'activité économique que nous traversons, certains pensent que notre seul devoir aujourd'hui est d'utiliser à plein le pouvoir stabilisateur des dépenses sociales sur la conjoncture, qu'il n'est plus nécessaire d'analyser de façon approfondie les facteurs influençant l'évolution des dépenses et des recettes, ils se trompent.
Certes, nous comptons sur le soutien que la sécurité sociale apporte au revenu des ménages pour atténuer les effets de la crise économique, mais c'est l'amélioration continuelle du bilan « coûts - avantages » de nos dispositifs sociaux qui est véritablement la clé de leur pérennité à moyen terme. Il s'agit bien sûr d'agir sans relâche pour le redressement des comptes des régimes sociaux, mais sans négliger le niveau de qualité des services de santé et de protection sociale offerts aux Français. Il faut donc mettre la problématique de l'efficience au coeur de nos préoccupations, pour l'ensemble des finances publiques et particulièrement dans le domaine social qui représente près de la moitié de l'ensemble des dépenses des administrations publiques.
L'efficience n'est pas un gros mot, même dans le domaine social ! Dire que c'est un enjeu pour l'hôpital ne signifie pas que l'hôpital public est une entreprise à visée lucrative mais qu'il y a des process productifs à optimiser pour mieux soigner à moindre coût. Nous devons avoir partout le souci de la qualité et de l'efficience de la gestion. Les processus de qualité comme les audits, la certification des comptes permettent aussi parfois de relever de vraies erreurs : c'est le cas récemment de la caisse nationale d'assurance vieillesse qui a ainsi identifié et corrigé une erreur informatique dans le calcul des droits retraite au titre des périodes de chômage. Aucun assuré ne sera lésé par cette correction, qui porte sur l'avenir, mais cela montre, s'il en était besoin, la pertinence des politiques de qualité engagées au sein de la sécurité sociale.
Cette démarche d'analyse de l'efficience de nos politiques n'est pas nouvelle : il y a eu, dans la sphère des dépenses de l'État, les projets annuels de performance créés par la réforme des lois de finances ; dans la sphère sociale, les conventions d'objectifs et de gestion entre l'État et les organismes de sécurité sociale ont, dès 1996, permis d'impulser cette logique d'objectifs - résultats dans les relations avec les opérateurs de la sécurité sociale. Les objectifs de maîtrise médicalisée des dépenses d'assurance maladie institués par la réforme de 2004, et ensuite les programmes de qualité et d'efficience ont complété cette démarche.
Nous avons besoin aujourd'hui d'un développement de ces outils d'analyse de la dépense sociale, d'une convergence des démarches de performance dans l'ensemble des administrations publiques. Ayant au sein du gouvernement la charge des comptes publics dans leur ensemble, je ne puis donc que préconiser la mise en commun, par les services chargés de la conception et de la mise en oeuvre des politiques publiques, des méthodes : avoir partout des objectifs cohérents assignés à ces politiques, assortis de cibles quantifiées chaque fois que cela est possible, et d'indicateurs reposant sur des méthodologies comparables. Ces indicateurs doivent mesurer à la fois l'efficience de la fourniture de services aux usagers et l'efficacité finale de ces politiques au regard des objectifs pour les contribuables et les citoyens.
De ce point de vue, il y a sans doute beaucoup à apprendre des expériences étrangères en matière de suivi et d'évaluation des politiques sociales, et je me félicite de la présence à ce colloque d'une représentante de la Commission européenne dont, j'en suis certain, les suggestions nous seront précieuses.
Ceci étant, le choix a été fait de construire une démarche de performance propre à la sphère sociale, et distincte de celle en vigueur dans le domaine de la loi de finances de l'État. Parce que les dépenses sociales sont non limitatives et relèvent d'un processus législatif distinct depuis 1996 avec les lois de financement de la sécurité sociale. Parce que certaines spécificités des politiques sociales impliquent une adaptation de la démarche de performance, notamment du fait de la multiplicité des intervenants : organismes de sécurité sociale mais aussi Etat, collectivités locales, autres organismes de protection sociale participent à cet impact final des politiques sociales sur le revenu et les conditions de vie des Français .... Il est donc sans doute plus difficile d'identifier de façon claire l'entité directement responsable des résultats de chacune de ces politiques.
L'autre spécificité des politiques sociales, c'est l'existence des COG depuis 1996 : avec les COG, on s'intéresse à la performance des opérateurs, à la qualité du service rendu, à l'efficience de leur gestion mais pas encore forcément à l'impact final des politiques, aux changements dans la vie de nos concitoyens ; avec les PQE, c'est la performance des politiques sociales elles-mêmes, du concepteur - gouvernement et parlement - à l'opérateur qui est mesurée.
Quels sont les enjeux aujourd'hui ? Il nous revient d'agir afin de favoriser l'utilisation plus intensive des ces outils d'efficience des politiques sociales par l'ensemble des acteurs :
- par le gouvernement au stade de la conception des politiques,
- le parlement au stade de leur examen et de leur suivi,
- les partenaires sociaux lorsqu'ils sont saisis pour avis des projets de mesures,
- les administrations et les organismes de sécurité sociale dans leur mise en oeuvre,
- la Cour des comptes et les corps de contrôle au moment de l'audit et de l'évaluation.
Premier enjeu, les programmes de qualité et d'efficience doivent permettre d'enrichir les débats lors de l'examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale par le parlement, en favorisant un suivi des mesures adoptées les années précédentes et en questionnant l'opportunité des dispositions proposées dans le projet de loi au regard du contexte démographique, économique, social. J'aimerais que le débat démocratique se structure davantage autour de ces enjeux, même s'il n'y a pas de loi de règlement dans le domaine social. Il faut reconnaître à cet égard que les fortes contraintes temporelles qui encadrent l'examen du projet de loi de financement ne favorisent pas l'appropriation complète par l'une et l'autre des deux assemblées des informations fournies par les programmes de qualité et d'efficience.
Il nous faut donc faire preuve d'imagination pour permettre aux débats parlementaires de faire une place plus importante à cette démarche de performance. La réforme de la procédure parlementaire offre sans doute des opportunités : les études d'impact que le gouvernement devra remettre à l'appui de certaines dispositions du projet de loi de financement ne fournissent-elles pas une possibilité d'exploitation plus intensive des informations incluses dans les programmes de qualité et d'efficience ?
La semaine mensuelle du calendrier parlementaire désormais consacrée à l'évaluation des politiques publiques ne pourrait-elle pas aussi permettre d'examiner les grandes politiques de sécurité sociale au travers des différents programmes ? Dans ce cadre, le rôle des missions d'évaluation et de contrôle des lois de financement de la sécurité sociale ne devrait-il pas se renforcer, leur permettant de faire davantage reposer leurs travaux sur ces programmes - M. le Sénateur Alain VASSELLE a me semble-t-il préconisé d'aller dans ce sens dans son dernier rapport sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2009. Faut-il même envisager la remise périodique par le gouvernement et un débat sur un rapport d'évaluation des politiques mises en oeuvre dans les lois de financement de la sécurité sociale précédentes, basé sur l'analyse de l'évolution des indicateurs des programmes de qualité et d'efficience ? Ce serait en quelque sorte le pendant des rapports annuels de performance prévus dans la procédure budgétaire. Je suis certain que les parlementaires invités à s'exprimer au cours de ce colloque auront à coeur d'évoquer ces questions.
Le second enjeu est celui de la déclinaison des objectifs : les programmes de qualité et d'efficience doivent permettre de mieux responsabiliser les administrations centrales et les organismes de sécurité sociale sur les résultats de ces politiques. Ces programmes ne doivent en effet par dériver vers une grande base de données statistiques, assurément de grande qualité, mais à portée purement descriptive et coupée de l'action opérationnelle. La direction de la sécurité sociale a fort heureusement limité à moins de 200 le nombre total d'indicateurs. Mais il est indispensable de poursuivre les efforts pour incorporer aux programmes de qualité et d'efficience davantage d'objectifs opérationnels, avec des leviers d'action clairement identifiés pour les acteurs et des cibles mobilisatrices. C'est le sens des observations que la Cour de comptes a fort justement formulées dans son dernier rapport annuel sur la sécurité sociale.
A titre d'exemple, il paraît ainsi souhaitable que les administrations en charge de la promotion de l'emploi se voient assigner des objectifs en matière de participation des seniors à l'activité économique et de réussite des dispositifs prévus pour l'accroître, comme la « surcote » ou la libéralisation du cumul emploi-retraite.
L'identification des leviers d'action propres dont disposent les acteurs de la mise en oeuvre des politiques sociales s'avère parfois difficile, c'est vrai. Mais je considère que les indicateurs des programmes de qualité et d'efficience doivent être davantage déclinés en objectifs précis et quantifiés à adresser aux directeurs des administrations et aux organismes responsables de la mise en oeuvre. Il ne faut d'ailleurs pas s'interdire de conditionner la part variable de leur rémunération au degré de réalisation de ces objectifs. Il s'agit là d'un enjeu auquel je suis très sensible, et le colloque de ce jour devrait permettre d'identifier des propositions d'améliorations concrètes.
Troisième enjeu, enfin, l'évaluation des politiques publiques : j'y attache une importance particulière compte tenu de la responsabilité que m'ont confiée le Président de la République et le Premier ministre dans ce domaine. L'évaluation de l'efficacité de nos actions sous-tend les réformes que nous menons, avec la révision générale des politiques publiques dont je viens de présenter hier le deuxième bilan de mise en oeuvre.
Les programmes de qualité et d'efficience doivent au minimum permettre d'identifier les politiques sociales dont les résultats observés sont insuffisants au regard des objectifs fixés, et qui appellent des corrections. Une table ronde du colloque prévoit d'ailleurs, fort justement, de passer certaines politiques au crible de ces indicateurs. Il faut ensuite pousser les investigations et auditer plus en détail les politiques ou domaines ainsi identifiés. Dans l'esprit du travail que réalise le Comité interministériel d'audit des programmes dans le champ des projets annuels de performance, il faut aussi que les objectifs et les indicateurs fassent l'objet d'audits approfondis. C'est un des enjeux du dispositif d'évaluation qui doit se construire cette année.
Vous voyez, Mesdames et Messieurs, l'étendue des questions que ce colloque ambitionne d'aborder. Vos travaux nous permettront de progresser collectivement sur ces sujets et je vous souhaite donc une excellente journée de travail.
Source http://www.budget.gouv.fr, le 19 mai 2009