Texte intégral
Comme cela ne vous a pas échappé il s'agissait du premier Conseil Affaires générales et Relations extérieures après les élections européennes du 7 juin qui ont montré très clairement la volonté des citoyens européens, et en particulier la volonté des citoyens français, de voir émerger une Europe plus claire, une Europe plus efficace et une Europe plus volontariste, c'est en tout cas ce mot d'ordre qui m'a servi de ligne directrice pour le Conseil Affaires générales d'aujourd'hui et servira de ligne directrice pour la France lors du Conseil européen de jeudi et vendredi prochain.
Une Europe plus forte, une Europe qui s'affirme comme puissance politique, cela suppose d'abord des institutions qui soient lisibles et claires : c'est celles qui sont prévues par le Traité de Lisbonne et donc nous souhaitons, comme j'ai déjà eu l'occasion de vous le dire à plusieurs reprises, que le Traité de Lisbonne entre en vigueur le plus rapidement possible et par conséquent nous souhaitons apporter à l'Irlande les garanties nécessaires pour que le référendum, qui devrait avoir lieu en Irlande d'ici la fin de l'année, se passe dans de bonnes conditions. Cela a été un des sujets importants qui a été abordé au cours de ce Conseil et je crois que nous sommes dans la bonne voie pour apporter à l'Irlande les garanties dont elle a besoin pour que ce référendum puisse se passer dans de bonnes conditions, c'est l'engagement qui a été pris par le président de la République au Conseil européen de décembre, cet engagement sera tenu.
Une Europe qui s'affirme comme une puissance politique, c'est aussi une Europe qui offre d'autres perspectives en matière de régulation financière que celles qu'on a connues avant la crise financière qui a éclaté l'année dernière. Je me suis prononcé une nouvelle fois très fortement pour un système financier avec des règles qui soient claires, des règles qui soient fermes et des règles qui soient appliquées. Vous savez que les recommandations de la Commission nous servent de ce point de vue-là de lignes directrices, elles ont été élaborées sur la base du rapport de M. de Larosière, je vous ai déjà dit tout le bien que nous en pensions, nous serons très vigilants, je l'ai rappelé une nouvelle fois, sur le respect de ces recommandations de la Commission et du rapport Larosière qui nous semblent les bonnes lignes directrices pour avoir un nouveau système financier et pour avoir une position commune européenne lors du prochain sommet du G20 qui se tiendra à New York.
Troisième sujet qui permettra de construire cette Europe politique forte que nous appelons de nos voeux, c'est évidemment une position européenne ambitieuse en matière de lutte contre le changement climatique. Notre ambition vous la connaissez, c'est celle d'un accord global le plus ambitieux possible, en décembre prochain à Copenhague qui sera le grand rendez-vous du changement climatique, accord qui soit conforme aux dernières recommandations du GIEC, vous connaissez ces recommandations qui sont la limitation du réchauffement climatique à moins de deux degrés au-dessus des niveaux précédant le développement industriel. Nous souhaitons prendre évidemment en compte les préoccupations des uns et des autres par rapport à cet objectif mais nous n'accepterons pas de dumping environnemental.
A la veille de ce sommet de Copenhague, si jamais cela devait être le cas, nous sommes déterminés à prendre les dispositions nécessaires pour protéger nos économies et faire en sorte que la compétitivité de nos économies ne soit pas affectée. Enfin, nous avons abordé au cours du déjeuner la question de la coopération de la Serbie, de la Croatie et de la Bosnie-Herzégovine avec le Tribunal pénal international en présence de Serge Brammertz qui nous a fait un point tout à fait exhaustif sur l'état de la coopération. On voit bien d'ailleurs que de manière générale il y a un progrès dans cette coopération entre les Etats des Balkans occidentaux et le Tribunal pénal international. Il reste encore quelques points à régler, bien entendu, mais le sentiment général est qu'il y a une amélioration de la perception des travaux du Tribunal pénal international dans la région et donc une coopération qui est meilleure.
Nous avons également, toujours au déjeuner, abordé la question de la Croatie et de la Slovénie, je vous redis ce que j'ai déjà eu l'occasion de vous dire : nous souhaitons que les négociations d'adhésion de la Croatie à l'Union européenne puissent reprendre le plus rapidement possible et que par conséquent les blocages entre la Croatie et la Slovénie soient réglés dans les meilleurs délais possibles. Voilà les éléments généraux que je voulais vous donner avant de répondre à vos questions.
Q - Peut-on dire que M. Barroso va être reconduit ?
R - La question se présente de manière extrêmement claire. Le président de la République a apporté un soutien qu'il a qualifié de "sans ambiguïté" à M. Barroso, il l'a fait en présence de la chancelière allemande, Mme Merkel, la semaine dernière qui a elle aussi apportée son soutien à M. Barroso. Je ne peux que rappeler cette position de la France : nous soutenons la candidature de M. Barroso, mais nous la soutenons avec un élément complémentaire très fort qui a été rappelé là aussi par le président de la République, c'est d'avoir de la part du candidat à la présidence de la Commission un programme de travail qui soit le plus clair et le plus ambitieux possible pour les cinq prochaines années de son mandat, si jamais la décision finale qui est prise est celle de sa reconduction : c'est M. Barroso et un programme de travail ou, comme l'a dit le président de la République, un programme de travail et la reconduction de M. Barroso. Le soutien à M. Barroso, voilà la ligne très claire que défend la France parce que nous estimons que lorsqu'il s'agit d'un poste aussi important que celui du président de la Commission il y a à la fois une question d'homme, et sur la question de la personnalité, la position française est tranchée : c'est un soutien sans ambiguïté à M. Barroso, et il y a aussi une question de programme politique de fond et cette question du programme politique de fond est aussi importante que celle de la personnalité qui occupera le poste.
En termes de calendrier, une fois que ce soutien a été apporté, nous aurons une rencontre au Conseil européen, l'objectif du Conseil européen c'est de prendre une décision politique sur la reconduction de M. Barroso. Pourquoi une reconduction politique ? Ce n'est pas un geste de défiance à l'égard de M. Barroso, c'est un geste de respect à l'égard du Parlement européen parce que nous estimons que cette décision juridique doit être prise après un échange avec le Parlement européen, notamment comme l'a dit Mme Merkel, un échange avec les présidents des groupes parlementaires du Parlement européen pour que nous puissions ensuite avoir un véritable engagement juridique sur la désignation de M. Barroso.
De facto, vous aurez une décision politique du Conseil européen à la fin de la semaine, vous aurez ensuite des consultations avec le Parlement européen. S'il se trouve que ces consultations sont positives, il y aura une décision juridique qui interviendra le 15 juillet à l'occasion de la première réunion du Parlement européen mais je crois que l'essentiel du message que je veux vous faire passer tient en trois points. Le premier point, c'est qu'il y a un soutien sans ambiguïté de la France à la personne de M. Barroso. Le deuxième message, c'est que nous souhaitons un programme politique pour les cinq années à venir de la part du futur président de la Commission. Le troisième tout aussi important, c'est que la désignation du président de la Commission n'appartient pas exclusivement au Conseil européen, elle résulte d'un dialogue entre le Conseil et le Parlement, et à un moment où on renforce les prérogatives du Parlement européen si jamais le Traité de Lisbonne est adopté, il nous paraît à la fois naturel et sage d'avoir ce processus de consultation ouvert, constructif, avec le Parlement européen.
Q - (inaudible)
R - Bien sûr, parce qu'il y aura eu ce dialogue, cette proposition concrète faite par M. Barroso d'un programme politique, à lui de déterminer la forme que prendra le programme politique et la façon dont il le présentera mais c'était un point sur lequel le président de la République a insisté et qui est très important parce que nous devons à nos concitoyens un programme politique clair et il nous faut aussi l'accord avec le Parlement européen et ce dialogue avec le Parlement européen.
Q - Et pour les Commissaires ?
R - Là c'est encore une autre étape, mais pour l'instant je ne vous parle que de l'étape de la désignation du président de la Commission, je crois que la procédure qui a été retenue a le mérite d'être très simple dans son fonctionnement et en même temps d'être respectueuse des droits du Parlement et cela c'est un point sur lequel nous insistons parce que nous estimons que rien ne serait pire que de donner le sentiment que cette désignation se joue exclusivement à l'intérieur des chefs d'Etat des Etats membres et que le Parlement pourrait être tenu à l'écart, le Parlement a un pouvoir sur la désignation de M. Barroso, nous l'avons dit pendant la campagne, nous le redisons au moment où la campagne est finie alors que les électeurs ont tranché, le pouvoir du Parlement européen sera pleinement respecté.
Q - Si le Traité de Lisbonne est adopté, il faudra reprendre la procédure à zéro ?
R - Nous verrons. Je vous dis très simplement pour l'instant la première étape est celle de la désignation politique et juridique de M. Barroso par un accord entre le Conseil européen et le Parlement.
Q - M. Sarkozy et de Mme Merkel ont demandé que M. Barroso présente un programme. Mais s'agit-il d'une requête formelle ; ou voulez-vous vraiment voir son programme ? Ou est-ce que n'importe quel programme ferait l'affaire ?
R - N'importe quel programme ne conviendra naturellement pas, un programme politique est un programme qui affirme cette Europe politique dont je vous ai dit qu'elle était au centre des préoccupations françaises. C'est un programme dans lequel on parle de politique industrielle, c'est un programme dans lequel on parle de la stratégie de Lisbonne pour l'innovation et pour la recherche, dans lequel on parle de la défense, de la compétitivité économique européenne en matière environnementale suivant les lignes que je vous ai indiquées. C'est cela je crois un programme européen. J'ai lu les dernières déclarations de M. Barroso. J'ai le sentiment que ces éléments là sont pris en compte aujourd'hui par M. Barroso. Nous attendons de voir la formalisation qu'il en fera.
Q - Une simple recommandation politique ne pourrait pas tranquilliser M. Barroso ?
R - Le sens n'est pas du tout de tranquilliser qui que ce soit. Le sens, c'est d'assurer la continuité des institutions européennes et donc de faire en sorte que la Commission puisse fonctionner de la meilleure manière possible avec un président clairement identifié en respectant le poids du Parlement qui est de pouvoir investir le nouveau président, allez poser la question au Parlement européen. Je crois qu'au-delà des questions juridiques, il faut voir les questions politiques. Vous savez aussi bien que moi que le Parlement européen a envie de se prononcer sur cette question ce qui est normal. On lui donne donc la possibilité de se prononcer sur cette question et de donner son avis, ce qui me paraît normal.
Q - Le choix du président de la Commission fera-t-il l'objet d'un paquet ?
R - Non, ce n'est pas un paquet, ce qui a été demandé, je crois, est très clair, c'est un programme politique.
Q - Ne pensez-vous pas que le fait de donner des garanties à l'Irlande pour qu'elle ratifie le Traité de Lisbonne risque d'ouvrir la porte à de nouvelles revendications ? Je pense notamment à la Grande-Bretagne...?
R - Je crois qu'il faut faire très attention à ce que cette discussion n'aboutisse pas à l'ouverture de nouvelles revendications de quelque Etat membre que ce soit. Il faut faire attention également, en deuxième lieu, à ce que nous ne gênions pas un Etat membre et je pense en particulier à la Grande-Bretagne. Je me rendrai moi-même à Londres au début du mois de juillet pour préparer le sommet franco-britannique qui se tiendra le 6 juillet. Cela fera partie des discussions que nous aurons à Londres, je pense effectivement qu'il faut faire attention à cela. D'un autre côté, je pense qu'il ne faut pas voir malice là où ce n'est pas nécessaire.
Nous avions pris l'engagement en décembre 2008 de donner des garanties aux autorités irlandaises, ces garanties nous les avons désormais écrites et nous allons les donner en Irlande, cela me paraît naturel. Les engagements qui sont pris doivent être tenus, même si c'est effectivement une discussion qui est complexe, j'ai toute raison de croire que cela peut se passer dans de bonnes conditions.
Q - Quelle forme cela prendra-t-il ?
R - Le statut juridique des garanties fait encore l'objet de discussions, il y aura une réunion prochainement au niveau des représentants permanents pour regarder quelle est la forme juridique que l'on donne à ces garanties, la discussion n'est pas encore close et ce sera définitivement tranché en fin de semaine au Conseil européen.
Q - Est-ce que ces garanties comportent spécifiquement un volet fiscal ?
R - Le point fiscal ne fait que rappeler ce qui figure rigoureusement dans nos traités, ni plus ni moins.
Q - Pensez-vous que les progrès de la Serbie vont suffire à un dégel des négociations d'adhésion ?
R - Pas encore pour être très clair mais le rapport qu'a fait M. Brammertz était très intéressant. Il reste un point noir, que tout le monde connaît, qui est l'arrestation du général Mladic et qui est un point important. Je crois qu'il n'y a pas d'adhésion possible sans que toute la lumière ait été faite sur les crimes passés, je crois que cela fait partie de ce qui constitue l'identité européenne et les valeurs européennes. Mais M. Brammertz nous a dit très clairement qu'il y avait des progrès importants dans la coopération entre la Serbie et le Tribunal Pénal International. Nous estimons qu'il faut encourager ces progrès parce que la meilleure façon de faire progresser un pays, c'est de lui dire que l'on prend en compte les gestes courageux qu'il fait pour coopérer avec le Tribunal pénal international. Chacun sait que la coopération avec le Tribunal pénal international est difficile pour les autorités politiques serbes, que cela soulève des difficultés importantes notamment avec la composante nationaliste du pays, ce n'est pas une composante négligeable. A partir du moment où ils passent par-dessus ces difficultés-là pour s'engager dans une coopération que M.Brammertz a qualifiée de positive et de réelle, nous estimons qu'il doit y avoir ne récompense politique à ces gestes-là et un signal politique de la part de l'Europe. Ce signal politique serait effectivement la signature de l'accord intérimaire, il y a encore un Etat membre qui s'y oppose, nous espérons que les choses vont évoluer dans les semaines à venir.
Q - Savez-vous quand M. Barroso publiera son programme de travail ?
R - Non, mais je suis comme vous, je lis attentivement la presse, ses déclarations publiques et j'ai le sentiment que M. Barroso a parfaitement compris que nous sommes dans une nouvelle étape de la construction européenne et que c'était le moment d'affirmer une Europe politique forte et cela me semble une évolution satisfaisante.
Q - En ce qui concerne la supervision bancaire et financière, est-ce que les négociations ont avancé ?
R - Là aussi il reste des difficultés, ce qui est normal à quelques jours du Conseil européen notamment sur la question de la supervision micro-prudentielle qui est le point aujourd'hui le plus délicat. Mais, quitte à passer pour un irréductible optimiste, je crois que ce qui est satisfaisant, c'est qu'il y a une volonté politique générale de l'Union européenne d'avancer vers davantage de régulation financière. Je rappelle que c'est tout de même au G20 de Londres, c'est-à-dire sous la présidence de Gordon Brown, que cette ligne directrice générale a été fixée, donc que la Grande Bretagne a joué le jeu, elle est passée là aussi par-dessus ses intérêts nationaux pour jouer le jeu de la régulation financière et en tout état de cause nous ne sommes pas disposés à revenir en arrière sur les engagements qui ont été pris au G20 de Londres. Nous sommes très déterminés, le président de la République, le Premier ministre, Mme Lagarde, l'ensemble du gouvernement, à obtenir les moyens concrets d'une véritable régulation financière mondiale pour le G20 de New York.
Q - En matière de supervision macro-prudentielle ? Vous êtes parvenu à une position commune ?
R - Je vous dis c'est principalement sur la supervision micro-prudentielle qu'il y a encore des difficultés.
Q - Vous pensez pouvoir le résoudre au Conseil européen ?
R - Il faudra de toute façon résoudre ces difficultés parce que je vous le dis très clairement : nous ne céderons pas sur la nécessité de refonder le système financier international, nous ne céderons pas.
Q - Vous pensez qu'il y aura consensus au Conseil européen ?
R - Nous verrons, je ne veux pas préjuger de ce que seront les débats. Je crois que lorsqu'il y a une difficulté au niveau des ministres qu'il s'agisse des Affaires européennes ou des ministres des Finances, l'usage veut que les toutes dernières difficultés remontent au Conseil européen, s'il n'y avait plus de difficultés à régler au Conseil européen, on n'aurait pas besoin de Conseil européen. Si on a besoin des chefs d'Etat et du Conseil européen c'est bien pour régler les décisions les plus graves et les plus politiquement sensibles. C'est ce qui se fera jeudi et vendredi.
Q - Donc Londres n'a plus de problème avec le principe de la présidence par la BCE du comité de surveillance des risques systémiques ?
R - Vous interrogerez Londres pour savoir quelle est exactement sa position.
Q - Je reviens sur le différend croato-slovène. Est-ce que les Etats membres de l'Union européenne ne pourraient pas faire pression sur ces deux pays pour faire remonter les négociations au sommet entre les deux pays ?
R - Moi, j'espère vivement que nous trouverons un accord entre la Croatie et la Slovénie dans les jours qui viennent, de façon à ce que la Croatie puisse reprendre ses négociations d'adhésion avec l'Union européenne. Est-ce que ce sera possible ? Très franchement, je n'en sais rien parce que c'est un sujet qui est délicat. Est-ce que nous y mettrons toute notre volonté ? Oui, parce que c'est un point important et que nous estimons qu'il est important que ces négociations reprennent. Comme vous le savez, il y a une première proposition de texte qui a été formulée par le Commissaire Olli Rehn que nous soutenons pleinement dans ses démarches, cette proposition a été acceptée par la partie croate et rejetée par la partie slovène dans un deuxième temps. Il y a une autre proposition qui est sur la table, une proposition légèrement modifiée, elle pose cette fois-ci des difficultés à la partie croate, c'est normal parce qu'il faut trouver le bon équilibre à chaque fois entre les parties. Je pense qu'il faut continuer le dialogue entre les Croates et les Slovènes, apporter un plein soutien aux travaux de M. Olli Rehn, ce que le trio fait, les Suédois, les Tchèques, les Français et sur cette base-là, tout faire pour obtenir un accord dans les jours qui viennent.
Q - (inaudible)
R - Il faut que nous ne ménagions aucun effort pour obtenir un accord. Pourquoi ? D'abord parce que cela n'est l'intérêt de personne de continuer avec ce blocage entre la Croatie et la Slovénie, cela donne le sentiment que le processus d'élargissement qui doit intégrer - comme vous le savez c'est la position française - les Balkans, s'interrompt pour des raisons qui ne sont pas des raisons essentielles et puis en deuxième lieu il faut bien avoir conscience que, passé le Conseil européen de juin, nous allons entrer dans de nouvelles préoccupations qui vont être la composition du Parlement, le vote sur le candidat à la présidence de la Commission, la préparation du G20 de New York, la préparation du sommet de Copenhague. Je crois qu'il y a énormément de sujets très lourds à traiter et bien entendu la préparation du référendum irlandais et la définition des garanties juridiques que nous donnons à l'Irlande. Tout cela se sont des sujets qui demandent énormément de concentration et énormément de travail de la part des ministres des Affaires étrangères et des ministres chargés des Affaires européennes. Nous avons donc intérêt à traiter un sujet comme celui du blocage entre la Slovénie et la Croatie dans les meilleurs délais possibles pour que nous puissions trouver une issue positive.
Q - Avez-vous pris des décisions en matière de politique environnementale ? N'avez-vous pas peur qu'une telle politique nuise à la compétitivité de l'économie européenne ?
R - Sur le climat il y aura forcément un débat, il y a un débat notamment autour de deux questions. La première c'est la question du financement, ce qui est normal : sur quelles bases est-ce qu'on définit les modalités de financement de cet effort pour la préservation du climat ? C'est un point important. Et puis par ailleurs, comme l'a fait Bernard Kouchner ce matin, le président de la République a indiqué très clairement qu'il fallait aussi prévoir des mesures au cas où nos principaux partenaires qui sont aussi nos principaux rivaux commerciaux ne souscriraient pas les mêmes engagements en matière de protection de l'environnement et de défense du climat. Nous n'allons pas rester les bras croisés si jamais nos partenaires ne souscrivaient pas les mêmes engagements, nous n'allons pas nous imposer des charges industrielles et financières lourdes de manière à respecter les objectifs et en même temps laisser nos partenaires s'affranchir de toutes règles nouvelles, de toute contrainte pour leur industrie ou leur activité commerciale et laisser leurs produits entrer sans qu'il y ait une juste rétribution de l'effort que nous nous avons fait. C'est ce que le président de la République a proposé avec la taxe CO2 et cela me semble une proposition juste et équitable.
Q - La taxe carbone, c'est une idée que vous voulez voir inscrite dans le programme de Barroso ?
R - Nous n'allons pas regarder point par point si tout ce que la France défend figure au programme de M. Barroso, ce qui compte c'est l'orientation générale, est-ce qu'il y a une volonté politique forte qui s'affirme dans ce programme de travail que le président de la République a demandé à M. Barroso.
Q - M. Barroso sera président par intérim en juillet ?
R - Il n'y a pas d'interprétation à faire, il y a à appliquer les textes juridiques en respectant, une fois encore, le Parlement européen. Nous allons prendre une décision politique à la fin de la semaine, ensuite nous consultons le Parlement, alors voilà cela c'est la décision politique du Conseil, ce n'est pas une décision juridique parce qu'on ne veut pas se retrouver dans une situation où le Parlement nous dirait "vous avez pris une décision juridique ; on n'a même pas été consulté, votre décision juridique ne vaut rien". On se mettrait dans une difficulté majeure. On prend une décision politique, on va voir les présidents de groupe, ils vont nous dire, "voilà, on a fait nos calculs, cela pourrait passer ou cela ne pourrait pas passer", sachant que je consulte beaucoup les parlementaires européens. On ne sait pas encore quel va être nombre exact de députés dans chaque groupe. Vous avez des députés qui hésitent encore, à 5 ou 10 députés près cela peut être important. Ces présidents de groupes vont nous dire dans la semaine du 22 juin, "voilà, pas de problème cela passe". Dans ce cas-là, il y aura un vote formel en première session du Parlement européen, le 15 juillet, pour investir juridiquement M. Barroso et qui sera investi sous le Traité de Nice.
Q - La France voudrait-elle que la question de la taxe carbone figure dans les conclusions du Conseil ?
R - Nous l'avons demandé sous une forme plus générale. Ce que nous souhaiterions dans les conclusions du Conseil, c'est qu'il y ait une position commune : si les grands partenaires ne respectent pas les engagements qui seront pris à Copenhague par l'Union européenne au même niveau que l'Union européenne, il faudra dans ce cas prendre des décisions concrètes pour préserver la compétitivité européenne. Voilà ce que nous souhaitons. On ne souhaite pas une Europe qui resterait naïve comme on a eu pendant des années, c'est-à-dire l'Europe qui fait tout bien, qui se charge chaque fois de nouvelles contraintes, qui s'impose de nouvelles règles, les autres Etats ne font rien et on n'en tient pas compte, je suis désolé mais ce n'est pas possible.
Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 19 juin 2009
Une Europe plus forte, une Europe qui s'affirme comme puissance politique, cela suppose d'abord des institutions qui soient lisibles et claires : c'est celles qui sont prévues par le Traité de Lisbonne et donc nous souhaitons, comme j'ai déjà eu l'occasion de vous le dire à plusieurs reprises, que le Traité de Lisbonne entre en vigueur le plus rapidement possible et par conséquent nous souhaitons apporter à l'Irlande les garanties nécessaires pour que le référendum, qui devrait avoir lieu en Irlande d'ici la fin de l'année, se passe dans de bonnes conditions. Cela a été un des sujets importants qui a été abordé au cours de ce Conseil et je crois que nous sommes dans la bonne voie pour apporter à l'Irlande les garanties dont elle a besoin pour que ce référendum puisse se passer dans de bonnes conditions, c'est l'engagement qui a été pris par le président de la République au Conseil européen de décembre, cet engagement sera tenu.
Une Europe qui s'affirme comme une puissance politique, c'est aussi une Europe qui offre d'autres perspectives en matière de régulation financière que celles qu'on a connues avant la crise financière qui a éclaté l'année dernière. Je me suis prononcé une nouvelle fois très fortement pour un système financier avec des règles qui soient claires, des règles qui soient fermes et des règles qui soient appliquées. Vous savez que les recommandations de la Commission nous servent de ce point de vue-là de lignes directrices, elles ont été élaborées sur la base du rapport de M. de Larosière, je vous ai déjà dit tout le bien que nous en pensions, nous serons très vigilants, je l'ai rappelé une nouvelle fois, sur le respect de ces recommandations de la Commission et du rapport Larosière qui nous semblent les bonnes lignes directrices pour avoir un nouveau système financier et pour avoir une position commune européenne lors du prochain sommet du G20 qui se tiendra à New York.
Troisième sujet qui permettra de construire cette Europe politique forte que nous appelons de nos voeux, c'est évidemment une position européenne ambitieuse en matière de lutte contre le changement climatique. Notre ambition vous la connaissez, c'est celle d'un accord global le plus ambitieux possible, en décembre prochain à Copenhague qui sera le grand rendez-vous du changement climatique, accord qui soit conforme aux dernières recommandations du GIEC, vous connaissez ces recommandations qui sont la limitation du réchauffement climatique à moins de deux degrés au-dessus des niveaux précédant le développement industriel. Nous souhaitons prendre évidemment en compte les préoccupations des uns et des autres par rapport à cet objectif mais nous n'accepterons pas de dumping environnemental.
A la veille de ce sommet de Copenhague, si jamais cela devait être le cas, nous sommes déterminés à prendre les dispositions nécessaires pour protéger nos économies et faire en sorte que la compétitivité de nos économies ne soit pas affectée. Enfin, nous avons abordé au cours du déjeuner la question de la coopération de la Serbie, de la Croatie et de la Bosnie-Herzégovine avec le Tribunal pénal international en présence de Serge Brammertz qui nous a fait un point tout à fait exhaustif sur l'état de la coopération. On voit bien d'ailleurs que de manière générale il y a un progrès dans cette coopération entre les Etats des Balkans occidentaux et le Tribunal pénal international. Il reste encore quelques points à régler, bien entendu, mais le sentiment général est qu'il y a une amélioration de la perception des travaux du Tribunal pénal international dans la région et donc une coopération qui est meilleure.
Nous avons également, toujours au déjeuner, abordé la question de la Croatie et de la Slovénie, je vous redis ce que j'ai déjà eu l'occasion de vous dire : nous souhaitons que les négociations d'adhésion de la Croatie à l'Union européenne puissent reprendre le plus rapidement possible et que par conséquent les blocages entre la Croatie et la Slovénie soient réglés dans les meilleurs délais possibles. Voilà les éléments généraux que je voulais vous donner avant de répondre à vos questions.
Q - Peut-on dire que M. Barroso va être reconduit ?
R - La question se présente de manière extrêmement claire. Le président de la République a apporté un soutien qu'il a qualifié de "sans ambiguïté" à M. Barroso, il l'a fait en présence de la chancelière allemande, Mme Merkel, la semaine dernière qui a elle aussi apportée son soutien à M. Barroso. Je ne peux que rappeler cette position de la France : nous soutenons la candidature de M. Barroso, mais nous la soutenons avec un élément complémentaire très fort qui a été rappelé là aussi par le président de la République, c'est d'avoir de la part du candidat à la présidence de la Commission un programme de travail qui soit le plus clair et le plus ambitieux possible pour les cinq prochaines années de son mandat, si jamais la décision finale qui est prise est celle de sa reconduction : c'est M. Barroso et un programme de travail ou, comme l'a dit le président de la République, un programme de travail et la reconduction de M. Barroso. Le soutien à M. Barroso, voilà la ligne très claire que défend la France parce que nous estimons que lorsqu'il s'agit d'un poste aussi important que celui du président de la Commission il y a à la fois une question d'homme, et sur la question de la personnalité, la position française est tranchée : c'est un soutien sans ambiguïté à M. Barroso, et il y a aussi une question de programme politique de fond et cette question du programme politique de fond est aussi importante que celle de la personnalité qui occupera le poste.
En termes de calendrier, une fois que ce soutien a été apporté, nous aurons une rencontre au Conseil européen, l'objectif du Conseil européen c'est de prendre une décision politique sur la reconduction de M. Barroso. Pourquoi une reconduction politique ? Ce n'est pas un geste de défiance à l'égard de M. Barroso, c'est un geste de respect à l'égard du Parlement européen parce que nous estimons que cette décision juridique doit être prise après un échange avec le Parlement européen, notamment comme l'a dit Mme Merkel, un échange avec les présidents des groupes parlementaires du Parlement européen pour que nous puissions ensuite avoir un véritable engagement juridique sur la désignation de M. Barroso.
De facto, vous aurez une décision politique du Conseil européen à la fin de la semaine, vous aurez ensuite des consultations avec le Parlement européen. S'il se trouve que ces consultations sont positives, il y aura une décision juridique qui interviendra le 15 juillet à l'occasion de la première réunion du Parlement européen mais je crois que l'essentiel du message que je veux vous faire passer tient en trois points. Le premier point, c'est qu'il y a un soutien sans ambiguïté de la France à la personne de M. Barroso. Le deuxième message, c'est que nous souhaitons un programme politique pour les cinq années à venir de la part du futur président de la Commission. Le troisième tout aussi important, c'est que la désignation du président de la Commission n'appartient pas exclusivement au Conseil européen, elle résulte d'un dialogue entre le Conseil et le Parlement, et à un moment où on renforce les prérogatives du Parlement européen si jamais le Traité de Lisbonne est adopté, il nous paraît à la fois naturel et sage d'avoir ce processus de consultation ouvert, constructif, avec le Parlement européen.
Q - (inaudible)
R - Bien sûr, parce qu'il y aura eu ce dialogue, cette proposition concrète faite par M. Barroso d'un programme politique, à lui de déterminer la forme que prendra le programme politique et la façon dont il le présentera mais c'était un point sur lequel le président de la République a insisté et qui est très important parce que nous devons à nos concitoyens un programme politique clair et il nous faut aussi l'accord avec le Parlement européen et ce dialogue avec le Parlement européen.
Q - Et pour les Commissaires ?
R - Là c'est encore une autre étape, mais pour l'instant je ne vous parle que de l'étape de la désignation du président de la Commission, je crois que la procédure qui a été retenue a le mérite d'être très simple dans son fonctionnement et en même temps d'être respectueuse des droits du Parlement et cela c'est un point sur lequel nous insistons parce que nous estimons que rien ne serait pire que de donner le sentiment que cette désignation se joue exclusivement à l'intérieur des chefs d'Etat des Etats membres et que le Parlement pourrait être tenu à l'écart, le Parlement a un pouvoir sur la désignation de M. Barroso, nous l'avons dit pendant la campagne, nous le redisons au moment où la campagne est finie alors que les électeurs ont tranché, le pouvoir du Parlement européen sera pleinement respecté.
Q - Si le Traité de Lisbonne est adopté, il faudra reprendre la procédure à zéro ?
R - Nous verrons. Je vous dis très simplement pour l'instant la première étape est celle de la désignation politique et juridique de M. Barroso par un accord entre le Conseil européen et le Parlement.
Q - M. Sarkozy et de Mme Merkel ont demandé que M. Barroso présente un programme. Mais s'agit-il d'une requête formelle ; ou voulez-vous vraiment voir son programme ? Ou est-ce que n'importe quel programme ferait l'affaire ?
R - N'importe quel programme ne conviendra naturellement pas, un programme politique est un programme qui affirme cette Europe politique dont je vous ai dit qu'elle était au centre des préoccupations françaises. C'est un programme dans lequel on parle de politique industrielle, c'est un programme dans lequel on parle de la stratégie de Lisbonne pour l'innovation et pour la recherche, dans lequel on parle de la défense, de la compétitivité économique européenne en matière environnementale suivant les lignes que je vous ai indiquées. C'est cela je crois un programme européen. J'ai lu les dernières déclarations de M. Barroso. J'ai le sentiment que ces éléments là sont pris en compte aujourd'hui par M. Barroso. Nous attendons de voir la formalisation qu'il en fera.
Q - Une simple recommandation politique ne pourrait pas tranquilliser M. Barroso ?
R - Le sens n'est pas du tout de tranquilliser qui que ce soit. Le sens, c'est d'assurer la continuité des institutions européennes et donc de faire en sorte que la Commission puisse fonctionner de la meilleure manière possible avec un président clairement identifié en respectant le poids du Parlement qui est de pouvoir investir le nouveau président, allez poser la question au Parlement européen. Je crois qu'au-delà des questions juridiques, il faut voir les questions politiques. Vous savez aussi bien que moi que le Parlement européen a envie de se prononcer sur cette question ce qui est normal. On lui donne donc la possibilité de se prononcer sur cette question et de donner son avis, ce qui me paraît normal.
Q - Le choix du président de la Commission fera-t-il l'objet d'un paquet ?
R - Non, ce n'est pas un paquet, ce qui a été demandé, je crois, est très clair, c'est un programme politique.
Q - Ne pensez-vous pas que le fait de donner des garanties à l'Irlande pour qu'elle ratifie le Traité de Lisbonne risque d'ouvrir la porte à de nouvelles revendications ? Je pense notamment à la Grande-Bretagne...?
R - Je crois qu'il faut faire très attention à ce que cette discussion n'aboutisse pas à l'ouverture de nouvelles revendications de quelque Etat membre que ce soit. Il faut faire attention également, en deuxième lieu, à ce que nous ne gênions pas un Etat membre et je pense en particulier à la Grande-Bretagne. Je me rendrai moi-même à Londres au début du mois de juillet pour préparer le sommet franco-britannique qui se tiendra le 6 juillet. Cela fera partie des discussions que nous aurons à Londres, je pense effectivement qu'il faut faire attention à cela. D'un autre côté, je pense qu'il ne faut pas voir malice là où ce n'est pas nécessaire.
Nous avions pris l'engagement en décembre 2008 de donner des garanties aux autorités irlandaises, ces garanties nous les avons désormais écrites et nous allons les donner en Irlande, cela me paraît naturel. Les engagements qui sont pris doivent être tenus, même si c'est effectivement une discussion qui est complexe, j'ai toute raison de croire que cela peut se passer dans de bonnes conditions.
Q - Quelle forme cela prendra-t-il ?
R - Le statut juridique des garanties fait encore l'objet de discussions, il y aura une réunion prochainement au niveau des représentants permanents pour regarder quelle est la forme juridique que l'on donne à ces garanties, la discussion n'est pas encore close et ce sera définitivement tranché en fin de semaine au Conseil européen.
Q - Est-ce que ces garanties comportent spécifiquement un volet fiscal ?
R - Le point fiscal ne fait que rappeler ce qui figure rigoureusement dans nos traités, ni plus ni moins.
Q - Pensez-vous que les progrès de la Serbie vont suffire à un dégel des négociations d'adhésion ?
R - Pas encore pour être très clair mais le rapport qu'a fait M. Brammertz était très intéressant. Il reste un point noir, que tout le monde connaît, qui est l'arrestation du général Mladic et qui est un point important. Je crois qu'il n'y a pas d'adhésion possible sans que toute la lumière ait été faite sur les crimes passés, je crois que cela fait partie de ce qui constitue l'identité européenne et les valeurs européennes. Mais M. Brammertz nous a dit très clairement qu'il y avait des progrès importants dans la coopération entre la Serbie et le Tribunal Pénal International. Nous estimons qu'il faut encourager ces progrès parce que la meilleure façon de faire progresser un pays, c'est de lui dire que l'on prend en compte les gestes courageux qu'il fait pour coopérer avec le Tribunal pénal international. Chacun sait que la coopération avec le Tribunal pénal international est difficile pour les autorités politiques serbes, que cela soulève des difficultés importantes notamment avec la composante nationaliste du pays, ce n'est pas une composante négligeable. A partir du moment où ils passent par-dessus ces difficultés-là pour s'engager dans une coopération que M.Brammertz a qualifiée de positive et de réelle, nous estimons qu'il doit y avoir ne récompense politique à ces gestes-là et un signal politique de la part de l'Europe. Ce signal politique serait effectivement la signature de l'accord intérimaire, il y a encore un Etat membre qui s'y oppose, nous espérons que les choses vont évoluer dans les semaines à venir.
Q - Savez-vous quand M. Barroso publiera son programme de travail ?
R - Non, mais je suis comme vous, je lis attentivement la presse, ses déclarations publiques et j'ai le sentiment que M. Barroso a parfaitement compris que nous sommes dans une nouvelle étape de la construction européenne et que c'était le moment d'affirmer une Europe politique forte et cela me semble une évolution satisfaisante.
Q - En ce qui concerne la supervision bancaire et financière, est-ce que les négociations ont avancé ?
R - Là aussi il reste des difficultés, ce qui est normal à quelques jours du Conseil européen notamment sur la question de la supervision micro-prudentielle qui est le point aujourd'hui le plus délicat. Mais, quitte à passer pour un irréductible optimiste, je crois que ce qui est satisfaisant, c'est qu'il y a une volonté politique générale de l'Union européenne d'avancer vers davantage de régulation financière. Je rappelle que c'est tout de même au G20 de Londres, c'est-à-dire sous la présidence de Gordon Brown, que cette ligne directrice générale a été fixée, donc que la Grande Bretagne a joué le jeu, elle est passée là aussi par-dessus ses intérêts nationaux pour jouer le jeu de la régulation financière et en tout état de cause nous ne sommes pas disposés à revenir en arrière sur les engagements qui ont été pris au G20 de Londres. Nous sommes très déterminés, le président de la République, le Premier ministre, Mme Lagarde, l'ensemble du gouvernement, à obtenir les moyens concrets d'une véritable régulation financière mondiale pour le G20 de New York.
Q - En matière de supervision macro-prudentielle ? Vous êtes parvenu à une position commune ?
R - Je vous dis c'est principalement sur la supervision micro-prudentielle qu'il y a encore des difficultés.
Q - Vous pensez pouvoir le résoudre au Conseil européen ?
R - Il faudra de toute façon résoudre ces difficultés parce que je vous le dis très clairement : nous ne céderons pas sur la nécessité de refonder le système financier international, nous ne céderons pas.
Q - Vous pensez qu'il y aura consensus au Conseil européen ?
R - Nous verrons, je ne veux pas préjuger de ce que seront les débats. Je crois que lorsqu'il y a une difficulté au niveau des ministres qu'il s'agisse des Affaires européennes ou des ministres des Finances, l'usage veut que les toutes dernières difficultés remontent au Conseil européen, s'il n'y avait plus de difficultés à régler au Conseil européen, on n'aurait pas besoin de Conseil européen. Si on a besoin des chefs d'Etat et du Conseil européen c'est bien pour régler les décisions les plus graves et les plus politiquement sensibles. C'est ce qui se fera jeudi et vendredi.
Q - Donc Londres n'a plus de problème avec le principe de la présidence par la BCE du comité de surveillance des risques systémiques ?
R - Vous interrogerez Londres pour savoir quelle est exactement sa position.
Q - Je reviens sur le différend croato-slovène. Est-ce que les Etats membres de l'Union européenne ne pourraient pas faire pression sur ces deux pays pour faire remonter les négociations au sommet entre les deux pays ?
R - Moi, j'espère vivement que nous trouverons un accord entre la Croatie et la Slovénie dans les jours qui viennent, de façon à ce que la Croatie puisse reprendre ses négociations d'adhésion avec l'Union européenne. Est-ce que ce sera possible ? Très franchement, je n'en sais rien parce que c'est un sujet qui est délicat. Est-ce que nous y mettrons toute notre volonté ? Oui, parce que c'est un point important et que nous estimons qu'il est important que ces négociations reprennent. Comme vous le savez, il y a une première proposition de texte qui a été formulée par le Commissaire Olli Rehn que nous soutenons pleinement dans ses démarches, cette proposition a été acceptée par la partie croate et rejetée par la partie slovène dans un deuxième temps. Il y a une autre proposition qui est sur la table, une proposition légèrement modifiée, elle pose cette fois-ci des difficultés à la partie croate, c'est normal parce qu'il faut trouver le bon équilibre à chaque fois entre les parties. Je pense qu'il faut continuer le dialogue entre les Croates et les Slovènes, apporter un plein soutien aux travaux de M. Olli Rehn, ce que le trio fait, les Suédois, les Tchèques, les Français et sur cette base-là, tout faire pour obtenir un accord dans les jours qui viennent.
Q - (inaudible)
R - Il faut que nous ne ménagions aucun effort pour obtenir un accord. Pourquoi ? D'abord parce que cela n'est l'intérêt de personne de continuer avec ce blocage entre la Croatie et la Slovénie, cela donne le sentiment que le processus d'élargissement qui doit intégrer - comme vous le savez c'est la position française - les Balkans, s'interrompt pour des raisons qui ne sont pas des raisons essentielles et puis en deuxième lieu il faut bien avoir conscience que, passé le Conseil européen de juin, nous allons entrer dans de nouvelles préoccupations qui vont être la composition du Parlement, le vote sur le candidat à la présidence de la Commission, la préparation du G20 de New York, la préparation du sommet de Copenhague. Je crois qu'il y a énormément de sujets très lourds à traiter et bien entendu la préparation du référendum irlandais et la définition des garanties juridiques que nous donnons à l'Irlande. Tout cela se sont des sujets qui demandent énormément de concentration et énormément de travail de la part des ministres des Affaires étrangères et des ministres chargés des Affaires européennes. Nous avons donc intérêt à traiter un sujet comme celui du blocage entre la Slovénie et la Croatie dans les meilleurs délais possibles pour que nous puissions trouver une issue positive.
Q - Avez-vous pris des décisions en matière de politique environnementale ? N'avez-vous pas peur qu'une telle politique nuise à la compétitivité de l'économie européenne ?
R - Sur le climat il y aura forcément un débat, il y a un débat notamment autour de deux questions. La première c'est la question du financement, ce qui est normal : sur quelles bases est-ce qu'on définit les modalités de financement de cet effort pour la préservation du climat ? C'est un point important. Et puis par ailleurs, comme l'a fait Bernard Kouchner ce matin, le président de la République a indiqué très clairement qu'il fallait aussi prévoir des mesures au cas où nos principaux partenaires qui sont aussi nos principaux rivaux commerciaux ne souscriraient pas les mêmes engagements en matière de protection de l'environnement et de défense du climat. Nous n'allons pas rester les bras croisés si jamais nos partenaires ne souscrivaient pas les mêmes engagements, nous n'allons pas nous imposer des charges industrielles et financières lourdes de manière à respecter les objectifs et en même temps laisser nos partenaires s'affranchir de toutes règles nouvelles, de toute contrainte pour leur industrie ou leur activité commerciale et laisser leurs produits entrer sans qu'il y ait une juste rétribution de l'effort que nous nous avons fait. C'est ce que le président de la République a proposé avec la taxe CO2 et cela me semble une proposition juste et équitable.
Q - La taxe carbone, c'est une idée que vous voulez voir inscrite dans le programme de Barroso ?
R - Nous n'allons pas regarder point par point si tout ce que la France défend figure au programme de M. Barroso, ce qui compte c'est l'orientation générale, est-ce qu'il y a une volonté politique forte qui s'affirme dans ce programme de travail que le président de la République a demandé à M. Barroso.
Q - M. Barroso sera président par intérim en juillet ?
R - Il n'y a pas d'interprétation à faire, il y a à appliquer les textes juridiques en respectant, une fois encore, le Parlement européen. Nous allons prendre une décision politique à la fin de la semaine, ensuite nous consultons le Parlement, alors voilà cela c'est la décision politique du Conseil, ce n'est pas une décision juridique parce qu'on ne veut pas se retrouver dans une situation où le Parlement nous dirait "vous avez pris une décision juridique ; on n'a même pas été consulté, votre décision juridique ne vaut rien". On se mettrait dans une difficulté majeure. On prend une décision politique, on va voir les présidents de groupe, ils vont nous dire, "voilà, on a fait nos calculs, cela pourrait passer ou cela ne pourrait pas passer", sachant que je consulte beaucoup les parlementaires européens. On ne sait pas encore quel va être nombre exact de députés dans chaque groupe. Vous avez des députés qui hésitent encore, à 5 ou 10 députés près cela peut être important. Ces présidents de groupes vont nous dire dans la semaine du 22 juin, "voilà, pas de problème cela passe". Dans ce cas-là, il y aura un vote formel en première session du Parlement européen, le 15 juillet, pour investir juridiquement M. Barroso et qui sera investi sous le Traité de Nice.
Q - La France voudrait-elle que la question de la taxe carbone figure dans les conclusions du Conseil ?
R - Nous l'avons demandé sous une forme plus générale. Ce que nous souhaiterions dans les conclusions du Conseil, c'est qu'il y ait une position commune : si les grands partenaires ne respectent pas les engagements qui seront pris à Copenhague par l'Union européenne au même niveau que l'Union européenne, il faudra dans ce cas prendre des décisions concrètes pour préserver la compétitivité européenne. Voilà ce que nous souhaitons. On ne souhaite pas une Europe qui resterait naïve comme on a eu pendant des années, c'est-à-dire l'Europe qui fait tout bien, qui se charge chaque fois de nouvelles contraintes, qui s'impose de nouvelles règles, les autres Etats ne font rien et on n'en tient pas compte, je suis désolé mais ce n'est pas possible.
Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 19 juin 2009