Texte intégral
Monsieur le Président, chers amis, je suis très heureux de vous retrouver ici pour cette première rencontre avec le monde de la pêche.
Vous connaissez la dénomination de mon ministère, même si elle vient de changer. Je suis le Ministre de l'Alimentation, de l'Agriculture et de la Pêche. Si la pêche est en dernier, je pense que c'est uniquement une question d'ordre alphabétique. J'y attache autant d'importance, si ce n'est davantage, car c'est le secteur le plus en difficulté par rapport aux autres. Le Premier Ministre et le Président de la République m'en ont confié la responsabilité.
Avant de rentrer dans les détails sur la situation actuelle, j'ai quelques remarques très brèves.
Tout d'abord, je vous prie de m'excuser de ne pas avoir le temps d'avoir un échange plus direct avec vous, mais les installations d'un nouveau ministère sont toujours très prenantes. Actuellement, je m'occupe de la crise du lait. Tout à l'heure, je déjeunerai avec Mme FISCHER BOEL et je ne voudrais pas trop la faire attendre. Etant donné que je compte être ferme avec elle, je préfère au moins être courtois avant.
Par ailleurs, je voudrais féliciter le Président pour son élection, bravo à lui, bravo pour cette élection qui lui donne tout comme moi des responsabilités et une charge de travail importante. Je voudrais lui dire tout de suite que je recevrai avec plaisir le bureau du Comité national dès que possible. Je crois beaucoup à cet échange direct.
Quels sont justement les éléments sur lesquels je compte m'appuyer et ce que je compte faire et construire avec vous ?
Je crois d'abord qu'il faut que nous ayons une exigence commune et je pense que vous la partagez. Je le vois dans tous les secteurs de l'agriculture et de la pêche. L'exigence est celle de la prévisibilité, c'est de savoir où l'on va.
Ce qui me frappe depuis que je suis les questions agricoles dans ma circonscription, il n'y en a pas beaucoup concernant la pêche, mais beaucoup dans ma région, ce qui est déjà important, c'est que c'est probablement le secteur économique dans lequel la prévisibilité est la moins forte et dans lequel les responsables économiques sont exposés le plus aux aléas du climat, des cours du marché, de la production et de la demande, sans avoir la possibilité de savoir exactement où ils vont.
La priorité de l'exigence numéro un à mes yeux est de construire cette prévisibilité et cette stabilité pour les producteurs dans le domaine de la pêche, afin de savoir où l'on va, sur la base de quel modèle économique et avec quel type d'organisation.
Deuxièmement, il s'agit d'avoir une vision : que veut-on sur le long terme ? Je le dis très clairement, je souhaite défendre une pêche qui soit une pêche de qualité, qui réponde à un certain nombre d'exigences qui sont aujourd'hui celles de nos consommateurs et de nos concitoyens, et qui réponde aux efforts que vous avez vous-mêmes consentis pour cette pêche de qualité, qui n'est pas forcément suivie par tous les pays autour de nous. Il faudra donc se battre pour imposer cette vision, qui est dans votre intérêt et qui répond à la demande de nos concitoyens.
Troisièmement, il faut une méthode. Elle est très simple, c'est celle du dialogue direct et de la rencontre sur le terrain. Je n'ai pas la science infuse et vous connaissez votre métier mille fois mieux que moi. Si je peux vous être utile et si je veux l'être, j'ai besoin de vous écouter, de vous entendre et de passer du temps ensemble.
C'est pour cela que je recevrai le bureau du Comité national le plus rapidement possible, c'est pour cela que je suis parmi vous aujourd'hui et c'est pour cela que passant le peu de vacances que je pourrai passer dans ma ferme du Pays-Basque, à Saint-Pée-sur-Nivelle très précisément, j'espère bien être invité par les pêcheurs basques de Saint-Jean-de-Luz, il doit y avoir des représentants ici...
Votre secteur est un secteur qui est très cher au coeur des Français. La pêche fait partie de l'identité nationale française. Cela en fait partie à cause des produits que vous produisez, auxquels les Français sont attachés. Cela en fait partie car vous participez à l'aménagement de nos côtes, en raison des ports et pour toutes sortes de raisons. Vous avez vocation à ce que le gouvernement et les responsables politiques défendent votre activité.
La pêche par ailleurs, je voudrais le dire avec beaucoup de force, est confrontée aujourd'hui à des défis probablement parmi les plus difficiles et les plus compliqués à résoudre de tous les secteurs économiques français.
Vous êtes au croisement :
* Du débat environnemental : Comment fait-on pour protéger l'environnement, protéger les espèces, éviter de piller l'océan ?
* Du débat de la sécurité sanitaire : Comment faire pour avoir la garantie d'avoir une alimentation sûre ?
* Du débat de la rentabilité économique : A partir de quelle taille une flotte est-elle rentable ? Faut-il une petite ou une grande flotte ?
* Du débat, abordé d'ailleurs par le Président, sur le prix des matières premières et du carburant.
J'ai eu l'occasion d'en parler avec le Président de la République lorsque nous étions au Conseil Européen la semaine dernière. Il y aura des initiatives françaises en partenariat notamment avec les Britanniques dans ce domaine. Nous avons besoin de plus de stabilité dans le cours des matières premières. Lorsque l'on a une activité comme la vôtre, dans laquelle le prix du gasoil représente une partie du prix de revient considérable, savoir que le brut est à 35, 70, 110 ou 120 dollars le baril, ce n'est pas la même chose.
N'a-t-on pas besoin de stabiliser à l'échelle mondiale le prix de cette matière première ? Cela fait également partie des défis que vous avez à affronter. Vous êtes une activité économique au croisement de tous les défis importants que notre économie a à affronter.
Par ailleurs, vous avez devant vous une réforme de la politique commune de la pêche qui se prépare et qui sera essentielle au même titre que la réforme de l'organisation commune du marché.
Enfin, au plan national, l'organisation professionnelle et peut-être même les règles d'accès à la ressource sont également susceptibles de connaître des évolutions dans les mois à venir.
Lorsque l'on a devant soi autant de défis à relever à l'échelle nationale et communautaire, il faut travailler ensemble, étroitement et régulièrement pour arriver à relever ces défis de la façon la plus cohérente et la plus efficace possible.
Sur le plan strictement économique, je voudrais commencer par là, nous avons mis en place en 2008, Michel BARNIER était à la manoeuvre, à la demande du Président de la République, un plan pour une pêche durable et responsable. Il représente, et le Président l'a rappelé tout à l'heure, un effort important du gouvernement : 310 Meuros ont été dégagés pour les années 2008 et 2009.
Ce plan a été fait pour répondre à une situation de crise, mais il doit prévoir également des actions structurantes, dont la mise en oeuvre doit permettre au secteur d'affronter tous les défis que j'ai déjà mentionnés.
Dans ces éléments importants, j'attacherai une vigilance toute particulière :
* Au partenariat entre les scientifiques et les pêcheurs, afin d'éviter les conflits et faire en sorte que l'on règle intelligemment un certain nombre de difficultés.
* Aux contrats bleus devant permettre d'accompagner les pêcheurs s'engageant dans des partenariats et constituant une incitation à une plus grande protection de l'environnement marin.
* Aux actions visant à améliorer l'efficacité énergétique des navires.
Nous devons vous aider à avancer dans ce sens-là, vous n'y arriverez pas seuls. Les coûts d'investissement sont beaucoup trop importants et le coût de l'énergie, j'ai eu l'occasion de le dire tout à l'heure, reste un élément de fragilité important pour vous. Nous devons vous aider dans ce domaine-là, car votre activité a une dépendance vis-à-vis du prix de l'énergie qui la rend instable et qui ne répond pas à cette exigence de stabilité et de prévisibilité que j'ai énoncée.
Je pense également aux travaux destinés à renforcer la commercialisation et la valorisation des produits de la pêche française. Ces éléments doivent également être poursuivis. J'ai commencé à regarder cette question, je m'y intéresse à titre personnel depuis très longtemps. Il est toujours intéressant de voir à quel point les produits de la pêche sont passés en l'espace de quelques années de produits de consommation très courante à des produits de luxe peu accessibles à la population.
Comment fait-on pour arriver à changer cela, à faire en sorte que vos produits soient davantage valorisés et que la commercialisation soit facilitée dans tous ces domaines ? On a des efforts à faire ensemble.
Concernant les enjeux communautaires, le premier sera bien entendu la réforme de la PCP. Je mettrai toute mon expérience d'ancien responsable des affaires européennes et donc des affaires communautaires dans le gouvernement, pour faire en sorte que la réforme de la PCP soit dans votre intérêt.
Michel BARNIER avait déjà affirmé son attachement à une stabilité relative et à son refus de voir s'établir un régime de quota individuel, qui serait transféré à l'échelle européenne. Je partage cette position et je continuerai à la défendre.
Il avait également proposé de lancer au mois de septembre des Assises de la pêche, qui auraient réuni les représentants de la filière pêche, les scientifiques et les associations, afin que nous ayons une position commune sur cette réforme.
Je reprends cette idée à mon compte. J'essaierai même de la pousser plus loin, afin qu'il y ait des travaux préparatoires à ces Assises et que celles-ci soient concluantes. Evitons de nous retrouver face à face le jour des Assises sans arriver à des conclusions fortes. Si nous voulons être forts à l'échelle communautaire, si nous voulons au Conseil Européen défendre le mieux possible nos positions, il faut que nous y arrivions sans qu'il y ait l'espace d'un papier à cigarette entre les positions des différents acteurs de cette réforme.
Je souhaiterais par ailleurs, si cela est possible, je le dis pour mon conseiller, que ces Assises ne se tiennent pas à Paris. Je tiens à ce dialogue sur le terrain. La pêche n'a pas vocation à se centraliser à Paris. On doit pouvoir le faire sur la façade maritime. Elle est assez riche en France afin que nous trouvions pour tenir ces Assises de la pêche un endroit agréable qui calmera les esprits.
Ces Assises doivent nous permettre, j'insiste sur ce point, car je crois beaucoup que la méthode de travail doit être le plus efficace possible et qu'il faut arriver à des positions solides avant les réunions communautaires, d'établir un document commun qui présentera la vision française de la réforme de la politique commune. Ce document commun me permettra d'aller ensuite dans les états membres afin de présenter notre position et de constituer des alliances. Mon expérience me prouve que rien n'est pire que d'arriver seul comme un bon petit soldat au Conseil ou aux réunions ministérielles européennes sans avoir des alliés dans la poche.
Il s'agit donc de présenter cette position, de l'expliquer à nos partenaires européens, de constituer des alliances et de la défendre de la meilleure façon possible au Conseil des Ministres comme au Conseil Européen lui-même.
Je sais que ces enjeux communautaires sont majeurs dans votre secteur. Les nouvelles règles de contrôle, la réforme des mesures techniques et les plans pluriannuels doivent être conformes aux objectifs d'exploitation durable, mais doivent également tenir compte des spécificités des pêcheries françaises, que je regarde attentivement avec mon conseiller.
Je défendrai des positions françaises dans les débats sur la réforme de l'obligation commune du marché, qui veilleront à défendre au mieux les intérêts dans vos entreprises et la valorisation de vos productions.
Dès le Conseil des Ministres de la pêche qui se tiendra prochainement sur la stratégie européenne pour le développement durable de l'aquaculture, je m'efforcerai que ces propositions se traduisent par des propositions d'actions concrètes qui soient en votre faveur.
C'est pour l'aspect communautaire. Vous savez tous aussi bien, si ce n'est mieux que moi, que c'est là où se trouvent les enjeux les plus importants. Il faut que dans notre stratégie d'action nous soyons cohérents, efficaces et que nous anticipions sur les prochaines échéances. Le projet que je vous propose est de :
* Préparer des Assises en ayant des échanges directs entre nous, des contacts avec votre bureau et des déplacements sur le terrain.
* Ouvrir des travaux avec l'ensemble des partenaires concernés par le sujet de la pêche.
* Faire les Assises.
* Produire un document commun.
* Circuler auprès de nos partenaires européens pour défendre nos positions avant les réunions officielles des Conseils des Ministres ou du Conseil Européen lui-même.
* A partir de là, défendre le mieux possible et vos intérêts et la qualité de la production française.
S'agissant du plan national, il y a plusieurs défis liés notamment à la modernisation du secteur et bien entendu à la question environnementale.
Je sais que c'est toujours une question difficile. Je suis persuadé, ce n'est pas simplement l'esprit de compromis qui m'anime, que l'on peut très bien conjuguer les exigences de l'environnement avec vos propres exigences économiques.
Le gouvernement a lancé au printemps dernier le Grenelle de la mer dans la continuité et l'esprit du Grenelle de l'environnement. Des conclusions générales seront tirées lors d'une table ronde qui aura lieu dans des délais rapprochés.
La pêche est devenue aujourd'hui un vrai sujet de débats et d'intérêts pour la société civile. Vous avez su faire entendre votre voix, je m'emploierai dans le cadre interministériel à faire valoir l'importance qu'il y a à mettre en valeur les activités de la pêche maritime et de l'aquaculture marine.
Par ailleurs, toujours sur la question de l'environnement, le processus de mise en place des sites Natura 2000 se poursuit.
Il demande, je sais que c'est également un sujet sensible pour un certain nombre d'entre vous, un dialogue approfondi avec les préfets maritimes, avec les services de mon collègue et ami Jean-Louis BORLOO et Chantal JOUANNOT, et avec l'agence des aires marines protégées.
De nouveaux parcs naturels marins voient le jour le long des côtes françaises. Là encore, cela doit se conjuguer avec vos intérêts en termes de pêche, votre conception de la ressource halieutique et la capacité pour vous de poursuivre dans de bonnes conditions vos activités économiques.
Je veillerai donc à ce que les pêcheurs, les conchyliculteurs et les pisciculteurs soient parties prenantes du processus.
Il est hors de question que le processus portant sur les sites de Natura 2000 se fasse en vase clos, ne concerne que les responsables du Ministère chargés de l'Environnement et de l'Aménagement du Territoire et que vous ne soyez directement associés à ces discussions. Je veillerai donc à ce que dans le cadre interministériel, vous puissiez faire entendre votre voix.
L'évolution de l'organisation professionnelle, autre aspect, est une priorité de votre nouveau mandat monsieur le Président. Je crois que c'est un aspect tout à fait essentiel pour renforcer l'efficacité et la légitimité de votre organisation au niveau régional et national. Plus vous serez visible, plus vous aurez réformé dans un sens professionnel de dialogue et d'ouverture votre organisation, plus vous serez compréhensif pour le grand public et les citoyens, et plus vous m'aiderez dans mon travail de défense de vos intérêts.
Vous avez devant vous la question de la mise en place par la Direction des pêches maritimes et de l'aquaculture d'un groupe de travail devant permettre d'avancer sur des pistes concrètes et de les traduire sous forme juridique. Il revient à l'autorité nationale de finaliser ce dossier dans les tout prochains mois avec l'aide de la DPMA.
Mon souhait est que nous puissions construire ensemble les dispositions législatives et que celles-ci soient incluses directement dans le projet de loi de modernisation de l'agriculture et de la pêche, qui sera présenté avant la fin de l'année au Parlement à la demande du Président de la République. Ce sera un rendez-vous majeur pour le Ministère de l'Alimentation, de l'Agriculture et de la Pêche.
Lors de ce rendez-vous, il faut également que nous anticipions des choses et que nous commencions à travailler sur les dispositions législatives nécessaires à inclure dans ce texte. Faisons-le ensemble le plus tôt possible. Le débat au Parlement sera difficile, comme tout débat au Parlement. Il se fera dans des conditions législatives nouvelles, donnant aux parlementaires plus de pouvoir qu'auparavant au gouvernement et à l'exécutif. Il faut que nous ayons le plus tôt possible commencé à travailler sur ces dispositions.
Le dernier point sur la gouvernance du secteur que je souhaitais aborder, c'est la question de l'accès à la ressource. Je crois que le CNPM a fait preuve de responsabilité en donnant un avis favorable à l'unanimité au projet de décret établissant une expérimentation en matière de limitation individuelle des captures. Cette innovation a également à mes yeux un autre avantage.
Elle montre à nos partenaires de la Commission Européenne et des autres Etats membres que nous sommes prêts à évoluer sur un sujet sensible et que nous ne sommes pas arcboutés sur nos positions, mais que nous sommes capables d'évoluer, de faire preuve de responsabilité, de responsabiliser des organisations de producteurs eux-mêmes, sans basculer dans la libéralisation totale des quotas.
Ce que je dis pour le secteur laitier, je le dis également pour le secteur de la pêche : plus les secteurs sont instables, plus nous avons besoin de la régulation de la production. Les deux vont de paire. Il est hors de question, quel que soit le secteur du monde agricole et de la pêche, de laisser des règles de liberté absolue l'emporter sur la nécessaire régulation.
La prévisibilité tiendra à la fois à la cohérence des positions que nous adopterons ensemble, à la contractualisation que vous arriverez à construire entre vous, et à une régularisation de la production la plus harmonieuse possible.
Ce sont les quelques éléments que je voulais vous dire pour cette première rencontre, malheureusement trop brève avec vous.
Vous avez compris que l'avenir de la pêche est un enjeu essentiel à mes yeux, qu'il se décide aujourd'hui et que vous êtes à un tournant de votre activité. Cet avenir doit se décider avant tout par les pêcheurs, avec les pêcheurs et c'est dans cet esprit que je souhaite travailler avec vous, comme l'a dit le Président, pour de longues années à venir.
Je vous remercie.
Source http://www.comite-peches.fr, le 1er juillet 2009
Vous connaissez la dénomination de mon ministère, même si elle vient de changer. Je suis le Ministre de l'Alimentation, de l'Agriculture et de la Pêche. Si la pêche est en dernier, je pense que c'est uniquement une question d'ordre alphabétique. J'y attache autant d'importance, si ce n'est davantage, car c'est le secteur le plus en difficulté par rapport aux autres. Le Premier Ministre et le Président de la République m'en ont confié la responsabilité.
Avant de rentrer dans les détails sur la situation actuelle, j'ai quelques remarques très brèves.
Tout d'abord, je vous prie de m'excuser de ne pas avoir le temps d'avoir un échange plus direct avec vous, mais les installations d'un nouveau ministère sont toujours très prenantes. Actuellement, je m'occupe de la crise du lait. Tout à l'heure, je déjeunerai avec Mme FISCHER BOEL et je ne voudrais pas trop la faire attendre. Etant donné que je compte être ferme avec elle, je préfère au moins être courtois avant.
Par ailleurs, je voudrais féliciter le Président pour son élection, bravo à lui, bravo pour cette élection qui lui donne tout comme moi des responsabilités et une charge de travail importante. Je voudrais lui dire tout de suite que je recevrai avec plaisir le bureau du Comité national dès que possible. Je crois beaucoup à cet échange direct.
Quels sont justement les éléments sur lesquels je compte m'appuyer et ce que je compte faire et construire avec vous ?
Je crois d'abord qu'il faut que nous ayons une exigence commune et je pense que vous la partagez. Je le vois dans tous les secteurs de l'agriculture et de la pêche. L'exigence est celle de la prévisibilité, c'est de savoir où l'on va.
Ce qui me frappe depuis que je suis les questions agricoles dans ma circonscription, il n'y en a pas beaucoup concernant la pêche, mais beaucoup dans ma région, ce qui est déjà important, c'est que c'est probablement le secteur économique dans lequel la prévisibilité est la moins forte et dans lequel les responsables économiques sont exposés le plus aux aléas du climat, des cours du marché, de la production et de la demande, sans avoir la possibilité de savoir exactement où ils vont.
La priorité de l'exigence numéro un à mes yeux est de construire cette prévisibilité et cette stabilité pour les producteurs dans le domaine de la pêche, afin de savoir où l'on va, sur la base de quel modèle économique et avec quel type d'organisation.
Deuxièmement, il s'agit d'avoir une vision : que veut-on sur le long terme ? Je le dis très clairement, je souhaite défendre une pêche qui soit une pêche de qualité, qui réponde à un certain nombre d'exigences qui sont aujourd'hui celles de nos consommateurs et de nos concitoyens, et qui réponde aux efforts que vous avez vous-mêmes consentis pour cette pêche de qualité, qui n'est pas forcément suivie par tous les pays autour de nous. Il faudra donc se battre pour imposer cette vision, qui est dans votre intérêt et qui répond à la demande de nos concitoyens.
Troisièmement, il faut une méthode. Elle est très simple, c'est celle du dialogue direct et de la rencontre sur le terrain. Je n'ai pas la science infuse et vous connaissez votre métier mille fois mieux que moi. Si je peux vous être utile et si je veux l'être, j'ai besoin de vous écouter, de vous entendre et de passer du temps ensemble.
C'est pour cela que je recevrai le bureau du Comité national le plus rapidement possible, c'est pour cela que je suis parmi vous aujourd'hui et c'est pour cela que passant le peu de vacances que je pourrai passer dans ma ferme du Pays-Basque, à Saint-Pée-sur-Nivelle très précisément, j'espère bien être invité par les pêcheurs basques de Saint-Jean-de-Luz, il doit y avoir des représentants ici...
Votre secteur est un secteur qui est très cher au coeur des Français. La pêche fait partie de l'identité nationale française. Cela en fait partie à cause des produits que vous produisez, auxquels les Français sont attachés. Cela en fait partie car vous participez à l'aménagement de nos côtes, en raison des ports et pour toutes sortes de raisons. Vous avez vocation à ce que le gouvernement et les responsables politiques défendent votre activité.
La pêche par ailleurs, je voudrais le dire avec beaucoup de force, est confrontée aujourd'hui à des défis probablement parmi les plus difficiles et les plus compliqués à résoudre de tous les secteurs économiques français.
Vous êtes au croisement :
* Du débat environnemental : Comment fait-on pour protéger l'environnement, protéger les espèces, éviter de piller l'océan ?
* Du débat de la sécurité sanitaire : Comment faire pour avoir la garantie d'avoir une alimentation sûre ?
* Du débat de la rentabilité économique : A partir de quelle taille une flotte est-elle rentable ? Faut-il une petite ou une grande flotte ?
* Du débat, abordé d'ailleurs par le Président, sur le prix des matières premières et du carburant.
J'ai eu l'occasion d'en parler avec le Président de la République lorsque nous étions au Conseil Européen la semaine dernière. Il y aura des initiatives françaises en partenariat notamment avec les Britanniques dans ce domaine. Nous avons besoin de plus de stabilité dans le cours des matières premières. Lorsque l'on a une activité comme la vôtre, dans laquelle le prix du gasoil représente une partie du prix de revient considérable, savoir que le brut est à 35, 70, 110 ou 120 dollars le baril, ce n'est pas la même chose.
N'a-t-on pas besoin de stabiliser à l'échelle mondiale le prix de cette matière première ? Cela fait également partie des défis que vous avez à affronter. Vous êtes une activité économique au croisement de tous les défis importants que notre économie a à affronter.
Par ailleurs, vous avez devant vous une réforme de la politique commune de la pêche qui se prépare et qui sera essentielle au même titre que la réforme de l'organisation commune du marché.
Enfin, au plan national, l'organisation professionnelle et peut-être même les règles d'accès à la ressource sont également susceptibles de connaître des évolutions dans les mois à venir.
Lorsque l'on a devant soi autant de défis à relever à l'échelle nationale et communautaire, il faut travailler ensemble, étroitement et régulièrement pour arriver à relever ces défis de la façon la plus cohérente et la plus efficace possible.
Sur le plan strictement économique, je voudrais commencer par là, nous avons mis en place en 2008, Michel BARNIER était à la manoeuvre, à la demande du Président de la République, un plan pour une pêche durable et responsable. Il représente, et le Président l'a rappelé tout à l'heure, un effort important du gouvernement : 310 Meuros ont été dégagés pour les années 2008 et 2009.
Ce plan a été fait pour répondre à une situation de crise, mais il doit prévoir également des actions structurantes, dont la mise en oeuvre doit permettre au secteur d'affronter tous les défis que j'ai déjà mentionnés.
Dans ces éléments importants, j'attacherai une vigilance toute particulière :
* Au partenariat entre les scientifiques et les pêcheurs, afin d'éviter les conflits et faire en sorte que l'on règle intelligemment un certain nombre de difficultés.
* Aux contrats bleus devant permettre d'accompagner les pêcheurs s'engageant dans des partenariats et constituant une incitation à une plus grande protection de l'environnement marin.
* Aux actions visant à améliorer l'efficacité énergétique des navires.
Nous devons vous aider à avancer dans ce sens-là, vous n'y arriverez pas seuls. Les coûts d'investissement sont beaucoup trop importants et le coût de l'énergie, j'ai eu l'occasion de le dire tout à l'heure, reste un élément de fragilité important pour vous. Nous devons vous aider dans ce domaine-là, car votre activité a une dépendance vis-à-vis du prix de l'énergie qui la rend instable et qui ne répond pas à cette exigence de stabilité et de prévisibilité que j'ai énoncée.
Je pense également aux travaux destinés à renforcer la commercialisation et la valorisation des produits de la pêche française. Ces éléments doivent également être poursuivis. J'ai commencé à regarder cette question, je m'y intéresse à titre personnel depuis très longtemps. Il est toujours intéressant de voir à quel point les produits de la pêche sont passés en l'espace de quelques années de produits de consommation très courante à des produits de luxe peu accessibles à la population.
Comment fait-on pour arriver à changer cela, à faire en sorte que vos produits soient davantage valorisés et que la commercialisation soit facilitée dans tous ces domaines ? On a des efforts à faire ensemble.
Concernant les enjeux communautaires, le premier sera bien entendu la réforme de la PCP. Je mettrai toute mon expérience d'ancien responsable des affaires européennes et donc des affaires communautaires dans le gouvernement, pour faire en sorte que la réforme de la PCP soit dans votre intérêt.
Michel BARNIER avait déjà affirmé son attachement à une stabilité relative et à son refus de voir s'établir un régime de quota individuel, qui serait transféré à l'échelle européenne. Je partage cette position et je continuerai à la défendre.
Il avait également proposé de lancer au mois de septembre des Assises de la pêche, qui auraient réuni les représentants de la filière pêche, les scientifiques et les associations, afin que nous ayons une position commune sur cette réforme.
Je reprends cette idée à mon compte. J'essaierai même de la pousser plus loin, afin qu'il y ait des travaux préparatoires à ces Assises et que celles-ci soient concluantes. Evitons de nous retrouver face à face le jour des Assises sans arriver à des conclusions fortes. Si nous voulons être forts à l'échelle communautaire, si nous voulons au Conseil Européen défendre le mieux possible nos positions, il faut que nous y arrivions sans qu'il y ait l'espace d'un papier à cigarette entre les positions des différents acteurs de cette réforme.
Je souhaiterais par ailleurs, si cela est possible, je le dis pour mon conseiller, que ces Assises ne se tiennent pas à Paris. Je tiens à ce dialogue sur le terrain. La pêche n'a pas vocation à se centraliser à Paris. On doit pouvoir le faire sur la façade maritime. Elle est assez riche en France afin que nous trouvions pour tenir ces Assises de la pêche un endroit agréable qui calmera les esprits.
Ces Assises doivent nous permettre, j'insiste sur ce point, car je crois beaucoup que la méthode de travail doit être le plus efficace possible et qu'il faut arriver à des positions solides avant les réunions communautaires, d'établir un document commun qui présentera la vision française de la réforme de la politique commune. Ce document commun me permettra d'aller ensuite dans les états membres afin de présenter notre position et de constituer des alliances. Mon expérience me prouve que rien n'est pire que d'arriver seul comme un bon petit soldat au Conseil ou aux réunions ministérielles européennes sans avoir des alliés dans la poche.
Il s'agit donc de présenter cette position, de l'expliquer à nos partenaires européens, de constituer des alliances et de la défendre de la meilleure façon possible au Conseil des Ministres comme au Conseil Européen lui-même.
Je sais que ces enjeux communautaires sont majeurs dans votre secteur. Les nouvelles règles de contrôle, la réforme des mesures techniques et les plans pluriannuels doivent être conformes aux objectifs d'exploitation durable, mais doivent également tenir compte des spécificités des pêcheries françaises, que je regarde attentivement avec mon conseiller.
Je défendrai des positions françaises dans les débats sur la réforme de l'obligation commune du marché, qui veilleront à défendre au mieux les intérêts dans vos entreprises et la valorisation de vos productions.
Dès le Conseil des Ministres de la pêche qui se tiendra prochainement sur la stratégie européenne pour le développement durable de l'aquaculture, je m'efforcerai que ces propositions se traduisent par des propositions d'actions concrètes qui soient en votre faveur.
C'est pour l'aspect communautaire. Vous savez tous aussi bien, si ce n'est mieux que moi, que c'est là où se trouvent les enjeux les plus importants. Il faut que dans notre stratégie d'action nous soyons cohérents, efficaces et que nous anticipions sur les prochaines échéances. Le projet que je vous propose est de :
* Préparer des Assises en ayant des échanges directs entre nous, des contacts avec votre bureau et des déplacements sur le terrain.
* Ouvrir des travaux avec l'ensemble des partenaires concernés par le sujet de la pêche.
* Faire les Assises.
* Produire un document commun.
* Circuler auprès de nos partenaires européens pour défendre nos positions avant les réunions officielles des Conseils des Ministres ou du Conseil Européen lui-même.
* A partir de là, défendre le mieux possible et vos intérêts et la qualité de la production française.
S'agissant du plan national, il y a plusieurs défis liés notamment à la modernisation du secteur et bien entendu à la question environnementale.
Je sais que c'est toujours une question difficile. Je suis persuadé, ce n'est pas simplement l'esprit de compromis qui m'anime, que l'on peut très bien conjuguer les exigences de l'environnement avec vos propres exigences économiques.
Le gouvernement a lancé au printemps dernier le Grenelle de la mer dans la continuité et l'esprit du Grenelle de l'environnement. Des conclusions générales seront tirées lors d'une table ronde qui aura lieu dans des délais rapprochés.
La pêche est devenue aujourd'hui un vrai sujet de débats et d'intérêts pour la société civile. Vous avez su faire entendre votre voix, je m'emploierai dans le cadre interministériel à faire valoir l'importance qu'il y a à mettre en valeur les activités de la pêche maritime et de l'aquaculture marine.
Par ailleurs, toujours sur la question de l'environnement, le processus de mise en place des sites Natura 2000 se poursuit.
Il demande, je sais que c'est également un sujet sensible pour un certain nombre d'entre vous, un dialogue approfondi avec les préfets maritimes, avec les services de mon collègue et ami Jean-Louis BORLOO et Chantal JOUANNOT, et avec l'agence des aires marines protégées.
De nouveaux parcs naturels marins voient le jour le long des côtes françaises. Là encore, cela doit se conjuguer avec vos intérêts en termes de pêche, votre conception de la ressource halieutique et la capacité pour vous de poursuivre dans de bonnes conditions vos activités économiques.
Je veillerai donc à ce que les pêcheurs, les conchyliculteurs et les pisciculteurs soient parties prenantes du processus.
Il est hors de question que le processus portant sur les sites de Natura 2000 se fasse en vase clos, ne concerne que les responsables du Ministère chargés de l'Environnement et de l'Aménagement du Territoire et que vous ne soyez directement associés à ces discussions. Je veillerai donc à ce que dans le cadre interministériel, vous puissiez faire entendre votre voix.
L'évolution de l'organisation professionnelle, autre aspect, est une priorité de votre nouveau mandat monsieur le Président. Je crois que c'est un aspect tout à fait essentiel pour renforcer l'efficacité et la légitimité de votre organisation au niveau régional et national. Plus vous serez visible, plus vous aurez réformé dans un sens professionnel de dialogue et d'ouverture votre organisation, plus vous serez compréhensif pour le grand public et les citoyens, et plus vous m'aiderez dans mon travail de défense de vos intérêts.
Vous avez devant vous la question de la mise en place par la Direction des pêches maritimes et de l'aquaculture d'un groupe de travail devant permettre d'avancer sur des pistes concrètes et de les traduire sous forme juridique. Il revient à l'autorité nationale de finaliser ce dossier dans les tout prochains mois avec l'aide de la DPMA.
Mon souhait est que nous puissions construire ensemble les dispositions législatives et que celles-ci soient incluses directement dans le projet de loi de modernisation de l'agriculture et de la pêche, qui sera présenté avant la fin de l'année au Parlement à la demande du Président de la République. Ce sera un rendez-vous majeur pour le Ministère de l'Alimentation, de l'Agriculture et de la Pêche.
Lors de ce rendez-vous, il faut également que nous anticipions des choses et que nous commencions à travailler sur les dispositions législatives nécessaires à inclure dans ce texte. Faisons-le ensemble le plus tôt possible. Le débat au Parlement sera difficile, comme tout débat au Parlement. Il se fera dans des conditions législatives nouvelles, donnant aux parlementaires plus de pouvoir qu'auparavant au gouvernement et à l'exécutif. Il faut que nous ayons le plus tôt possible commencé à travailler sur ces dispositions.
Le dernier point sur la gouvernance du secteur que je souhaitais aborder, c'est la question de l'accès à la ressource. Je crois que le CNPM a fait preuve de responsabilité en donnant un avis favorable à l'unanimité au projet de décret établissant une expérimentation en matière de limitation individuelle des captures. Cette innovation a également à mes yeux un autre avantage.
Elle montre à nos partenaires de la Commission Européenne et des autres Etats membres que nous sommes prêts à évoluer sur un sujet sensible et que nous ne sommes pas arcboutés sur nos positions, mais que nous sommes capables d'évoluer, de faire preuve de responsabilité, de responsabiliser des organisations de producteurs eux-mêmes, sans basculer dans la libéralisation totale des quotas.
Ce que je dis pour le secteur laitier, je le dis également pour le secteur de la pêche : plus les secteurs sont instables, plus nous avons besoin de la régulation de la production. Les deux vont de paire. Il est hors de question, quel que soit le secteur du monde agricole et de la pêche, de laisser des règles de liberté absolue l'emporter sur la nécessaire régulation.
La prévisibilité tiendra à la fois à la cohérence des positions que nous adopterons ensemble, à la contractualisation que vous arriverez à construire entre vous, et à une régularisation de la production la plus harmonieuse possible.
Ce sont les quelques éléments que je voulais vous dire pour cette première rencontre, malheureusement trop brève avec vous.
Vous avez compris que l'avenir de la pêche est un enjeu essentiel à mes yeux, qu'il se décide aujourd'hui et que vous êtes à un tournant de votre activité. Cet avenir doit se décider avant tout par les pêcheurs, avec les pêcheurs et c'est dans cet esprit que je souhaite travailler avec vous, comme l'a dit le Président, pour de longues années à venir.
Je vous remercie.
Source http://www.comite-peches.fr, le 1er juillet 2009