Déclaration de M. Jean Glavany, ministre de l'agriculture et de la pêche, sur les aides gouvernementales suite à la tempête de 1999 et le projet de loi d'orientation sur la forêt, Paris le 7 juin 2001.

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Circonstance : Assemblée générale de la Fédération nationale des propriétaires forestiers sylviculteurs, à Paris, Centre Chaillot Galliera le 7 juin 2001

Texte intégral

Monsieur le Président,
Madame la Présidente,
Mesdames, Messieurs
Je dois reconnaître que c'est avec un plaisir particulier que je me trouve parmi vous aujourd'hui.
En effet, alors que, depuis plus de deux ans, j'ai tenu à manifester mon attachement à la forêt et au bois en participant dans toute la mesure du possible aux rencontres et assemblées générales des professionnels de la filière, les circonstances ne m'ont jamais permis d'assister à vos travaux. J'avais, en particulier, regretté l'an dernier de ne pouvoir vous retrouver à Bordeaux, au cur du massif aquitain particulièrement éprouvé.
La gestion des conséquences de la tempête a profondément marqué notre quotidien à tous depuis des mois. Le traumatisme est toujours vif, mais, j'en suis convaincu, l'énergie, la ténacité et l'imagination déployées pour surmonter de telles crises majeures sont porteuses d'avenir.
Je ne m'étendrai pas sur la diversité des mesures et l'ampleur des moyens mis en place par le gouvernement, pour faire face à cette catastrophe sans précédent. Les chiffres sont éloquents, vous les connaissez : 2 milliards de francs de crédits budgétaires en 2000/2001, 12 milliards de prêts bonifiés, 600 MF/an consacrés à la reconstitution pendant 10 ans, et de nombreuses dispositions fiscales visant à alléger les charges des propriétaires.
Cet effort de solidarité sans précédent - et oh combien justifié - de la collectivité nationale envers la forêt et les acteurs forestiers était fondé sur un pari, celui du dynamisme économique des partenaires professionnels. Et je tiens à souligner à mon tour, Monsieur le Président, combien les propriétaires forestiers et leurs organisations ont activement participé à la réussite de ce PARI.
Alors que ces tempêtes ont transformé la France forestière en un vaste chantier, de toutes parts me remonte l'écho d'initiatives originales : le volontarisme de la coopération forestière - et de l'action de sa Présidente -, l'engagement résolu des experts, la motivation des agents des CRPF sans oublier le foisonnement des actions individuelles en dépit d'un sentiment d'isolement et d'impuissance bien compréhensible tout cela a démultiplié la capacité collective à s'atteler à une tâche titanesque.
Plus de la moitié des chablis auront ainsi été récoltés en une année par l'ensemble de la filière, et cette mobilisation se poursuit toujours. Il nous appartient à présent de tirer toutes les leçons de ces mois de " campagne ". Je souscris entièrement à votre souhait de " retour sur expérience ", Monsieur le Président, qui rejoint l'engagement que j'ai moi-même pris devant les assemblées.
Dans l'immédiat, je souhaiterais également insister sur trois points.
La poursuite des aides du plan chablis tout d'abord, sur laquelle je suis régulièrement questionné. Pour l'anecdote, j'entends depuis plus d'un an déjà des rumeurs persistantes sur l'arrêt imminent des aides au transport Or ces aides, particulièrement efficaces et appréciées, sont toujours en vigueur comme je l'ai tout aussi régulièrement annoncé.
C'est pourquoi je le répète, les aides du plan gouvernemental mises en place depuis le début de l'année 2000 sont toujours d'actualité et j'invite les opérateurs à y recourir pendant que des bois chablis sont encore valorisables. J'ajoute que les intempéries singulières de l'hiver et du printemps n'ont pas facilité - loin de là - les travaux d'exploitation ou les transports de bois.
Mais la poursuite du plan national pour la forêt a pris une autre dimension avec la montée en puissance des opérations de nettoyage et de reconstitution des peuplements forestiers sinistrés, qui ont débuté dès l'automne dernier. Cette année, plus d'un milliard de francs de crédits ont été délégués dans les régions et sont à la disposition des propriétaires forestiers. Je sais qu'un nombre important de dossiers sont déjà parvenus dans les services déconcentrés et j'invite les propriétaires à mobiliser largement ces aides pour renouveler les peuplements et façonner les forêts de demain.
J'ai souhaité que cette aide soit accessible au plus grand nombre et je rappelle que le seuil de surface minimale a été fixé à 1 hectare pour un projet de reconstitution, avec une possibilité de regroupement pour les propriétaires de plus petites parcelles. Pour tenir compte des risques d'incendie, j'ai récemment décidé d'abaisser ce seuil pour les dossiers de nettoyage ; cela permet notamment de prendre en compte tous les propriétaires qui ont plusieurs trouées de moins de 1 hectare dans leurs forêts.
Monsieur le Président, j'ai bien entendu votre message sur les difficultés de gestion des nouvelles procédures administratives ; j'ai moi-même réaffirmé à mes services l'importance que j'attachais à ce que ces problèmes puissent être résolus sans délais, et je suis intervenu à plusieurs reprises auprès de mes collègues pour lever tel ou tel obstacle.
Vous avez souligné à juste titre l'importance de l'assurance en forêt. Le choc des tempêtes de 1999 montre à l'évidence que ce sujet doit être étudié avec beaucoup d'attention et que dans ce domaine aussi, nous devons collectivement faire preuve d'imagination et de pragmatisme. J'y attache une grande importance et j'ai appelé personnellement l'attention de Laurent Fabius sur cette question.
Dans le cadre du débat sur le projet de loi d'orientation sur la forêt - sur lequel je reviendrai tout à l'heure - le gouvernement s'est engagé à associer les représentants des propriétaires forestiers aux discussions et aux travaux qui permettront de présenter un rapport devant le parlement sur ce thème. Lors des dernières discussions à l'Assemblée Nationale, cette participation a même été inscrite dans la loi par amendement, preuve que ce sujet est particulièrement sensible et mobilise pleinement les élus aux côtés du Gouvernement.
Au-delà de cette question spécifique des assurances, des habitudes de concertation renforcée et de collaboration constructive se sont mises en place entre nous, ce dont je me félicite. Je souhaite que ces habitudes perdurent pour une meilleure efficacité de nos actions communes en faveur de la forêt et du bois.
J'en arrive justement, Monsieur le Président, au projet de loi d'orientation sur la forêt que vous avez longuement évoqué. Il est vrai que nous sommes aujourd'hui au coeur de l'actualité de ce texte, puisque je le défendais en deuxième lecture à l'Assemblée Nationale le 29 mai dernier et qu'il revient au Sénat mercredi prochain, le 13 juin.
Vous avez brossé, Monsieur le Président, un tableau particulièrement précis et percutant du projet actuel. Je reconnais bien là le sens du détail dans la négociation, et la détermination - j'en atteste ici, et je pourrais même dire l'acharnement, mais un acharnement de bon aloi - avec lesquels vous défendez les intérêts des propriétaires forestiers.
Je ne reviendrai pas sur le détail de votre analyse qui met en évidence les principales lignes de force de ce projet de loi et qui souligne les points de discussion encore ouverts. A une semaine de l'ouverture des débats devant la Haute Assemblée, je n'ai pas grand chose à modifier ou à rajouter à ce que j'ai exprimé, au nom du Gouvernement, la semaine dernière devant l'Assemblée Nationale ; vous connaissez d'autant mieux ces positions que j'ai pu constater, Monsieur le Président, votre assiduité à ces travaux, y compris à une heure avancée de la nuit. Un projet de loi dont je veux vous confirmer ici qu'il sera adopté définitivement avant la fin du mois de juin. Le Ministre des Relations avec le Parlement me l'a confirmé ce matin.
J'ai pris acte des votes exprimés à cette occasion et c'est maintenant au Sénat d'examiner, avec toute sa sagesse, les éléments qui resteraient à préciser ou qui suscitent encore des débats.
Je tiens à réaffirmer ma confiance dans le processus parlementaire, et dans notre capacité à collective à faire de ce projet de loi d'orientation sur la forêt une grande loi, la loi à laquelle appelait en 1998 Jean-Louis Bianco dans son rapport "La forêt, une chance pour la France".
Je veux simplement, à ce stade, insister sur l'importance que le Gouvernement accorde à un sujet qui vous tient particulièrement à cur : les conditions d'un bon équilibre sylvo-cynégétique. Les débats de la semaine dernière ont montré - une fois de plus - l'extrême sensibilité de la représentation nationale à ce sujet, et la nécessité d'une bonne information sur le résultat des discussions avec les chasseurs. Je répète que, si l'accord négocié entre les chasseurs et les propriétaires forestiers est confirmé sans équivoque, le Gouvernement fera sien ce compromis. Je dis " sans équivoque " et j'ajoute " en toute transparence " car il faudra en convaincre ensemble les parlementaires !
Monsieur le Président, j'évoquais tout à l'heure les défis que les circonstances nous ont amenés à relever ces derniers mois et qui préfigurent les enjeux auxquels nous serons confrontés demain. Avec ce projet de loi d'orientation qui arrive à son terme, nous serons encore mieux armés pour saisir de nouvelles opportunités.
La dimension internationale, indissociable de toute réflexion forestière, doit être prise en compte à sa juste mesure. Si les chablis ont souligné cet aspect, vous l'avez compris depuis longtemps, Monsieur le Président, et j'en veux pour preuve votre engagement dans le schéma PEFC (Pan-European Forest Certification). Vous en assurez même la présidence européenne, mission que je devine bien difficile à assumer en cette année riche en événements.
La présence de la forêt et du bois dans le débat sur la lutte contre l'effet de serre m'apparaît également primordiale. Outre les aspects "puits de carbone" liés à la croissance de la forêt, le bois est un matériau renouvelable, il est issu d'une filière de production économe en intrants, il est source d'énergie propre et il piège le carbone atmosphérique dans des produits à longue durée de vie. Autant d'atouts que vous connaissez, mais qui doivent être rappelés auprès de nos concitoyens.
C'est pourquoi une stratégie de développement de l'usage du bois doit être menée en parallèle à la dynamique de gestion durable de nos forêts. C'est, rappelons-le, sur ces considérations que se fonde l'un des axes retenus dans la stratégie forestière française, et ainsi formulé : " Conquérir des marchés et établir le bois comme éco-matériau adapté aux exigences du XXI° siècle ". J'ai ainsi , en plusieurs occasions, invité les professionnels à faire de 2001 " l'année du bois ".
Vous avez cité, Monsieur le Président deux actions qui vous tiennent particulièrement à cur, l'écocertification et l'organisation interprofessionnelle. Je suis moi aussi profondément attaché à ce que ces dossiers aboutissent.
J'ai également plaisir à saluer la multiplicité des initiatives qui, depuis quelques mois, s'inscrivent dans cet objectif : Semaine du bois, charte bois-construction-environnement, projet de création d'espace commun forêt-bois sont autant d'éléments concourant à créer un contexte favorable, même si la performance économique ne se décrète pas, vous le savez aussi bien que moi.
Comme je suis confiant dans les capacités de la filière à rebondir, dans un cadre rénové, après le choc des chablis de 1999, je suis également persuadé que la forêt et le bois portent en eux des valeurs qui sont progressivement redécouvertes au plan international, dans les débats sur le développement durable : valeur du patrimoine au sens le plus noble du terme, valeur de la multifonctionnalité - souvent pratiquée avant la lettre - valeur de la responsabilité écologique, économique et sociale au fil des générations
Au moment où tous s'activent à préparer les bilans de l'action politique en faveur du développement durable (2002 correspondra à " Rio + 10 ", dixième anniversaire du Sommet de la terre de 1992), la rénovation de la politique forestière engagée dans notre pays constitue une manifestation concrète de notre action conjointe en faveur d'une économie respectueuse de l'environnement et soucieuse de la qualité de la vie.
(Source http://www.agriculture.gouv.fr, le 11 juin 2001)