Déclaration de M. Patrick Devedjian, ministre chargé de la mise en oeuvre du plan de relance, sur la stratégie d'investissements publics, de soutien à l'activité économique et à l'emploi mise en oeuvre dans le plan de relance face à la crise, au Sénat le 7 juillet 2009.

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Circonstance : Audition de M. Devedjian par la commission des finances du Sénat le 7 juillet 2009

Texte intégral

Le plan de relance, annoncé par le Président de la République le 4 décembre dernier, constitue un effort massif. Il prolonge une série de dispositions qui contribuent également à surmonter la crise.
Fondé sur l'investissement, il a été enrichi par de nombreuses mesures de solidarité en direction des ménages et des salariés touchés dans leur emploi.
Il est temporaire et ciblé et sa réussite est largement subordonnée à notre capacité collective à le conduire rapidement.
I - Un effort massif
Le plan de relance porte sur un effort nouveau de l'ordre de 30 milliards d'euros.
Il s'inscrit dans le prolongement des mesures prises dès le mois d'octobre en réponse à la crise financière internationale dont la faillite de Lehmann Brothers, aux U.S.A. a été l'un des révélateurs les plus spectaculaires pour l'opinion publique.
Cette crise a conduit à prendre des mesures de soutien au système financier pour conforter notamment le financement de l'économie.
Ces mesures se sont traduites en particulier par :
. la mobilisation de 320 milliards d'euros pour renforcer et garantir les banques,
. et la mise en place de 22 milliards d'euros pour faciliter le financement des PME.
Le plan prolonge aussi des mesures arrêtées en 2007-2008 et qui continuent de porter leurs effets, qu'il s'agisse des allègements fiscaux ou de la revalorisation de prestations sociales.
C'est donc un effort en lui-même massif qui s'inscrit dans un contexte et un mouvement qui mettent en jeu des grandeurs considérables. Cette dimension ne doit pas être absente de notre raisonnement et de notre analyse lorsque l'on se livre notamment à des comparaisons internationales.
II - Le plan de relance que nous développons en France, depuis quelques mois maintenant s'appuie sur un volet important en faveur de l'investissement.
En effet, l'effort d'investissement public est supérieur à 10 milliards d'euros :
4 milliards d'euros d'investissement par intervention directe de l'Etat,
4,1 milliards d'euros d'investissement supplémentaires des entreprises publiques,
2,5 milliards d'euros (et probablement 3,5) de remboursement de FCTVA aux collectivités locales qui s'engagent à investir.
L'effort direct exceptionnel d'investissement de l'Etat porte sur les infrastructures (plus de 1 milliard d'euros), l'enseignement supérieur (730 millions d'euros), le patrimoine de l'Etat (620 millions d'euros), culture, justice, défense, patrimoine des administrations avec une forte orientation au profit de l'amélioration de la performance énergétique.
L'équipement de la Défense occupe une place importante (1,5 milliard d'euros). Il s'agit d'améliorer la compétitivité de nos territoires et des acteurs économiques qui y travaillent. L'euro public investi engendrera donc un retour sur l'investissement.
C'est aussi ce que nous recherchons.
Les entreprises publiques se sont associées à cet effort : EDF avec 2,5 milliards d'euros, la RATP (450 millions d'euros), la Poste (600 millions d'euros), la SNCF (384 millions d'euros), GDF Suez (200 millions d'euros).
Les collectivités ont également été incitées à investir. Comment n'en serait il pas ainsi lorsqu'on sait qu'elles réalisent 70 % des investissements civils publics. Cette mesure est un succès ; j'y reviendrai tout à l'heure.
On attend, évidemment, de l'investissement un effet multiplicateur. L'intervention de l'Etat ne donne à cet égard pas l'exacte mesure des volumes. Par exemple, les procédures contractuelles supposent des cofinancements. Tout comme la construction de logements ou d'importants programmes de réhabilitation des quartiers retenus dans le cadre de la rénovation urbaine. Cet effet multiplicateur se traduit bien sûr par des commandes, donc par des salaires et ce cycle économique vertueux soutient la consommation.
III - Ce programme d'investissements a été complété par un volet de soutien à l'activité économique et à l'emploi.
1°) Il comporte d'abord un ensemble de mesures fiscales destinées à améliorer la trésorerie des entreprises. La encore l'effort est massif.
Il se traduira par une moindre recette pour le budget de l'Etat évalué à 9,9 milliards d'euros, au travers notamment de mesures comme le remboursement du C.I.R., le crédit impôt recherche (3,8 milliards d'euros), le carry back (1,8 milliard d'euros) ou l'accélération du remboursement de la TVA (3,6 milliards d'euros). C'est un soutien direct à la trésorerie des entreprises. Un soutien très concret et qui a parfois permis aux entreprises de surmonter des moments difficiles.
2°) D'autres mesures participent à ce soutien à l'économie en même temps qu'elles contribuent à une démarche de justice sociale en direction des salariés frappés dans leur emploi. Ces mesures représentent 6,55 milliards d'euros. Elles sont nombreuses et je ne les évoquerai donc que succinctement en les regroupant par nature.
Un premier groupe auquel 2 milliards d'euros sont consacrés s'attache à soutenir très directement les entreprises :
1- c'est le cas de l'aide à l'embauche dans les TPE,
2- c'est le cas des dispositifs de garantie d'OSEO,
3- c'est le cas du fonds de sécurisation du crédit interentreprises (CAP+),
4- d'autres mesures sont sectorielles :
-c'est la prime à la casse,
-c'est aussi le plan de soutien à l'automobile (2 milliards d'euros + 6,5 milliards d'euros, hors plan de relance au sens strict, car il s'agit de prêts),
5- d'autres enfin sont plus stratégiques au travers du F.S.I., par exemple, doté par l'Etat de 3 milliards d'euros et auquel 490 millions d'euros ont déjà été versés.
6- Enfin, deux mesures, pour 1,5 milliard d'euros, améliorent la trésorerie des entreprises : 500 millions d'euros pour régler les dettes de la Défense, 1 milliard d'euros pour les avances sur marchés publics dont 450 millions d'euros ont déjà mobilisés.
Le second groupe de mesures est directement orienté vers les salariés touchés dans leur emploi et les jeunes. Il correspond à l'ensemble des mesures issues du sommet social du 18 février dernier et du plan en faveur de l'emploi des jeunes annoncé le 24 avril dernier par le Président de la République.
C'est l'objet du Fonds d'investissement social, doté cette année de 1,3 milliard d'euros par l'Etat et également abondé par les partenaires sociaux.
Ce programme ne comporte pas moins de 20 mesures, que je ne vais évidemment pas énumérer mais qui, pour l'essentiel, s'attache :
1- à revaloriser le chômage partiel comme moyen d'échapper à la rupture du contrat de travail,
2- à renforcer les dispositifs du type CRP et CTP, en faveur des licenciés économiques,
3- à faciliter l'insertion des jeunes, notamment par le développement de la formation en alternance,
4- à faciliter l'embauche en CDI.
Ces politiques actives de l'emploi et de formation devraient connaître un large développement à la rentrée notamment, comme l'a indiqué le Président de la République. Ces mesures s'étalent sur 2009 et 2010.
IV - Le dernier axe du plan de relance répond à un objectif de solidarité
Il est doté de 2,6 milliards d'euros et comporte un ensemble d'actions destiné à promouvoir la construction et accroître l'offre de logement social (+100 000), à soutenir la rénovation urbaine et le traitement de l'habitat indigne, à développer les structures d'accueil pour les plus défavorisés, à aider les plus pauvres et à soutenir les ménages à revenu modeste au travers de prestations exceptionnelles (1,6 milliard d'euros environ y sont consacrés : 230 millions d'euros de RSTA pour l'Outre-Mer, 450 millions d'euros de prime de 150 euros pour les familles modestes, 300 millions d'euros de chèques emplois services, 700 millions d'euros de prime de solidarité active).
A cet ensemble, s'ajoute 1,1 milliard d'euros de réductions fiscales pour 6 millions de ménages environ.
On le voit, le plan est fondé sur l'investissement pour préparer l'avenir mais ne néglige en rien la consommation par un soutien très appuyé aux plus défavorisés.
L'emprunt national décidé par le Président de la République et annoncé lors du Congrès de Versailles prolongera cet effort au profit de priorités ciblées, qui préparent l'avenir.
Il sera assorti de mesures propres à réduire les dépenses de fonctionnement et à contenir la dépense publique en l'orientant vers la préparation de l'avenir. Il sera préparé au travers d'une large concertation pour définir les priorités.
C'est donc un ensemble assez complet qui a été défini pour provoquer un stimulus rapide.
V - La rapidité de mise en oeuvre est, en effet, un élément déterminant de l'efficacité du plan de relance.
Chacun comprendra pourquoi la rapidité d'exécution est essentielle. Un seul chiffre illustre cette volonté : toutes les AE doivent être engagées cette année et les ¾ des paiements doivent intervenir durant cette année 2009.
C'est le sens de la mission qui m'a été confiée, mission limitée dans le temps, que je conduis avec une équipe compacte sans service administratif mais avec autorité sur une quinzaine de grandes Direction d'administration centrale :
La gestion des moyens consacrés au plan de relance, emprunte deux voies :
Le transfert de crédits au profit des Ministères qui ont la responsabilité de la conduite de programme et la gestion directe : c'est-à-dire le versement de moyens directement à des agences ou organismes qui ont la compétence dévolue par la loi (ANRU, ANAH, AFIFT, RFF, VNF) ou qui ont été désignés :
. ANSP pour la prime à la casse,
. la CNAF pour la PSA,
. la CNAV pour le RSTA, etc....
1/3 des crédits budgétaires environ est géré par transfert et 2/3 par voie directe.
J'ai passé des conventions (45 environ) avec chaque gestionnaire sur l'utilisation, les échéanciers, le reporting, le pilotage de ces crédits, par ailleurs fléchés dans les systèmes comptables, toujours dans le double souci : faire plus et plus vite.
Faire vite, c'était d'abord choisir des opérations notamment d'investissement prêtes à démarrer pour que le plan ait un impact dès maintenant. Il n'était pas envisageable d'attendre la fin de procédure pour retenir tel ou tel projet.
Cet exercice a été fait, concomitamment au vote de la loi de finances rectificative qui a mis en place le plan le 4 février, par un CIACT qui s'est tenu à Lyon le 2 février et qui a sélectionné 1 000 opérations. Chiffre symbolique qui sera en réalité dépassé.
C'est sur cette base que nous avons mis les crédits à disposition des ministères ou aux opérateurs chargés de conduire ces mesures en précisant que nous pourrions procéder à des retraits, des dégagements d'office en cas de non respect des échéanciers, par exemple.
Encore fallait-il, pour être efficient, se donner les moyens de suivre et de piloter.
Nous avons fait le choix de nous appuyer sur les préfets de région, pour de multiples raisons (CAR, suivi des politiques contractuelles, proximité des responsables de BOP, capacités d'arbitrages RGPP) et nous avons mis au point un dispositif qui nous permet de suivre programme par programme, action par action et projet par projet, France entière et région par région, l'état d'exécution du plan avec un reporting automatisé hebdomadaire. Ceci n'a pu être fait que par adaptations, combinaisons et croisements de systèmes d'information.
Nous avons enfin crée un site Internet pour permettre l'accès de chacun à l'information.
Voilà pour le contenu, la signification et la mise en place du plan. Où en sommes-nous aujourd'hui ?
VI - Où en sommes-nous effectivement ?
Aujourd'hui, nous sommes 6 mois après l'annonce et plus de 5 mois après la mise en oeuvre du plan.
D'abord, les textes de simplification qui ont été pris sont presque tous rendus applicables (décrets loi de simplification, ordonnance installations classées).
Par ailleurs, 8,5 milliards d'euros d'autorisations d'engagement ont été mis à disposition des opérateurs et des ministères, ainsi que un peu plus de 6 milliards d'euros de crédits de paiement (5,7 milliards d'euros de crédits budgétaires et 500 millions d'euros de crédits de paiement reportés).
Sur cette somme, 3,8 milliards d'euros ont été payés.
A cela s'ajoute 1 milliard d'euros de commandes des entreprises publiques qui ont elles-mêmes payé 590 millions d'euros à leurs fournisseurs à ce titre.
Les mesures fiscales ont conduit à rembourser 6,8 milliards d'euros à titre définitif aux entreprises.
Au total, ce sont 11,2 milliards d'euros qui ont été injectés dans l'économie depuis le début de mise en oeuvre du plan de relance, auquel il convient d'ajouter les premiers versements du FCTVA, qui s'élèvent déjà à 1,8 milliard d'euros.
A ce jour, ce sont donc 13 milliards d'euros qui ont été payés toutes actions confondues.
500 chantiers ont démarré :
. ce sont des opérations nouvelles,
. ou des opérations d'anticipation ou d'accélération (accélération pour les CPER, anticipation pour les opérations PDMI, anticipation par exemple sur le BPC de la Marine nationale).
Il peut s'agir de très grosses opérations (BPC) comme de chantiers plus modestes (patrimoine par exemple).
Il reste que ces 2 catégories de chantiers participent au même objectif, accroître l'activité partout et pour toutes les catégories d'entreprises.
C'est le sens même de la mesure FCTVA dont je vous disais tout à l'heure qu'elle était un réel succès. En effet, 19 540 collectivités y ont adhéré en prévoyant des investissements supérieurs à 54 milliards d'euros.
S'agissant des autres programmes :
. 350 000 embauches dans les TPE ont fait l'objet d'une demande d'aide « zérocharges TPE » [avec sans doute un effet d'aubaine mais aussi des embauches qui ne se seraient pas faites] ;
. 230 000 véhicules ont bénéficié de la prime à la casse (ce qui n'est évidemment pas sans lien avec la relative bonne tenue du marché automobile en France) ;
. 70 000 logements sociaux ou en accession sociale ont été financés depuis le début, en comptant le programme VEFA, l'ANRU et le PTZ ;
. des aides pour la rénovation de 17 000 logements de ménages modestes ont été attribuées par l'Anah ;
. la prime de solidarité active a été versée à 4,3 millions de ménages (860 millions d'euros) afin d'anticiper l'entrée en vigueur du RSA ;
. la prime pour les famille modestes de 150 euros vient de l'être, 450 millions d'euros à 3 millions de ménages ;
. les chèques emploi service de 200 euros ont été distribués tout au long du mois de juin, à 1,5 million de foyers ;
. le RSTA (d'un montant de 100 euros par mois) le sera à partir de juillet en outre-mer (233 millions d'euros jusqu'à fin 2009) ;
. OSEO est intervenu au profit de plus de 8 500 entreprises pour garantir plus de 1,46 milliard d'euros de prêts ;
. le Médiateur du crédit a reçu plus de 10 000 dossiers et traités 6 800 (avec un taux de succès de 65 %) ;
. le FSI et le fonds de modernisation des équipementiers automobiles sont intervenus à 9 reprises, à hauteur de 535 millions d'euros.
Les choses ont démarré. A ce jour et au vu des prévisions à 3 mois, nous n'avons pas à faire un vaste exercice de redéploiement de crédits même si des substitutions d'opérations sont nécessaires et se pratiquent au fil de la gestion.
Il y a eu une grande mobilisation des acteurs et en particulier de l'administration française qui fait écho à la mobilisation internationale et c'est sur ce point, le plan français dans le contexte international, que je voudrais conclure.
VII - le plan français dans le contexte international
La mobilisation internationale a été à la hauteur de la brutalité du choc.
La commission évalue à 400 milliards d'euros les mesures prises à l'échelle européenne et on sait que le plan américain s'élève à 787 milliards de dollars, celui du Japon à 210 milliards d'euros.
Dans la plupart des pays, l'effort repose sur l'investissement, sauf en Grande-Bretagne qui a privilégié la consommation.
Les Etats-Unis ont également un volet fiscal et social très important qui peut se comprendre si on comparait par exemple nos systèmes sociaux, le taux d'endettement des ménages et l'impact de la crise immobilière.
On peut chiffrer l'impact théorique des plans étrangers sur l'économie française à +0,7 % en 2009.
De ce point de vue, les calendriers diffèrent un peu, même si le sentiment d'urgence est partagé unanimement.
Les stimuli 2009-2010 sont plus concentrés en 2009 en France, au Royaume-Uni, au Japon et en Espagne qu'ils ne le sont en Allemagne où la concentration semble plus concentrée en 2010.
Reste que la mobilisation a été forte et a fait émerger ou a renforcé la prise en compte des préoccupations comme la situation des pays émergents ou la nécessaire régulation. Le triplement des ressources du FMI (qui passent de 250 à 750 milliards d'euros) en est une illustration.
La montée en puissance de pays comme le Brésil ou la Chine dans le G20 en est une autre dans un autre registre.
En parallèle, la zone euro a démontré sa capacité de réaction.
Dans notre pays, le plan de relance aura aussi été un élément fédérateur des volontés. Chacun perçoit bien la difficulté de la situation et la nécessité d'un effort collectif et de solidarité pour surmonter cette crise. C'est en particulier le sens des mesures du fonds d'investissement social (le FISo). C'est aussi d'une certaine manière le sens de l'emprunt national qui, en même temps, permettra de soumettre l'investissement de l'euro public à des critères de rentabilité, d'utilité, d'efficacité et qui contribuera à contenir les dépenses courantes.
C'est aussi, me semble t-il, la signification de l'engagement des collectivités locales. A l'évidence, nous devons poursuivre cet effort de manière concertée pour être le plus efficace possible.
Source http://www.relance.gouv.fr, le 17 juillet 2009