Texte intégral
C. Barbier.- J.-P. Raffarin, bonjour.
Bonjour.
Révélations d'un ancien des services français : c'est l'armée algérienne qui aurait, dans une bavure, tué les sept moines de Tibéhirine en 96. Vous étiez ministre à l'époque, un autre giscardien, H. de Charette était au Quai d'Orsay ; connaissiez-vous cette version des faits ?
Non, absolument pas, elle est très troublante. Elle mérite d'être éclaircie.
Pour les éclaircir, pour éclaircir ces circonstances, il faut lever le secret défense, la partie civile le demande, vous joignez-vous à cette demande ?
Moi, je pense qu'il faut lever le secret défense, il faut qu'on connaisse vraiment ce qui s'est passé. C'est une affaire très douloureuse, c'est une cicatrice que nous gardons tous au coeur. Et je pense qu'il faut vraiment que le secret défense soit levé. Souhaitez-vous qu'A. Juppé, Premier ministre à l'époque, J. Chirac, Président, s'expriment sur ce dossier, que savaient-ils ?
Ecoutez, je pense qu'il faut faire toute la clarté sur cette affaire, il faut prendre cette information naturellement au conditionnel, rien n'est vérifié, mais je pense que nous devons aller au fond de ce sujet.
L'actualité, c'est aussi la défaite du Front national hier, lors de la municipale partielle à Hénin-Beaumont. Y voyez-vous, comme H. Morin, une confirmation du déclin du Front national ?
Je le pense, en tout cas, je ne suis pas surpris par ce résultat. Entre l'extrême droite et le centre gauche, le centre droit a choisi le centre gauche. Au fond, les choses me paraissent assez simples. Nous sommes quand même dans un cas très spécifique, où le Parti socialiste a connu vraiment des difficultés majeures avec l'ancien maire en prison, on est dans un contexte local nauséabond, et je pense vraiment que là, il y a plusieurs phénomènes dans cette élection, notamment le fait qu'il y a un rejet du Parti socialiste. Mais pour le Front national, je pense que c'est un échec, un échec pour M. Le Pen, qui espérait retrouver, là, l'occasion de donner une nouvelle image au Front national.
Désaveux pour le Parti socialiste, certes, mais aussi désastre pour l'UMP, 4% au premier tour, le Front républicain, c'était un peu l'aveugle et le paralytique.
Ecoutez, c'était simplement le fait que, on avait, là, une liste du centre, une liste centre gauche, certes, mais une liste du centre, et il est clair que, à partir du moment où vous avez un débat entre l'extrême droite et puis un centre gauche, eh bien, la majorité a eu tendance à aller vers le centre gauche, ce qui me paraît à la fois et républicain et logique.
Le travail du dimanche est en débat à partir de demain à l'Assemblée nationale. Le soutiendrez-vous sans réserve, ce quatrième état du texte, lorsqu'il viendra au Sénat, vous qui êtes si attentif à la protection des petits commerçants contre les grandes surfaces ?
Oui, là, franchement, je trouve que le texte a été considérablement modifié, il ne s'agit plus du travail le dimanche en tant que tel, comme texte, il s'agit de l'aménagement des dérogations qui sont déjà dans la loi. Et donc, on va fixer un certain nombre de dérogations, notamment en ce qui concerne l'activité touristique, ce qui me paraît légitime. Donc le texte ne me paraît pas poser la question du travail du dimanche, mais poser la question de la fréquentation commerciale dans les zones touristiques, ce qui me paraît être un sujet globalement mineur.
Alors justement, la gauche sonne l'alarme : en étendant le travail dominical illimité, 52 semaines par an si on le veut, aux zones touristiques, eh bien, dit la gauche, on ouvre la porte à la généralisation sur tout le territoire.
Je pense que la gauche, là, veut faire agiter le chiffon rouge, je pense qu'il n'y a aucun risque qu'on puisse assimiler l'ensemble des communes de France à des communes touristiques, il est évident que le secteur touristique doit être soutenu, l'attractivité de la France est très importante, et l'attractivité de la France, c'est aussi l'attractivité de son commerce. Et interdire le commerce le dimanche dans les zones touristiques me paraît vraiment archaïque.
Il y aura donc deux catégories de salariés : ceux qui seront payés double quand ils travailleront le dimanche dans les zones avec dérogation, et ceux dont les zones seront banalisées...
Mais il y a aujourd'hui beaucoup plus de deux catégories de salariés, il est clair que...
Là, c'est anticonstitutionnel quand même...
Ce n'est pas du tout anticonstitutionnel. Il faut vraiment qu'on puisse valoriser l'attractivité de la France. Aujourd'hui, les capitaux sont mobiles, les touristes voyagent à travers tout le monde, on accueille même maintenant des Chinois, plus de cent millions de chinois vont venir en Europe. Nous avons beaucoup de populations à accueillir pour le tourisme, pour les emplois, pour l'activité économique ; il est clair qu'il faut que notre commerce puisse fonctionner là où il y a activité touristique. Mais naturellement, là où nous sommes dans ce tissu français, qui n'est ni celui des grandes métropoles, un tissu équilibré entre le rural et l'urbain, il faut rester dans la situation actuelle, et donc ne pas ouvrir le dimanche, ça me paraît clair, et le texte ne me parait pas dangereux. Autant le texte initial était mal ficelé, autant celui-ci me paraît raisonnable.
Est-ce que l'UMP n'est pas en train d'inventer au passage le "travailler plus pour ne pas gagner plus ?"
Mais non, non, non, ce n'est pas du tout cela, au contraire, à partir du moment où on va travailler le dimanche, on va créer de l'activité économique, quand il s'agit de l'activité touristique, parce que, au fond, autant dans une commune, comme la commune de Poitiers, si vous ouvrez le dimanche, les gens qui achèteront le dimanche, ils n'achèteront pas le lundi, autant quand vous allez dans une commune touristique, où les gens sont de passage, ce qu'ils l'achètent le dimanche, eh bien, ils ne l'achèteront pas après parce qu'ils seront partis. Donc il est clair que c'est une activité bonne pour l'emploi que d'ouvrir le dimanche dans les zones touristiques.
La commission, souhaitée par le président de la République, pour classer les investissements à financer en priorité grâce au futur emprunt national, devrait être présidée par deux personnalités. Etes-vous candidat à l'un de ces deux postes, puisque vous proposez, vous, la même chose, une commission nationale de l'investissement durable...
Oui, c'est moi qui ai fait cette proposition, et je trouve qu'elle est très importante, parce que, il y a dans ce pays beaucoup de projets, et il faut que ces projets puissent être labellisés et étudiés, parce qu'il ne faut surtout pas qu'on mette l'argent dans les paniers percés. Il ne faut surtout pas qu'on mette l'argent dans le fonctionnement. Il faut qu'on choisisse des projets d'investissement durable et surtout des projets de moyen et de long terme, il ne faut pas mettre de l'argent dans le court terme. Le défaut de la politique française - mais c'est le défaut de toute la politique aujourd'hui, dans le monde occidental - c'est qu'on choisit le court terme. Donc des projets labellisés par une commission décidée par le Gouvernement, et le tout, ensuite, avec un compte dédié de manière à ce qu'on puisse évaluer, par la Cour des comptes, pour les questions financières, par le Parlement, pour les questions économiques, l'utilisation de cet argent. Donc, oui à une commission nationale des projets, oui à une proposition au Gouvernement et oui surtout à un fonds dédié, spécifique, évalué par la Cour des comptes.
Alors, vous êtes prêt, si le Président vous le propose, vous codirigerez cette commission ?
Eh bien, ça, je participerai avec les uns et les autres, je pense que c'est un sujet majeur pour la France, c'est la logique des projets. Moi, j'ai toujours demandé à ce qu'on privilégie aujourd'hui l'ambition de nos territoires, l'ambition de nos entreprises, tout ce qu'il y a de forces vives dans notre pays, l'appel à projets, c'est quelque chose de très important...
C'est les pôles de compétitivité, on les a déjà !
C'est les pôles de compétitivité, mais élargis à d'autres secteurs, parce que vous avez des sujets sur lesquels aujourd'hui, nous avons à travailler, notamment dans des secteurs culturels, dans un certain nombre de sujets qui ne sont pas par exemple des sujets liés à la compétitivité économique. Il faut choisir les sujets de moyen terme, qui vont moderniser la France. Le grand emprunt, il n'a d'intérêt que s'il modernise la France. L'emprunt n'est pas une valeur en soi. La valeur, c'est le projet. Et donc il faut qualifier, labelliser les projets.
Moderniser aussi la France en supprimant la taxe professionnelle. Mercredi, C. Lagarde proposera des solutions de remplacement : une hausse sur la contribution de la valeur ajoutée, ça va pénaliser les entreprises de services ; bonne idée ?
Je pense que de toute façon, les deux critères qui étaient les critères retenus dans le passé n'étaient pas bons. Donc plutôt que de dire : suppression de taxe professionnelle, je préfèrerais qu'on dise : changement d'assiette de cette taxe, et ce changement d'assiette, si c'est sur la valeur ajoutée, ça me paraît plus juste, parce que ceux qui pourront payer sont ceux qui auront dégagé de la valeur et non pas ceux qui seront en difficulté. Il ne faut pas pénaliser davantage toutes les entreprises françaises qui sont en difficulté, dû à la crise aujourd'hui.
Les collectivités locales vont récupérer quatre taxes que l'Etat leur transfère pour compenser la perte de la TP, le compte est bon ?
Je pense que le compte sera bon, en tout cas, l'Etat est engagé par la Constitution à faire en sorte que le compte soit bon.
Le compte sera-t-il bon aussi sur la taxe carbone ? J.-L. Borloo souhaite que le produit de cette taxe soit rendu aux ménages et aux entreprises avec un chèque vert ; il a parlé trop tôt, il a bien parlé ?
Je pense qu'il a, à la fois, parlé bien, mais a parlé trop tôt, parce que quand on consulte, il faut attendre le résultat de la consultation.
Il a tué son idée ?
Non, non, non, non, je ne pense pas. Mais J.-L. Borloo est allé très, très vite sur ce sujet, comme il va très vite sur beaucoup de sujets. Et donc il est clair que c'est une bonne idée, mais qu'il faut la mettre en débat, et surtout, la valider financièrement, parce que quand l'Etat prend de l'argent, puis, le redistribue, il y a beaucoup de pertes en ligne, parce qu'il y a beaucoup de bureaucratie, donc il va falloir bien montrer comment ce financement se fait.
J.-L. Borloo va vite aussi pour dire que le Parti radical doit avoir plus de place au sein de l'UMP, est-ce que vous êtes d'accord avec cette analyse...
Oui, il a raison...
Et souhaitez-vous toujours éventuellement intégrer le Parti radical, on a entendu ça ?
Non, je ne souhaite pas... enfin, je reste dans l'UMP, je suis très bien dans l'UMP, l'UMP doit être pluraliste, le Parti radical doit se faire entendre, et ce qui est très important, c'est que l'UMP se fasse entendre du président de la République. Il faut que l'UMP participe à toutes les concertations, la concertation avec l'UMP, par exemple sur les remaniements, doit toujours être vivante. Il faut que l'UMP participe à l'exercice de l'exécutif...
X. Bertrand est un peu trop discipliné, il ne se fait pas assez entendre ?
Je pense que nous avons une mission qui est : relayer la politique gouvernementale, ça, elle fonctionne à 100% ; pour ce qui est de la mission, qui consiste à se faire entendre de l'exécutif, là, on a encore quelques progrès à faire. Il faut les deux, il faut que l'UMP marche sur ses deux jambes : relayer la politique et se faire écouter.
L'ouverture, ce n'est pas fini ?
Je pense que ce n'est pas fini, non, que c'est une bonne politique, l'ouverture, il est clair que, aujourd'hui, la France doit être gouvernée de manière très, très large. Je pense que la stratégie de l'ouverture, c'est le moyen de gouverner la France au centre, vous savez que ça a toujours été mon camp.
J.-P. Raffarin, merci. Bonne journée !
Source : Premier ministre, Service d'Information du Gouvernement, le 28 juillet 2009
Bonjour.
Révélations d'un ancien des services français : c'est l'armée algérienne qui aurait, dans une bavure, tué les sept moines de Tibéhirine en 96. Vous étiez ministre à l'époque, un autre giscardien, H. de Charette était au Quai d'Orsay ; connaissiez-vous cette version des faits ?
Non, absolument pas, elle est très troublante. Elle mérite d'être éclaircie.
Pour les éclaircir, pour éclaircir ces circonstances, il faut lever le secret défense, la partie civile le demande, vous joignez-vous à cette demande ?
Moi, je pense qu'il faut lever le secret défense, il faut qu'on connaisse vraiment ce qui s'est passé. C'est une affaire très douloureuse, c'est une cicatrice que nous gardons tous au coeur. Et je pense qu'il faut vraiment que le secret défense soit levé. Souhaitez-vous qu'A. Juppé, Premier ministre à l'époque, J. Chirac, Président, s'expriment sur ce dossier, que savaient-ils ?
Ecoutez, je pense qu'il faut faire toute la clarté sur cette affaire, il faut prendre cette information naturellement au conditionnel, rien n'est vérifié, mais je pense que nous devons aller au fond de ce sujet.
L'actualité, c'est aussi la défaite du Front national hier, lors de la municipale partielle à Hénin-Beaumont. Y voyez-vous, comme H. Morin, une confirmation du déclin du Front national ?
Je le pense, en tout cas, je ne suis pas surpris par ce résultat. Entre l'extrême droite et le centre gauche, le centre droit a choisi le centre gauche. Au fond, les choses me paraissent assez simples. Nous sommes quand même dans un cas très spécifique, où le Parti socialiste a connu vraiment des difficultés majeures avec l'ancien maire en prison, on est dans un contexte local nauséabond, et je pense vraiment que là, il y a plusieurs phénomènes dans cette élection, notamment le fait qu'il y a un rejet du Parti socialiste. Mais pour le Front national, je pense que c'est un échec, un échec pour M. Le Pen, qui espérait retrouver, là, l'occasion de donner une nouvelle image au Front national.
Désaveux pour le Parti socialiste, certes, mais aussi désastre pour l'UMP, 4% au premier tour, le Front républicain, c'était un peu l'aveugle et le paralytique.
Ecoutez, c'était simplement le fait que, on avait, là, une liste du centre, une liste centre gauche, certes, mais une liste du centre, et il est clair que, à partir du moment où vous avez un débat entre l'extrême droite et puis un centre gauche, eh bien, la majorité a eu tendance à aller vers le centre gauche, ce qui me paraît à la fois et républicain et logique.
Le travail du dimanche est en débat à partir de demain à l'Assemblée nationale. Le soutiendrez-vous sans réserve, ce quatrième état du texte, lorsqu'il viendra au Sénat, vous qui êtes si attentif à la protection des petits commerçants contre les grandes surfaces ?
Oui, là, franchement, je trouve que le texte a été considérablement modifié, il ne s'agit plus du travail le dimanche en tant que tel, comme texte, il s'agit de l'aménagement des dérogations qui sont déjà dans la loi. Et donc, on va fixer un certain nombre de dérogations, notamment en ce qui concerne l'activité touristique, ce qui me paraît légitime. Donc le texte ne me paraît pas poser la question du travail du dimanche, mais poser la question de la fréquentation commerciale dans les zones touristiques, ce qui me paraît être un sujet globalement mineur.
Alors justement, la gauche sonne l'alarme : en étendant le travail dominical illimité, 52 semaines par an si on le veut, aux zones touristiques, eh bien, dit la gauche, on ouvre la porte à la généralisation sur tout le territoire.
Je pense que la gauche, là, veut faire agiter le chiffon rouge, je pense qu'il n'y a aucun risque qu'on puisse assimiler l'ensemble des communes de France à des communes touristiques, il est évident que le secteur touristique doit être soutenu, l'attractivité de la France est très importante, et l'attractivité de la France, c'est aussi l'attractivité de son commerce. Et interdire le commerce le dimanche dans les zones touristiques me paraît vraiment archaïque.
Il y aura donc deux catégories de salariés : ceux qui seront payés double quand ils travailleront le dimanche dans les zones avec dérogation, et ceux dont les zones seront banalisées...
Mais il y a aujourd'hui beaucoup plus de deux catégories de salariés, il est clair que...
Là, c'est anticonstitutionnel quand même...
Ce n'est pas du tout anticonstitutionnel. Il faut vraiment qu'on puisse valoriser l'attractivité de la France. Aujourd'hui, les capitaux sont mobiles, les touristes voyagent à travers tout le monde, on accueille même maintenant des Chinois, plus de cent millions de chinois vont venir en Europe. Nous avons beaucoup de populations à accueillir pour le tourisme, pour les emplois, pour l'activité économique ; il est clair qu'il faut que notre commerce puisse fonctionner là où il y a activité touristique. Mais naturellement, là où nous sommes dans ce tissu français, qui n'est ni celui des grandes métropoles, un tissu équilibré entre le rural et l'urbain, il faut rester dans la situation actuelle, et donc ne pas ouvrir le dimanche, ça me paraît clair, et le texte ne me parait pas dangereux. Autant le texte initial était mal ficelé, autant celui-ci me paraît raisonnable.
Est-ce que l'UMP n'est pas en train d'inventer au passage le "travailler plus pour ne pas gagner plus ?"
Mais non, non, non, ce n'est pas du tout cela, au contraire, à partir du moment où on va travailler le dimanche, on va créer de l'activité économique, quand il s'agit de l'activité touristique, parce que, au fond, autant dans une commune, comme la commune de Poitiers, si vous ouvrez le dimanche, les gens qui achèteront le dimanche, ils n'achèteront pas le lundi, autant quand vous allez dans une commune touristique, où les gens sont de passage, ce qu'ils l'achètent le dimanche, eh bien, ils ne l'achèteront pas après parce qu'ils seront partis. Donc il est clair que c'est une activité bonne pour l'emploi que d'ouvrir le dimanche dans les zones touristiques.
La commission, souhaitée par le président de la République, pour classer les investissements à financer en priorité grâce au futur emprunt national, devrait être présidée par deux personnalités. Etes-vous candidat à l'un de ces deux postes, puisque vous proposez, vous, la même chose, une commission nationale de l'investissement durable...
Oui, c'est moi qui ai fait cette proposition, et je trouve qu'elle est très importante, parce que, il y a dans ce pays beaucoup de projets, et il faut que ces projets puissent être labellisés et étudiés, parce qu'il ne faut surtout pas qu'on mette l'argent dans les paniers percés. Il ne faut surtout pas qu'on mette l'argent dans le fonctionnement. Il faut qu'on choisisse des projets d'investissement durable et surtout des projets de moyen et de long terme, il ne faut pas mettre de l'argent dans le court terme. Le défaut de la politique française - mais c'est le défaut de toute la politique aujourd'hui, dans le monde occidental - c'est qu'on choisit le court terme. Donc des projets labellisés par une commission décidée par le Gouvernement, et le tout, ensuite, avec un compte dédié de manière à ce qu'on puisse évaluer, par la Cour des comptes, pour les questions financières, par le Parlement, pour les questions économiques, l'utilisation de cet argent. Donc, oui à une commission nationale des projets, oui à une proposition au Gouvernement et oui surtout à un fonds dédié, spécifique, évalué par la Cour des comptes.
Alors, vous êtes prêt, si le Président vous le propose, vous codirigerez cette commission ?
Eh bien, ça, je participerai avec les uns et les autres, je pense que c'est un sujet majeur pour la France, c'est la logique des projets. Moi, j'ai toujours demandé à ce qu'on privilégie aujourd'hui l'ambition de nos territoires, l'ambition de nos entreprises, tout ce qu'il y a de forces vives dans notre pays, l'appel à projets, c'est quelque chose de très important...
C'est les pôles de compétitivité, on les a déjà !
C'est les pôles de compétitivité, mais élargis à d'autres secteurs, parce que vous avez des sujets sur lesquels aujourd'hui, nous avons à travailler, notamment dans des secteurs culturels, dans un certain nombre de sujets qui ne sont pas par exemple des sujets liés à la compétitivité économique. Il faut choisir les sujets de moyen terme, qui vont moderniser la France. Le grand emprunt, il n'a d'intérêt que s'il modernise la France. L'emprunt n'est pas une valeur en soi. La valeur, c'est le projet. Et donc il faut qualifier, labelliser les projets.
Moderniser aussi la France en supprimant la taxe professionnelle. Mercredi, C. Lagarde proposera des solutions de remplacement : une hausse sur la contribution de la valeur ajoutée, ça va pénaliser les entreprises de services ; bonne idée ?
Je pense que de toute façon, les deux critères qui étaient les critères retenus dans le passé n'étaient pas bons. Donc plutôt que de dire : suppression de taxe professionnelle, je préfèrerais qu'on dise : changement d'assiette de cette taxe, et ce changement d'assiette, si c'est sur la valeur ajoutée, ça me paraît plus juste, parce que ceux qui pourront payer sont ceux qui auront dégagé de la valeur et non pas ceux qui seront en difficulté. Il ne faut pas pénaliser davantage toutes les entreprises françaises qui sont en difficulté, dû à la crise aujourd'hui.
Les collectivités locales vont récupérer quatre taxes que l'Etat leur transfère pour compenser la perte de la TP, le compte est bon ?
Je pense que le compte sera bon, en tout cas, l'Etat est engagé par la Constitution à faire en sorte que le compte soit bon.
Le compte sera-t-il bon aussi sur la taxe carbone ? J.-L. Borloo souhaite que le produit de cette taxe soit rendu aux ménages et aux entreprises avec un chèque vert ; il a parlé trop tôt, il a bien parlé ?
Je pense qu'il a, à la fois, parlé bien, mais a parlé trop tôt, parce que quand on consulte, il faut attendre le résultat de la consultation.
Il a tué son idée ?
Non, non, non, non, je ne pense pas. Mais J.-L. Borloo est allé très, très vite sur ce sujet, comme il va très vite sur beaucoup de sujets. Et donc il est clair que c'est une bonne idée, mais qu'il faut la mettre en débat, et surtout, la valider financièrement, parce que quand l'Etat prend de l'argent, puis, le redistribue, il y a beaucoup de pertes en ligne, parce qu'il y a beaucoup de bureaucratie, donc il va falloir bien montrer comment ce financement se fait.
J.-L. Borloo va vite aussi pour dire que le Parti radical doit avoir plus de place au sein de l'UMP, est-ce que vous êtes d'accord avec cette analyse...
Oui, il a raison...
Et souhaitez-vous toujours éventuellement intégrer le Parti radical, on a entendu ça ?
Non, je ne souhaite pas... enfin, je reste dans l'UMP, je suis très bien dans l'UMP, l'UMP doit être pluraliste, le Parti radical doit se faire entendre, et ce qui est très important, c'est que l'UMP se fasse entendre du président de la République. Il faut que l'UMP participe à toutes les concertations, la concertation avec l'UMP, par exemple sur les remaniements, doit toujours être vivante. Il faut que l'UMP participe à l'exercice de l'exécutif...
X. Bertrand est un peu trop discipliné, il ne se fait pas assez entendre ?
Je pense que nous avons une mission qui est : relayer la politique gouvernementale, ça, elle fonctionne à 100% ; pour ce qui est de la mission, qui consiste à se faire entendre de l'exécutif, là, on a encore quelques progrès à faire. Il faut les deux, il faut que l'UMP marche sur ses deux jambes : relayer la politique et se faire écouter.
L'ouverture, ce n'est pas fini ?
Je pense que ce n'est pas fini, non, que c'est une bonne politique, l'ouverture, il est clair que, aujourd'hui, la France doit être gouvernée de manière très, très large. Je pense que la stratégie de l'ouverture, c'est le moyen de gouverner la France au centre, vous savez que ça a toujours été mon camp.
J.-P. Raffarin, merci. Bonne journée !
Source : Premier ministre, Service d'Information du Gouvernement, le 28 juillet 2009