Interview de M. Bernard Accoyer, président de l'Assemblée nationale, à RMC le 9 juillet 2009, sur la hausse annoncée des tarifs d'EDF, les enjeux de l'emprunt d'Etat et la régulation du travail dominical.

Prononcé le

Intervenant(s) : 

Média : Emission Forum RMC FR3 - RMC

Texte intégral

J.-J. Bourdin.- EDF demande une hausse de ses tarifs de 20 % en trois ans. Est-ce légitime, le Gouvernement doit-il dire oui ?

Ça ne va pas se passer comme ça. EDF dit : l'électricité c'est de l'énergie et l'énergie ce sont les enjeux de demain, et aujourd'hui toutes les énergies ont augmenté dans des proportions énorme, l'électricité en France n'a pas suivi cette évolution. Heureusement pour les consommateurs ! Néanmoins, tout le monde est heureux qu'en France, 80 % de l'électricité et même c'est 90 avec les barrages, ne soit pas productrice de carbone, CO2, cela a un coût, ce sont nos parents, les générations antécédentes qui ont fait construire, qui ont payé avec leurs factures d'électricité, les centrales. Les centrales nucléaires, celles-ci ont une trentaine d'année. Chacun, à juste titre, veut une sécurité absolue, chacun, à juste titre, veut que la France reste en avant dans l'industrie de la production d'énergie...

Donc, ça vous paraît légitime ?

Je ne dis pas que le niveau de hausse soit le bon, je dis que de toute façon l'électricité n'échappera pas à la hausse de toutes les énergies, le gaz, le charbon, le pétrole, parce qu'il n'y en a plus.

Une hausse plus importante que l'inflation ?

On ne peut pas, d'un côté, dire : attention, l'énergie ce sont les enjeux de demain et dire à nos enfants : écoutez, nous, on ne paye pas l'énergie et vous le payerez avec l'endettement d'EDF ou les impôts des Français...

Mais c'est nous qui avons payé - enfin, "nous", nos parents - ces centrales nucléaires. Nous avons payé cher ces centrales nucléaires, vous êtes d'accord ? Les Français ont payé cher ces centrales pour avoir cette indépendance énergétique.

Je vous ai écouté depuis ce matin, et j'ai entendu que vous avez mis ce sujet qui est majeur sur la table. Il faut aussi que nous ayons notre responsabilité, un, vis-à-vis de l'environnement et deux, vis-à-vis de l'avenir. On ne peut pas vivre à crédit. Et si nous n'investissons pas dans le renouvellement...

On va emprunter !

Je vais terminer, permettez-moi. Dans les énergies nouvelles, nous n'y arriverons pas. Aujourd'hui, EDF rachète quatre fois le prix de production, l'éolien ou le solaire, c'est EDF qui paye. C'est bon pour l'environnement, ça amorce la pompe des nouvelles énergies...

Mais ça coûte cher.

Ça coûte très cher, ce n'est pas l'Etat qui paye. Et donc, il y a un moment où la vérité des prix, il faut aussi la dire, même si elle est très douloureuse. Mais je suis rassuré, l'Etat n'autorisera jamais des hausses qui soient brutales. Mais on ne peut pas non plus vivre avec un bandeau sur les yeux en demandant tout, c'est-à-dire plus de gaz à effet de serre, l'énergie a un coût, toutes les énergies explosent. Il n'y en aura bientôt plus d'énergies fossiles !

Très bien. On augmente le prix de l'électricité, d'accord, parce qu'il y a nécessité. Parallèlement, on emprunte, on va emprunter beaucoup d'argent. Est-ce que vous êtes... Parce qu'il y a débat au sein même du Gouvernement, il y a débat au sein même de la majorité sur ce fameux grand emprunt. D'abord, faut-il emprunter auprès des Français ? Quelle est votre position ? Pour les Français ?

Mon sentiment, je viens de vous le dire, c'est que, la crise que nous vivons, et en cet instant on doit d'abord penser aux Français qui sont confrontés, qui vont être confrontés à des problèmes d'emploi, à des questions qui sont véritablement les pires que l'on puisse rencontrer. Mais cette crise, c'est certes une crise financière, mais c'est aussi la rencontre de l'homme avec son environnement, la fin des énergies fossiles, une révolution technique et technologique...

Mais je vous pose une question, là...

...et si nous n'investissons pas - je réponds à votre question -, si nous n'investissons pas dans des domaines totalement nouveaux...

Donc on emprunte auprès des Français ?

...Avec quoi les jeunes générations, les générations de demain pourront-elles vivre ? Les retraites seront-elles payées ? Donc, il faut...

On a compris l'objectif de l'emprunt...

... effectivement distinguer - et c'est l'objet de ce projet de grand emprunt - distinguer ce qui devrait être absolument maîtrisé, c'est-à-dire les dépenses actuellement courantes, les dépenses de fonctionnement qui doivent absolument être maîtrisées, et d'autre part l'avenir. Et l'avenir, il faut investir dans l'avenir. Les nouveaux véhicules, les nouvelles technologies, les nouvelles énergies.

On est d'accord sur l'objectif, tout le monde est à peu près d'accord, l'opposition, la majorité, tout le monde est à peu près d'accord. Sauf que, sauf que, moi je regarde les faits : on va augmenter les tarifs de l'électricité, on va emprunter auprès des Français pour préparer la fin de la crise, pour la relance qui va suivre la crise. On est bien d'accord ? EDF a emprunté déjà auprès des Français. Et on nous dit parallèlement qu'on n'augmente pas les impôts. Mais n'est-ce pas une façon d'augmenter nos impôts indirectement tout cela ?

Regardons ce qui s'est passé. La France, depuis une trentaine d'années, a augmenté ses dépenses de fonctionnement de façon excessive. Du coup, la compétitivité française, et aujourd'hui on est avec la mondialisation face à ce défi, n'est pas bonne. L'objectif des pouvoirs publics, actuellement de la majorité, mais si demain elle changeait, probablement pareil, c'est que nous ayons encore la capacité d'offrir suffisamment d'emplois aux Français pour leur permettre d'avoir un niveau de vie qui soit satisfaisant et nourrir en même temps...

Mais vous ne répondez pas !

Eh bien oui, je vous dis : il faut investir, et à un moment pour investir, on est obligés d'emprunter...

Il faut investir, d'accord, donc on emprunte. On emprunte auprès des Français ou auprès des marchés financiers ?

Le choix est très simple : soit on augmente les impôts, soit on emprunte auprès des Français. Je pense qu'il vaut mieux emprunter auprès des Français plutôt que d'augmenter encore les impôts, puisque la France a record dans le domaine du niveau des impôts.

Oui, c'est vrai. Donc on emprunte auprès des Français, c'est une chose. Faut-il emprunter beaucoup, là aussi il y a débat. Certains disent, quitte à emprunter, il faut emprunter peut-être jusqu'à peut-être 100 milliards d'euros. D'autres disent : non, non, non, attention prudence !

D'abord, pourquoi faut-il emprunter ? Et c'est pour cela que le président de la République a demandé à A. Juppé et à M. Rocard de réfléchir à ces questions. De la même façon, à l'Assemblée nationale, j'ai demandé aux présidents de toutes les commissions permanentes de faire des propositions que je présenterai...

Il faut emprunter beaucoup, votre sentiment ?

Cela dépend de ce qu'il faut faire, dans quel domaine il faut rechercher, dans quel domaine il faut investir.

Cet emprunt va servir à quoi ?

Exclusivement à préparer l'avenir pour nos enfants. Là-dessus, c'est mon opinion.

Parce qu'il y a déjà débat.

Oui, mais vous me posez la question, je vous réponds.

On va parler du travail le dimanche. Mais juste une petite question. A Annecy-le-Vieux, on travaille le dimanche, il y a des magasins qui sont ouverts le dimanche ? Vous êtes une commune touristique ?

Oui, le dimanche matin, nous avons des magasins qui sont ouverts, et en particulier pendant la saison l'affluence est très importante.

"Des magasins", c'est-à-dire des grands surfaces ou des petits magasins de détail ?

Je n'ai pas de grandes surfaces à Annecy-le-Vieux, mais j'ai des magasins qui font un peu plus de 2.000 carrés, et qui sont ouvertes le dimanche matin.

Et les petits commerces sont ouverts ?

Le dimanche matin également.

Tous les commerces ?

Certains, même, ouvrent le dimanche soir, notamment dans l'alimentation, et ils ont une fréquentation extrêmement forte parce qu'il y a beaucoup de monde. Je voudrais d'abord rappeler que cette dérogation, "fermeture du dimanche", ce n'est pas la révolution. Le repos dominical reste le principe. Ensuite, il y a, c'est vrai, des zones où on était dans des situations complètement obscures, il faut les clarifier, c'est ce que fait ce texte. Et il faut répondre à la nécessité que la France puisse continuer à accueillir le plus grand nombre de touristes au monde. Et c'est une force. C'est aussi un moyen de créer des richesses et de les partager.

Source : Premier ministre, Service d'Information du Gouvernement, le 27 juillet 2009