Texte intégral
C. Barbier.- Hadopi revient à l'Assemblée sous une pluie d'amendements - plus d'un millier. Acceptez-vous de reporter l'examen de ce texte définitif à la rentrée ?
La réponse est "non". Le financement du droit à la création, c'est un sujet très important. C'est un sujet dont nous nous sommes emparés ; le débat parlementaire a eu lieu, de dizaines d'heures, à la fois à l'Assemblée nationale et au Sénat, et nous devons donc terminer l'examen de ce texte.
Il n'y a pas de financement dans ce texte ! Ce n'est que les sanctions, ça peut attendre !
Oui, mais c'est le principe même de la pérennité du système de financement pour éviter le piratage. Derrière tout ça, qu'est-ce qu'il y a ? Il y a le principe du droit à la création et de son financement. C'est ça qui est important.
Vous parlez de financement de la culture, les socialistes, hier, qui ont rencontré F. Mitterrand, ont déclaré que le ministre était d'accord avec eux : "il faut en effet réfléchir au financement de la culture à l'ère numérique", disent-ils. Mitterrand/PS, même combat ?
Mais J.-M. Ayrault fait semblant de ne pas comprendre. D'abord, le sujet est moins de créer de nouvelles sources de financement que de tarir les sources actuelles. On voit bien que, avec le développement du téléchargement, le DVD est à - 35 % et le CD est à - 50 %. Donc, la vraie question, c'est de pérenniser un système qui évite de supprimer les droits pour les artistes. Et puis, deuxième chose, je suis un petit peu surpris par l'attitude du Parti socialiste, parce qu'ils nous ont expliqué pendant des dizaines d'heures, à l'Assemblée nationale et au Sénat, qu'il ne fallait pas qu'une autorité administrative supprime l'abonnement, mais il fallait que ce soit judiciaire, et le Conseil constitutionnel l'a exigé. Nous le transformons par la loi, et le Parti socialiste continue à s'opposer à cela. Il y a vraiment un problème de cohérence que j'ai du mal à comprendre.
C'est judiciaire, mais c'est un peu mécanique, l'ordonnance légale. Les juges vont prononcer à la sauvette beaucoup de sanctions !
Oui, mais nous prenons acte de la décision du Conseil constitutionnel et nous décidons donc de ne pas donner à une autorité administrative indépendante, ce qui était l'idée initiale, ce pouvoir. C'est ce que souhaitait le Parti socialiste ; il est donc un peu curieux qu'il continue à s'opposer à ce texte. Et j'observe d'ailleurs que le débat est très partagé chez eux. J. Lang, ce matin, qui n'est pas le moins bien placé sur ce sujet - il a quand même été ministre de la Culture pendant douze ans - rappelle que la grande tradition du Parti socialiste, c'est l'accès à la culture et c'est d'être du côté des artistes e il regrette la position de son parti.
Êtes-vous prêts à prolonger de deux jours, trois jours, de déborder éventuellement sur la semaine prochaine, avec la session extraordinaire ?
Nous prendrons le temps qu'il faut pour examiner ce texte. Ce qui est important, c'est qu'il soit adopté.
Pas de vacances avant l'adoption ?
Ce que je trouve un peu curieux, c'est que sur un texte de loi qui fait six articles, qui a fait l'objet de plusieurs dizaines d'heures de débat depuis plusieurs mois, le Parti socialiste, à nouveau, présente plus de mille amendements. C'est vraiment un travail d'obstruction caractérisé.
Au-delà de cette loi, acceptez-vous l'idée d'un Grenelle de la culture du web, d'une sorte d'états généraux de la culture ?
Je ne sais pas si on doit parler de Grenelle... De toute façon, c'est la responsabilité de F. Mitterrand. Je crois que c'est intéressant, que c'est utile qu'on soit capable de réfléchir, d'abord sur les nouveaux médias et ce qu'ils changent sur les modèles économiques de l'accès à la culture. Et ça, c'est aussi la responsabilité des partis. Vous savez, si nous vous présentons aujourd'hui un texte de loi, un projet de loi, qui s'appelle Hadopi, c'est parce qu'à l'UMP, nous avons beaucoup réfléchi sur ces questions, avant les présidentielles. Moi, je me souviens de conventions où N. Sarkozy s'est emparé de ce sujet et il a un peu même, à l'époque, parfois contre sa famille politique, il a dit : "écoutez, c'est notre responsabilité de réfléchir au financement de la propriété intellectuelle. Il ne faut pas courir avec l'élan de soi-disant modernité en disant "si c'est gratuit, allons du côté des jeunes"". Non, il fallait sortir de ce débat là et il fallait faire des propositions, ce que nous avons fait.
Vous êtes un ministre féru d'Internet, vous êtes un geek, comme on dit ; vous savez que sur cette lutte contre le téléchargement illégal, les pirates ont un coup technologique d'avance. Cette loi Hadopi est déjà un peu caduque !
Mais ce n'est pas une raison pour ne rien faire, pour laisser faire. Je crois que le pire, dans tout cela, c'est de donner le sentiment que la création, c'est gratuit. Vous savez, télécharger de manière illégale un film ou une chanson sur Internet, c'est du vol. Cela mérite d'être rappelé et c'était d'abord l'objectif de cette loi.
Pôle Emploi est débordé ; Pôle Emploi va se délester de la gestion de 320.000 chômeurs sur le privé. Combien cela va-t-il coûter ?
L. Wauquiez aura l'occasion, ce matin, de présenter, avec C. Charpy, le directeur général de Pôle Emploi, ces mesures ; il aura l'occasion de s'exprimer sur ce sujet. Pourquoi fait-on cela ? Il faut bien l'expliquer aux Français. On fait cela pour répondre à l'urgence de la situation. On a une crise absolument sans précédent, qui s'est traduite par une montée forte du nombre de demandeurs d'emploi, avec forcément une difficulté pour les agences locales d'intégrer, d'insérer ces nouveaux demandeurs d'emploi. Donc, le Gouvernement a réagi ; ça a été le travail de L. Wauquiez. Il présente ce matin un plan d'urgence pour que, à la rentrée, on soit prêts, on soit structurés pour accueillir ces nouveaux chômeurs ; c'était la priorité et c'est pour cela que nous mettons cela en oeuvre.
Vous pourriez affecter plus de fonctionnaires ! C'est un peu une abdication du service public ! Il y a des cabinets qui vont gagner beaucoup d'argent grâce aux chômeurs...
Vous savez, il n'y a pas de mal à sous-traiter à des professionnels ; ce sont des spécialistes du sujet, et d'ailleurs, l'administration le fait dans de nombreux domaines. Donc, elle sous-traitait un certain nombre d'actions, d'activités qui sont de notre responsabilité. Cela fait partie aussi d'un Etat moderne que de piloter des réformes et en même temps d'externaliser, quand c'est nécessaire parce qu'il y a une surcharge ponctuelle d'activité, une partie des tâches.
Ils auront un impératif de performance, ces cabinets privés, ou ils pourront simplement bavarder avec les chômeurs et ne rien faire ?
L. Wauquiez aura l'occasion, ce matin, puisqu'il présente ce matin ce dispositif, de préciser les tenants et les aboutissants de l'opération. Encore une fois, ce qui est important, c'est la mobilisation pour la rentrée, faire en sorte que, à chaque nouveau demandeur d'emploi, il y ait une réponse, il y ait une solution qui soit proposée par Pôle Emploi.
Les salariés de New Fabris seront reçus demain, eux, par C. Estrosi. ils menacent de remettre en place leurs bonbonnes de gaz s'ils n'obtiennent pas leurs indemnités. Est-ce que le Gouvernement doit faire pression sur Renault et Peugeot pour payer les 30.000 euros par salarié ou est-ce que le Gouvernement doit envoyer les forces de l'ordre pour sécuriser l'usine ?
D'abord, ce que je voudrais dire, c'est que New Fabris, c'est vraiment l'exception qui doit arriver le moins possible. C'est-à-dire qu'à côté d'exemples fortement médiatisés - New Fabris, Continental ou d'autres -, il y a des centaines de milliers d'entreprises où le dialogue social permet d'aboutir à des solutions même quand ça va mal dans l'entreprise. Et le dialogue social doit rester la priorité. Ensuite, New Fabris est un exemple d'entreprise qui est victime de la crise automobile, une entreprise de sous-traitance qui connaît des difficultés, certes. Mais en même temps, qui a bloqué des usines de production automobiles - j'ai connu ça quand j'étais à l'industrie -, de Renault et de PSA. Donc on voit bien que les relations avec les donneurs d'ordre sont complexes, sont compliquées. C. Estrosi a proposé de rencontrer demain les représentants de l'entreprise. Je pense que c'est une bonne chose, une preuve d'ouverture...
...Et on paie ?
Moi, je fais confiance au dialogue social. Ce qu'il faut maintenant, c'est qu'il y ait une discussion entre les acteurs, entre le Gouvernement, l'entreprise et les différents donneurs d'ordre.
Dans d'autres cas, on a payé des usines, les entrepreneurs ont payé les salariés.
Il n'y a pas de règle. Et le sujet, ce n'est pas d'arriver avec un chèque ou non. Le sujet, c'est d'abord, en amont, d'éviter ce genre de situation et globalement, nous réussissons, parce que nous anticipons les choses. Et quand il y a une difficulté comme celle de New Fabris, on l'a vu par le passé, c'est d'avoir un traitement particulier, adapté et de renouer les fils du dialogue entre les acteurs, c'est le rôle de l'Etat.
Vous êtes le nouveau ministre de l'Education ; envisagez-vous, comme en Italie, de reporter la rentrée scolaire pour cause de grippe A ?
Non, ce n'est pas d'actualité. Nous sommes totalement mobilisés sur la grippe A, puisque j'ai participé à la cellule interministérielle de crise de la semaine dernière. J'ai moi-même réuni la cellule du ministère de l'Education nationale pour préparer la rentrée. Notre objectif, c'est évidemment de préparer la rentrée, d'être extrêmement vigilants. J'aurai l'occasion de recevoir les recteurs pendant l'été pour leur donner un certain nombre d'instructions. Ce qu'il faut, c'est que le jour de la rentrée, il y ait à la fois une campagne d'information pour les parents ; nous allons envoyer un message d'information à tous les parents pour leur expliquer en cas de symptômes, ce qu'il faut faire. Pour leur expliquer les gestes barrière à destination des enfants. Et puis, naturellement, notre devoir c'est de prévoir éventuellement la fermeture d'école, tout le proches de fermeture et de réouverture dans la foulée.
M. Hirsch est malheureux. Il veut que le Président et le Premier ministre se prononcent sur les mesures en faveur des jeunes qu'il a formulées. Notamment, celle qui vous concerne, le service public d'orientation, la formation jusqu'à 18 ans. Le soutenez-vous dans son combat ?
D'abord, je ne suis pas sûr que M. Hirsch soit malheureux. M. Hirsch, il fait des propositions et il met en oeuvre une politique. Vous savez, M. Hirsch n'est pas venu au Gouvernement pour regarder les trains passer et pour être passif. Il est venu pour agir et c'est aussi pour cela, ce n'est pas une présence alibi la présence de M. Hirsch. L'objectif, c'est que M. Hirsch, il apporte sa contribution au sein du Gouvernement et l'a très bien fait, par exemple, sur le RSA. Sur les questions de la jeunesse, le président de la République lui avait demandé de faire travailler un groupe d'experts, qui a fait des propositions intéressantes, qui ont été remises au tout début du mois de juillet. N. Sarkozy, la semaine dernière, lorsqu'il a reçu les président d'entreprise qui vont prendre des engagements sur l'apprentissage, a eu l'occasion de dire que d'ici la fin de l'été, d'ici la rentrée en gros, il indiquerait qu'elles sont les propositions parmi celles que M. Hirsch a faites, qui seront retenues par le Gouvernement.
Y aura-t-il ou non un remaniement avant le départ en vacances ?
Vous savez, la Constitution a changé, mais ce n'est pas pour autant le porte-parole du Gouvernement qui nomme les ministres. Donc je sais que la question de nomination de quelques secrétaires d'Etat a été évoquée, y compris par le secrétaire général de l'Elysée. Laissons le président de la République décider.
Vous avez besoin d'aide à l'Education ?
C'est au Président d'en décider. J'ai une mission qui est une mission difficile, que je prends en main. Je ne suis pas sûr que ce soit urgent de nommer à mes cotés un secrétaire d'Etat ou autre. Mais ce n'est pas à moi d'en décider, c'est au président de la République et au Premier ministre.
Deux véhicules neufs achetés, des factures d'essence non contrôlées... Selon le magazine Auto Plus, B. Hortefeux a dépensé sans compter à son arrivée au ministère de l'Intérieur. Est-ce qu'il doit rendre ces véhicules ?
D'abord, j'aimerai bien regarder de près ce dossier. C'est facile de prendre une partie de l'information, de la monter en épingle. Donc je n'ai pas d'information sur cette affaire. Et donc je me garderai bien de faire des commentaires précis.
Vous, vous n'avez pas acheté de véhicule en arrivant rue de Grenelle ?
Non, je n'ai pas acheté. J'ai plutôt donné des instructions de ne pas engager, ni travaux ni dépenses exceptionnelles.
Source : Premier ministre, Service d'Information du Gouvernement, le 30 juillet 2009