Déclaration de M. Michel Barnier, ministre de l'agriculture et de la pêche, sur la place de l'industrie agroalimentaire dans l'économie française et les mesures gouvernementales pour assurer la compétitivité, la sécurité alimentaire du secteur et améliorer les conditions de travail des professionnels du secteur, Rungis le 24 mars 2009.

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Circonstance : Clôture des rencontres de l'agroalimentaire, à Rungis le 24 mars 2009

Texte intégral

Messieurs les Ministres, Cher Luc, Cher Laurent,
Messieurs les Parlementaires,
Messieurs les Présidents, Cher Jean-René BUISSON, Cher Philippe MANGIN, Cher Jean-Michel LEMETAYER,
Monsieur le Délégué interministériel aux industries agroalimentaires et à l'agro-industrie, cher Philippe ROUAULT,
Mesdames, Messieurs,

Votre présence à tous aujourd'hui, par le nombre et par la diversité des profils - chefs d'entreprise, représentants des organisations salariales, délégués des organisations professionnelles de la production agricole, de la transformation, du commerce, parlementaires, chercheurs, représentants des organisations des consommateurs ou des administrations - témoigne de l'importance de l'enjeu qui nous réunit aujourd'hui : dessiner les contours d'une ambition nouvelle pour notre industrie agroalimentaire.

1/ Pourquoi cette journée : conforter la place de l'agro-alimentaire dans l'économie française
Sans vouloir masquer les réelles difficultés auxquelles certaines branches et certaines entreprises doivent aujourd'hui faire face dans un contexte économique particulièrement difficile - la résolution de ces difficultés est notre toute première urgence - je voudrais en guise d'introduction souligner les facteurs de résistance à la crise qu'offrent les IAA :
Il faudra sans doute attendre la fin du premier semestre 2009 avant de l'affirmer et rester très vigilant sur la situation de certaines branches et certaines entreprises qui souffrent du très fort ralentissement que nous connaissons aujourd'hui, mais les IAA semblent résister mieux que d'autres secteurs et continuent même parfois à afficher des résultats flatteurs.

Ces industries occupent aujourd'hui en effet une place centrale dans notre économie.

  • Elles représentent le premier secteur industriel (150 Milliardseuros de CA, plus de 13 000 entreprises représentant près de 30% des entreprises industrielles hors énergie)
  • Elles sont ancrées dans nos territoires et nos savoirs-faire
  • Elles sont souvent un symbole de l'image France à l'étranger (un des plus gros poste du commerce extérieur avec 30 milliardseuros d'exportations et un excédent commercial de près de 9 milliardseuros)
  • Un secteur au coeur de grands enjeux de société (santé sécurité, sanitaire ...)
  • Un marché mondial structurellement dynamique et porteur (une croissance annuelle moyenne de près de 5%) pour de simples questions de croissance démographique et d'amélioration globale du niveau de vie des populations des pays en voie de développement.

Malgré ces éléments objectifs très positifs, les industries agroalimentaires souffrent du regard critique de certains acteurs, voire même parfois d'un déficit image.
Le message de cette journée est simple : il s'agit de valoriser les industries agroalimentaires à leur juste place, au même niveau que d'autres industries de pointe, l'aéronautique, l'automobile, les nouvelles technologies. Elles ont un poids au moins aussi important et sont tout aussi stratégiques.
Nous n'avions pas attendu ces assises en région pour nous mettre au travail, mais elles ont permis de renforcer nos convictions et de préciser notre feuille de route.
Le succès de ces assises est en soi un signe fort du poids et du dynamisme de ce secteur. Plus de 2000 participants ont pris une part active à ces débats. Je voudrais saluer cet enthousiasme et saluer ceux qui sont venus aujourd'hui spécialement de province pour assister à cette journée.
Ma conviction est que cette période est la bonne pour rebattre les cartes et pour entreprendre : la crise que nous traversons n'est pas une crise conjoncturelle, c'est une crise systémique dont on sent bien que l'on ne sortira pas comme on y est rentré.
Peut-être sommes nous en train de passer d'une logique à une autre, d'un mode de consommation à un autre, d'un système de valeurs à un autre. Quels mots exacts mettre sur ces évolutions, ce n'est pas encore évident. Certains disent que nous sommes en train de passer du « posséder plus » au « vivre mieux ».
Une chose est certaine, dans ce nouveau système de valeurs, l'alimentation joue un rôle majeur, au même titre que la santé, le logement, l'équilibre de l'utilisation des ressources naturelles. Il s'agit de permettre que s'expriment pleinement les valeurs portées par vos entreprises. En France nous sommes biens placés pour relever ce défi.
Dans le prolongement des divers travaux que nous avons menés ces derniers mois - que je vais rappeler brièvement - je souhaiterais proposer une feuille de route et un cadre renouvelé de l'action gouvernementale.

2/ Rappel des actions phares du MAP et du gouvernement
Je voudrais rappeler quelques unes des actions phares du gouvernement et du ministère de l'agriculture et de la pêche.

  • A/ L'urgence tout d'abord : faire face à la crise et préserver notre appareil productif

Luc Chatel l'a rappelé à l'instant, les dispositifs mis en place par le gouvernement bénéficient pleinement aux entreprises agroalimentaires et nous nous y sommes employés. J'ai demandé par ailleurs qu'un suivi très précis, spécifique au secteur, de ces dispositifs, soit organisé en particulier pour les mesures pilotées par OSEO. Une veille en région des entreprises en difficultés du secteur agroalimentaire est par ailleurs organisée pour être capable de construire les réactions les plus appropriées.

  • B/ Renforcer notre compétitivité

A court et moyen terme il fallait également agir sur les leviers de notre compétitivité.
L'action européenne
Compte tenu de la place des règlementations européennes dans le développement des IAA, il était essentiel d'inscrire nos réflexions sur la compétitivité du secteur dans ce cadre.
Nous avons porté au niveau européen des préoccupations qui se sont traduites par l'adoption le 17 mars dernier à Bruxelles de 30 recommandations et qui doivent conduire à l'élaboration d'un plan d'action communautaire détaillé avant l'été. Ce travail a été mené en étroit partenariat avec vos représentants et je voudrais saluer leur implication et leur travail. Parmi les recommandations, on pourra par exemple souligner :

  • l'accès à des matières premières de qualité, réaffirmant la nécessité d'une PAC ambitieuse
  • la simplification des réglementations et la reconnaissance de systèmes de certification basés sur les normes ISO dans la législation communautaire
  • le soutien aux PME, aux signes de qualité, à l'export ou encore à des politiques de soutien de l'innovation

Le cadre fixé devrait conduire à la création d'une structure de coordination sectorielle de la politique en faveur des IAA pour l'ensemble de l'Union.
Rationalisation des outils d'accompagnement - FISIAA
Au niveau national j'ai souhaité que les dispositifs d'appui aux entreprises des IAA soient confortés et rationnalisés, qu'il s'agisse de l'aide aux investissements matériels et immatériels ou de l'accompagnement des projets de structurations essentiels au dynamisme des filières. D'ores et déjà, un appel à projet du Fonds d'Intervention stratégique des entreprises agroalimentaires (FISIAA) sera lancé dans les toutes prochaines semaines.
L'export
Les réserves de croissance du secteur se trouvent pour une bonne part à l'export. L'accès aux marchés internationaux est donc essentiel pour les IAA. C'est pourquoi j'ai souhaité la mise en place de mesures de soutien à l'export. J'ai voulu renforcer l'accessibilité de nos entreprises aux salons internationaux et aux actions de promotion, sous l'égide de la SOPEXA, pour les produits et/ou marchés pour lesquels les positions françaises seraient particulièrement menacées. J'ai également souhaité donner plus de visibilité sur notre communication à l'international, par la création d'un logo « France agroalimentaire » et par la mise en place d'un réseau internet permettant de faciliter la mise en contact des opérateurs étrangers et de nos exportateurs.

  • C/ La politique de l'alimentation

J'ai souhaité enfin conforter le rôle des IAA dans la qualité de l'offre alimentaire. Vous connaissez mon engagement à ce propos qui a conduit à la mise en place d'un plan national pour une politique de l'offre alimentaire sûre, diversifiée et durable.
Les exigences des consommateurs et les attentes de la société toute entière en la matière sont un défi majeur. C'est à cette préoccupation que répondent les chartes d'engagement du Programme National Nutrition Santé, à propos desquelles je salue l'engagement des professionnels, tout en souhaitant qu'il se renforce encore.
C'est à cette même préoccupation que doivent répondre les travaux en cours sur les profils nutritionnels à Bruxelles. Luc Chatel et moi avons fait part de nos préoccupations en la matière à la Commission et nous avons été entendus.
C'est aussi pour mieux répondre à ces exigences en matière d'alimentation que j'ai demandé que soient établis par les nouvelles directions régionales de l'alimentation, de l'agriculture et de la forêt, en partenariat avec vos représentants, des plans d'actions régionaux pour une politique de l'offre alimentaire sûre, diversifiée et durable.

  • D/ Renforcer l'attractivité des métiers et adapter les politiques de l'emploi-formation aux besoins des IAA

Les produits ne sont évidemment rien sans les hommes qui les élaborent et les mettent à disposition du consommateur.
Si notre industrie agroalimentaire est un secteur économique dynamique, c'est parce les hommes et les femmes qui travaillent dans nos secteurs sont capables de relever le défi du changement. La vitalité économique d'un secteur industriel, sa compétitivité dépend de la qualité de ses emplois.
Des emplois de qualité ce sont des emplois qualifiés, des parcours professionnels sûrs, et de bonnes conditions de travail. C'est autour de ces principes que s'est organisée mon action.
Améliorer les qualifications, c'est l'intérêt des entreprises comme des salariés

Notre secteur agroalimentaire a besoin de main d'oeuvre qualifiée.

  • parce que les offres d'emploi dépassent globalement les demandes.
  • mais aussi parce que les entreprises doivent constamment s'adapter au changement : changement technologique, évolution des attentes des consommateurs

C'est pourquoi l'enseignement agricole, qu'il s'agisse de l'enseignement technique ou de l'enseignement supérieur adapte constamment son enseignement et ses diplômes aux besoins des entreprises, en concertation avec les branches professionnelles. Rien ne se fait sans les entreprises, et je pense en particulier au plan d'actions « ensemble, nourrissons notre avenir » ou à « Pass pour le sup » qui permet d'ouvrir la voie des études supérieures à des jeunes de famille modestes grâce au tutorat de cadres d'entreprises. Ces actions sont efficaces, concrètes, adaptées. Elles réussissent parce que les entreprises se mobilisent.
L'effort de qualification passe bien sûr aussi par la formation professionnelle, et par nos OPCA (organismes paritaires collecteurs agréés), qui sont capables de répondre massivement, rapidement et avec précision aux besoins des branches professionnelles, de leurs entreprises et de leurs salariés.

Ensuite, nous devons améliorer les conditions de travail :
Les métiers de l'agroalimentaire sont souvent pénibles et restent parmi les secteurs les plus exposés aux troubles musculo- squelettiques. Nous ne pouvons pas accepter ces maladies professionnelles comme une fatalité.
J'ai souhaité que le ministère de l'agriculture établisse un plan d'action pour l'amélioration de la sécurité au travail et des conditions de travail dans les secteurs agricoles, forestiers et agroalimentaires. Ce plan a été rédigé avec l'ensemble des partenaires sociaux, qui suivront sa mise en oeuvre ; il témoigne, à mes yeux, de la qualité du dialogue social dans notre secteur.
Nous devons enfin nous mobiliser sur la sécurité de l'emploi : dans le contexte actuel de crise économique, il s'agit bien évidemment d'un enjeu essentiel.
Il s'agit d'abord d'encourager les efforts engagés par les partenaires sociaux pour la gestion prévisionnelle de l'emploi et des compétences (GPEC). C'est un levier d'anticipation et d'accompagnement des mutations économiques. Je sais que Laurent Wauquiez et ses services soutiennent les actions qui sont menées dans ce domaine et je l'en remercie.
Mais il s'agit également d'assurer une veille permanente sur ces sujets, pour détecter le plus tôt possible les difficultés des entreprises et pour anticiper leurs conséquences sur l'emploi. Nos DRAAF sont mobilisées sur cet enjeu en partenariat avec les services de Laurent WAUQUIEZ.

  • E/ L'innovation

Enfin, on ne saurait prétendre se donner les moyens de tracer les voies de l'avenir sans évoquer le soutien à l'innovation. Il est essentiel au maintien de notre compétitivité à moyen et long terme.
En ce domaine, beaucoup a été fait, qu'il s'agisse de la politique des pôles de compétitivité, des efforts menés en matière de crédits recherche ou des stratégies conduites sous l'égide de l'Agence national pour la recherche ou d'OSEO.
Je souhaite aller plus loin. Je crois utile de concentrer nos efforts de recherche et de développement sur les enjeux les plus stratégiques pouvant déboucher à courte échéance sur des produits ou des marchés nouveaux.
Cela suppose deux actions complémentaires : d'une part fixer de manière partenariale ces priorités ; d'autre part, d'en tirer toutes les conséquences sur l'utilisation de nos moyens quels qu'ils soient.
Ces questions seront largement évoquées cet après midi.

3/ Un cadre renouvelé de l'action gouvernementale
Vous le voyez, les leviers d'action sont nombreux. Ils supposent la mobilisation de tous ; pouvoirs publics, entreprises, organisations salariales, mais aussi des partenaires que sont les distributeurs, les consommateurs, voire les organisations environnementales qui nous rappellent l'importance d'un développement durable de nos industries. Au cours des derniers mois, j'ai donc souhaité inscrire l'accompagnement des IAA au coeur de nos priorités d'action. Il faut que cet élan s'inscrive dans la concertation et la durée.
Pour cela, j'ai proposé un renouvellement du cadre de l'action gouvernementale s'appuyant sur quatre dimensions :

  • Premièrement, la mise en place d'instruments de pilotage stratégique partagés : Les observatoires de l'alimentation et celui des marges et des prix ont été créés. Ce dernier a déjà permis d'engager des travaux complexes sur le porc, le lait et les fruits et légumes. Le cas échéant, les anomalies éventuellement détectées pourront donner lieu à saisine de la Commission d'examen des pratiques commerciales au titre de ses missions. Enfin, j'ai décidé la mise en place de l'observatoire stratégique de l'agroalimentaire. Le pilotage en est assuré pas un comité ad hoc associant professionnels, organisations syndicales, administrations et experts. Ce comité s'est déjà réuni pour valider le référentiel cadre de cet observatoire dont l'objet est à la fois de mettre à disposition - sous forme de site internet - les informations dont les opérateurs ont besoin pour mieux construire leurs stratégiques et de réaliser des études et analyses prospectives ciblées. Je souhaite qu'il soit opérationnel à l'été.
  • Deuxième dimension : pour assurer une grande cohérence de notre action, sur ma proposition, le Premier Ministre a décidé la création d'un Grand Conseil des industries agroalimentaires associant aux côtés des représentants professionnels des IAA, de l'agriculture et des organisations salariales, les différents ministères concernés par vos problématiques (agriculture, industrie, emploi, travail, santé, consommation, commerce extérieur, aménagement du territoire, écologie, recherche), les représentants des consommateurs, du commerce et des organisations environnementales. Ce Grand conseil sera placé auprès du délégué interministériel.
  • Troisième dimension pour la cohérence et la durée de notre action : le partage d'une feuille de route claire ; un plan d'action pluriannuel d'accompagnement des IAA dans le prolongement des travaux en déjà mis en oeuvre et devant être régulièrement mis à jour par le Grand conseil.
  • Dernière dimension clé du renouvellement de l'action gouvernementale : l'identification de priorités nationales d'investissement. C'est pourquoi j'ai voulu que soit engagée cette réflexion de fond sur nos priorités d'investissement, de recherche et d'innovation - dont nous livrerons les premières conclusions cet après midi - qui doivent permettre de conforter et de réaffirmer notre leadership d'aujourd'hui et de demain en Europe et dans le monde.

Cette journée est un point d'orgue, elle n'est pas un aboutissement. L'ambition est là : refaire des industries agroalimentaires une arme de conquête pour notre économie et nos emplois, leur donner une place centrale y compris en terme d'image dans un modèle de consommation renouvelé. Ce secteur y a toute sa place et possède tous les atouts pour réussir cette ambition renouvelée ...
Je vous remercie.

Source http://www.agriculture.gouv.fr, le 27 mars 2009