Interview de M. Benoist Apparu, secrétaire d'Etat au logement et à l'urbanisme, à France Info le 5 août 2009, sur l'hégergement des sans-abri, la construction de logements sociaux et la relance du secteur du bâtiment.

Prononcé le

Intervenant(s) : 

Média : France Info

Texte intégral

J. Jadot.- Cela fait à peine un mois et demi qu'il est entré au Gouvernement, alors forcément, il n'est pas pressé de partir en vacances... En plein mois d'août, B. Apparu occupe le terrain, notamment celui de l'accueil des SDF qui ne s'arrête pas avec l'été. Maraude du Samu social, centres d'hébergement d'urgence ou de moyen terme, vous avez multiplié les visites ces deux derniers jours. Qu'avez-vous l'intention d'améliorer dans cette prise en charge des SDF ?

Il y a un vrai besoin de coordination par exemple, de leur prise en charge. Je vais vous donner un exemple très concret : hier soir, j'ai fait une maraude, j'étais donc dans un camion du Samu social, on tournait dans le 5e arrondissement. On a croisé à quelques mètres de nous la maraude d'une autre association. Bref, il n'y a pas eu de coordination entre l'ensemble des associations pour savoir qui allait à quel endroit sur Paris hier soir. C'est un vrai manque de coordination. Donc nous avons besoin d'instituer sur l'ensemble du territoire, que ce soit dans les grandes villes françaises, mais évidemment, en premier lieu à Paris en Ile-de-France, une vraie coordination du travail des associations. Ça, c'est typiquement des choses que nous devons améliorer pour être beaucoup plus efficaces sur le terrain.

Depuis le 1er août, le taux du Livret A est à son plus bas historique, seulement 1,25 %. Les retraits sont désormais plus importants que les dépôts, est-ce que cela ne va pas pénaliser le financement du logement social auquel est en partie destiné l'argent de ces livrets ?

Pas nécessairement parce que l'avantage de la baisse du Livret A, c'est peut-être même l'inverse. C'est que comme vous avez une baisse des taux d'intérêt liés à ce Livret A, quand vous faites des prêts aux organismes logeurs, les organismes logeurs vont plus facilement pouvoir construire, tout simplement parce qu'ils ont eux, un coût de l'argent moins cher. Donc c'est tout bénef pour les organismes logeurs qui construiront plus facilement.

Cette année, on construit de plus en plus de logements sociaux mais ce n'est pas encore assez, ce n'est pas seulement les associations qui le disent, mais aussi le conseil d'Etat dans un rapport remis au mois de juin. Le rythme actuel ne permettra pas de répondre à la demande. Vous prévoyez d'accélérer la cadence ?

Le rythme actuel sera déjà un rythme historique. On espère pouvoir atteindre grosso modo 150.000 logements sociaux construits en France cette année. Ce qui est vrai, c'est que, notamment du fait de la crise, le nombre de logements privés qui seront construits sera moins important que prévu. On espérait faire autour de 400.000 logements, on en fera beaucoup moins parce que le privé va moins construire. Mais pour répondre notamment au besoin d'hébergement, le nombre de logements sociaux sera en très forte augmentation cette année. C'est déjà...

Et pour l'an prochain ?

Pour l'an prochain, nous allons mettre les financements nécessaires pour construire tout autant que cette année, pour continuer l'augmentation de construction dont nous avons besoin et donc, l'année prochaine, notre objectif est de faire au moins aussi bien que cette année.

Vous avez déjà des idées de votre budget sur l'an prochain ? C. Boutin a dit que vous étiez la 25ème roue du carrosse gouvernemental, avec votre secrétariat d'Etat. Vous avez des garanties au niveau budgétaire ?

Je ne pense pas être la 25ème roue du carrosse et je pense même que le rattachement à J.-L. Borloo, qui est numéro deux du Gouvernement, qui est ministre d'Etat, va permettre d'avoir une capacité d'arbitrage relativement forte face au président de la République, face à Matignon, et surtout, évidemment, face à Bercy, pour nous permettre d'avoir un budget qui corresponde à ce qu'on souhaite faire. Mais là encore, arrêtons de ne penser qu'aux seules questions budgétaires. Je vais vous donner un exemple très concret : en matière d'hébergement, nous dépensons 1,2 milliard d'euros. C'est probablement suffisant. Je ne dis pas qu'il ne faut pas toujours un peu plus d'argent, mais la question qui se pose aujourd'hui, c'est comment on rend un servie beaucoup plus efficace à un coût équivalent. Arrêtons de nous poser la seule question de savoir si on a 5 millions de plus ou pas.

Mais vous ne savez pas pour l'instant si votre budget sera en hausse ou encore en baisse l'an prochain ? Vous n'avez pas de garantie là-dessus ?

Pour l'instant, je n'ai pas de garantie sur ce sujet-là. On va se battre pour, évidemment, avoir un bon budget, mais un bon budget, ce n'est pas nécessairement un budget en augmentation en permanence.

Votre collègue du Budget, E. Woerth, veut vendre des logements de fonction de certains fonctionnaires. Il pourrait y en avoir plusieurs milliers, voire dizaine de milliers. Vous ne voulez pas les récupérer tout simplement pour faire du logement social ? Ce ne pourrait pas être un bon moyen à moindre coût ?

On verra notamment le type de logement. Ce sera potentiellement une très bonne idée que de pouvoir vendre aux organismes logeurs ce type de logement-là. Mais là encore, cela dépend à qui ils appartiennent. Ce que souhaite l'Etat, c'est peut-être augmenter aussi la contribution locative de ceux qui y habitent, ce n'est pas forcément sortir les fonctionnaires qui sont dans ces appartements, mais ce peut être leur demander un loyer plus important. Donc il y aura différentes solutions qui seront utilisées par le Gouvernement pour que, effectivement, cette question de la moralisation du logement des fonctionnaires, soit une effectivité.

Le secteur du bâtiment tourne en ce moment au ralenti, une chute de 30 % des permis de construire sur les six premiers mois de l'année. Qu'est-ce qu'on peut faire pour relancer le secteur ?

Il faut avoir en tête que, effectivement, la crise a impacté de façon très forte le secteur de la construction. Donc, nous, notre job, c'est évidemment de trouver un certain nombre d'outils pour relancer le secteur. On en a mis en place un certain nombre. Je pense par exemple à ce qu'on appelle le dispositif Scellier, qui a permis aux promoteurs de vendre leurs stocks d'immeubles invendus et donc de remettre en chantier un certain nombre de nouveaux immeubles. Et donc de relancer la construction, et donc de fournir de l'emploi aux entreprises qui construisent. Ça, c'est vraiment typiquement un outil, le Scellier, qui est un dispositif fiscal, qui a plutôt très bien marché et qui a permis de relancer le secteur de la construction dite privée. Les permis de construire, c'est encore autre chose. Il faut avoir en tête qu'un permis de construire, c'est lié à une décision qui a été prise il y a à peu près un an, donc en plein moment de crise. Quand vous avez un permis de construire qui est délivré, il a fallu grosso modo six mois d'instruction, trois mois liés à l'écriture même du permis de construire, ça fait une petite année. Il faut donc se dire que les chiffres de baisse des permis de construire que nous avons aujourd'hui sont liés au début de la crise, qui a grosso modo un an. J'espère que dans les semaines à venir, ou plutôt dans les mois à venir - je le situe d'ici la fin de l'année - on va voir les chiffres s'infléchir et avoir une stabilisation du nombre de permis de construire délivrés en France, ce qui montrera que la construction est repartie ou, en tout cas, que la chute a été enrayée.

Une dernière question. Vous avez 39 ans, parcours sans faute, sauf une ombre sur votre C.V : c'est ce logement social de la Ville de Paris que vous avez occupé alors que vous n'étiez pas vraiment dans le besoin.
Ça, c'est vous qui le dites !
Vous étiez membre de cabinet ministériel, puis député. Vous avez quitté le logement après avoir passé six mois à l'Assemblée nationale. En tant que secrétaire d'Etat au Logement, est-ce que vous regrettez d'avoir tardé, d'avoir mis plusieurs années à quitter ce logement ?

Je ne regrette absolument pas pour la raison très simple suivante : je suis rentré dans ce logement à un moment où j'avais, comme on dit, les moyens correspondant à ce logement. C'est-à-dire que j'avais un salaire qui était très faible, donc j'étais dans ce qu'on appelle les plafonds de ressources. Je suis donc rentré dans un logement social à ce moment-là. A cette époque-là, je vous rappelle qu'il y avait ce qu'on appelle le droit au maintien dans les lieux à vie. C'est peut-être une erreur ce droit au maintien, mais vous avez dans tous les organismes logeurs ce droit au maintien à vie. Je suis resté dans cet appartement pendant un certain temps et j'ai considéré effectivement, qu'à partir du moment où je devenais député, qu'il fallait que je déménage. J'ai mis six mois à déménager, ce qui est relativement court. J'ai mis ces six mois à déménager donc non, je ne regrette pas. Je suis parti à un moment où j'ai considéré que ma situation personnelle, qui était celle de député, ne correspondait pas avec le fait d'avoir un appartement, d'avoir un logement social. Donc j'ai quitté de moi-même cet appartement-là.

Source : Premier ministre, Service d'Information du Gouvernement, le 6 août 2009