Déclaration de Mme Christine Lagarde, ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi, sur la prolongation du dispositif de soutien aux PME et de financement des entreprises en période de crise économique, Paris le 27 juillet 2009.

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Circonstance : Cérémonie de signature de l'accord de place sur la médiation du crédit, au Palais de l'Elysée, Paris le 27 juillet 2009

Texte intégral

Messieurs les ministres,
Messieurs les présidents de commission,
Mesdames et Messieurs les parlementaires,
Mesdames et messieurs les présidents,
Monsieur le médiateur du crédit,
Mesdames, Messieurs,
Le président de la République aurait été heureux de vous accueillir aujourd'hui au palais de l'Elysée à l'occasion de la signature de la convention de place pérennisant la médiation du crédit aux entreprises. Il m'a demandé de le remplacer compte tenu des circonstances que vous connaissez.
Il y a dix mois, le monde était au bord du précipice à la suite de la décision des autorités américaines de laisser tomber la banque Lehman Brothers.
Nous avons agi avec détermination pour éviter le pire. Pour éviter que le rationnement du crédit ne mette en péril l'ensemble de nos entreprises, de nos emplois et de notre richesse, nous avons adopté en moins de 5 jours le plan français de soutien au financement de l'économie. Grâce à ce plan, nous avons assuré la stabilité de nos banques, garanti les dépôts des clients et évité que l'économie ne soit asphyxiée par un resserrement aveugle du crédit. J'ajoute que cela n'a rien coûté à l'État et donc au contribuable. Au contraire, ce plan rapporte un revenu net de 1,4 Md euros sur 2008 et 2009 car l'argent prêté aux banques l'est aux conditions du marché.
Dix mois après le paroxysme de la crise, nous avons stabilisé la situation financière, mais la crise n'est pas finie. - c'est la plus grave que le monde ait connue depuis 60 ans. Ceux de nos compatriotes qui sont touchés par le chômage en ressentent durement les effets. Des défaillances d'entreprises vont malheureusement continuer à se produire.
Dans cette situation, nous souhaitons que vous restiez totalement mobilisés. C'est l'objectif de l'accord de place sur la médiation du crédit aux entreprises que vous signez aujourd'hui.
La médiation du crédit est un dispositif essentiel de notre stratégie de lutte contre la crise. Le président de la République savait lorsqu'il a annoncé sa création le 23 octobre 2009 à Argonay qu'il pouvait faire entièrement confiance au dynamisme de René Ricol pour la mettre en place. Déjà, son rapport sur la crise financière exprimait toute sa créativité et la pertinence de ses analyses qui ont nourri l'agenda du G20 de Londres. Mais le président savait que la personnalité de René, son enthousiasme, son dynamisme, son sens de l'initiative, sa diplomatie mais aussi, quand il le faut, sa fermeté, feraient de la médiation un succès.
Avec la médiation, nous avons inventé une forme d'administration du XXIe siècle, fonctionnant en réseau, proche du terrain, facile d'accès, pragmatique, s'appuyant sur l'ensemble des services de l'État et les directions locales de la Banque de France mais aussi les organisations socioprofessionnelles et les réseaux consulaires, capitalisant ainsi sur les forces vives de la nation.
Les banques puis, après elles, les assureurs crédit ont compris que le succès de la médiation serait aussi le leur.
Avec la médiation du crédit, des synergies nouvelles sont nées, une chaine de solidarité économique intelligente s'est constituée. Pourquoi intelligente ? Parce que nous demandons à chacun de prendre plus de risques, d'être solidaire mais sans méconnaître l'impératif de compétitivité internationale.
Je souhaite d'ailleurs que les grands donneurs d'ordre rejoignent tous cette chaine de solidarité.
Je veux remercier ici, au nom de président de la République et en mon nom propre, l'ensemble des acteurs qui ont fait de la médiation un succès. René Ricol et ses équipes d'abord. L'équipe du gouvernement auquel j'appartiens, en particulier Éric Woerth, Patrick Devedjian, Hervé Novelli, Luc Chatel, aujourd'hui Christian Estrosi qui ont mobilisé l'ensemble des services de l'État, à Paris et dans les territoires. Le gouverneur de la Banque de France qui a prêté le concours de son réseau et l'expérience de ses directeurs départementaux. Oséo qui a mis à disposition ses infrastructures et pour les territoires ultra-marins, L'IEDOM et l'IEOM et l'Agence française de développement.
Je voudrais également féliciter les organisations socioprofessionnelles et les réseaux d'accompagnement pour avoir répondu à l'appel de la mobilisation et constituer collectivement un réseau de tiers de confiance de la médiation qui sont bien souvent le premier point de contact des entreprises : les chambres de commerce et d'industrie, les chambres des métiers et de l'artisanat, le Medef, la CGPME, l'UPA, l'UNAPL, tous les acteurs de la création et de la reprise d'entreprises, l'Ordre des experts comptables, demain les avocats. Tous, dans un grand élan de mobilisation nationale, vous avez su coordonner votre action de terrain pour orienter les chefs d'entreprises dans leurs démarches et accompagner la mise en oeuvre des solutions identifiées en médiation.
Avec l'approfondissement de la crise, nous avons étendu le périmètre de la médiation aux problématiques liées au retrait de la couverture de l'assurance-crédit et aux problématiques des fonds propres. L'État a accompagné cette évolution en mettant en place un dispositif de complément d'assurance crédit public qui été renforcé récemment.
Aujourd'hui, nous ne pouvons que nous féliciter, collectivement, des choix que nous avons faits. Les statistiques publiées sur la médiation en font la démonstration :
- 12 000 entreprises de toutes tailles ont eu recours à la médiation ;
- sur les 9 000 dossiers instruits et clos, dans deux cas sur trois, une issue positive pour l'entreprise a été trouvée ;
- en 9 mois, un milliard d'euros de crédits ont été débloqués ;
- 6 000 entreprises ont été confortées dans leur développement ;
- 120 000 emplois ont été préservés.
Je ne peux pas citer ici toutes les entreprises qui ont été aidées par la médiation et dont les représentants sont ici présents. Je pense notamment à MECANNO, cette entreprise si chère au coeur des Français. Je pense aussi à la médiation réussie de la société EMIN LEYDIER ce week-end, qui permet de sauvegarder 1 000 emplois dans l'Ain. Je veux que pendant ces mois d'été, qui sont bien souvent difficiles pour les entreprises car les charges restent mais les recettes diminuent, nous restions totalement mobilisés.
Il est de notre responsabilité collective de ne laisser aucun chef d'entreprise seul face à des difficultés.
Je voudrais dire aux chefs d'entreprises et aux représentants des salariés des entreprises réunis ici ce matin, que notre priorité, c'est le développement des entreprises, de leur compétitivité, pour qu'elles puissent offrir du travail, exporter leurs savoir-faire, pour qu'elles puissent être libres de concrétiser leurs ambitions et développer la richesse de notre pays.
C'est une politique cohérente que nous mettons en place depuis l'élection du président de la République. Avec la crise, nous avons décidé de concentrer les ressources de notre plan de relance sur les entreprises et sur l'investissement.
Les entreprises ont bénéficié d'un ballon d'oxygène avec le remboursement accéléré des créances qu'elles détenaient sur l'État. C'est aujourd'hui 13 Md euros qui ont été remboursées aux entreprises.
Les entreprises bénéficient aussi de la relance de l'investissement public avec une enveloppe de 8 Md euros mise en oeuvre par l'État et les entreprises publiques qui est en train de se déployer sur l'ensemble de notre territoire.
Dès le 4 octobre, nous avons annoncé les mesures de soutien à destination des PME, qui sont les plus fragilisées par la crise. Nous avons renforcé les moyens d'Oséo et nous avons élargi ses modalités d'intervention. Nous avons aussi mobilisé l'Europe sous présidence française avec une enveloppe de 30 Mdseuros de la banque européenne d'investissement.
Nous avons voulu aussi donner toute sa place à notre politique industrielle car nous ne pouvons imaginer une seconde que la France renonce à ses usines. Cela serait une erreur gravissime.
Nous avons créé le Fonds stratégique d'investissement, doté de 20 Md euros. Son objectif est double : soutenir le développement des PME à fort potentiel et sécuriser le capital de nos entreprises stratégiques. À ce jour, le FSI a déjà investi 535 M euros et constitué des fonds sectoriels dans l'automobile, l'aéronautique ou le bois.
Notre politique industrielle passe bien sûr par le soutien à notre industrie automobile. En octobre/novembre dernier, la demande a plongé de 20 % en France et de 40 % dans plusieurs marchés voisins. La production dans de nombreuses usines françaises a été arrêtée plusieurs mois. Nous avons réagi, avec le bonus/malus, le pacte automobile et la prime à la casse. Celle-ci a été un énorme succès.
Grâce à ces mesures, nous avons sauvé notre filière automobile.
Soutenir notre industrie, c'est également penser aux territoires et aux entreprises qui sont aujourd'hui en difficultés. C'est pour cela que dix commissaires à la ré-industrialisation ont été nommés, que nous avons créé le fonds national de revitalisation, doté de 150 M euros et que les préfets et trésoriers-payeurs généraux animent chaque jour dans les départements des comités d'examen des problèmes financiers des entreprises.
Aujourd'hui, certains signes de stabilisation de la conjoncture apparaissent : la production industrielle rebondit, sous l'effet de l'arrêt du mouvement massif de déstockage du début de l'année. La consommation tient. Les exportations redémarrent. La confiance des entrepreneurs se redresse lentement.
Mais rien ne nous indique que la crise est finie. Ses effets se feront encore ressentir pendant plusieurs mois. Au-delà de la conjoncture, rien ne serait pire que de penser que la crise n'est qu'une parenthèse. Avec cette crise, rien ne sera plus comme avant. La mobilisation que nous avons insufflée et qui nous a permis de mieux résister que nos partenaires, nous devons l'utiliser à préparer notre pays à la sortie de crise.
Nous voulons être prêts pour tirer profit pleinement des opportunités de reprise quand elles interviendront.
Nous allons continuer à soutenir les entreprises, le travail et la création de richesse.
Plusieurs mesures majeures seront prises dans les prochains mois.
D'abord, nous allons supprimer la taxe professionnelle sur les investissements. Depuis 35 ans, nous vivons avec un impôt qui repose sur une assiette anti-économique, l'investissement, mais personne n'a réussi à le réformer. Le président de la République s'y est engagé, nous supprimerons la taxe professionnelle sur les investissements.
Nous devons aussi pleinement nous mobiliser pour soutenir les fonds propres des entreprises. C'est une faiblesse structurelle française par rapport à l'Allemagne et c'est aussi la limite des interventions de la médiation du crédit.
Car pour que tout cela fonctionne, il faut plus d'argent investi au capital des entreprises.
Des initiatives nouvelles ont été mises en oeuvre avec la Caisse des Dépôts, le Fonds stratégique d'investissement et les partenaires privés dans le cadre du programme France investissement pour renforcer les capacités d'intervention des fonds de capital risque et de capital investissement. Plus d'1,5 milliards d'euros ont été engagés.
Des ressources nouvelles existent également. Grâce à la loi Travail emploi pouvoir d'achat, il est possible d'affecter une partie de son ISF au renforcement des fonds propres des PME. Cette mesure a remporté un grand succès : près d'un milliard d'euros ont été levés au titre de la campagne 2009, dont 520 M euros par souscriptions directes au capital des entreprises et 440 M euros via des holdings ou des fonds.
À l'époque, nous ne pouvions imaginer à quel point cette mesure serait aujourd'hui pertinente. Il faut accélérer le processus d'investissement dans le respect de la protection des investisseurs.
Les opportunités existent aussi. Nous avons en France des entrepreneurs audacieux, volontaires et talentueux. L'esprit d'entreprise ne s'est jamais aussi bien porté malgré la crise comme en témoigne le succès de l'auto-entrepreneur.
La médiation a pris la mesure de ce défi : en mobilisant les acteurs du capital investissement dans une charte de partenariat pour accélérer le processus de décision d'investissement pour les entreprises en médiation, en s'appuyant sur les plates-formes régionales d'information de la Caisse des dépôts et d'Oséo pour faciliter la rencontre des entreprises qui ont besoin de fonds propres avec les investisseurs intéressés.
Dès la rentrée, un fonds de consolidation et de développement public-privé de plus de 200 millions d'euros sera lancé avec le concours du FSI et d'investisseurs institutionnels pour les entreprises qui viennent en médiation avec des besoins immédiats de fonds propres pour développer leur potentiel de croissance. Nous constatons que la majorité des banques et des compagnies d'assurance ont déjà donné leur accord à René Ricol pour participer au tour de table. Je souhaite qu'il n'y ait aucune exception.
Mais nous devons aller plus loin pour accompagner les entrepreneurs dans leur développement et leur croissance. Le président de la République a demandé à Michel Rocard et à Alain Juppé d'explorer les mesures qui pourraient être proposées dans ce domaine par la commission sur les priorités nationales. La nature même de l'emprunt permettra de faire plus pour renforcer les fonds propres des PME
Nous voulons aussi que les banques restent entièrement mobilisées.
Vous avez pris des engagements en matière de croissance du crédit. Je sais que la croissance économique est plus faible que celle qui était prévue lorsque ces engagements ont été pris. Mais nous entendons aussi que le nombre de dossiers de TPE et de PME à la médiation est en forte croissance, pour des montants qui bien souvent sont inférieurs à 10 000 euros. Les mois qui viennent vont être cruciaux pour nos entreprises. Nous ne pouvons pas nous permettre de laisser tomber des entreprises viables sur des problèmes de trésorerie. Je vous demande donc de mobiliser vos réseaux.
Nous voulons aussi dire aux banques françaises et étrangères présentes ici qu'elles ont une responsabilité devant l'opinion publique. L'actualité nous montre qu'il y a des gens qui n'ont rien compris à la crise. Ils pensent que tout reviendra comme avant. Qu'ils pourront de nouveau revenir aux excès qui nous ont précipités au bord du gouffre. Qu'ils pourront se payer des bonus garantis extravagants alors qu'ils ont été sauvés par les pouvoirs publics.
Les banques françaises ont eu une attitude responsable sur la rémunération des dirigeants et des traders. Elles ont eu une attitude responsable sur les paradis fiscaux. Mais nous n'accepterons pas que leur compétitivité soit mise à mal par l'attitude de certains banquiers irresponsables qui ont été sauvés par le contribuable. C'est une question de morale, c'est une question d'équité, c'et une question de responsabilité.
Le président de la République abordera directement cette question avec ses collègues du G20 à Pittsburgh à la rentrée et moi avec mes collègues ministres des Finances. Américains et Allemands entre autres partagent mon indignation. Nous avons demandé au conseil de stabilité financière d'établir des règles responsables. Des mesures fortes dans ce domaine doivent être prises au sommet Pittsburgh.
Mesdames et Messieurs,
L'accord que vous signez aujourd'hui inscrit la médiation du crédit dans la durée puisque vous avez prévu de la conserver en l'état jusque fin décembre 2010 avec la possibilité pour le gouvernement de la proroger si la crise dure et de la maintenir en veille après la crise dans l'intérêt de tous. C'est un choix pertinent et pragmatique car nul ne sait quand les premiers effets de la reprise se feront sentir. Pour l'instant c'est un dispositif essentiel pour établir un climat de confiance et de dialogue entre les banques et les entreprises. Je suis donc heureuse qu'il puisse être pérennisé avec l'accord de tous.
Je vous remercie.
Source http://www.minefe.gouv.fr, le 12 août 2009