Déclaration de Jean-Louis Borloo, ministre de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de la mer, en charge des technologies vertes et des négociations sur le climat, sur la contribution du Parlement au projet de loi portant engagement national pour l'environnement, dit Grenelle 2, Paris le 15 septembre 2009.

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Texte intégral

Monsieur le Président,
Monsieur le Président de la Commission de l'Economie, du Développement durable et de l'Aménagement du Territoire,
Messieurs les rapporteurs,
Mesdames et Messieurs les Sénateurs,
? Permettez-moi tout d'abord de vous dire tout le plaisir que nous avons avec Dominique BUSSEREAU, Valérie LETARD, Chantal JOUANNO et Benoist APPARU, à nous retrouver devant vous pour le début de ce deuxième acte parlementaire du Grenelle Environnement, ou « troisième acte parlementaire » si l'on tient compte du projet de loi de finances pour 2009 et de ses 44 mesures de fiscalité écologique.
Un nouvel acte parlementaire un peu particulier, en tout cas très différent du précédent, en ce qu'il concerne directement les territoires, leur environnement juridique, leur développement, leur aménagement, leur économie et leur équilibre, bref, leur avenir, c'est-à-dire, en clair, le quotidien de 60 millions de français vivant dans toutes les collectivités de France -rurales ou urbaines- vivant dans tout type d'habitations, logement social, habitat collectif, maison individuelle, construction neuve ou bâti existant -soumis à tout type de contraintes géographiques ou climatiques-zone littorale ou zone montagneuse, climat classique tempéré ici en métropole, ou climat du type tropical et océanique au sein des territoires d'Outre-mer, confrontés à des besoins ou à des risques différents en termes de mobilité, de chauffage, de réduction de leurs dépenses énergétiques, de qualité de l'eau ou de l'air intérieur, de qualité des sols, de lutte contre toutes les formes de pollution,...
Ainsi, le texte qui est aujourd'hui devant vous a été construit pour tenir compte de cette diversité à la fois économique, sociale, écologique ou géographique avec cette idée au fond assez simple, que le développement durable ne deviendra le projet de la société dans son ensemble que lorsqu'il sera devenu le projet de chaque corps qui la compose, c'est-à-dire de chaque famille, de chaque quartier, de chaque commune, grande ou petite, de chaque collectivité, de chaque territoire, et de chaque bassin de population, dans le respect des identités et des spécificités de chacun.
Et ce n'est pas un hasard si au-delà des seuls textes de loi, le Grenelle Environnement c'est déjà, dans nos territoires :
- Une première enveloppe de 800 millions d'euros pour la réalisation de 50 projets de TCSP dans près de 36 agglomérations, réparties dans toute la France, avec à la clef, un doublement du réseau actuel en quelques années.
- La construction d'au moins une centrale solaire par région d'ici 2011, dans le respect des espaces agricoles et naturels, et plus largement trois appels à projets pour développer les énergies de proximité.
- Des protocoles de financement entre l'Etat et les collectivités locales pour la construction de nouvelles lignes à grande vitesse : le contournement de Nîmes/Montpellier, la ligne Le Mans/Rennes, la deuxième phase de la ligne Est-européenne,...
=> Bref, ce sont des marges de manoeuvre en plus, des possibilités en plus, des projets en plus, des investissements en plus, des emplois en plus, des expérimentations et des nouvelles solutions.
Alors, comme vous le savez, nous sortons d'une séquence parlementaire extrêmement forte et intense avec un Parlement français totalement engagé dans la mutation écologique, n'hésitant pas, comme l'ont démontré les débats sur le Grenelle 1, à aller plus loin que la société civile elle-même sur certains sujets.
Avec des Commissions parlementaires maîtrisant parfaitement la très grande technicité des sujets, qu'il s'agisse de transport, d'énergies renouvelables, de biodiversité, de gouvernance ou de recherche.
Avec des textes ayant fait l'objet d'une élaboration finalement assez sereine, au sein des groupes de travail et de la table ronde du Grenelle, au sein des comités opérationnels, puis tout au long de leur examen en Commission, et qui arrivent progressivement à maturité, même si, évidemment, le débat ne fait que commencer.
Et lorsque nous avons décidé, avec tous les secrétaires d'Etat, de soumettre ce texte à la représentation nationale, il nous a semblé à chacun d'entre nous, à la fois complètement normal et totalement légitime de consacrer ici, au Sénat, ce passage de témoin entre le « Grenelle de la Nation considérée dans son ensemble » et le « Grenelle des territoires, considérés dans leurs particularités et leurs spécificités ».
? Oui, Mesdames et Messieurs les Sénateurs, ce texte « d'engagement national pour l'environnement » est d'abord et avant tout, la conséquence ou l'illustration de « l'engagement de la représentation nationale pour l'environnement », engagement totalement loyal et totalement sincère en faveur de la qualité de vie, de l'économie locale et des territoires, de la mobilité durable, d'une gestion sage, partagée et concertée des ressources qui se projette dans l'avenir. Bref, en faveur du respect : respect des autres, respect des générations futures, respect des ressources naturelles, respect des territoires, respect des paysages, respect du vivant, respect de la santé des consommateurs et des salariés,...
? Cet engagement, c'est d'abord l'introduction par les sénateurs de nombreuses avancées dans la loi Grenelle 1 qui ont permis d'aller plus loin que les conclusions des parties prenantes, notamment sur les territoires :
- C'est la définition de principes généraux en matière de gestion durable des forêts.
- C'est l'anticipation de l'échéance en matière de protection des mers territoriales en Outre-mer.
- C'est le renforcement de la lutte contre le dégazage.
- C'est la réduction de 10 ans à 5 ans du délai maximum prévu pour la mise en place d'une tarification incitative en matière de gestion des déchets.
- C'est l'introduction, par votre Commission, du dispositif du carnet de santé du salarié qui doit être généralisé avant le 1er janvier 2013.
- Mais c'est aussi la confirmation de toutes les avancées introduites par vos collègues de l'Assemblée Nationale.
? Cet engagement de la représentation nationale, c'est aussi l'implication des Sénateurs au sein de tous les comités opérationnels « clefs » ou « charnières » du Grenelle Environnement. Je pense au :
- au Sénateur Jean-Paul ALDUY sur l'urbanisme.
- au Sénateur Philippe LEROY sur la forêt.
- au Sénateur Pierre JARLIER sur les collectivités exemplaires.
- au Sénateur Philippe RICHERT sur l'air et l'atmosphère.
- au Sénateur Paul RAOULT sur la trame verte et bleue.
- Sans oublier bien sûr Dominique BRAYE, Jean BIZET, Jean-Pierre VIAL, Jean-François LEGRAND, Marie-Christine BLANDIN, Fabienne KELLER, Marcel DENEUX, Evelyne DIDIER, ainsi que vos deux anciens collègues Claude SAUNIER et Pierre LAFFITTE qui ont tous joué un rôle marquant au sein des groupes de travail thématiques du Grenelle Environnement.
? Cet engagement de la représentation nationale, c'est aussi la mise en place, dès juillet 2007, et cher Président EMORINE, à votre initiative, d'un comité de suivi du Grenelle Environnement.
? Cet engagement de la représentation nationale, c'est le travail titanesque accompli par vos commissions sur le Grenelle 1 et sur ce projet de loi portant engagement national pour l'environnement, dit « Grenelle 2 ».
Je pense évidemment à :
- La Commission de l'Economie, du Développement durable et de l'Aménagement du Territoire et à son Président Jean-Paul EMORINE.
- A vos quatre rapporteurs thématiques, Dominique BRAYE pour les titres I et V, Bruno SIDO pour les titres III et IV, Louis NEGRE pour les titres II et V et Daniel DUBOIS pour le titre VI sur la gouvernance.
- A vos deux rapporteurs pour avis, Ambroise DUPONT au nom de la Commission de la Culture et Dominique de LEGGE, au nom de la Commission des lois.
- Au total, ce sont plus de 1000 amendements examinés (1089) et plus de 300 adoptés à l'issue de près de 35 heures de débats au cours des mois mai, juin et juillet 2009.
? Cet engagement de la représentation nationale et du Sénat, ce sont des avancées ou des améliorations apportées sur chaque chantier :
- C'est, cher Dominique BRAYE, la mise en place d'une filière de responsabilité élargie du producteur pour les produits d'ameublement et pour les déchets dangereux diffus des ménages, ou bien encore l'obligation d'afficher les performances énergétiques des logements sur les annonces immobilières.
- C'est, cher Bruno SIDO, l'amélioration du cadre règlementaire et de la concertation locale sur les éoliennes ou la création du comité national et des comités régionaux de suivi de la trame verte et bleue.
- C'est, cher Louis NEGRE, l'interdiction du portable dans les écoles ou l'intégration des enseignes et publicités dans le champ de la réglementation de la pollution lumineuse.
- C'est, cher Daniel DUBOIS, l'utilisation systématique de critères environnementaux dans les choix d'investissement des gestionnaires de portefeuilles ou la généralisation d'une gouvernance inspirée du Grenelle au sein des instances de suivi des infrastructures de transport,...
? C'est donc sur la base d'un texte considérablement renforcé et amélioré par vos Commissions, sur la base d'un texte extrêmement dense que nous allons poursuivre la mutation écologique de notre pays.
? Un texte qui n'est ni une répétition du texte précédent, ni une collection de mesures techniques, mais bel et bien le complément nécessaire et indispensable du Grenelle 1 dont il reprend à la fois la méthode d'élaboration, l'architecture et l'organisation autour de six grands chantiers et avec lequel, il forme un tout cohérent.
? Un texte qui constitue en quelque sorte le logiciel du Grenelle Environnement, qui garantit à la fois sa crédibilité, son efficacité et son caractère irréversible.
? Un texte qui nous permet, après le Grenelle 1, de répondre à la dernière question restée encore en suspens, une question essentielle : la question du « comment ? ».
En effet, souvenez-vous, avec le Grenelle 1, nous avions répondu :
- A la question du « où ? » : « où sont les principaux gisements d'économies d'énergie ? », « où se situe notre potentiel énergétique de demain ? », « où se situent les principaux enjeux en termes de protection des espèces et d'espaces sensibles ? ».
- A la question du « combien ? » : « de combien doit-on réduire nos émissions de CO2 dans le secteur des transports ou du bâti existant ? », « à combien doit-on porter le pourcentage d'énergies renouvelables dans le bouquet énergétique final ? », « quelle doit être la superficie de SAU consacrée à l'agriculture biologique ? »
- Et on a répondu à la question du « quand ? » en se fixant, pour chaque objectif, un calendrier précis avec un échéancier.
Avec ce texte, il s'agit essentiellement de répondre à la question du « comment » ?
- Comment faire -20 % de CO2 dans les transports à l'horizon 2020 ? Comment faire -38 % de consommation énergétique dans le bâti existant ? Comment diviser par 4 nos émissions de CO2 en 2050 par rapport à 2020 ? Comment faire pour doubler notre production d'énergies renouvelables en 12 ans ?
- Comment faire pour placer 2 % du territoire sous protection forte dans un délai de 10 ans ? Pour élaborer une trame verte et bleue à l'échelle de chaque région en concertation avec les acteurs ?
Cette question du « comment » est absolument essentielle car c'est parce que nous serons capables de mettre en face de chaque objectif, un nouvel outil, un nouveau cadre juridique, une simplification de procédure, une norme plus contraignante, un financement, que le Grenelle Environnement constituera une feuille de route crédible sur le long terme pour l'ensemble des acteurs.
? C'est la raison pour laquelle ce texte apparaît d'abord comme la conséquence logique et nécessaire des engagements pris dans le cadre du débat sur le Grenelle 1 :
- C'est-à-dire un texte d'adaptation de notre droit au nouvel environnement juridique né du Grenelle avec le verdissement de tous les outils de planification comme les SCOT et les PLU, avec la possibilité de dépasser les COS jusqu'à 30 %, avec la création d'un label et d'un statut juridique pour l'auto-partage, avec l'instauration de la trame verte et bleue, avec la mise en place des outils d'une politique maritime intégrée...
- Un texte de simplification des procédures tant pour les particuliers que pour les collectivités publiques : c'est la possibilité pour les copropriétés de voter à la majorité simple des travaux de rénovation thermique y compris dans les parties privatives, c'est la simplification des DTA, c'est la possibilité d'avoir recours à une procédure d'urgence pour construire des infrastructures de transports collectifs.
- Un texte d'accélération de la mutation, avec la mise en place, au plus tard le 1er janvier 2010, d'une modulation des péages en fonction des émissions de CO2 des camions de transport de marchandises, avec l'adoption par toutes les collectivités de plus de 50 000 habitants d'un plan climat territorial d'ici 2013 ou la réalisation, à compter de 2012, des travaux de rénovation thermique dans le secteur tertiaire,...
- Un texte de prévention avec des mesures très efficaces en faveur de la santé et de la qualité de vie des citoyens, en matière de pollutions sonores et lumineuses ou dans le domaine des risques émergents comme les ondes électromagnétiques ou les nanoparticules,...
? Bref, derrière ce qui peut sembler au premier abord, comme quelque chose d'un peu technique, on a finalement un grand texte qui, après le Grenelle 1, après le PLF, achève le verdissement de la société française dans son ensemble, de l'aménagement de ses villes et de ses campagnes, de ses constructions, de sa mobilité, de ses entreprises, de ses emplois et in fine de sa croissance et de sa vision du monde.
? Un grand texte économique et sociétal qui arrime définitivement la France, l'ensemble du corps social, sa représentation nationale dans le camp de la lucidité et de la responsabilité :
- Responsabilité en matière de déchets avec la priorité absolue donnée à la prévention, avec la création de nouvelles filières à responsabilité élargie du producteur en matière de déchets hospitaliers, de déchets du bâtiment ou de déchets organiques,...
- Responsabilité en matière de santé et de qualité de vie avec l'interdiction de la publicité sur les produits phytopharmaceutiques à destination du grand public, avec la protection renforcée des zones de captage couplée à une agriculture sobre en intrants, avec le renforcement des contrôles sur les nuisances sonores, avec l'introduction, dans le code de l'environnement, d'un principe de surveillance de la qualité de l'air intérieur,...
- Responsabilité vis-à-vis du vivant avec la définition concrète et opérationnelle de la trame verte et bleue, avec le renforcement des plans de restauration et de la faune et de la flore sauvages, notamment en faveur des 131 espèces en danger critique d'extinction sur notre territoire selon l'UICN,...
- Responsabilité sociale et environnementale des entreprises avec le renforcement de la responsabilité de la société mère en cas de pollution grave causée par une de ses filiales, avec l'obligation pour toutes les sociétés de plus de 500 salariés de présenter un bilan social et environnemental ou avec la généralisation, d'ici 2011, de l'étiquetage «effet de serre » des produits.
? Un grand texte de mutation énergétique, à la fois « texte de l'énergie pour tous et de toutes les énergies » :
- C'est l'instauration, au niveau régional, des « schémas du climat, de l'air et de l'énergie » dont le but est notamment de valoriser le potentiel régional d'énergies renouvelables,
- C'est l'extension des dispositifs de certificats d'économies d'énergies avec à la fois, plus d'acteurs concernés et plus d'actions ouvrant droit à des certificats.
- C'est la généralisation, dans un délai de 5 ans, de l'installation de compteurs d'énergie au sein des immeubles alimentés par des réseaux de chaleur.
- C'est la possibilité pour les régions et les départements de bénéficier de l'obligation d'achat pour l'énergie qu'ils produiront de façon renouvelable.
- C'est l'encadrement précis de l'éolien afin d'en favoriser le développement contrôlé tout en luttant contre le mitage et en protégeant nos paysages.
- C'est, plus largement, la structuration par région d'un potentiel énergétique durable de proximité, avec pour les énergies renouvelables électriques une organisation efficace des raccordements au réseau.
? Et puis, ce texte est aussi je crois, un grand texte de gouvernance écologique, qui tire les leçons de deux années de responsabilité et de dialogue serein entre tous les acteurs ; un texte qui place la concertation très en amont des projets quand tout est encore possible et non plus en aval, lorsqu'il est déjà trop tard avec toutes les conséquences que cela peut avoir en termes de coûts supplémentaires ou de délais supplémentaires :
- C'est l'élargissement de la composition de la CNDP sur le modèle du Grenelle Environnement en y ajoutant des représentants des syndicats et des acteurs économiques.
- C'est la possibilité pour les préfets de mettre en place des instances de concertation et de suivi associant tous les acteurs sur les projets d'installation classée ou sur les projets d'infrastructures de transport.
- C'est la création des conseils économiques, sociaux et environnementaux régionaux,...
? Ainsi, Mesdames et Messieurs les Sénateurs, ce que nous vous proposons aujourd'hui c'est tout simplement de rendre aux territoires ce qui leur appartient, c'est-à-dire une certaine idée de la qualité de vie, de la proximité, de la solidarité et des savoir-faire, et la capacité à s'organiser démocratiquement pour les réaliser.
C'est de rendre aux Français les fruits ou les bénéfices à la fois économiques et sociaux d'une mutation écologique qu'ils ont voulu puissante, massive et rapide, une mutation sans prétexte et sans faux-semblant.
C'est de rendre aux générations futures ce que nous leur empruntons depuis maintenant plusieurs décennies, c'est-à-dire, des sols fertiles, une eau de qualité, un air pur, une biodiversité riche, un climat soutenable, des ressources énergétiques,...
Et, c'est de rendre la mutation écologique non seulement possible mais également enviable et profitable, aux yeux du reste du monde, à quelques semaines du grand rendez-vous de Copenhague.
Source http://www.developpement-durable.gouv.fr, le 16 septembre 2009