Texte intégral
Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs les Sénateurs,
Cher Hubert,
Je félicite le président d'avoir choisi cette date, à la veille du G20 de Pittsburgh, pour ma première audition devant la Commission des Affaires européennes du Sénat.
Car la crise nous oblige à nous poser, à nous Européens, une question absolument fondamentale : l'Europe veut-elle "faire ou subir" le XXIe siècle, pour reprendre les mots du président de la République ? Veut-elle peser dans les affaires du monde, ou veut-elle subir les décisions des "autres" ? Quelle place veut-elle exactement occuper dans la nouvelle hiérarchie des puissances qui est en train de s'esquisser avec la fin de la crise économique et financière ? Cette question, le président Obama la pose ! L'enjeu, pour l'Europe, se résume t-il à passer d'un condominium Etats-Unis/URSS à un G2 Chine/Etats-Unis ?
Bien sûr, je mesure toute l'ampleur du défi et toutes les difficultés que l'Europe devra surmonter, à commencer par la perte du lien avec les opinions publiques, et l'incrédulité de nos concitoyens lorsqu'on leur parle d'Europe : 60 % d'abstention aux dernières élections européennes, que ce soit en France ou en Allemagne, c'est un lourd handicap. Et l'on peut comprendre le réflexe de nos électeurs : l'Europe ne nous a pas habitués à jouer un rôle majeur au plan mondial (Irak), il n'y a toujours pas de vraie PESD après 10 ans d'effort, l'Europe court après ses institutions depuis 20 ans...
Mais la crise nous oblige à regarder la réalité en face. La crise nous oblige à penser autrement. Depuis un an, des éléments nous conduisent à reprendre espoir dans l'Union européenne. L'actualité vient, une fois de plus, nous démontrer que "quand l'Europe veut, elle peut". Ce qu'il faut à l'Europe, c'est une volonté politique.
Et cette volonté politique, elle est aujourd'hui présente. La préparation du G20 est une remarquable illustration de ce que peut être la "mécanique gagnante" européenne, en trois temps, qui avait fait le succès de la Présidence française : premier temps, une initiative du président de la République, assortie de propositions concrètes, et qui porte le sujet des rémunérations dans le secteur bancaire au premier plan de l'actualité ; dans un deuxième temps, un soutien est apporté à cette proposition par la chancelière allemande et le Premier ministre britannique, qui se concrétise dans une lettre commune adressée le 3 septembre au président du Conseil européen ; enfin, une déclaration adoptée par les 27 à l'issue du dîner des chefs d'Etat et de gouvernement du 17 septembre reprend les propositions formulées et définit, sur l'ensemble des points, une véritable position commune européenne.
Cette volonté s'est manifestée à un moment décisif. Nous voyons apparaître des signes d'amélioration de la situation économique, mais aussi des hésitations, des envies peut-être de revenir aux comportements d'avant-crise.
Le constat est, pourtant, simple : les citoyens européens ne comprennent pas pourquoi les banques, qui ont été aidées massivement par les pouvoirs publics, se sentent de nouveau autorisées à distribuer ou provisionner des bonus faramineux alors qu'elles ont parfois été responsables de faillites retentissantes.
Il faut donc agir. Notre objectif est d'élargir aux pays du G20 les règles que nous appelons de nos voeux sur la transparence - obligations appropriées de publication -, la gouvernance - mise en place de comités de rémunération - et la responsabilité - encadrement et adoption de règles contraignantes pour les rémunérations variables, y compris les bonus, à la fois individuelles et collectives. Plus précisément, il faut que les Etats du G20 adoptent des règles claires qui s'appliquent à tous concernant le versement des bonus : il faut interdire les bonus garantis ; il faut que le versement des bonus soit étalé dans le temps ; il faut mettre en place un système de bonus-malus. Il faut également que le montant global des bonus soit limité : c'est une question de morale mais c'est aussi une question de stabilité du système financier, car il faut éviter les prises de risque excessives, les comportements spéculatifs, la recherche des gains rapides : c'est tout cela qui a conduit à la crise.
Les Européens mettront sur la table du G20 d'autres sujets financiers, car il s'agit d'un agenda global. Nous devons, par exemple, continuer à tirer les leçons de la crise et faire appliquer, au niveau mondial, les normes prudentielles de Bâle II, déjà adoptées par l'Europe en matière bancaire ; je rappelle que leur objectif est de déterminer des ratios entre les fonds propres et l'exposition aux risques, et d'appliquer ces ratios, non seulement à l'institution mère, mais aussi à l'ensemble de ses filiales. Nous voulons aussi réformer les normes comptables. Il s'agit d'un enjeu de sécurité financière majeur. La crise a montré les limites du système actuel de la fair value lorsque les actifs s'effondrent. Pour l'heure, les banques européennes se trouvent pénalisées.
Enfin, nous allons continuer à avancer sur le front de la lutte contre les paradis fiscaux - qui semblait impossible lorsque Nicolas Sarkozy l'a engagée, il y a moins d'un an. Des sanctions sont prévues contre les pays de la zone grise qui n'auront pas mis en oeuvre les standards de l'OCDE d'ici mars 2010.
J'ai parlé de la nécessaire volonté européenne. C'est la première condition, elle est aujourd'hui remplie. Il faut ensuite que l'Europe règle d'ici à la fin de l'année la question institutionnelle, ce qui va enfin nous permettre de nous occuper de ce qui intéresse vraiment les Européens - à savoir leur prospérité, leur sécurité, leur bien-être, leur environnement.
J'espère que nous vivons la fin d'un très long chapitre institutionnel. L'Europe court derrière ses institutions. Depuis vingt ans que le Mur de Berlin est tombé, nous n'avons cessé de chercher la boîte à outils capable de faire fonctionner l'Europe élargie : d'abord à Maastricht, sur la base d'un compromis franco-allemand, puis de traité en traité, de convention en conférence intergouvernementale, de référendum en référendum ; durant tout ce temps, nous n'avons pensé notre avenir qu'en termes institutionnels, ce qui a provoqué la désaffection d'une grande partie de nos opinions publiques. Résultat : 60 % de Français et 60 % d'Allemands ne sont pas allés voter en juin dernier ; ce sont 50 % d'abstentionnistes de plus depuis la première élection du Parlement européen au suffrage universel, il y a trente ans. Le défi qui se présente à nous est de redonner à nos concitoyens l'envie d'Europe, c'est-à-dire de rendre l'Europe pertinente dans leur vie quotidienne.
On peut dire que, sur ce terrain, la "course de fond" de la rentrée est plutôt bien engagée. M. José Manuel Barroso a été réélu par le Parlement européen président de la Commission avec une majorité de 382 voix, soit plus que la majorité absolue. Il a donc obtenu non seulement la majorité requise par le Traité de Nice, mais également celle qui lui serait exigée par le Traité de Lisbonne. Le débat politico-juridique commencé dans les coulisses est donc achevé : M. Barroso bénéficie d'une légitimité incontestée qui va lui permettre de composer son collège de commissaires et de démarrer son mandat sur des bases solides, quoi qu'il arrive à Dublin.
Je souhaite désormais que le Traité de Lisbonne entre rapidement en vigueur : il donnera une légitimité démocratique renforcée non seulement au Parlement européen, mais aussi aux parlements nationaux, dans le cadre d'une collaboration nouvelle avec le pouvoir exécutif. De nouvelles institutions seront créées : un président du Conseil européen stable et, surtout, un Haut-Représentant de l'Union pour les Affaires étrangères, qui disposera du service européen pour l'action extérieure, principale novation du traité, selon moi. Cette force de frappe diplomatique nouvelle sera le plus grand service diplomatique au monde. En la coordonnant avec l'aide au développement et les questions de sécurité, elle constituera un moyen essentiel pour affirmer l'existence de l'Europe sur la scène mondiale.
Nous travaillons d'ores et déjà, au Quai d'Orsay, à définir la nature, le périmètre et les missions de ce nouveau service, en étroite liaison avec nos partenaires. Nous examinerons, à l'issue du vote irlandais, les modalités de sa mise en oeuvre.
Bien entendu, l'issue du référendum du 2 octobre n'est pas acquise. Le gouvernement français souhaite que le "oui" l'emporte : c'est le président de la République française qui a souhaité le nouveau traité, et c'est la France qui a préparé les garanties dont a bénéficié le gouvernement irlandais, notamment en matière de droit de la famille, de neutralité et de fiscalité. Je me suis rendu en Irlande fin juillet : le débat reste ouvert, nous verrons ce qu'il adviendra.
Tourner la page institutionnelle, c'est aussi mettre un terme au débat sur les frontières de l'Europe. L'heure est venue d'achever les derniers élargissements consécutifs à la fin de la guerre froide, qui concernent essentiellement les Balkans. S'y ajoute la question de l'Islande, qui vient de déposer sa candidature.
Vous connaissez la position de la France et le préalable que constitue pour nous l'entrée en vigueur du Traité de Lisbonne : il va de soi qu'une Union européenne qui n'aurait pas su réformer ses institutions ne saurait accueillir de nouveaux membres. En outre, nous souhaitons avoir une approche exigeante de l'élargissement. Il est hors de question d'accepter des adhésions au rabais ; cela vaut pour les Balkans, où le passé n'est pas totalement soldé, mais aussi pour l'Islande, dont le système financier doit impérativement être assaini.
Notre exigence doit être d'autant plus grande qu'il est désormais inscrit dans notre Constitution que tout nouveau traité d'adhésion doit en principe être soumis au référendum, la ratification par voie parlementaire - d'ailleurs considérablement durcie, puisqu'elle suppose une majorité des trois cinquièmes dans chaque assemblée - devenant l'exception. La vigilance s'impose donc.
Reste le dossier, cher à plusieurs d'entre vous, de la candidature turque. La position française est sans ambiguïté : nous souhaitons ardemment entretenir et enrichir encore une relation bilatérale pluriséculaire avec nos amis turcs - j'ai reçu la semaine dernière le ministre d'Etat turc chargé de la négociation avec l'Union européenne, Egemen Bagis, qui est un ami personnel -, nous sommes favorables au lien le plus fort entre la Turquie et l'Europe, mais nous sommes opposés à l'adhésion de la Turquie à l'Union européenne. Le président Nicolas Sarkozy s'y était engagé avant son élection, et les Français ont approuvé ce choix. Cette position n'a pas varié.
Nous avons accepté de poursuivre les négociations avec la Turquie sur les trente chapitres compatibles avec une issue alternative à l'adhésion ; en revanche, les cinq chapitres qui relèvent directement de la logique d'adhésion sont laissés de côté.
Lorsque ces questions institutionnelles seront réglées - c'est-à-dire, comme je l'espère, à la fin de l'année, il sera temps d'engager les grands projets pour l'avenir, à destination d'une Europe désormais réunifiée, forte de 500 millions d'habitants et du premier PIB de la planète, afin de lui permettre de peser dans les affaires mondiales au XXIe siècle. Telle est l'ambition du président de la République.
Le premier grand projet concerne, bien évidemment, la sortie de crise.
J'ai déjà parlé du sommet de Pittsburgh. Il faut aller plus loin au plan européen : la réforme du système financier engage l'Union à adopter elle-même un certain nombre de décisions fortes pour conserver le leadership qu'elle a acquis dans la gestion de la crise. J'insisterai sur deux volets principaux.
Tout d'abord, la mise en oeuvre des décisions du Conseil européen de juin 2009 sur la supervision financière, qui donnera à l'Europe une longueur d'avance. La Commission européenne présente aujourd'hui même de nouvelles propositions législatives, et qui forment le paquet "supervision financière". Sont prévues, d'une part, la création d'un Conseil européen des risques systémiques, chargé de surveiller les grands risques financiers, d'autre part, la transformation en "autorités" dotées de pouvoirs contraignants des trois comités rassemblant aujourd'hui les superviseurs nationaux intervenant dans le domaine financier. Nous soutiendrons les efforts de la Présidence suédoise pour faire adopter le plus rapidement possible ces textes, afin que le nouveau cadre institutionnel soit pleinement opérationnel dès 2010.
Ensuite, nous souhaitons que l'Europe adopte une stratégie de sortie de crise, un agenda pour répondre aux grands défis de demain : l'innovation, la R & D, la politique industrielle, et la maîtrise des finances publiques. Ce sera, en particulier, l'un des enjeux de la nouvelle Stratégie de Lisbonne post 2010, qui doit être adoptée sous Présidence espagnole.
L'un des axes sur lesquels nous allons travailler dans cette perspective, notamment avec les Allemands, sera le développement de "technologies verte" pour la mise en place d'une "économie décarbonée" : véhicules électriques, énergies renouvelables mais aussi développement du nucléaire civil et poursuite d'ITER. Là encore, la " mécanique gagnante " dont je parlais à propos du G20 doit se mettre en place.
Nous devrons également apporter tout notre soutien aux PME ; la déclaration du sommet franco-britannique du 6 juillet en faveur d'une ambition industrielle européenne est claire : "la France et le Royaume-Uni s'emploient tous deux à mener une stratégie industrielle qui soutienne des entreprises et des emplois viables dans cette période de conjoncture difficile, tout en contribuant à la modernisation et à l'adaptation de notre tissu industriel, en particulier le développement et la croissance des PME européennes les plus prometteuses". J'interviendrai demain en clôture du colloque organisé par la BEI à la Fédération bancaire française- c'est la première fois que cette institution européenne, qui a joué un rôle majeur pendant la crise financière, et qui a largement été mise à contribution, mène une action officielle de communication sur le territoire français - pour souligner toute l'importance d'utiliser les dispositifs de la BEI pour financer les PME innovantes. Mesdames et Messieurs les Sénateurs, qui êtes quotidiennement sollicités par des entrepreneurs qui cherchent des financements, sachez que la BEI est présente, dans les territoires français et à travers un réseau de banques partenaires, pour aider vos PME à bénéficier de prêts à des conditions avantageuses. C'est cela, l'Europe de demain : une Europe présente, engagée, concrète, proche du terrain, et qui sait communiquer auprès de ses concitoyens sur ce qu'elle fait pour eux.
Le deuxième grand projet concerne l'énergie et le climat.
L'autre grand rendez-vous de cet automne, c'est la conférence de Copenhague. L'enjeu est d'obtenir une réduction d'au moins 50 % des émissions mondiales de CO2 en 2050, en prenant 1990 comme année de référence, afin de limiter le réchauffement à moins de 2 degrés par rapport à l'ère préindustrielle. Pour cela, il faut obtenir des engagements chiffrés des pays développés sur des objectifs à moyen terme d'une réduction de 25 à 40 % de leurs émissions d'ici à 2020.
En matière de climat, l'Europe a pris des engagements exemplaires : bien que ses émissions de CO2 ne représentent que 14 % du total des émissions de la planète, elle s'est engagée unilatéralement à les réduire de 20 %, voire de 30 % si les autres pays développés fournissaient un effort comparable. Nous avons fait un pas en avant important, nous avons une attitude claire, nous devons maintenant obtenir des engagements chiffrés des uns et des autres qui nous permettent d'atteindre notre objectif à Copenhague.
Nous devons aussi maintenir le principe d'une concurrence loyale. C'est un point important, car nous ne devons pas pénaliser nos industriels en leur imposant des obligations supérieures à leurs compétiteurs qui n'en auraient aucune. C'est en ce sens que le président de la République et la chancelière ont rappelé, dans un courrier commun adressé au Secrétaire général des Nations unies, leur souhait d'instaurer un "mécanisme d'inclusion carbone" aux frontières de l'Union à l'encontre des pays qui ne prendraient pas d'engagement chiffré pour réduire leurs émissions de CO2.
Réussir Copenhague est vital. Comme le souligne le président, "le temps n'est pas notre allié, il est notre juge". Nous devrons, pour ce faire, tenir compte d'une séquence de négociation très contrainte : il reste moins de trois mois avant Copenhague. Au plan européen, les étapes clés seront le Conseil ECOFIN (20 octobre) et le Conseil Environnement (21 octobre) puis le Conseil européen (29 et 30 octobre). Enfin, le Conseil européen de décembre se tiendra pendant la Conférence de Copenhague.
Le troisième grand projet porte sur la sécurité et la défense européennes.
En la matière, il est de bon ton de sauter sur sa chaise comme un cabri en disant "ça avance, ça avance !". Ma vision sera plus lucide : depuis le sommet de Saint-Malo, il y a dix ans, on a réalisé de bonnes choses, mais cela n'a pas beaucoup avancé. Il faut avoir le courage de l'admettre afin de prendre le problème à bras-le-corps.
A quoi sert de créer un grand service européen pour l'action extérieure si l'Europe n'a pas les moyens de défendre ses intérêts vitaux en cas de crise ? L'Europe de la défense a besoin de capacités militaires pour exister.
J'ai récemment réuni les industriels français du secteur. Le constat est grave : il n'y a jamais eu aussi peu de programmes de coopération industrielle entre Européens. Or des programmes communs supposent une analyse commune, ce qui pose le problème de la rédaction d'un éventuel Livre blanc européen sur la défense.
Il convient également de réorganiser nos industries d'armement et de mettre en place un marché européen des produits de défense. Une étape a été franchie cette année avec l'application des directives du paquet "Défense" qui, tout en tenant compte de leurs spécificités, soumettent les marchés publics de défense à des règles uniformes et transparentes.
Cela étant, il faut également saluer les réussites européennes, comme l'opération Atalante. Accompagné d'Arnaud Danjean, le nouveau président de la sous-commission "Sécurité et défense" du Parlement européen, et des parlementaires français qui le souhaiteront, je me rendrai d'ailleurs début octobre à Djibouti afin de rencontrer les ambassadeurs du COPS, promouvoir l'Europe de la défense et examiner, au-delà de l'opération maritime ATALANTE, ce qu'il est possible de faire dans cette région du monde.
Quatrième grand projet : le contrôle de l'immigration. La Turquie est la principale porte d'entrée illégale en Europe. L'an dernier, 150.000 clandestins ont été arrêtés en Grèce, qui a le plus grand mal à surveiller ses côtes et ses accès terrestres.
On note également une très forte augmentation des demandeurs d'asile, avec une hausse de 22 % en France l'année dernière. Les différences entre les législations nationales bloquent le système : chacun fait son marché et les accords de réadmission ne fonctionnent pas. Il faut impérativement prendre le problème à bras-le-corps.
Au conseil JAI du 21 septembre, mon collègue Eric Besson a formulé des propositions opérationnelles pour mettre en oeuvre le Pacte européen sur l'immigration et l'asile, adopté sous Présidence française, et proposé d'adopter en vue du Conseil européen d'octobre un plan d'action, visant à renforcer les moyens de l'agence FRONTEX, et organisé autour de cinq mesures essentielles : l'élaboration d'une doctrine d'engagement partagée pour les opérations maritimes en Méditerranée, tournée vers l'interception et la reconduite ; la coopération entre FRONTEX et chacun des Etats de départ des migrants ; la création de bureaux spécialisés de FRONTEX là où cela est nécessaire, à commencer par la Méditerranée ; l'affrètement régulier de vols groupés, pour des opérations communes de reconduites au niveau européen ; la création d'un programme "Erasmus" pour les garde-frontières, coordonné par FRONTEX.
C'est une proposition majeure, qui permet, avant l'adoption du Programme de Stockholm au Conseil européen de fin d'année, de mettre pleinement en oeuvre nos engagements en matière d'immigration.
Le cinquième grand projet, c'est l'Union pour la Méditerranée. Dans mon cabinet, j'ai nommé, outre un conseiller militaire, un conseiller chargé de cette question. Les relations entre l'Europe est sa face sud entrent en effet pleinement dans mes attributions. Des thèmes très concrets de solidarité ont été définis, comme les autoroutes de la mer, les autoroutes terrestres, la protection civile, les énergies de substitution, le plan solaire méditerranéen, la dépollution de la Méditerranée, l'enseignement supérieur et la recherche ou l'université euroméditerranéenne.
L'Union pour la Méditerranée peut également être un facteur de paix : une proposition franco-égyptienne de sommet extraordinaire de l'Union pour la Méditerranée vise à accompagner les efforts de la diplomatie américaine et de la communauté internationale pour relancer le processus de paix. Les structures de l'Union sont en effet susceptibles de procurer un cadre pour accompagner le règlement du conflit israélo-palestinien.
L'Europe fait face à un continent africain dont la population va quasiment doubler dans les trente prochaines années, atteignant 2 milliards d'habitants. Nous devons nous donner les moyens de nouer avec lui une relation de partenariat et de co-développement, seule réponse possible aux transferts massifs de population. L'Union pour la Méditerranée en est le premier jalon : pour la première fois se trouvent réunis autour d'une même table l'ensemble des pays riverains de la Méditerranée.
Pour terminer, je voudrais exposer la méthode que je compte employer pour mener à bien ces projets.
Dans une Europe réunifiée et un monde globalisé, la relation franco-allemande est appelée à évoluer, mais elle restera aussi essentielle que par le passé. La réconciliation franco-allemande fut la base de la construction européenne pendant la Guerre froide. Depuis la réunification, une relation franco-allemande forte est indispensable si l'on veut que l'Europe ait la volonté et la capacité de peser sur les affaires du monde.
Cela n'exclut pas pour autant d'autres relations bilatérales ; le Royaume-Uni est ainsi un partenaire indispensable sur les questions stratégiques ; de même, nos relations avec les pays d'Europe centrale et orientale, avec lesquels nous avons signé des "partenariats stratégiques", sont très importantes.
Cela dit, faute de coopération franco-allemande, il semble difficile de rallier le reste de l'Europe et de peser sur le monde. D'ailleurs, le succès de la gestion de la crise financière est d'abord à mettre au crédit de l'action commune franco-allemande ; cela se vérifie à nouveau pour la préparation du sommet de Pittsburgh.
Il convient de nous préparer aux lendemains des élections législatives allemandes du 27 septembre. Dès ma nomination, j'ai lancé un exercice interministériel sur un "nouvel agenda franco-allemand pour l'Europe", afin que l'on puisse proposer dès le mois d'octobre des propositions concrètes au nouveau gouvernement allemand.
Par ailleurs, je souhaiterais associer la France à la préparation du vingtième anniversaire de la chute du Mur de Berlin et du rideau de fer, événement symbolique extrêmement important qui coïncidera avec la commémoration du 11 novembre - qui devra, cette année, changer de signification. En 1989, nous avions donné l'impression d'hésiter devant ce rendez-vous de l'histoire ; faisons en sorte de le réussir vingt ans plus tard. Il y va de la solidité de tout l'ensemble européen.
Deuxième remarque de méthode : je n'hésiterai pas à prendre à bras-le-corps les problèmes laissés en suspens, car ils peuvent, comme l'expérience nous l'a montré, ressurgir à tout moment. En ce qui concerne la transposition des directives communautaires, la France a rattrapé son retard, mais elle traîne encore trop de contentieux, qui sont très mauvais pour l'image de l'Europe. S'ils concernent des collectivités territoriales ou des élus, je demanderai aux préfets de prendre contact avec eux. Je souhaite qu'un effort de transparence soit réalisé en ce domaine.
Un autre effort de transparence concernera le coût de l'Europe. Le Premier ministre a eu le courage de dire publiquement que nous sommes désormais devenus le premier contributeur net ex aequo, avec un solde de 5 milliards d'euros. Dans le même temps, la France subit une situation de sous-consommation des crédits des fonds structurels devant revenir à ses collectivités locales. Cela fait des années que le dossier traîne et que chacun se renvoie la balle.
J'ai donc pris langue avec mon collègue M. Michel Mercier et j'ai demandé au Premier ministre de nommer M. Pierre Lequiller en mission d'information sur le sujet, en liaison avec une députée européenne, Mme Sophie Briard-Auconie. Le Premier ministre vient de signer la lettre de mission. Nous aurons donc, d'ici à la fin de l'année, deux visions, l'une nationale, l'autre européenne, sur le sujet, ainsi que le rapport de trois inspections - des finances, de l'administration et des affaires sociales - sur d'éventuels dysfonctionnements.
J'ai également été saisi par certains élus, notamment le président de l'Assemblée nationale, de la situation de nos régions frontalières, lesquelles, par exemple celles qui sont au contact de la Suisse, rencontrent des problèmes. Je me suis aperçu à cette occasion qu'il n'existait pas véritablement de politique frontalière nationale - en dépit de la présence au Quai d'Orsay d'un ambassadeur chargé des problèmes frontaliers.
Je souhaite par ailleurs constituer, avec le pouvoir exécutif, le pouvoir législatif et la délégation française au Parlement européen, une "équipe de France" de l'Europe qui veillera à ce que l'Union européenne soit un multiplicateur d'influences pour notre pays. J'ai déjà mis en place, avec la direction de l'Union européenne au ministère des Affaires étrangères, le secrétariat général des Affaires européennes, les conseillers à l'Elysée, au cabinet du ministre des Affaires étrangères et européennes, mon équipe, ainsi qu'Hubert Haenel et Pierre Lequiller, un comité de pilotage européen hebdomadaire, afin de faire circuler les informations et de favoriser la "coproduction" en matière de politique européenne.
Le Traité de Lisbonne étend en effet considérablement les compétences du Parlement européen, qui décidera à égalité de droit avec le Conseil. Cela suppose de nouvelles méthodes de travail. En outre, la réforme constitutionnelle impose aux membres du gouvernement d'être davantage présents dans les commissions et les soumet à un plus grand contrôle de votre part. J'ai donc l'intention de travailler en liaison permanente avec les parlementaires nationaux et de faire en sorte que certains d'entre eux m'accompagnent dans mes déplacements.
Je suis par ailleurs en train de mettre en place un forum susceptible de regrouper les 250 à 270 eurodéputés francophones au Parlement européen.
Je ferai tout pour que Strasbourg soit confortée en tant que capitale européenne. Je sais aussi combien le Conseil de l'Europe, où je me suis rendu récemment, est important dans notre politique, notamment vis-à-vis de l'Europe de l'est et de la Russie. Je serai au Conseil de l'Europe de 1er octobre pour l'élection de son nouveau secrétaire général.
Enfin, je garde en mémoire le rapport de M. Michel Herbillon sur le divorce entre l'Europe et les opinions publiques. Certaines de ses propositions ont déjà été appliquées, mais je compte poursuivre leur mise en oeuvre.
Et, depuis cette semaine, vous êtes tous cordialement invités au Quai d'Orsay aux "matinées de l'Europe", qui consistent en un petit-déjeuner de travail, deux fois par mois, sur les grandes questions européennes. Nous avons abordé hier pour notre premier rendez-vous la question de la sécurité énergétique, vitale pour l'avenir de l'Europe. La prochaine matinée aura lieu le 5 octobre, et le thème sera : "après le référendum irlandais".
Mesdames et Messieurs les Sénateurs, je vous remercie.Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 25 septembre 2009