Interview de M. Patrick Devedjian, ministre en charge de la mise en oeuvre du plan de relance, à I-Télévision le 29 septembre 2009, sur le projet d'extension du revenu de solidarité active (RSA) en faveur des moins de 25 ans, le budget 2010 et le résultat de l'élection législative de Rambouillet.

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Média : I-télévision

Texte intégral

L. Bazin.- Bonjour P. Devedjian.
 
Bonjour.
 
Ministre chargé de la relance, président du Conseil général des Hauts de Seine. Le Président devrait annoncer tout à l'heure à Avignon l'extension du RSA aux jeunes actifs de moins de 25 ans. Est-ce que vous le confirmez ce matin et est-ce que c'est une bonne idée ?
 
D'abord, il faut laisser le Président annoncer les mesures avant de les commenter, c'est plus convenable tout de même. Ensuite, moi je suis favorable au fait de ne pas discriminer ceux qui sont actifs, ceux qui travaillent, qu'ils soient jeunes ou non. Et donc que les jeunes bénéficient, quand ils sont actifs - pas automatiquement donc -, d'un dispositif de soutien, oui.
 
Donc ce n'est pas une prime à la précarité comme certains le disent, notamment à gauche, ou un retour à l'assistanat comme on le dit dans vos rangs parfois ?
 
Je ne crois pas qu'on le dise comme ça, et puis encore une fois, laissez le Président annoncer la mesure, qu'on en comprenne bien l'aspect technique, et puis après on fera les commentaires. Mais là, la mesure n'est pas annoncée - c'est vraiment un grand progrès de l'information - la mesure n'est pas annoncée et elle est déjà contestée.
 
C'est qu'on la communique déjà par d'autres canaux, bien évidemment.
 
Et on la déforme.
 
Donc ce ne sera pas ce qu'on a annoncé, voilà ce que vous nous dites ce matin ?
 
Vous savez, c'est des dispositifs très sensibles dont tous les détails comptent.
 
Donc la droite ne se renie pas sur cette affaire ?
 
Mais elle ne se renie jamais.
 
Elle ne se renie jamais ?
 
Mais si, je plaisante. On est faillible comme tout le monde.
 
M. Hirsch se plaint, c'était dans Le Figaro Magazine du week-end dernier, d'être devenu, je le cite parce qu'il y a un gros mot « l'horrible garçon qui emmerde tout le monde ». Est-ce que M. Hirsch est devenu gênant ?
 
M. Hirsch, il poursuit son chemin et il essaie de passer à travers tous les ministères. Il fait un peu comme moi. Moi aussi la relance, j'essaie de la faire passer au travers de tous les ministères et donc je comprends bien...
 
Quitte à aller en ligne droite vers l'Elysée, à susciter quelques jalousies et quelques agacements.
 
C'est sa mission, alors il la remplit. Evidemment, parfois il marche un peu sur les doigts de pied. Mais c'est normal.
 
C'est normal ?
 
La relance aussi, c'est comme ça.
 
« Le budget 2010 sera un budget de reprise, fini le budget de relance » : c'est ce qu'a déclaré F. Fillon dimanche dernier. Ca veut dire qu'on ferme les robinets ?
 
Non ça ne veut pas dire qu'on ferme les robinets mais ça veut dire qu'on prépare et qu'on s'organise pour faire de la croissance parce que c'est la croissance qui va nous permettre de réduire les déficits.
 
Donc on donne de l'argent aux entreprises, si j'ai bien lu le Premier ministre, 6 milliards d'exonérations.
 
C'est l'histoire de la taxe professionnelle. La taxe professionnelle, vous le savez bien, c'est un impôt anti économique que la France est la seule à pratiquer et donc qui handicape nos entreprises par rapport à la concurrence.
 
Elle a été créée par J. Chirac.
 
Elle a été transformée par J. Chirac. Avant, il y avait la patente. Enfin c'est une longue histoire qui vient de loin. Il ne faut pas...
 
Ce n'est pas un cadeau aux entreprises ?
 
Non, ce n'est pas un cadeau aux entreprises, c'est au contraire une amélioration de la compétitivité nationale. C'est un moyen de gagner de la croissance.
 
On entend les syndicats dire, une fois de plus : les entreprises 6 milliards, les Français zéro. Si, un petit peu moins de zéro, disent les syndicats. Hausse du forfait hospitalier, déremboursement, retour de la CSG sur les assurances maladie. On lit ce matin que les allocations familiales vont être gelées en 2010.
 
Ce n'est pas comme ça qu'il faut compter. Ce qu'il faut compter, c'est en part de croissance. Les Français, on n'améliorera leur situation que si on gagne des points de croissance. Aujourd'hui, à la sortie de la crise, dernier chiffre connu c'est plus 0,3. Avec ça, on ne va pas loin. Donc il faut gagner des parts de marché, il faut gagner des points de croissance.
 
Pour pas que les Français au quotidien pensent en points de croissance ou en dixième de croissance gagné mais plutôt en centaines d'euros qui restent à la fin du mois, non ?
 
Oui mais c'est lié les deux. Si vous voulez gagner un petit peu plus à la fin du mois, il faut que le pays entier gagne plus. Autrement, ça sort d'où l'argent ? Vous croyez à la pierre philosophale, vous.
 
Non, pas plus qu'un autre. Donc vous ne remettez pas d'argent sur la table ?
 
On investit pour produire davantage. La France a des parties entières de son économie, de son industrie qui ont pratiquement disparu. Ca fait du chômage, ça fait des pertes d'emploi, ça fait des pertes de croissance. Et ça joue sur le revenu de chacun.
 
Oui le plan de relance, il a joué son rôle d'amortisseur ou pas ?
 
Un, il a joué son rôle d'amortisseur ; deux, il a permis - regardez par comparaison aux autres - de sortir de la situation de dépression dans laquelle nous étions et que nous sommes encore pour partie, plus vite que les autres. Il y a deux pays en Europe, deux seulement qui ont des résultats un peu plus convenables que les autres : c'est l'Allemagne et la France, parce que ces deux pays ont fait la même politique. Ils ont favorisé l'investissement et l'investissement c'est des salaires. Il ne faut pas oublier ça.
 
Combien d'emplois sauvés ou sauvegardés ? C'est un critère qui nous intéresse pour le coup.
 
C'est un bon critère. J'ai une estimation, je peux la démontrer mais c'est 250 000 sauvegardés - je compte aussi les sauvegardés - ou créés.
 
Donc ce chiffre n'a pas bougé ?
 
C'était l'objectif et on l'atteint.
 
On va écouter C. Boutin, qui était ce matin sur RTL. Vous avez dit ce matin : la droite ne se renie pas. Elle pense, C. Boutin, on ne va pas l'écouter mais je vous soumets ce qu'elle dit.
 
Je l'ai entendue.
 
Très bien. « La droite se perd de vue. On ne sait plus bien où on va ».
 
Pour ce qui est de C. Boutin, c'est possible. Pour ce qui est de la majorité présidentielle, je crois qu'on sait très bien où on va. N. Sarkozy a doté la droite d'une vraie stratégie, en même temps d'un vrai programme d'action. Regardez ! La France est devenue maintenant un pays qui est leader mondial, leader européen. Je crois que ça donne des résultats. Quant à la modernisation de notre économie, la modernisation de notre pays, le chantier qui a été entrepris est un chantier considérable.
 
Votre réponse à C. Boutin, c'est que c'est elle qui se perd de vue ?
 
Elle a eu des malheurs, je ne veux pas l'accabler. Elle a quitté le Gouvernement et elle l'a mal vécu. Ça arrive toujours dans la vie un moment où on quitte le Gouvernement. Il ne faut pas en faire un plat.
 
Alors elle évoquait notamment sur RTL - on va entendre N. Mamère maintenant - elle évoquait notamment ce qui s'est passé à Rambouillet où non seulement les Verts sont arrivés devant le Parti socialiste au premier tour mais ont failli l'emporter. Ecoutez ce qu'en dit N. Mamère pour les régionales.
 
N. Mamère : Quand on regarde le poids politique des écologistes aujourd'hui, depuis les élections européennes en passant par cette élection à Rambouillet, où notre candidate est arrivée à cinq voix - d'ailleurs nous avons introduit un recours - derrière le candidat de la droite, on est en droit de se dire que ce qui s'est passé le 7 juin n'est pas un feu de paille. Ce n'est pas un accident politique. C'est une réalité. Nous devons avoir des lignes autonomes dans chaque région. Ca c'est acquis, ça a été voté à l'unanimité des Verts et d'Europe écologie. Et à l'issue du premier tour, qu'il y ait une négociation nationale avec nos partenaires du Parti socialiste, parce qu'aujourd'hui le Parti socialiste ne peut plus nous considérer comme une sorte de supplétif dont il a besoin pour faire une majorité dans les régions.
 
La fin des « supplétifs écolos ». Vous ne jouez pas un peu - N. Sarkozy ne joue pas un peu - les Verts contre le PS en ce moment ?
 
Il n'y a pas besoin, ils le font très bien tout seuls. Vous l'avez remarqué quand même. Mamère on ne lui a pas suggéré ce qu'il est en train de dire. Donc il y a un vrai conflit entre les Verts et le Parti socialiste. Cela dit, moi la question que je me pose pour nous, quels sont ceux qui sont les plus faciles à battre au deuxième tour puisqu'il y a un deuxième tour ? Est-ce que c'est le PS ou est-ce que c'est les Verts ? Et moi je pense que les Verts représentent malgré tout un effet de mode, aussi un effet de changement et ils ont sans doute plus d'attractivité aujourd'hui que le Parti socialiste qui est totalement atone, dont l'électroencéphalogramme est tragiquement plat, parce qu'ils ne produisent pas d'idées nouvelles. Ils sont restés sur le programme commun des années 70.
 
Qu'à tout prendre, vous préférez les Verts face à vous au second tour ?
 
Le débat avec les Verts est sans doute plus riche mais il nous faut, nous qui voulons aussi défendre l'environnement, il nous faut inventer notre propre discours dans ce domaine et non pas courir derrière les Verts comme parfois à droite on le fait trop facilement.
 
Voilà un message lancé assez clairement. J. Lang ce matin soutient R. Polanski, comme Frédéric Mitterrand.
 
J. Lang : Il y a là la liberté d'un créateur, d'un artiste qui a commis cet acte voici trente ans, qui a reconnu son erreur, il s'est excusé. La victime elle-même a retiré sa plainte. Moi je suis révolté, indigné, scandalisé et je le dis, il ne faut pas laisser faire. R. Polanski ne doit pas repartir aux Etats-Unis. Nous devons le protéger. Il restera en Europe si chacun d'entre nous se bat pour le défendre et le soutenir.
 
Est-ce que vous vous battrez, vous, pour défendre R. Polanski ?
Ca s'est passé surtout entre la Suisse et les Etats Unis.
 
C'est un citoyen français.
 
Oui bien sûr mais la procédure d'extradition se passe entre le droit suisse et le droit américain. Ce qui est choquant dans cette affaire, c'est le fonctionnement du droit américain. Premièrement, la victime a été désintéressée ; deuxièmement, elle a retiré sa plainte. Aujourd'hui elle ne demande pas de poursuites contre R. Polanski. Troisièmement, ce qui est très choquant dans le système américain, moi j'ai toujours dénoncé ça, c'est le fait que les magistrats du Parquet soient élus. Comme ils sont élus, ils recherchent la publicité donc ce n'est pas nécessairement l'équité qui les anime.
 
Un dernier mot, si la reprise est au rendez vous, ce que vous semblez annoncer, on n'a plus besoin de ministre de la Relance. Est-ce que vous resterez au Gouvernement ou est-ce que vous irez vers d'autres cieux ? Figurez-vous que des petites voix disent que vous pourriez être nommé ambassadeur.
 
Sûrement pas. D'abord, c'est un poste agréable mais ce n'est pas ma vocation d'être ambassadeur. C'est un métier ambassadeur, ça ne s'improvise pas. Et puis non je continuerai à servir mon pays de quelque manière que ce soit.
 
Ministre de la Reprise ?
 
Ministre de la relance c'est déjà préparer la reprise.
 
Merci d'avoir été notre invité ce matin.
 Source : Premier ministre, Service d'Information du Gouvernement, le 29 septembre 2009