Texte intégral
Mesdames et Messieurs les parlementaires,
Mesdames et Messieurs les élus
Mesdames et Messieurs,
Je suis très heureux d'être parmi vous pour conclure cette matinée d'échanges et de débats.
Ces Assises du numérique sont un rendez-vous important à mes yeux.
Le numérique et internet conduisent à de grandes transformations des activités économiques et sociales, et c'est en cela une vraie révolution, qui de mon point de vue ne fait que commencer.
L'économie numérique est le secteur le plus dynamique de l'économie mondiale, en terme de création d'emplois et de richesse, c'est un levier incontournable que nous n'exploitons pas suffisamment.
Il y a aujourd'hui pour notre pays un enjeu sur le déploiement du très haut débit. Ce rendez-vous, nous n'avons pas le droit de le manquer. Les décisions se prennent dès maintenant. Car le numérique, ce sont des services qui doivent pouvoir être garantis à l'ensemble de nos concitoyens. Cette exigence d'équité territoriale est une de mes priorités.
Cela pose la question des infrastructures. Les grandes infrastructures ont joué un rôle majeur dans le développement économique de notre pays. Les responsables politiques français ont toujours su lancer la réalisation de grandes infrastructures de transport, d'énergie, d'éducation... Aujourd'hui, on doit écrire un nouvelle page de cette histoire avec les infrastructures très haut débit, et en particulier la fibre optique. On sait que la fibre optique va remplacer le cuivre et qu'elle sera le support d'une grande partie des flux économiques et de notre création de valeur au 21ème siècle. La question n'est plus : « à quoi sert le très haut débit ». La question est plutôt « comment prépare-t-on ces infrastructures essentielles ?».
J'ai pris position dès ma nomination sur l'objectif de déployer le très haut débit pour tous. J'en fais une priorité de la politique d'aménagement du territoire que j'ai proposé au président de la République et au Premier ministre.
Nous avons commencé à travailler sur ce sujet avec ma collègue Nathalie Kosciusko-Morizet qui est en charge du développement de l'économie numérique et avec Christian Estrosi qui est en charge de l'Industrie. C'est un sujet transversal, comme dans tous les Gouvernements du monde, parce que le numérique est au coeur de la transformation du monde.
Bien sûr, je suis très attentif aux actions en cours pour compléter la couverture numérique en haut débit et téléphonie mobile. Mais aménager le territoire, c'est aussi structurer l'avenir.
Je ne reviendrai pas sur les enjeux du très haut débit en matière de compétitivité, d'emploi, de création culturelle ou de développement durable, ils ont été largement développés ce matin ou le seront cet après midi.
Je voudrais simplement rappeler que la couverture numérique très haut débit fixe et mobile est vitale pour le désenclavement des territoires et qu'elle sera vite indispensable pour les citoyens, pour accéder à de nouvelles formes de services de proximité, de travail à distance, de travail collaboratif, de création de valeur, d'aide à l'autonomie à domicile, de services publics ou de services de santé.
Les visioguichets de service public constituent un bon exemple de ce que l'on peut faire en conciliant innovation technologique, proximité et personnalisation du service, qui est une demande forte des citoyens. Dans les territoires ruraux, les centres de télétravail équipés de salles de visioprésence offrent également beaucoup de potentiel.
Prenons un autre exemple, dans le domaine de la santé : aujourd'hui, la médecine évolue vers la prévention et il faut s'en réjouir. Cela veut dire qu'il y aura de plus en plus d'examens par imagerie. Dans le même temps, l'expertise se concentre dans des unités hospitalières de pointe. Un examen IRM, c'est 40 Giga de données et ça ne doit pas être compressé pour des questions de qualité et de responsabilité. On sait déjà que le volume d'imagerie médicale double tous les 18 mois, c'est une sorte de loi de Moore. On sait donc déjà avec certitude qu'on aura besoin de la fibre optique pour mettre en réseau les médecins de proximité, les spécialistes et les hôpitaux.
Aujourd'hui, les standards de vie des ruraux sont calqués sur les modèles urbains et les ruraux expriment les mêmes besoins, les mêmes exigences de qualité, de proximité et de personnalisation des services, et notamment des services au public. Aménager le territoire, c'est se préparer à ces évolutions et ne pas les subir, c'est se placer dans une stratégie d'anticipation, et c'est la position que j'ai prise sur le très haut débit.
C'est au bout du compte une question d'efficacité de l'action publique, et c'est le rôle de l'Etat, avec les collectivités locales, dans le respect des compétences de chacun, d'intervenir sur les grandes infrastructures.
Le maillage du territoire en fibre optique est à mes yeux une infrastructure essentielle, comme les infrastructures de transport, ou comme le réseau électrique qui dessert chaque foyer français.
Le très haut débit pour tous est un grand projet politique et industriel, un grand chantier d'investissement et d'emplois pour l'avenir, et surtout un formidable vivier d'emplois dans les services et les contenus, qui sont des domaines où les entreprises françaises sont très performantes.
Ce sont plusieurs milliards d'euros d'investissements chaque année pendant au moins une décennie, 25 à 30 milliards d'euros au total pour couvrir toute la population.
Certes, les opérateurs ont annoncé des déploiements de fibre optique, mais on sait déjà qu'ils n'ont pas les moyens d'aller au delà de 4 à 5 millions de foyers, concentrés dans les grandes villes, car l'équation économique est très difficile, la rentabilité est à très long terme, peut être 15 ou 20 ans.
Ces dernières années, certaines collectivités locales se sont mobilisées sur les infrastructures numériques, avec des effets très positifs sur la couverture du territoire et le développement de la concurrence, comme l'ARCEP l'a souligné dans son rapport publié fin 2008. Mais le fait est que ces collectivités sont encore minoritaires et que l'on observe une grande hétérogénéité. Certaines sont déjà passées à la fibre optique pour tous, alors même que d'autres dépendent encore quasi exclusivement d'un seul opérateur.
Ce n'est pas l'idée que je me fais de l'équité territoriale
Il revient à l'Etat d'articuler l'ensemble de ces initiatives, publiques et privées, et de mettre en place la dynamique permettant de ne pas laisser s'installer une France à deux vitesses, avec d'un côté la France urbaine, 70 ou 80% de la population sur 20% du territoire, qui bénéficierait du raccordement fibre optique, et de l'autre la France rurale, 20% de la population sur 80% du territoire, qui ne disposerait que de l'ADSL sans concurrence et d'une couverture mobile. Ce serait aberrant.
L'intérêt national est d'organiser le déploiement de cette nouvelle infrastructure essentielle sur tout le territoire, selon un calendrier prédéfini et selon un cahier des charges et des règles garantissant la concurrence sur les services et la neutralité des contenus. Et c'est le rôle du Gouvernement de partager cette vision avec ses partenaires institutionnels, c'est-à-dire le Parlement et les collectivités territoriales.
Le rôle de l'Etat c'est aussi d'élaborer avec ces mêmes partenaires une stratégie de financement de long terme, adaptée à l'échelle de temps d'une telle infrastructure, c'est à dire plusieurs décennies, et permettant d'intéresser les investisseurs privés en leur garantissant une rentabilité normale. La réponse technique existe, et elle s'appelle le contrat de partenariat, mais encore faut il que le maître d'ouvrage dispose de moyens de financement public.
La proposition de loi PINTAT sur la réduction de la fracture numérique a sur ce sujet ouvert des perspectives et je l'ai soutenue.
J'ai soutenu le principe d'une solidarité nationale sur le financement du très haut débit sous forme d'un Fonds national d'aménagement numérique du territoire. J'ai demandé à la DIACT de réfléchir aux différentes façons de financer et d'organiser ce Fonds dans la durée et ses propositions me seront remises dans le courant du mois d'octobre.
Pour alimenter ce fonds au démarrage, j'ai proposé au Premier ministre et au président de la République de mobiliser une partie du grand emprunt national.
Je suis convaincu que ce sujet le mérite. Au titre de l'aménagement du territoire, c'est le seul projet que je vais présenter, car je crois qu'il est essentiel pour notre pays.
Il reste bien sûr à définir la dynamique de mise en oeuvre de ce grand projet.
Elle associera nécessairement l'ensemble des acteurs, c'est-à-dire l'Etat, le régulateur, les collectivités territoriales et l'ensemble des acteurs privés, qu'ils soient opérateurs de services, gestionnaires d'infrastructures ou simples investisseurs.
La dynamique de mise en oeuvre de ce grand projet passe aussi nécessairement par une phase d'études, ancrées dans les territoires. Le très haut débit est forcément l'expression d'un projet territorial d'innovation, de développement économique, d'éducation. En même temps, il est important que cette démarche soit conduite sans attendre.
Dès le mois de juillet, j'ai proposé à la signature du Premier ministre une circulaire aux préfets pour mobiliser les services de l'Etat aux côtés des collectivités territoriales sur le lancement des schémas directeurs d'aménagement numérique prévus dans la proposition de loi Pintat. Sans démarche d'étude, il n'y aura pas de projets territoriaux. Les acteurs locaux sont aussi les mieux placés pour définir leurs objectifs et leurs priorités. Par exemple, la couverture mobile de certaines zones saisonnières est peut être plus importante à court terme que la fibre optique.
Enfin, la dynamique de mise en oeuvre du très haut débit pour tous nécessitera des procédures publiques de type partenariat public privé, permettant la mise en concurrence des investisseurs sur un cahier des charges cohérent au niveau national, avec la perspective d'une couverture complète du territoire national. La question de la maîtrise d'ouvrage, entre l'Etat et les collectivités territoriales, voire les deux conjugués, est un sujet de réflexion. C'est un débat que nous nous aurons certainement avec les parlementaires dans le cadre de l'examen de la proposition Pintat par l'Assemblée nationale le 13 octobre prochain.
L'évolution très rapide des usages d'Internet me porte à croire que si l'on met rapidement en place l'infrastructure des 4 ou 5 prochaines décennies, notre pays va vivre une authentique révolution économique. C'est une transition importante pour nos entreprises. Des choix sont à faire dès maintenant pour l'avenir de notre pays. Je m'attacherai à les défendre afin que nous abordions dans les meilleures conditions cette nouvelle phase de notre histoire économique.
Je vous remercie
source http://www.diact.gouv.fr, le 2 octobre 2009