Texte intégral
Je ne vais pas répéter ce que mon collègue russe, le ministre Lavrov vient de dire. Nous sommes d'accord sur tous ces points. Nous avons beaucoup avancé, il reste, évidemment, quelques points où nous ne sommes pas en complet accord et M. Lavrov vient de les signaler.
Je trouve que cette 8ème rencontre du conseil de coopération franco-russe pour les questions de sécurité est un modèle du genre, il n'y en a pas d'autre. C'est le seul exemple que nous connaissions de ce format, à savoir une rencontre annuelle entre les ministres russes et français de la Défense et des Affaires étrangères. Je crois que c'est très productif, nous avons avancé dans la compréhension nécessaire entre l'OTAN - que la France a rejoint complètement -, l'Union européenne et la Russie. S'il y a encore des zones d'ombre, nous nous attachons à les dissiper.
La façon dont nous pourrons, ensemble, travailler plus régulièrement encore autour des propositions du président Medvedev sur la sécurité en Europe, est prise en compte immédiatement. Si nous travaillons plus étroitement, il faudra que l'on se rencontre à nouveau, nous devons vraiment travailler sur cette zone de sécurité et d'économie commune. Et puis il y a aussi la perspective de profiter des expériences de chacun. L'expérience de l'Afghanistan nous permettrait de faire des progrès aussi dans la compréhension de ce pays.
La proposition, que nous avons faite à nos amis russes de se joindre à nous dans les efforts communs autour de l'armature administrative et de sécurité du gouvernement provisoire de Somalie, est tout à fait importante, puisque nos amis russes travaillent déjà dans le golfe d'Aden dans le cadre de l'opération Atalante contre la piraterie.
A tous les niveaux, je crois que la compréhension est grande et, entre amis, il y a aussi des choses que l'on se dit, qui ne coïncident pas exactement. En effet, la Géorgie est le point majeur, je sais qu'il y une publication récente - que je n'ai pas lue d'ailleurs - mais j'ai lu les résumés de la position exprimée dans ce rapport que je lirai très attentivement.
Nous, nous avons l'expérience réelle de ce qui s'est passé ici à Moscou lors des pourparlers entre le président Sarkozy et le président Medvedev, avec la participation de Sergueï Lavrov et de moi-même.
Nous avons abordé beaucoup d'autres dossiers. Nous avons parlé de l'Iran, du Moyen-Orient, de l'Afghanistan et de la Corée du Nord.
Nous avons remercié, et je tiens à le faire une fois de plus, je pense que Hervé Morin le fera, la participation des Russes à notre opération modèle au Tchad, ce qui nous encourage considérablement à offrir à nos amis russes la possibilité de participer aux opérations de l'Union européenne. C'est une façon de se rapprocher qui nous tient beaucoup à coeur.
Nous avons été accueillis fraternellement par nos interlocuteurs, par le président Medvedev. L'accueil était chaleureux et la discussion franche et ouverte.
Nous sommes à votre disposition pour répondre à vos questions.
Q - Faudrait-il créer une nouvelle structure pour régler les questions de sécurité dans l'espace transatlantique ?
R - Je répondrais différemment de la façon dont le ministre Lavrov vient de répondre. La France, en réintégrant complètement les structures de l'OTAN, pensait à plusieurs choses. D'abord, à établir un peu de normalité dans notre comportement. Nous avons participé à toutes les missions de l'OTAN avec nos soldats - en particulier nous avons assuré une part de la mission au Kosovo, nous avons eu d'ailleurs l'occasion de nous rencontrer à plusieurs reprises avec Sergueï Lavrov. Or, nous n'étions pas dans le dispositif qui mettait au point, qui réfléchissait à la stratégie. Il n'était donc pas normal d'envoyer systématiquement nos soldats, certes pour de bonnes raisons mais sans connaître les plans stratégiques. Deuxièmement, nous avons tenu à affirmer très clairement, et ceci rejoint l'analyse de Sergueï Lavrov, que prenant toute notre place dans l'OTAN nous souhaitions y développer un pilier européen.
L'Union européenne doit se doter d'une structure de sécurité et de défense, pas d'une armée européenne. Il s'agit davantage d'intégrer les uns et les autres. On a parlé du Tchad où cela a été difficile et où nous avons réussi, grâce à vous en particulier, mais bien d'autres opérations voient d'abord le Royaume-Uni et la France participer pour au moins 50 %. Ce n'est pas normal car nous sommes vingt-sept pays. Nous tenons donc à cette deuxième proposition : il nous faut une défense européenne.
Maintenant, évidemment, le ministre des Affaires étrangères a raison, l'OSCE est l'endroit où il est plus facile de faire face à certains problèmes, parce que les Américains et les Russes, ainsi que beaucoup d'autres pays, sont présents à l'OSCE. Il n'empêche que ce que nous avons proposé, c'est qu'il y ait plus de dialogue, comme l'a dit Hervé Morin tout à l'heure, plus de rencontres, plus de compréhension. Nous ne voulons pas être prisonniers du passé. La structure de l'OTAN s'est constituée face au Pacte de Varsovie, le Pacte de Varsovie a disparu. La méfiance, et même plus que de la tension, des confrontations fréquentes avaient lieu entre ce que l'on appelait l'Est et l'Ouest.
Maintenant, il y a d'autres dangers et, encore une fois, ce n'est pas seulement à l'OTAN mais c'est aussi à l'Union européenne et à l'OSCE de réfléchir à ces dangers. Ces dangers seront d'une autre nature : le terrorisme qui nous menace tous, les problèmes de l'environnement, le réchauffement et les réfugiés climatiques, la pauvreté. C'est bien que Sergueï ait dit aussi qu'il y a une dimension humanitaire dans l'OSCE. Il y a un milliard de gens qui survivent à peine et qui, tous les jours, cherchent leur nourriture. Tous ces problèmes nécessitent une compréhension plus grande et pas d'être en permanence mobilisés sur des conflits idéologiques qui n'ont plus de raison d'être. Il y a d'autres conflits, il y en assez comme cela.
Tout ce qui rapprochera nos amis russes des positions de l'Union européenne et tout ce qui rapprochera l'Union européenne de la position de nos amis russes... Ne croyez pas que ce sera toujours facile pour les vingt-sept pays de l'Union européenne. C'est bien cela à la fois la difficulté, l'honneur et le quotidien de l'Union européenne, de mettre ensemble vingt-sept pays, avec des histoires différentes, avec en particulier des pays qui viennent de ce que l'on appelait le bloc de l'Est, mais c'est ce que nous souhaitons faire. Cela prendra un certain temps, mais je ne doute pas, en particulier à travers les expériences communes que nous allons développer, que nous y parviendrons.
Il y a aussi une position de la France dans l'Union européenne, qui n'est pas toujours exactement la même que celle des autres. Nous avons aussi une histoire particulière. Vous le savez, les six pays fondateurs de l'Union européenne avaient voté, à Bucarest, en défaveur de la perspective immédiate de l'entrée dans l'OTAN de la Géorgie et de l'Ukraine ; ce n'est pas un hasard, c'est une position historique. Elle n'est pas définitive.
Q - Quelle appréciation portez-vous sur la décision américaine de renoncer au bouclier anti-missile en Europe centrale ?
R - Là encore, ce fut une occasion de voir que les vingt-sept pays de l'Union européenne devaient construire leur unité sur un sujet comme celui-là, cela n'a pas été facile mais nous y sommes parvenus. Plus on parle, moins on impose aux gens dans un sens comme dans l'autre.
Q - S'agissant du souhait d'acquérir des porte-hélicoptères, est-ce que la Russie est entrée en négociation exclusive avec la France, ou est-ce que vous envisagez éventuellement de lancer un appel d'offre ?
R - En France, pour la livraison et la vente de matériel militaire comme celui-là, il y a un processus politique de décision au sein de la Commission interministérielle d'étude des exportations de matériels de guerre. Je fais partie de cette commission.
Q - Monsieur le Ministre, vous allez vous rendre à Novaya Gazeta et à Memorial plus tard dans la journée. Que vous inspire la situation actuelle en Russie autour des assassinats de militants des droits de l'Homme et la situation dans le Caucase en général ?
R - Cette situation n'est, hélas, pas nouvelle. La situation dans le Caucase m'inspire de l'inquiétude, comme elle en inspire à tout le monde. On en a bien sûr beaucoup parlé, nous avons abordé les problèmes des droits de l'Homme. Avec ces approches, ces démarches différentes, parler des droits de l'Homme en général n'est souvent pas suffisant.
Les assassinats, en particulier à Grozni, de journalistes et de militants des droits de l'Homme nous ont bouleversés. Cela nous a beaucoup choqués et a choqué le président Medvedev qui a réagi et qui vient encore de publier une lettre que j'ai saluée. J'ai écrit à ce moment-là à mon collègue Sergueï Lavrov. J'ai écrit également à M. Orlov, que je vais visiter aujourd'hui. Tout cela, c'est pour rendre hommage en effet à des gens qui ont sacrifié leur vie pour des idéaux que je partage depuis bien longtemps. Je sais que cette visite n'est pas suffisante pour que le problème soit réglé, mais cette visite sera, je l'espère, un signe supplémentaire pour montrer l'intérêt de tous, de la France et des Français, pour ces démarches courageuses.Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 6 octobre 2009
Je trouve que cette 8ème rencontre du conseil de coopération franco-russe pour les questions de sécurité est un modèle du genre, il n'y en a pas d'autre. C'est le seul exemple que nous connaissions de ce format, à savoir une rencontre annuelle entre les ministres russes et français de la Défense et des Affaires étrangères. Je crois que c'est très productif, nous avons avancé dans la compréhension nécessaire entre l'OTAN - que la France a rejoint complètement -, l'Union européenne et la Russie. S'il y a encore des zones d'ombre, nous nous attachons à les dissiper.
La façon dont nous pourrons, ensemble, travailler plus régulièrement encore autour des propositions du président Medvedev sur la sécurité en Europe, est prise en compte immédiatement. Si nous travaillons plus étroitement, il faudra que l'on se rencontre à nouveau, nous devons vraiment travailler sur cette zone de sécurité et d'économie commune. Et puis il y a aussi la perspective de profiter des expériences de chacun. L'expérience de l'Afghanistan nous permettrait de faire des progrès aussi dans la compréhension de ce pays.
La proposition, que nous avons faite à nos amis russes de se joindre à nous dans les efforts communs autour de l'armature administrative et de sécurité du gouvernement provisoire de Somalie, est tout à fait importante, puisque nos amis russes travaillent déjà dans le golfe d'Aden dans le cadre de l'opération Atalante contre la piraterie.
A tous les niveaux, je crois que la compréhension est grande et, entre amis, il y a aussi des choses que l'on se dit, qui ne coïncident pas exactement. En effet, la Géorgie est le point majeur, je sais qu'il y une publication récente - que je n'ai pas lue d'ailleurs - mais j'ai lu les résumés de la position exprimée dans ce rapport que je lirai très attentivement.
Nous, nous avons l'expérience réelle de ce qui s'est passé ici à Moscou lors des pourparlers entre le président Sarkozy et le président Medvedev, avec la participation de Sergueï Lavrov et de moi-même.
Nous avons abordé beaucoup d'autres dossiers. Nous avons parlé de l'Iran, du Moyen-Orient, de l'Afghanistan et de la Corée du Nord.
Nous avons remercié, et je tiens à le faire une fois de plus, je pense que Hervé Morin le fera, la participation des Russes à notre opération modèle au Tchad, ce qui nous encourage considérablement à offrir à nos amis russes la possibilité de participer aux opérations de l'Union européenne. C'est une façon de se rapprocher qui nous tient beaucoup à coeur.
Nous avons été accueillis fraternellement par nos interlocuteurs, par le président Medvedev. L'accueil était chaleureux et la discussion franche et ouverte.
Nous sommes à votre disposition pour répondre à vos questions.
Q - Faudrait-il créer une nouvelle structure pour régler les questions de sécurité dans l'espace transatlantique ?
R - Je répondrais différemment de la façon dont le ministre Lavrov vient de répondre. La France, en réintégrant complètement les structures de l'OTAN, pensait à plusieurs choses. D'abord, à établir un peu de normalité dans notre comportement. Nous avons participé à toutes les missions de l'OTAN avec nos soldats - en particulier nous avons assuré une part de la mission au Kosovo, nous avons eu d'ailleurs l'occasion de nous rencontrer à plusieurs reprises avec Sergueï Lavrov. Or, nous n'étions pas dans le dispositif qui mettait au point, qui réfléchissait à la stratégie. Il n'était donc pas normal d'envoyer systématiquement nos soldats, certes pour de bonnes raisons mais sans connaître les plans stratégiques. Deuxièmement, nous avons tenu à affirmer très clairement, et ceci rejoint l'analyse de Sergueï Lavrov, que prenant toute notre place dans l'OTAN nous souhaitions y développer un pilier européen.
L'Union européenne doit se doter d'une structure de sécurité et de défense, pas d'une armée européenne. Il s'agit davantage d'intégrer les uns et les autres. On a parlé du Tchad où cela a été difficile et où nous avons réussi, grâce à vous en particulier, mais bien d'autres opérations voient d'abord le Royaume-Uni et la France participer pour au moins 50 %. Ce n'est pas normal car nous sommes vingt-sept pays. Nous tenons donc à cette deuxième proposition : il nous faut une défense européenne.
Maintenant, évidemment, le ministre des Affaires étrangères a raison, l'OSCE est l'endroit où il est plus facile de faire face à certains problèmes, parce que les Américains et les Russes, ainsi que beaucoup d'autres pays, sont présents à l'OSCE. Il n'empêche que ce que nous avons proposé, c'est qu'il y ait plus de dialogue, comme l'a dit Hervé Morin tout à l'heure, plus de rencontres, plus de compréhension. Nous ne voulons pas être prisonniers du passé. La structure de l'OTAN s'est constituée face au Pacte de Varsovie, le Pacte de Varsovie a disparu. La méfiance, et même plus que de la tension, des confrontations fréquentes avaient lieu entre ce que l'on appelait l'Est et l'Ouest.
Maintenant, il y a d'autres dangers et, encore une fois, ce n'est pas seulement à l'OTAN mais c'est aussi à l'Union européenne et à l'OSCE de réfléchir à ces dangers. Ces dangers seront d'une autre nature : le terrorisme qui nous menace tous, les problèmes de l'environnement, le réchauffement et les réfugiés climatiques, la pauvreté. C'est bien que Sergueï ait dit aussi qu'il y a une dimension humanitaire dans l'OSCE. Il y a un milliard de gens qui survivent à peine et qui, tous les jours, cherchent leur nourriture. Tous ces problèmes nécessitent une compréhension plus grande et pas d'être en permanence mobilisés sur des conflits idéologiques qui n'ont plus de raison d'être. Il y a d'autres conflits, il y en assez comme cela.
Tout ce qui rapprochera nos amis russes des positions de l'Union européenne et tout ce qui rapprochera l'Union européenne de la position de nos amis russes... Ne croyez pas que ce sera toujours facile pour les vingt-sept pays de l'Union européenne. C'est bien cela à la fois la difficulté, l'honneur et le quotidien de l'Union européenne, de mettre ensemble vingt-sept pays, avec des histoires différentes, avec en particulier des pays qui viennent de ce que l'on appelait le bloc de l'Est, mais c'est ce que nous souhaitons faire. Cela prendra un certain temps, mais je ne doute pas, en particulier à travers les expériences communes que nous allons développer, que nous y parviendrons.
Il y a aussi une position de la France dans l'Union européenne, qui n'est pas toujours exactement la même que celle des autres. Nous avons aussi une histoire particulière. Vous le savez, les six pays fondateurs de l'Union européenne avaient voté, à Bucarest, en défaveur de la perspective immédiate de l'entrée dans l'OTAN de la Géorgie et de l'Ukraine ; ce n'est pas un hasard, c'est une position historique. Elle n'est pas définitive.
Q - Quelle appréciation portez-vous sur la décision américaine de renoncer au bouclier anti-missile en Europe centrale ?
R - Là encore, ce fut une occasion de voir que les vingt-sept pays de l'Union européenne devaient construire leur unité sur un sujet comme celui-là, cela n'a pas été facile mais nous y sommes parvenus. Plus on parle, moins on impose aux gens dans un sens comme dans l'autre.
Q - S'agissant du souhait d'acquérir des porte-hélicoptères, est-ce que la Russie est entrée en négociation exclusive avec la France, ou est-ce que vous envisagez éventuellement de lancer un appel d'offre ?
R - En France, pour la livraison et la vente de matériel militaire comme celui-là, il y a un processus politique de décision au sein de la Commission interministérielle d'étude des exportations de matériels de guerre. Je fais partie de cette commission.
Q - Monsieur le Ministre, vous allez vous rendre à Novaya Gazeta et à Memorial plus tard dans la journée. Que vous inspire la situation actuelle en Russie autour des assassinats de militants des droits de l'Homme et la situation dans le Caucase en général ?
R - Cette situation n'est, hélas, pas nouvelle. La situation dans le Caucase m'inspire de l'inquiétude, comme elle en inspire à tout le monde. On en a bien sûr beaucoup parlé, nous avons abordé les problèmes des droits de l'Homme. Avec ces approches, ces démarches différentes, parler des droits de l'Homme en général n'est souvent pas suffisant.
Les assassinats, en particulier à Grozni, de journalistes et de militants des droits de l'Homme nous ont bouleversés. Cela nous a beaucoup choqués et a choqué le président Medvedev qui a réagi et qui vient encore de publier une lettre que j'ai saluée. J'ai écrit à ce moment-là à mon collègue Sergueï Lavrov. J'ai écrit également à M. Orlov, que je vais visiter aujourd'hui. Tout cela, c'est pour rendre hommage en effet à des gens qui ont sacrifié leur vie pour des idéaux que je partage depuis bien longtemps. Je sais que cette visite n'est pas suffisante pour que le problème soit réglé, mais cette visite sera, je l'espère, un signe supplémentaire pour montrer l'intérêt de tous, de la France et des Français, pour ces démarches courageuses.Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 6 octobre 2009