Déclaration de M. Pierre Lellouche, secrétaire d'Etat aux affaires européennes, sur le Traité de Lisbonne, la sous-consommation des crédits européens par les collectivités locales, la composition de la future Commission européenne, les politiques communes et sur l'élargissement de l'Union européenne, à l'Assemblée nationale le 6 octobre 2009.

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Circonstance : Audition devant la Commission chargée des affaires européennes de l'Assemblée nationale, le 6 octobre 2009

Texte intégral

Il est tout à fait naturel que je me mette à votre disposition pour aborder ces questions très importantes. Je tiens d'ailleurs à saluer les travaux des parlementaires, à l'Assemblée nationale et au Sénat, ainsi qu'à l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe.
Le Traité de Lisbonne crée des droits nouveaux pour les parlements nationaux : droit d'information, droit de saisine de la Cour de justice des communautés européennes ou encore contrôle de subsidiarité. Grâce à cette dernière procédure, les parlements nationaux vont pouvoir s'opposer à un texte. Je vous adresserai des éléments juridiques précis sur la mise en oeuvre pratique de ces nouvelles dispositions.
Je souhaite aborder un deuxième sujet : la question de la sous-consommation des crédits européens dans nos collectivités locales. La députée européenne Sophie Briard Auconie et le président Pierre Lequiller ont été nommés parlementaires en mission pour étudier ce problème. Nous risquons de perdre en effet beaucoup d'argent. Nous avons un solde contributeur net annuel de 5 milliards d'euros au budget communautaire et plus de 1,5 milliard d'euros devrait actuellement nous revenir en moyenne annuelle au titre des fonds structurels. Il appartient à chacun d'entre vous de suivre cette question au sein de vos collectivités respectives. Il faut impérativement se mobiliser. Nous avons pu débloquer la semaine dernière 59 millions d'euros pour un projet de haut débit en région parisienne et j'ai demandé à la Commission, en liaison avec le préfet de région, qu'elle augmente le financement communautaire sur le programme opérationnel FEDER de la région Poitou-Charentes. Le rôle de la Banque européenne d'investissement doit être également souligné. La BEI a ainsi prêté 500 millions d'euros à la Ville de Paris.
Troisième sujet : les politiques transfrontalières. Six millions de Français sont concernés et rencontrent toujours des problèmes d'équipements publics, d'accès aux soins, etc. Nous devons développer une politique nationale de gestion de nos frontières. Il est important d'associer les parlementaires à ce travail.
S'agissant du Traité de Lisbonne, j'ai souligné dans votre hémicycle l'action constante et déterminée du président de la République en faveur du traité. Dès août 2008, il s'est engagé à Dublin pour demander un second référendum. La Présidence française a ensuite pu dégager les garanties politiques susceptibles de rassurer nos amis irlandais et d'apaiser le débat, permettant d'éviter que certains sujets ne soient instrumentalisés. La campagne a été brève et l'ensemble des forces politiques et syndicales irlandaises se sont mobilisées. Ce pays connaît un recul de la croissance de 10% en 2009, un taux de chômage de 12% et son déficit public atteint 13%. La sortie de ces difficultés ne pouvait s'envisager qu'au sein de l'Union. Je tiens à féliciter les Irlandais pour ce vote qui est également une grande victoire pour l'Union. Ainsi, la totalité des peuples ou des parlements de l'Union ont ratifié le Traité. S'agissant du dépôt des instruments de ratification, nous devons faire face à deux problèmes de procédure, l'un en Pologne (où le dépôt des instruments devrait intervenir très rapidement) et l'autre en République tchèque où la situation est beaucoup plus complexe. En effet, dix-sept sénateurs tchèques ont déposé un second recours devant la Cour constitutionnelle, qui s'était prononcée précédemment en faveur du Traité. Nous saurons vers la mi-octobre dans quel délai une décision juridictionnelle est susceptible d'intervenir et de débloquer la situation.
Les négociations pour les nominations n'ont pas encore commencé, du fait de la campagne électorale en Allemagne et des incertitudes sur le traité applicable. En outre, c'est le président de la République qui décidera des nominations pour la France et je ne connais pas sa décision. La suite des opérations permettra d'achever un processus entamé il y a 15 ans, qui s'est révélé destructeur. Cet automne ne s'annonce pas mauvais pour l'Europe ; le président de la Commission européenne a été confirmé à une large majorité, l'élection allemande est parvenue à un résultat clair et le G20 a été un vrai succès. Les progrès obtenus, directement issus de la lettre du président Nicolas Sarkozy et de Mme Angela Merkel, à laquelle s'est rallié M. Gordon Brown, conduisent à des pistes de réformes sérieuses, par exemple pour le FMI.
Nous sommes à présent en mesure de rentrer dans le vif des politiques à engager avec nos partenaires européens, en particulier la politique industrielle, la défense, l'environnement ou les questions énergétiques, sans oublier l'UPM (Union pour la Méditerranée), importante pour les relations Nord-Sud. J'ai noté l'intérêt de mes interlocuteurs allemands pour ces différents sujets, conscients qu'ils n'arriveront pas seuls à gérer ces problèmes. J'insiste également sur le rendez-vous du 9 novembre, anniversaire de la chute du Mur et de la réunification allemande. Cette date, avec celle du 11 novembre, est hautement symbolique et a une importance politique majeure. Ce programme de travail est enthousiasmant et mobilisateur.

Q - (Concernant la sous-consommation des crédits européens par les collectivités territoriales françaises et l'amélioration de la préparation des dossiers de financements européens)
Q - (A propos des nominations au sein des institutions européennes)
Q - (Au sujet de la crise du marché laitier)
Q - (Concernant la préparation du Sommet de Copenhague)
Q - (Concernant l'annulation des accords conclus par la République tchèque et la Pologne avec les Etats-Unis sur la défense anti-missiles)
Q - (Au sujet d'une éventuelle victoire électorale des conservateurs britanniques)
Q - (A propos de l'Union pour la Méditerranée)
R - Au sujet des questions transfrontalières, je vous indique que je souhaite lancer rapidement une réflexion d'ensemble.
Pour répondre à vos préoccupations sur les difficultés des collectivités locales, sachez que je suis à la disposition de celles-ci lorsqu'elles ont des projets qui se heurtent à des blocages au niveau de la Commission européenne. Je suis par exemple intervenu récemment en faveur de la révision du programme opérationnel FEDER de la région Poitou-Charentes, à la demande du préfet de région ; je suis également intervenu en faveur du département des Hauts-de-Seine, à la demande du président du Conseil général.
La mission que le gouvernement a confiée, à ma demande, à Mme Sophie Briard Auconie et au président Pierre Lequiller vise à trouver des solutions pour éliminer les obstacles auxquels se heurtent les collectivités locales en matière de fonds structurels. L'enjeu est de parvenir à des mécanismes simples à utiliser pour constituer les dossiers.
Mon inquiétude est grande au sujet de la sous-utilisation des crédits des fonds structurels par certains départements d'outre-mer. Le retard important qui a été pris entraîne le risque d'un dégagement d'office par la Commission européenne, alors même que ces collectivités ont particulièrement besoin de financements. J'ai alerté le Premier ministre de ce risque. Ma fonction m'amène en effet fréquemment à jouer le rôle de signal d'alarme ou d'aiguillon sur différents sujets.
M. Michel Herbillon a raison de dire que le choix des personnes occupant les postes de responsabilité au niveau européen aura une influence importante sur l'évolution future des postes concernés et de l'Union. Ce choix relève des chefs d'Etat et je ne peux donc pas vous donner d'éléments sur ce qu'ils décideront.
La Commission européenne a décidé de supprimer les quotas laitiers à partir de 2015. La France et l'Allemagne ont réussi à réunir une majorité qualifiée qui a obtenu que soit examinée la possibilité d'un système de régulation des marchés.
Les négociations internationales sur le climat sont très difficiles, mais les positions commencent à évoluer positivement. Par les objectifs qu'elle s'est fixés et les positions qu'elle a adoptées, l'Union européenne se place comme leader dans la lutte contre le changement climatique, alors même que ses niveaux d'émissions de gaz à effet de serre sont inférieurs à ceux des autres acteurs. L'enjeu pour Copenhague est d'entraîner les Etats-Unis et la Chine, principaux émetteurs de gaz à effet de serre, afin qu'ils acceptent des objectifs d'émissions contraignants. Les prochaines échéances européennes, qui permettront de finaliser la position que l'Union défendra à Copenhague, sont le Conseil Ecofin du 20 octobre, le Conseil environnement du 21 octobre et le Conseil européen des 29 et 30 octobre.
Je ne suis pas surpris par l'annulation des accords bilatéraux conclus par la République tchèque et la Pologne avec les Etats-Unis sur la défense anti-missiles. En effet, le président Obama souhaite signer un accord avec la Russie sur les armes offensives avant la fin de l'année et un tel accord ne pourrait être obtenu si les systèmes de défense anti-missiles étaient mis en oeuvre. Ces systèmes ne concernaient pas la protection de l'Europe mais celle des Etats-Unis. Ils découlaient d'accords bilatéraux et n'impliquaient pas l'Union européenne. L'annonce de cette annulation a été mal accueillie en République tchèque et en Pologne car ces deux pays cherchaient à ancrer la garantie américaine. Ce faisant, les Etats-Unis permettent à l'Europe de la défense de progresser.
Les menaces vis-à-vis de l'Europe venues d'Asie centrale ou du grand Moyen-Orient ne disparaissent pas pour autant. La définition des parts respectives que doivent représenter les moyens offensifs, la défense active et la défense passive est un vrai sujet européen. Le président de la République a souligné dans son discours de Cherbourg en mars 2008 que la dissuasion nucléaire française prenait en compte la dimension européenne. Nous disposons de moyens technologiques variés, avec la veille satellitaire sur les lancements de missiles, les systèmes d'interception. Encore faut-il déterminer nos besoins et débattre de ces questions sous un angle politique.
Je pense que l'attitude des conservateurs britanniques, que je connais bien, s'explique par le fait que les partis politiques qui sont restés longtemps dans l'opposition ont tendance à s'isoler. La gauche britannique a été anti-européenne, la droite française a été divisée sur le Traité de Maastricht, la gauche également sur la constitution européenne. Il faut être patient et conscient que le Royaume-Uni n'a pas intérêt à s'isoler de l'Europe, tant au plan économique qu'au plan stratégique.
Nous travaillons activement sur l'Union pour la Méditerranée. La France fera des propositions avant la fin de sa coprésidence en juillet 2010.

Q - (A propos des résultats du référendum irlandais)
Q - (Au sujet des projets de taxations des transactions financières internationales)
Q - En matière de gestion des déficits et des politiques à mettre en oeuvre, y a-t-il des divergences entre la France, dont le Président estime qu'il y a des bons et des mauvais déficits, et l'Allemagne ?
Q - S'agissant des élargissements de l'Europe, où en est-on avec le Turquie, avec qui la Présidence suédoise veut ouvrir de nouveaux chapitres, avec la Croatie, qui a un différend avec la Slovénie, et avec l'Islande ?
R - Concernant l'Irlande, les réponses données dans un référendum ne correspondent certes pas toujours avec la question posée, mais on ne peut pas dire que ce résultat positif est dû à la peur.
L'Islande a maintenant une dette égale à 11 fois son PIB et ses 350.000 habitants sont terriblement endettés. Je souhaite que les pratiques financières de ce pays soient apurées, en m'étonnant qu'aucune procédure judiciaire ne soit, à ma connaissance, en cours. Cette situation devrait faire partie des critères d'examen de la candidature de ce pays.
Le ministre des Affaires étrangères, M. Bernard Kouchner, s'est exprimé sur la taxe Tobin, qu'il n'a pas été possible d'évoquer au G20.
Celle-ci est différente du mécanisme d'inclusion carbone, qui existe déjà, qui fait partie des options qui ont été retenues dans le paquet énergie-climat, et qui est un moyen d'assurer une concurrence loyale dans les secteurs exposés à une très forte concurrence internationale.
Le président de la République a bien souligné que la crise avait tout changé. Tout le monde est concerné, la France comme l'Allemagne, deux pays où la dette publique représente plus de 70 % du PIB. Certes, l'Allemagne a un déficit budgétaire moindre que la France, mais les Allemands ont bien conscience que la crise a très durement touché les deux pays, qui restent solidaires.
Il y a en effet des disparités de charges à l'intérieur de l'Europe et une politique transfrontalière reste à développer. Il est essentiel de ce point de vue que les élus expriment leurs souhaits en la matière.
Concernant l'élargissement à la Croatie, onze chapitres sont ouverts et le différend avec la Slovénie est en voie de règlement grâce aux efforts de la Présidence suédoise. Avec la Turquie, nous divergeons quant au but final, mais les discussions se poursuivent.

Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 13 octobre 2009