Interview de Mme Nadine Morano, secrétaire d'Etat à la famille et à la solidarité, à I-Télévision le 13 octobre 2009, sur la candidature de Jean sarkozy à la tête de l'Etablissement public d'aménagement de la Défense (EPAD) et les Conseils des droits et devoirs des familles.

Prononcé le

Intervenant(s) : 

Média : I-télévision

Texte intégral

L. Bazin.- Bonjour N. Morano, secrétaire d'État à la Famille, et vous faites partie de la famille Sarkozy, vous le dites souvent, « c'est comme ma famille, N. Sarkozy, J. Sarkozy, ses enfants, ça c'est ma famille, politique aussi ». Est-ce que vous êtes heurtée de ce qui se passe autour de J. Sarkozy ?
 
Je suis heurtée d'abord à plusieurs titres. Je suis heurtée de voir à quel point le Parti socialiste continue, en cette période de crise, à ne rien proposer pour la France, à ne débattre d'aucun sujet, mais à s'inscrire de manière perpétuelle, continuelle, dans la polémique, et à chercher chaque matin une cible sur laquelle il pourrait tirer. Alors vous me parlez de J. Sarkozy, mis à part le fait que je porte évidemment beaucoup d'affection au président de la République puisque ça fait très longtemps que je le connais, je trouve que, franchement, là encore on choisit une cible : le fils du président de la République, pourquoi, alors que nous sommes en République, je le rappelle. Donc il y a deux termes impropres qui sont utilisés par ceux qui ont lancé cette polémique. Le premier terme, c'est "héritier" ou "dauphin" ou "prince". Ça n'existe pas dans une République. Dans une République, il n'y a ni héritier, ni dauphin, ni prince. Il y a une élection au suffrage universel. J. Sarkozy a été élu au suffrage universel dans le département où il vit, où il habite, où il a grandi, au service de ses concitoyens, ça fait deux ans qu'il est élu. J. Sarkozy a été élu à la tête de son groupe de la majorité au Conseil général. Là, il y a une élection à l'Établissement public d'administration de la Défense où il va être élu par une quarantaine de personnes qui vont siéger. Donc il ne restait que le critère de la loi pour être élu...
 
Circulez, il n'y a rien à voir...
 
... Il est, comme tout jeune... parce que là on lui fait le procès à la fois de son nom, de son âge et de sa passion pour la politique. C'est proprement scandaleux. Si le fils de madame Royal fait un jour de la politique, ça ne nous viendrait même pas à l'idée d'aller critiquer le fait que son fils s'engage en politique...
 
Vous pensez ?
 
Bien évidemment.
 
C'est un crime de lèse-Sarkozy, d'une certaine manière, c'est réservé au président de la République et à sa famille ?
 
Je trouve qu'on n'a pas le droit d'attaquer qui que ce soit dès lors qu'il respecte les critères de la loi, dès lors qu'il a envie de s'engager pour son pays...
 
Pour vous, ça ne pose pas de problème. Autrement dit, il n'y a pas népotisme... Vous avez entendu tous les mots qui ont été égrenés ce week-end : "népotisme", "République bananière", "clanisme". Mais c'est lamentable... "On met la main sur le coffre-fort des Hauts-de-Seine".
 
Dans une République, il y a une élection. J. Sarkozy a été élu, il va être élu, il est candidat à une élection...
 
Il serait là s'il n'était pas le fils du président de la République ?
 
Mais ce sont les électeurs qui choisissent. C'est ni vous ni moi, ce sont les électeurs, là où il se présente, sur son territoire. Il a été élu par des électeurs, voilà deux ans qu'il est conseiller général. Alors j'entends qu'on fait maintenant le procès de la jeunesse, et puis le procès aussi des diplômes. Mais je vous rappelle que même au sein du Gouvernement, il y a des ministres qui n'ont pas le Bac, qui gèrent des très grandes collectivités avec beaucoup de talent. Donc je trouve lamentable qu'on aille faire le procès de la jeunesse, de l'inexpérience, du diplôme. Mais qu'est-ce que c'est ? C'est ne pas avoir confiance aux jeunes ? Eh bien moi je fais confiance aux jeunes, beaucoup font confiance aux jeunes, beaucoup sont heureux de voir que des jeunes s'engagent aussi pour servir leur pays, pour servir leur territoire...
 
Fils de président de la République, ce n'est quand même pas totalement anodin.
 
Parce que c'est le fils du président de la République, il n'a pas le droit de le faire ? Son autre fils n'est pas engagé en politique, il aime la musique. Est-ce qu'on lui fait un procès parce qu'il aime la musique ? Son autre fils, on verra vers quel milieu il aura envie de se diriger. Moi, si un jour un de mes fils a envie de faire de la politique, je vais lui dire non, tu t'appelles Morano, t'auras pas le droit d'être candidat à une élection ? Si votre fils, monsieur Bazin, un jour a envie d'être journaliste à votre place, on dira : non, non, vous ne vous rendez pas compte, c'est le fils de son père !
 
À ma place, je ne le laisserai pas faire !
 
... Il n'a pas le droit de venir présenter les infos à iTélé ! Par exemple, si on prend, je ne sais pas, J. Depardieu qui est pleine de talent, elle n'a pas le droit d'être actrice parce que son père s'appelle Depardieu ? La fille de J. Balasko n'a pas le droit non plus d'être actrice parce que c'est la fille de J. Balasko ?
 
Est-ce que ce n'est pas un contre message que vous envoyez à votre électorat, d'une certaine manière, l'inverse du sarkozysme qui promettait, et vous l'avez soutenu...
 
Bien sûr, et je le soutiens encore d'ailleurs.
 
... la revanche du peuple sur les élites, l'égalité des chances...
 
Qu'est-ce que ça veut dire ? Quand on est face à une élection, il y a des candidats, il y a des électeurs. Donc on est dans une République, je vous le rappelle, mais on est en train de faire le procès de la République...
 
Donc c'est Jean Tartempion qui vient d'être élu ou qui sera élu...
 
Non, c'est J. Sarkozy, parce qu'il n'a pas à avoir honte de son nom.
 
Je citais le mot de F. Mitterrand à l'époque concernant son fils.
 
Il n'a pas à avoir honte de son nom. Il porte le nom du président de la République. C'est honteux de porter le nom du président de la République ? Il a fait de la prison, il a été mis en cause quelque part ? Son père a été élu au suffrage universel, porté par les Français au sommet de l'État, il est le président de la République. Il devrait avoir honte de son nom ? Non, il sait qu'il a une mission qui est très difficile, la mission qui est la sienne, c'est de se faire un prénom et de servir au mieux ses concitoyens. On va lui faire le procès de ne pas servir au mieux ses concitoyens ? Quand il sera réélu, il aura fait encore là la preuve qu'il a été à la hauteur du mandat que lui ont confié les électeurs. Mais là, on n'a pas le droit de lui faire un procès parce que ce serait faire un procès aussi aux concitoyens qui l'ont élu. Il a été élu sur la terre où il vit, il n'a pas été se faire parachuter dans un territoire. Je ne comprends pas qu'on puisse faire un procès de cette nature. Je trouve que madame Royal, c'est lamentable, si son fils un jour est candidat, alors que c'est lui qui était en charge de son blog je crois, le site Internet "Désirs d'avenir", personne n'a été critiquer que son fils faisait campagne à ses côtés. Moi mes fils font aussi campagne à mes côtés, j'en suis très fière de les voir s'engager au service de leur pays. Et si un jour, il y en a un qui dit : voilà, j'ai envie d'être élu au suffrage universel, je dirai vas-y, parce qu'il n'y a pas plus grand honneur que de servir la France.
 
Écoutez ce qu'en disent ce matin J. Dray et J.-P. Huchon.
 
J. Dray : Je pense qu'il est en train de payer, malheureusement à ses dépens, le fait que depuis quelques mois un ensemble de nominations posent problème parce qu'elles donnent le sentiment de l'installation d'une sorte de toile d'araignée, que ce soit dans les milieux économiques, dans les milieux judiciaires ou même dans la vie politique. Et c'est un peu injuste parce que le procès qui lui est fait c'est finalement qu'il s'appelle Sarkozy et qu'il a 23 ans. À partir du moment où il est élu de la République, c'est-à-dire à partir du moment où des électrices et des électeurs ont accepté de le nommer conseiller général de son département, des Hauts-de-Seine...
 
 Journaliste : De l'élire.
 
J. Dray : De l'élire, pardon, il a une légitimité et il peut prétendre à toutes les fonctions.
 
J.-P. Huchon : Il s'agit d'une dérive monarchique. On se permet absolument tout sans aucune vergogne, sans aucune retenue.
 
Journaliste : Alors J. Sarkozy dit ce matin dans la presse : de toute façon, quoi que je fasse, je serai toujours critiqué. Lui a l'impression de vivre sa filiation plutôt comme un handicap.
 
J.-P. Huchon : Eh bien écoutez, ça c'est quand même savoureux, ce que vous dites...
 
Journaliste : Non, c'est ce que lui dit. J.-P. Huchon : Oui, si c'est son vécu personnel, il faut respecter le vécu, mais honnêtement je ne crois pas que ça l'ait desservi jusqu'ici.
 
Dérive monarchique, c'est une accusation qu'on a déjà portée à N. Sarkozy il y a deux ans.
 
Mais ça n'existe pas, ça ne peut pas exister dans une République. La dérive monarchique, qu'est-ce que ça veut dire, c'est un non-sens. En revanche, ce que vient de dire J. Dray, il a parfaitement raison, il a parlé de légitimité. Voilà, l'élection vous donne la légitimité. Vous détenez un mandat, vous n'êtes pas allé le voler, vous n'êtes pas nommé, vous êtes là en situation d'être élu. Donc J. Sarkozy a toute la légitimité pour briguer les postes auxquels il pourrait prétendre.
 
Vous allez recevoir tout à l'heure les 31 Conseils des droits et devoirs des familles que vous avez mis en place...
 
Ça, ça intéresse plus les Français, je vais vous dire.
 
Peut-être, sans doute. Est-ce que vous imaginez pouvoir défendre cette position devant eux tout à l'heure ? Si on vous pose la question : vous ne croyez pas, madame Morano, que ça pose un problème ? Vous répondrez la même chose ?
 
Mais vous croyez que je vais défendre une position devant vous et dès que je vais sortir, je vais défendre une autre position ?
 
Je n'ai pas dit ça, je vous demande si, confrontée aux électeurs ou à des citoyens français, vous direz la même chose ?
 
Mais les électeurs, qui sont des électeurs chez moi, sont les mêmes, réfléchissent de la même nature que les électeurs qui sont dans les Hauts-de-Seine. Enfin, moi je m'appelle N. Morano, voilà, je suis élue sur la 5e circonscription de Meurthe-et-Moselle. Voilà. Eh bien je suis choisie en fonction d'un programme, de ma personnalité, de mon engagement, tel que l'a été J. Sarkozy ailleurs. Le fils de V. Giscard D'Estaing, L. Giscard D'Estaing, qui a été lui élu aussi dans le Puy-de- Dôme, il a été élu pour son programme, pour sa personnalité, pour la façon dont il défend les dossiers de sa circonscription à l'Assemblée nationale. Et il a été réélu. Ça veut dire que les gens lui font confiance. Bien sûr que je dirais la même chose.
 
On entend qu'on ne touche pas à la famille. Est-ce qu'on s'appuie sur la famille pour régler un certain nombre de problèmes de société en France ? J'en reviens au Conseil des droits et des devoirs.
 
C'est tellement facile d'aller faire le procès de quelqu'un uniquement parce qu'il porte le nom de son père, je trouve ça lamentable. Bien, alors là je reviens à mon cabinet, et ça c'est important parce que c'est une loi qui a été portée en 2007 par le président de la République alors qu'il était ministre de l'Intérieur sur la prévention de la délinquance. Donc c'est la loi du 5 mars 2007 qui permettait de mettre en place dans les communes les Conseils des droits et des devoirs des familles. Il y en a 31 dans notre pays, 11 vont se mettre en place bientôt et il s'agit d'apporter une réponse très concrète en terme de prévention aux enfants qui sont en train de dériver. Pourquoi ? Parce que le maire et le conseil municipal et l'ensemble des services de l'État sont les mieux à même d'apporter une réponse très concrète dès qu'une famille est en difficulté. Alors c'est vrai qu'on voit que nous avons besoin à cette étape de faire le bilan, parce que... je vais vous donner un peu un ordre de grandeur. En 1945, vous aviez un enfant sur 170 à peu près qui était concerné par des problèmes de délinquance des mineurs. Aujourd'hui, c'est un sur 30, âgé de 13 à 18 ans, qui a des problèmes de délinquance de mineur. Et donc il est nécessaire d'agir parce que, dans tous ces cas qui ont été identifiés, plus de 50 % de ces problèmes sont dûs à des carences éducatives. Et donc il faut identifier le problème.
 
Comme on est loin de la polémique politique, tout d'un coup.
 
Oui, on est dans la réalité, mais c'est ça que les Français attendent, vous savez. Ils n'attendent pas qu'on fasse un procès... Vous savez, l'EPAD, personne n'en a jamais parlé avant hier. Depuis que J. Sarkozy est candidat à cette fonction, qui n'est même pas rémunérée, qui est une fonction importante de décision politique, on ne parlait pas de l'EPAD. D'un coup, on en parle maintenant, alors que les Français attendent qu'on leur parle de la vraie réalité. Il y a 278 000 jeunes qui ont des problèmes de délinquance, il faut apporter des réponses à ces familles. J'ai fait augmenter de 15,5 % par an les crédits que je consacre à l'aide à la parentalité. C'est 53 millions d'euros que nous consacrons à aider les familles. Nous avons décidé avec le Premier ministre et à travers le plan de prévention de la délinquance que nous avons présenté il y a quelques jours de renforcer cette aide très concrète. Et je vois le boulot important que font les maires sur le terrain pour apporter une réponse aux familles, tant éducative que sociale. Que de travail ! Et en même temps, le rappel à l'ordre. Parce qu'un problème de délinquance des mineurs, ça concerne toute la société. Quand vous avez un gosse qui traîne dehors à 12 ans et qui rentre à minuit ou deux heures du matin, il y a un vrai problème. Quand vous avez un enfant qui ne rentre pas parce qu'il n'a pas de place chez lui pour travailler, parce qu'il y a un appartement où ils sont à six, sept dedans, dans une surface qui n'est pas vivable, là on a des problèmes à résoudre, de se dire : prenons les choses en main, il faut regarder comment on peut apporter une réponse en terme d'habitat, donc réunir le bâilleur social au sein de ce Conseil du droit et des devoirs des familles. Donc vous voyez, il y a toute cette dimension qui est importante si nous voulons apporter une réponse à la délinquance des mineurs. Et ça c'est un problème qui concerne les Français.
 
Le lycée aussi. Tout à l'heure N. Sarkozy va annoncer la réforme du lycée. Encore une fois, je vous repose cette question, pardon d'avoir l'air de tourner en boucle : vous ne pensez pas qu'il y a un contre-exemple donné qui va parasiter la communication du président de la République sur cette affaire-là ?
 
Mais pourquoi ? Est-ce qu'on va maintenant demander si J. Sarkozy, je sais pas, a participé au lycée, à je sais pas quoi ? Mais il faut arrêter, le président de la République travaille sur une réforme qui est pour lui fondamentale, qui est extrêmement importante et c'est pour ça qu'il la présentera lui-même.
 
Vous ne pensez pas que cette affaire parasite l'activité du Gouvernement, du président de la République, les réformes nécessaires pour le pays, celles qui ont été portées pendant la campagne électorale ?
 
Voyez ! Pourquoi ça parasite ? Parce que je crois que le Parti socialiste réussit son coup, c'est-à-dire de détourner l'attention, même des médias, de ce qui est essentiel au pays, c'est-à-dire l'action que doit mener le Gouvernement au service des Français et la réforme du lycée. C'est-à-dire améliorer le lycée pour que nous n'ayons plus tous ces problèmes d'orientation, de mauvaises orientations où on voit tellement de jeunes sortir du système scolaire, mais pas du système scolaire, aussi du système universitaire, sans diplôme, pour pouvoir entrer dans la vie active, de permettre des passerelles, un accompagnement plus personnalisé avec des heures de soutien. C'est tout cela qu'attendent nos concitoyens, c'est que leurs enfants, lorsqu'ils sont au lycée, que ce lycée soit porteur pour eux d'avenir, qu'ils ne soient pas contraints à choisir une filière, se dire : je me suis trompé, je ne peux pas revenir en arrière. Qu'on puisse créer des passerelles, qu'on puisse revaloriser tout ce qui est professionnel, qu'on puisse apporter un peu plus d'équilibre entre toutes les filières générales. Ça c'est l'enjeu de la réforme du lycée, c'est l'amélioration du lycée, ça sera présenté par le président de la République. Eh bien c'est bien légitime que le chef de l'État apporte autant d'importance à l'avenir de tous les jeunes Français. Voyez, c'est ça qui est essentiel.
 
Merci d'avoir été notre invitée ce matin, avec franchise et fougue, comme toujours. Bonne journée à vous.
 Source : Premier ministre, Service d'Information du Gouvernement, le 13 octobre 2009