Interview de M. Hervé Novelli, secrétaire d'Etat au commerce, à l'artisanat, aux petites et moyennes entreprises, au tourisme, aux services et à la consommation, à "Radio Classique" le 2 novembre 2009, sur le débat autour de la suppression de la taxe professionnelle, sur le bilan de la baisse de la TVA dans la restauration et sur le lancement du débat sur l'identité nationale.

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Média : Radio Classique

Texte intégral

Bonjour.

H. Novelli, secrétaire d'Etat au Commerce, à l'Artisanat, aux Petites et Moyennes entreprises, au Tourisme, aux Services et à la Consommation. Ça fait beaucoup. On va parler bien sûr de l'actualité de la taxe professionnelle, 24 sénateurs ne vont pas signer le texte en l'état. Fronde des sénateurs UMP justifiée selon vous, H. Novelli ?

Je crois qu'il y a aujourd'hui beaucoup de confusions sur ce débat et je pense qu'il faut rappeler quelque chose de très for : c'est la décision du président de la République de supprimer la taxation des investissements pour les entreprises, ce qui s'appelle la taxe professionnelle...

6 milliards d'allègements, c'est ça ?

Oui, mais ce qui est très important c'est ce principe et cette décision. Ensuite, bien sûr puisque la taxe professionnelle est une recette importante des collectivités, on s'en préoccupe et on voit comment remplacer cette taxe professionnelle pour faire en sorte que les collectivités puissent continuer d'avoir les ressources pour financer leurs dépenses. Mais n'oublions jamais cela. Alors maintenant, je reviens sur cette question : fronde ou pas. La réalité c'est que le droit d'amendement il est inscrit dans la Constitution ; et que des sénateurs veuillent discuter et amender un texte du Gouvernement, il n'y a là rien de choquant.

Ils ont raison de faire ça ?

En tout cas ils utilisent leur droit.

Pour vous, H. Novelli, vous êtes un ancien chef d'entreprise - donc vous connaissez très, très bien le sujet - ça fait un petit peu désordre quand même !

Oui, bien sûr que cela fait désordre. Mais je crois que si on garde ces principes que j'indiquais, un, suppression de la TP, bonne nouvelle pour les entreprises et c'est quand même l'essentiel...

Et pour les ménages, c'est une bonne nouvelle ?

Pour les ménages, ils ne la supportaient pas donc pour eux, il n'y a pas de changement. Mais ce qui est très important, c'est de...

Il y a une peur aujourd'hui, il y a une peur des élus finalement... Vous êtes maire de Richelieu...

Oui.

Donc vos administrés doivent vous poser quand même la question ?

Mes administrés ont beaucoup de chance, c'est que je n'ai pas augmenté les impôts, moi...

Ce qui est assez rare alors, finalement, vous un très bon exemple...

Oui, je dois être aujourd'hui, une des rares communes à ne pas, depuis près de 10 ans, avoir augmenté ni les impôts de la commune ni de la Communauté de communes. Mais je reviens à l'essentiel, c'est ça qu'il faut entendre. Dans cette crise, ce qui est très important c'est la survie et le développement de nos entreprises et donc il fallait prendre cette bonne décision parce que la TP. Elle n'existe nulle part ailleurs et donc il fallait la supprimer. Maintenant, que le Parlement débatte car c'est son droit et c'est le lieu du débat, notamment pour les impôts. Eh bien, que le Sénat, en l'occurrence la Haute Assemblée, débatte de la manière dont on va faire en sorte que les collectivités ne soient pas affectées par cette suppression de la part investissement de...

Il y a une peur même à droite finalement sur cette question centrale.

Cette question est centrale parce qu'il s'agit aujourd'hui d'une décision centrale pour les entreprises, c'est bien ça qu'il faut comprendre. Et moi, je comprends parfaitement les soucis des collectivités. Mais je veux qu'on hiérarchise. Et la première des priorités, c'est d'alléger les charges de nos entreprises aujourd'hui, dans cette crise économique que l'on traverse et dont on n'est pas complètement sorti, c'est le moins qu'on puisse en dire. Et deuxièmement, le débat s'engage, il est un peu vif et alors ? Ça ne me choque pas qu'il y ait un débat vif au Parlement, pour autant que chacun se respecte et qu'on garde la priorité de la suppression de la part investissements de la taxe professionnelle.

Sur notre antenne, ce matin à 8h00, sur Radio Classique, R. Beaumont, sénateur de Saône-et-Loire réclamait un débat mais réclamait surtout du concret avec des simulations.

Il a raison, il a raison de le demander. Je connais bien R. Beaumont et le fait qu'il demande des simulations au Sénat. Eh bien, la ministre de l'Economie C. Lagarde va y pourvoir. Et je peux vous indiquer que les simulations, elles seront disponibles. Il faut que le débat aille à son terme, je suis convaincu qu'on va trouver l'équilibre entre la nécessaire compétitivité de nos entreprises et les ressources des collectivités territoriales.

Sur Radio Classique, on a une tradition : on écoute ce qui se passe chez nos petits camarades radios et télévisions. Je vous propose d'écouter, à 7h51 sur RTL, E. Woerth, le ministre du Budget sur ce sujet.

(...)

Extrait interview.

Autre extrait, Europe 1 à 8h22, J.-P. Raffarin, il s'explique.

(...)

Extrait interview.

Pas de pataquès, selon l'expression de J.-P. Raffarin, ça vous fait sourire !

Ben oui ! Ça me fait sourire parce que vous voyez que tout le monde est d'accord. Un, on va supprimer la taxe professionnelle et deux, on va se mettre d'accord pour trouver les recettes de remplacement pour les collectivités territoriales.

Alors vous dites que c'est vital pour les entreprises, cette suppression de la taxe professionnelle. H. Novelli, est-ce qu'on n'en fait pas un peu trop pour les entreprises aujourd'hui et pas assez pour les ménages ?

Non, je vous le dis tout de suite, on n'en fait pas assez... on n'en fait pas trop pour les entreprises. Pourquoi ? Tout simplement parce que la crise, qu'est-ce qu'elle révèle ? Elle révèle que sans entreprises ou avec des entreprises défaillantes, c'est la crise économique qui s'installe. Ce sont les suppressions d'emplois, c'est la création de richesses qui en est empêchée et donc, elle a révélé cela la crise. Les entreprises, elles sont vitales et sans entreprises en bonne santé, on ne fait rien, dans ce pays comme ailleurs. Et c'est pour cela que l'on a hiérarchisé au Gouvernement - et sous l'impulsion du Président - nos priorités. Nos priorités, c'est le développement et la croissance de nos entreprises.

Sur le dossier de la restauration, on nous disait « on va baisser la TVA », vous avez baissé la TVA à 5,5 %, et finalement... On nous disait « voilà, vous allez avoir la création de milliers d'emplois, des prix qui seront à la baisse ». On attend toujours, H. Novelli.

Et c'est normal qu'on attende parce que le contrat qui a été passé avec les 9 organisations professionnelles, il est pour 2 ans en matière de création d'emplois. Par contre, avant la fin de l'année, moi j'attends des résultats plus importants encore sur la baisse des prix dans la restauration et j'attends aussi - et je veux vous l'indiquer à cette antenne - avant le 30 novembre des conclusions positives sur la négociation salariale qui s'est engagée, qui se poursuit. Et je pense qu'on aura des avancées parce que le contrat d'avenir, ça n'est pas uniquement la baisse des prix dans la restauration, c'est aussi des négociations sociales, des négociations salariales...

Mais quel est votre moyen de pression aujourd'hui sur les restaurateurs par exemple, vous n'allez pas revenir à une TVA à 19,6 ?

Non. D'abord je note que les Allemands nous rejoignent, ils baissent eux aussi le taux de TVA dans la restauration et donc, il faut bien voir que cette mesure, elle est partagée aujourd'hui par d'autres. Eh bien ! Les moyens c'est d'abord de leur donner des échéances précises. Avant le 30 novembre...

Combien d'emplois vous espérez justement concrètement ?

C'est écrit, c'est inscrit. Il y a eu 9 organisations qui ont signé. Dans les 2 ans qui viennent, 20.000 emplois supplémentaires...

20.000 emplois !

Et 20.000 apprentis supplémentaires, mais on a 2 ans pour cela et pas 3 mois.

C'est jouable ?

C'est bien sûr jouable, c'est un des secteurs qui a le plus de besoins de main d'oeuvre. Aujourd'hui, on nous dit : il y a 60.000 emplois qui ne sont pas pourvus, eh bien ! Il faut les pourvoir et c'est ce que j'attends de nos amis restaurateurs.

Je me fais l'avocat du diable, si jamais les restaurateurs ne jouent pas le jeu, qu'est-ce qui se passe concrètement, que fait le Gouvernement ?

D'abord, le fonds de modernisation de la restauration qui a été créé dans ce contrat d'avenir ne sera pas accessible aux restaurateurs qui n'auront pas joué le jeu. Et c'est très important parce qu'il s'agit là de la modernisation de l'ensemble de cette branche. Et puis, ils seront punis par eux-mêmes parce que les clients, les consommateurs regardent, ils ne sont pas aveugles, ils choisissent ceux qui jouent le jeu. Eh bien, ceux qui ne jouent pas le jeu seront eux-mêmes pénalisés, c'est ma conviction. Et puis enfin, il y a une crédibilité et une responsabilité. Quelle image la restauration va-t-elle avoir dans les mois et les années qui viennent si on ne joue pas le jeu ?

Donc le 30 novembre, on vous attend au tournant, H. Novelli.

Oui, pas que moi, les restaurateurs aussi.

En période de crise, on s'aperçoit... la bonne nouvelle, c'est que les Français créent des entreprises, vous êtes à l'origine de ce qu'on appelle « l'auto-entrepreneur ». Il n'y a jamais eu autant de créations d'entreprises, c'est une très bonne nouvelle en période de crise ?

Oui, j'en suis très fier, j'en suis très heureux, c'est une mesure qui est une mesure de simplification extrême du démarrage d'une activité. Et je me réjouis qu'il y en ait aujourd'hui 250.000, entre 250.000...

Auto-entrepreneurs ?

...Et 300.000 auto-entrepreneurs, soit plus de 500.000 à la fin de l'année pour l'ensemble de la création d'entreprises. C'est une révolution et j'en suis vraiment très content, pourquoi ? Parce que ça met la création d'activité, ça met la création d'entreprise à la portée de tous. Qu'on soit salarié, qu'on soit chômeur, qu'on soit retraité, on peut démarrer une activité, on peut avoir une activité en complément d'une autre et ainsi, avoir un revenu complémentaire. Et aujourd'hui, dans cette période de difficulté économique, c'est une arme de plus, c'est une arme anticrise supplémentaire.

Autre grand sujet d'actualité, H. Novelli, c'est le débat sur l'identité nationale qui débute aujourd'hui. Est-ce que pour vous, il est indispensable ?

Oui, bien sûr qu'il est indispensable. Doit-il prendre la forme d'un débat ou pas, ce qui est sûr c'est que c'est une question centrale. Et E. Besson a eu raison de s'interroger et de proposer ce débat. Mais depuis des années, depuis que N. Sarkozy a été élu président de la République et bien avant, ce débat il est posé. Et on a raison de le poser parce que sinon, qu'est-ce que c'est qu'être Français aujourd'hui dans la mondialisation...

H. Novelli, vous avez milité à l'extrême droite, donc cette question de l'identité nationale, elle vous interpelle. Vous êtes d'origine italienne, est-ce que vous vous souvenez justement de l'intégration de vos parents ou de vos grands-parents ? C'est une question, j'imagine, qui, forcément, vous interpelle, vous ?

Bien sûr, petit-fils d'immigré, c'est pour moi une question encore plus importante que pour d'autres. Je n'oublie pas qu'il y avait un rejet quand j'étais jeune, y compris de la part de Français sur mes origines italiennes et donc, c'est pour moi très important. On est parfois plus Français lorsque l'on vient sur ce sol, qu'on est accueilli, qu'on respecte les lois de la République, on ressent encore plus profondément que d'autres cette appartenance à une communauté qui, parfois, peut vous rejeter. Et donc ce débat sur l'identité nationale, dans une période de mondialisation accélérée, est un débat fondamental et il fait bien de se dérouler.

A France 2, M. Le Pen justement sur ce débat sur l'identité nationale, comme d'habitude, elle a des mots très durs.

(...) Extrait interview.

"Escroquerie électorale" dit M. Le Pen. C'est vrai qu'après les affaires Mitterrand, après les affaires J. Sarkozy, on a l'impression qu'on cherche à rassurer l'électorat de droite avec ce débat.

Non, je crois qu'il ne faut pas tout résumer à des arrière-pensées. Ce débat, il faut le poser, il est dans la société française depuis des années, je crois que quand on ira au fond de ce débat, la société française elle y gagnera en sérénité et c'est ce dont on a besoin aujourd'hui.

E. Besson qui mène le débat, pour vous c'est un bon choix ?

Il est en charge de l'Identité nationale, donc c'est un bon choix gouvernemental. On ne peut pas reprocher au ministre en charge de l'Identité nationale de proposer un débat sur l'identité nationale. Donc pour moi, ça me semble très naturel qu'il soit dans ce rôle et il en est chargé.

Une dernière question justement sur son parcours. On dit que c'est l'homme qui monte, qui monte. Il y a 2 ans et demi, il était au Parti socialiste, aujourd'hui il est à vos côtés dans ce Gouvernement. Vous en pensez quoi ?

Je crois que c'est une bonne chose d'attirer des gens venus d'ailleurs. Et on ne peut pas reprocher à un gouvernement de s'ouvrir dès lorsqu'il est parfaitement en phase avec le président de la République, ce qui semble le cas.

Merci beaucoup H. Novelli d'avoir répondu à mes questions.

Source : Premier ministre, Service d'Information du Gouvernement, le 13 novembre 2009