Texte intégral
N. Demorand.- L. Chatel, bonjour.
Bonjour, N. Demorand.
L'énorme chantier de la formation des enseignants est en train d'être bouclé. Une question pratique pour commencer : dites aux étudiants et peut-être aux futurs profs qui nous écoutent à quoi va ressembler la nouvelle maquette pour devenir prof ?
D'abord, ce qui est très important pour les futurs enseignants, c'est que nous allons allonger d'une année la formation des enseignants. Je crois que c'est un signal très fort que nous envoyons à destination de tous ceux qui se destinent aux carrières de l'enseignement, avec la volonté d'approfondir la formation disciplinaire, et en même temps de mieux préparer à la pédagogie, au terrain, à ce que trouveront les enseignements sur le terrain. Cette réforme sera mise en oeuvre à partir de la rentrée prochaine, de la rentrée 2010, et actuellement nous sommes en train de finaliser des points qui sont importants et qui font l'objet de discussions avec les syndicats, qui sont : la date des concours, puisque dorénavant le concours se déroulera pendant l'année de master II, c'est-à-dire la cinquième année d'étude ; l'idée est que les étudiants puissent avoir ce concours suffisamment tôt pour pouvoir approfondir pendant l'année de master II la partie pédagogique, la partie terrain. Et que leur concours de fin d'études, d'admission puisse se passer vraiment sur comment on procède pour un cours, qu'ils puissent être évalués là-dessus. Et puis deuxièmement, pour ceux malheureusement qui ne seraient pas retenus au concours, l'idée est qu'ils puissent se réorienter pendant cette année suffisamment tôt pour d'autres études. Voilà l'objectif de cette masterisation.
C'est bouclé ?
Non, ce n'est pas bouclé, nous allons fixer les grandes lignes avec V. Pécresse. Nous avions cet été publié les décrets qui fixent ce cadre, mais nous avons souhaité laisser une part à la discussion pour des points qui ne sont pas des points de détail, qui sont, je viens de l'évoquer, la date du concours, qui sont le contenu des épreuves d'admissibilité et d'admission, et donc nous sommes en train de discuter avec les organisations syndicales sur ce sujet.
Date du concours et des épreuves ça fait quand même beaucoup de choses à négocier, c'est la substance même de la réforme, non ?
Oui, mais en même temps...
Ca veut dire donc qu'il n'y a pas de réforme aujourd'hui ?
Bien sûr que si il y a une réforme, il y a une réforme qui sera prête pour la rentrée 2010. Simplement, on aurait pu aux forceps, en juin, dire : voilà, ce sera comme ça et pas autrement. Ce n'est pas la méthode qu'avec V. Pécresse nous avons retenue. Nous avons décidé de maintenir le cap, le principe d'une année supplémentaire d'études pour la formation des enseignants, nous avons décidé également que le concours se situerait pendant la cinquième année, mais en même temps, nous avons laissé ouverts à la discussion les points que je viens d'évoquer. Donc, nous avons vu les organisations syndicales la semaine dernière, nous avons encore un peu de travail, et d'ici une quinzaine de jours, nous devrions pouvoir sortir ce qu'on appelle "les maquettes de concours" pour cette nouvelle masterisation.
Parce que les réactions ont été très négatives, à l'annonce de ce nouveau protocole de recrutement des enseignants, très négatives sur la date précisément, très négatives sur les contenus aussi. Est-ce que vous craignez que ce point qui a fait l'objet de très fortes contestations lors de la précédente année universitaire redevienne un chiffon rouge avec le monde étudiant et enseignant ?
Nous verrons. Encore une fois, mon rôle, c'est d'expliquer, et d'abord pourquoi nous faisons cela, rappeler le sens d'une réforme. On ne fait pas une réforme pour faire une réforme, on ne fait pas une réforme pour faire des économies. On fait une réforme pour améliorer au total la formation des enseignants, et que donc, à la fin on puisse tirer davantage de nos jeunes vers l'excellence, vers 50 % de génération à bac + 3 - l'objectif de Lisbonne -, c'est ça l'objectif. Maintenant il y a des discussions en cours, c'est vrai que j'ai entendu les organisations syndicales sur ces différents sujets. Je crois à la vertu de la concertation et de l'échange, donc je crois que nous allons y arriver, nous sommes au travail, et d'ici une quinzaine de jours, nous devrions pouvoir sortir le détail des maquettes de concours et la précision des dates d'examens.
Donc, ces points-là vont être cogérés, co-décidés, négociés avec les syndicats ?
Je n'aime pas beaucoup le mot "cogestion".
La chose alors. Vous n'aimez pas le mot, la chose, c'est ça ?
Concertation, voilà. Concertation.
C'est synonyme, non ?
Non, parce que cogestion c'est décision commune et conjointe ; concertation, il y a un responsable, ce sont les ministres concernés, mais par contre leur devoir c'est d'écouter les différents acteurs et travailler avec eux, c'est ce que nous faisons.
Et les postes mis au concours vont diminuer très nettement ou pas ?
Non, les postes mis au concours suivent l'évolution de la pyramide démographique, donc c'est vrai que le Gouvernement a fait un choix, qui est de ne pas renouveler un fonctionnaire sur deux - ça dépasse l'Education nationale - qui part en retraite. Mais en même temps, nous avons fait un choix fort : c'est de revaloriser en profondeur la condition des enseignants. Quand je dis revaloriser, c'est à la fois sur le plan financier, et je le dis très franchement, les enseignants ne sont pas assez payés en France, donc j'ai mis sur la table au comité technique paritaire que j'ai présidé le 1er octobre dernier un certain nombre de propositions, nous sommes en train de discuter avec les syndicats sur la revalorisation, ils seront d'ailleurs aujourd'hui au ministère sur ce sujet. Et puis il n'y a pas que cette revalorisation dite financière, il y a également l'accompagnement humain tout au long de la vie, je pense que - je le dis franchement, avec humilité, parce que je dois le faire mais en même temps, avec lucidité - je pense que le ministère de l'Education nationale n'est pas un bon gestionnaire de ses ressources humaines. Je pense que nous devons améliorer la formation tout au long de la vie de nos enseignants ; j'ai proposé qu'on mette en place le droit individuel à la formation à l'Education nationale. Je pense qu'on doit proposer des perspectives d'évolution à nos enseignants, y compris de passerelles vers d'autres types de fonctions, deuxième carrière ; on doit être plus proche au quotidien de nos enseignants. J'ai le sentiment que, enseigner c'est le plus beau métier au monde, c'est une vocation souvent de la part de ceux qui destinent à cette carrière. Et on a le sentiment que l'Etat les forme et nous les abandonnons un petit peu ensuite à leurs responsabilités. Il faut un accompagnement beaucoup plus fort tout au long de la vie, et il faut valoriser financièrement également leur engagement.
On va venir à quelques dossiers d'actualité. On reviendra à l'éducation dans la dernière partie de cet entretien. Pourquoi le président de la République ne se rend pas au Congrès des maires de France ?
D'abord, il ne vous a pas échappé qu'il avait un agenda international particulièrement chargé cette semaine...
Une visite semi privée en Arabie Saoudite.
...il recevait hier soir le président irakien, il est pendant deux jours en Arabie Saoudite, et il sera jeudi à Bruxelles pour finaliser la mise en place du Traité de Lisbonne. Deuxièmement, malgré cet agenda, il a quand même souhaité rencontrer les maires de France. Il recevra vendredi les bureaux départementaux de chaque association des maires de France. Donc, il ne choisit pas, comme je l'ai entendu dans certaines déclarations, il ne choisit pas ses interlocuteurs. Il a invité l'ensemble des bureaux départementaux des associations des maires de France.
Ce n'est pas plus simple d'aller au Congrès ?
Non, parce que vendredi matin, en l'occurrence, de mémoire, le Congrès doit se terminer jeudi. Et l'idée du président de la République c'est de recevoir les maires pour échanger avec eux, leur faire part, leur rappeler quelles sont les orientations du Gouvernement en matière d'évolution territoriale - on peut y venir si vous voulez -, et ensuite les écouter et répondre à leurs interrogations et à leurs questions. J'observe que N. Sarkozy n'a jamais manqué un Congrès de maires, premièrement, deuxièmement...
C'est le premier, là.
Oui, deuxièmement, les précédents présidents de la République avaient dû y aller une fois en deux quinquennats ou en deux septennats, et c'est la première fois depuis E. Loubet que les maires sont invités à l'Elysée dans cette composante. Donc, je n'ai pas le sentiment qu'il y a un désintérêt du président de la République pour les maires.
Mais est-ce qu'il y a de la peur ?
Je ne crois pas, non.
Peur de la bronca ?
Mais peur de quoi ? ! Les maires sont des interlocuteurs quotidiens du Gouvernement. Je suis moi-même maire, nous avons des échanges quotidiens avec ces acteurs de proximité qui sont essentiels. Simplement, nous avons un certain nombre de dossiers d'actualité, c'est aussi notre rôle d'expliquer ce que nous voulons faire en matière d'organisation territoriale.
Vous ne bougerez pas en tout cas, vous expliquerez, vous ne bougerez pas ?
Oui, nous ne bougerons pas, et il va y avoir un débat parlementaire. Le débat parlementaire c'est fait aussi pour écouter les uns, les autres, pour parfois retenir un certain nombre d'amendements d'où qu'ils viennent. Donc laissons faire le débat parlementaire. Ce que je veux dire par contre, c'est que ça fait plusieurs mois que le Gouvernement prépare cette réforme. Nous avons d'abord mis en place une commission qui a regroupé des sensibilités diverses. P. Mauroy, ancien Premier ministre socialiste, était membre de cette commission ; il y avait un certain nombre d'élus socialistes. Donc, il y a un constat partagé, qui est de dire... Pourquoi faisons-nous cette réforme ? Parce que la France est bloquée. Je suis maire, je le rappelais à l'instant, mais quand vous êtes maire et que vous avez en face de vous pour le moindre projet, quatre ou cinq interlocuteurs différents, qui chacun vous dit : "et moi, et moi, et moi ! Je peux te donner un petit peu mais remplis un dossier, viens me voir"...
C'est le fameux millefeuille administratif.
Oui, le millefeuille et l'enchevêtrement des compétences qui sont croisées, les financements qui sont croisés, plus personne n'y comprend rien, et on perd en efficacité et également en moyens financiers.
Mais alors que ce soit sur ce dossier, du millefeuille, entre guillemets administratif ou sur celui de la taxe professionnelle, si tout cela est fait pour améliorer les choses, pourquoi une telle bronca, pourquoi une telle défiance, pourquoi une telle inquiétude ?
D'abord, je ne parlerais pas de bronca au sens unanimité contre la réforme, non. Je suis élu local, toutes les fins de semaine, je suis dans mon département de Haute-Marne, j'ai été au Congrès des maires départementaux de mon département il y a six semaines, je n'ai pas eu le sentiment de cette fronde et cette bronca. Qu'il y ait des interrogations à cette heure, c'est normal...
Fortes...
...mais en même temps, c'est normal...
...portées par des gens de l'UMP, y compris.
...Oui, mais c'est légitime à un moment où on va changer l'organisation territoriale. Simplement il faut bien expliquer à nos maires que, en gros, ils seront les gagnants de cette affaire, dans la mesure où on va simplifier le nombre de leurs interlocuteurs, on va améliorer les dispositifs de financement de leurs projets. Quand vous voyez que sur des grands projets de ville, structurants pour un maire qui a la relation de proximité avec ses habitants, il faut trois ou quatre ans pour porter un grand projet parce que on a multiplié les interlocuteurs, les financements croisés et autres ! Vous faites...
Mais pourquoi ils ne vous croient pas alors ? Mais pourquoi ils ne vous croient pas ? Pourquoi ils ne saisissent pas de cette réforme en disant : merci !
Mais je pense que rien n'est... Les maires vont se saisir de cette réforme, charge à nous de l'expliquer, d'aller à leur rencontre, nous le faisons dans le cadre des congrès départementaux des maires, où nous expliquons ce qui se passe, le Premier ministre le fera cet après-midi. B. Hortefeux a annoncé hier qu'il y aurait un groupe d'élus qui, sur le terrain, iraient expliquer à l'ensemble des élus l'objectif de cette réforme. Donc, nous avons plusieurs mois devant nous puisqu'il va y avoir plusieurs projets de loi qui vont être présentés au Parlement, qui vont faire l'objet d'un débat. Donc, prenons le temps de l'échange et de la discussion, mais le cap doit être réaffirmé, l'objectif c'est de simplifier l'organisation territoriale pour que la France se débloque et qu'elle soit plus efficace.
Source : Premier ministre, Service d'Information du Gouvernement, le 17 novembre 2009
Bonjour, N. Demorand.
L'énorme chantier de la formation des enseignants est en train d'être bouclé. Une question pratique pour commencer : dites aux étudiants et peut-être aux futurs profs qui nous écoutent à quoi va ressembler la nouvelle maquette pour devenir prof ?
D'abord, ce qui est très important pour les futurs enseignants, c'est que nous allons allonger d'une année la formation des enseignants. Je crois que c'est un signal très fort que nous envoyons à destination de tous ceux qui se destinent aux carrières de l'enseignement, avec la volonté d'approfondir la formation disciplinaire, et en même temps de mieux préparer à la pédagogie, au terrain, à ce que trouveront les enseignements sur le terrain. Cette réforme sera mise en oeuvre à partir de la rentrée prochaine, de la rentrée 2010, et actuellement nous sommes en train de finaliser des points qui sont importants et qui font l'objet de discussions avec les syndicats, qui sont : la date des concours, puisque dorénavant le concours se déroulera pendant l'année de master II, c'est-à-dire la cinquième année d'étude ; l'idée est que les étudiants puissent avoir ce concours suffisamment tôt pour pouvoir approfondir pendant l'année de master II la partie pédagogique, la partie terrain. Et que leur concours de fin d'études, d'admission puisse se passer vraiment sur comment on procède pour un cours, qu'ils puissent être évalués là-dessus. Et puis deuxièmement, pour ceux malheureusement qui ne seraient pas retenus au concours, l'idée est qu'ils puissent se réorienter pendant cette année suffisamment tôt pour d'autres études. Voilà l'objectif de cette masterisation.
C'est bouclé ?
Non, ce n'est pas bouclé, nous allons fixer les grandes lignes avec V. Pécresse. Nous avions cet été publié les décrets qui fixent ce cadre, mais nous avons souhaité laisser une part à la discussion pour des points qui ne sont pas des points de détail, qui sont, je viens de l'évoquer, la date du concours, qui sont le contenu des épreuves d'admissibilité et d'admission, et donc nous sommes en train de discuter avec les organisations syndicales sur ce sujet.
Date du concours et des épreuves ça fait quand même beaucoup de choses à négocier, c'est la substance même de la réforme, non ?
Oui, mais en même temps...
Ca veut dire donc qu'il n'y a pas de réforme aujourd'hui ?
Bien sûr que si il y a une réforme, il y a une réforme qui sera prête pour la rentrée 2010. Simplement, on aurait pu aux forceps, en juin, dire : voilà, ce sera comme ça et pas autrement. Ce n'est pas la méthode qu'avec V. Pécresse nous avons retenue. Nous avons décidé de maintenir le cap, le principe d'une année supplémentaire d'études pour la formation des enseignants, nous avons décidé également que le concours se situerait pendant la cinquième année, mais en même temps, nous avons laissé ouverts à la discussion les points que je viens d'évoquer. Donc, nous avons vu les organisations syndicales la semaine dernière, nous avons encore un peu de travail, et d'ici une quinzaine de jours, nous devrions pouvoir sortir ce qu'on appelle "les maquettes de concours" pour cette nouvelle masterisation.
Parce que les réactions ont été très négatives, à l'annonce de ce nouveau protocole de recrutement des enseignants, très négatives sur la date précisément, très négatives sur les contenus aussi. Est-ce que vous craignez que ce point qui a fait l'objet de très fortes contestations lors de la précédente année universitaire redevienne un chiffon rouge avec le monde étudiant et enseignant ?
Nous verrons. Encore une fois, mon rôle, c'est d'expliquer, et d'abord pourquoi nous faisons cela, rappeler le sens d'une réforme. On ne fait pas une réforme pour faire une réforme, on ne fait pas une réforme pour faire des économies. On fait une réforme pour améliorer au total la formation des enseignants, et que donc, à la fin on puisse tirer davantage de nos jeunes vers l'excellence, vers 50 % de génération à bac + 3 - l'objectif de Lisbonne -, c'est ça l'objectif. Maintenant il y a des discussions en cours, c'est vrai que j'ai entendu les organisations syndicales sur ces différents sujets. Je crois à la vertu de la concertation et de l'échange, donc je crois que nous allons y arriver, nous sommes au travail, et d'ici une quinzaine de jours, nous devrions pouvoir sortir le détail des maquettes de concours et la précision des dates d'examens.
Donc, ces points-là vont être cogérés, co-décidés, négociés avec les syndicats ?
Je n'aime pas beaucoup le mot "cogestion".
La chose alors. Vous n'aimez pas le mot, la chose, c'est ça ?
Concertation, voilà. Concertation.
C'est synonyme, non ?
Non, parce que cogestion c'est décision commune et conjointe ; concertation, il y a un responsable, ce sont les ministres concernés, mais par contre leur devoir c'est d'écouter les différents acteurs et travailler avec eux, c'est ce que nous faisons.
Et les postes mis au concours vont diminuer très nettement ou pas ?
Non, les postes mis au concours suivent l'évolution de la pyramide démographique, donc c'est vrai que le Gouvernement a fait un choix, qui est de ne pas renouveler un fonctionnaire sur deux - ça dépasse l'Education nationale - qui part en retraite. Mais en même temps, nous avons fait un choix fort : c'est de revaloriser en profondeur la condition des enseignants. Quand je dis revaloriser, c'est à la fois sur le plan financier, et je le dis très franchement, les enseignants ne sont pas assez payés en France, donc j'ai mis sur la table au comité technique paritaire que j'ai présidé le 1er octobre dernier un certain nombre de propositions, nous sommes en train de discuter avec les syndicats sur la revalorisation, ils seront d'ailleurs aujourd'hui au ministère sur ce sujet. Et puis il n'y a pas que cette revalorisation dite financière, il y a également l'accompagnement humain tout au long de la vie, je pense que - je le dis franchement, avec humilité, parce que je dois le faire mais en même temps, avec lucidité - je pense que le ministère de l'Education nationale n'est pas un bon gestionnaire de ses ressources humaines. Je pense que nous devons améliorer la formation tout au long de la vie de nos enseignants ; j'ai proposé qu'on mette en place le droit individuel à la formation à l'Education nationale. Je pense qu'on doit proposer des perspectives d'évolution à nos enseignants, y compris de passerelles vers d'autres types de fonctions, deuxième carrière ; on doit être plus proche au quotidien de nos enseignants. J'ai le sentiment que, enseigner c'est le plus beau métier au monde, c'est une vocation souvent de la part de ceux qui destinent à cette carrière. Et on a le sentiment que l'Etat les forme et nous les abandonnons un petit peu ensuite à leurs responsabilités. Il faut un accompagnement beaucoup plus fort tout au long de la vie, et il faut valoriser financièrement également leur engagement.
On va venir à quelques dossiers d'actualité. On reviendra à l'éducation dans la dernière partie de cet entretien. Pourquoi le président de la République ne se rend pas au Congrès des maires de France ?
D'abord, il ne vous a pas échappé qu'il avait un agenda international particulièrement chargé cette semaine...
Une visite semi privée en Arabie Saoudite.
...il recevait hier soir le président irakien, il est pendant deux jours en Arabie Saoudite, et il sera jeudi à Bruxelles pour finaliser la mise en place du Traité de Lisbonne. Deuxièmement, malgré cet agenda, il a quand même souhaité rencontrer les maires de France. Il recevra vendredi les bureaux départementaux de chaque association des maires de France. Donc, il ne choisit pas, comme je l'ai entendu dans certaines déclarations, il ne choisit pas ses interlocuteurs. Il a invité l'ensemble des bureaux départementaux des associations des maires de France.
Ce n'est pas plus simple d'aller au Congrès ?
Non, parce que vendredi matin, en l'occurrence, de mémoire, le Congrès doit se terminer jeudi. Et l'idée du président de la République c'est de recevoir les maires pour échanger avec eux, leur faire part, leur rappeler quelles sont les orientations du Gouvernement en matière d'évolution territoriale - on peut y venir si vous voulez -, et ensuite les écouter et répondre à leurs interrogations et à leurs questions. J'observe que N. Sarkozy n'a jamais manqué un Congrès de maires, premièrement, deuxièmement...
C'est le premier, là.
Oui, deuxièmement, les précédents présidents de la République avaient dû y aller une fois en deux quinquennats ou en deux septennats, et c'est la première fois depuis E. Loubet que les maires sont invités à l'Elysée dans cette composante. Donc, je n'ai pas le sentiment qu'il y a un désintérêt du président de la République pour les maires.
Mais est-ce qu'il y a de la peur ?
Je ne crois pas, non.
Peur de la bronca ?
Mais peur de quoi ? ! Les maires sont des interlocuteurs quotidiens du Gouvernement. Je suis moi-même maire, nous avons des échanges quotidiens avec ces acteurs de proximité qui sont essentiels. Simplement, nous avons un certain nombre de dossiers d'actualité, c'est aussi notre rôle d'expliquer ce que nous voulons faire en matière d'organisation territoriale.
Vous ne bougerez pas en tout cas, vous expliquerez, vous ne bougerez pas ?
Oui, nous ne bougerons pas, et il va y avoir un débat parlementaire. Le débat parlementaire c'est fait aussi pour écouter les uns, les autres, pour parfois retenir un certain nombre d'amendements d'où qu'ils viennent. Donc laissons faire le débat parlementaire. Ce que je veux dire par contre, c'est que ça fait plusieurs mois que le Gouvernement prépare cette réforme. Nous avons d'abord mis en place une commission qui a regroupé des sensibilités diverses. P. Mauroy, ancien Premier ministre socialiste, était membre de cette commission ; il y avait un certain nombre d'élus socialistes. Donc, il y a un constat partagé, qui est de dire... Pourquoi faisons-nous cette réforme ? Parce que la France est bloquée. Je suis maire, je le rappelais à l'instant, mais quand vous êtes maire et que vous avez en face de vous pour le moindre projet, quatre ou cinq interlocuteurs différents, qui chacun vous dit : "et moi, et moi, et moi ! Je peux te donner un petit peu mais remplis un dossier, viens me voir"...
C'est le fameux millefeuille administratif.
Oui, le millefeuille et l'enchevêtrement des compétences qui sont croisées, les financements qui sont croisés, plus personne n'y comprend rien, et on perd en efficacité et également en moyens financiers.
Mais alors que ce soit sur ce dossier, du millefeuille, entre guillemets administratif ou sur celui de la taxe professionnelle, si tout cela est fait pour améliorer les choses, pourquoi une telle bronca, pourquoi une telle défiance, pourquoi une telle inquiétude ?
D'abord, je ne parlerais pas de bronca au sens unanimité contre la réforme, non. Je suis élu local, toutes les fins de semaine, je suis dans mon département de Haute-Marne, j'ai été au Congrès des maires départementaux de mon département il y a six semaines, je n'ai pas eu le sentiment de cette fronde et cette bronca. Qu'il y ait des interrogations à cette heure, c'est normal...
Fortes...
...mais en même temps, c'est normal...
...portées par des gens de l'UMP, y compris.
...Oui, mais c'est légitime à un moment où on va changer l'organisation territoriale. Simplement il faut bien expliquer à nos maires que, en gros, ils seront les gagnants de cette affaire, dans la mesure où on va simplifier le nombre de leurs interlocuteurs, on va améliorer les dispositifs de financement de leurs projets. Quand vous voyez que sur des grands projets de ville, structurants pour un maire qui a la relation de proximité avec ses habitants, il faut trois ou quatre ans pour porter un grand projet parce que on a multiplié les interlocuteurs, les financements croisés et autres ! Vous faites...
Mais pourquoi ils ne vous croient pas alors ? Mais pourquoi ils ne vous croient pas ? Pourquoi ils ne saisissent pas de cette réforme en disant : merci !
Mais je pense que rien n'est... Les maires vont se saisir de cette réforme, charge à nous de l'expliquer, d'aller à leur rencontre, nous le faisons dans le cadre des congrès départementaux des maires, où nous expliquons ce qui se passe, le Premier ministre le fera cet après-midi. B. Hortefeux a annoncé hier qu'il y aurait un groupe d'élus qui, sur le terrain, iraient expliquer à l'ensemble des élus l'objectif de cette réforme. Donc, nous avons plusieurs mois devant nous puisqu'il va y avoir plusieurs projets de loi qui vont être présentés au Parlement, qui vont faire l'objet d'un débat. Donc, prenons le temps de l'échange et de la discussion, mais le cap doit être réaffirmé, l'objectif c'est de simplifier l'organisation territoriale pour que la France se débloque et qu'elle soit plus efficace.
Source : Premier ministre, Service d'Information du Gouvernement, le 17 novembre 2009