Interview de Mme Marie-Luce Penchard, ministre de l'outre-mer, dans "Le Quotidien de La Réunion" du 23 novembre 2009, sur l'impact des décisions prises par le Conseil interministériel de l'outre-mer sur le développement économique de La Réunion.

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Circonstance : Déplacement à La Réunion les 23 et 24 novembre 2009

Texte intégral

- En quelques mois, vous êtes passée de secrétaire d'Etat à l'Outre-mer au rang de ministre. Qu'est-ce que cela change concrètement pour vous ?
Mon ambition consiste prioritairement à ne pas décevoir les ultramarins qui ont pour la première fois un des leurs à la tête de ce ministère de l'outre-mer. Le président de la République et le premier Ministre ont souhaité adresser un signal fort aux outre-mer. Au-delà de ma nomination, il convient surtout de retenir cette priorité affichée par le gouvernement.
- Le catalogue de 137 mesures du premier Conseil interministériel de l'outre-mer a déçu beaucoup de Réunionnais qui considèrent avoir été moins bien traités que les Antillais. Comprenez-vous leur sentiment ?
Les ultramarins ont été entendus. Près de 100 mesures transversales pour tous les territoires ont été retenues. C'est considérable et ce ne sont pas de simples objectifs généraux. Les propositions des réunionnais ont été prises en compte. Toutes les mesures fortes annoncées par le Président de la République se déclineront à la Réunion comme aux Antilles et ailleurs. Les mesures sur les prix et la concurrence répondent à des demandes fortes des réunionnais.
L'abondement du POSEI sera particulièrement significatif à la Réunion. Nous allons augmenter le numerus clausus pour les études médicales afin de développer le nombre de médecins dans l'île, nous allons créer une filière hospitalo-universitaire... Dans son discours, le président a clairement indiqué qu'il s'agissait du premier conseil interministériel de l'outre-mer. Il y en aura d'autres. C'est tout le sens de mon déplacement que de venir expliquer, en détails, les décisions rendues publique le 6 novembre dernier.
- Allez-vous présenter un calendrier et des financements pour les mesures annoncées par le chef de l'Etat lors de votre visite, les chefs d'entreprises demandant de passer "de l'intentionnel à l'opérationnel" ?
Il faut arrêter d'aborder le développement des outre-mer sous le seul prisme du carnet de chèques. Nos compatriotes attendent des réponses concrètes. Nous les apportons et nous déclinons ces mesures dès le budget 2010 pour les premières d'entre elles. Le gouvernement a fait procéder en urgence à des amendements en ce sens. Mais les décisions du CIOM porteront leurs fruits sur plusieurs années et les financements s'étaleront sur plusieurs lois de finances. Je tiens aussi à souligner que les mesures les plus attendues par les ultramarins ne sont pas forcément les plus onéreuses : la suppression de 130 visas pour développer l'activité ou la promotion d'ultramarins dans la fonction publique relèvent avant tout de la volonté politique et non pas d'un effort financier.
- Les projets de décret de la Lodeom sont jugés très en retrait des ambitions affichées par la loi, en particulier sur le périmètre de la zone franche et la défiscalisation immobilière. Le gouvernement est-il prêt à reporter leur publication comme le réclame le patronat qui souhaite des améliorations ?
Le Gouvernement est à l'écoute des élus et des socioprofessionnels qui ont souhaité que ces projets de textes évoluent. Dans un souci de concertation efficace, le Gouvernement a accepté de prendre le temps d'examiner les avis qui lui ont été adressés récemment, notamment pour les réunionnais, afin d'améliorer ces projets. C'est pourquoi les décrets sur le logement ou les zones franches d'activité ne sont pas encore publiés : leur rédaction fait l'objet d'intenses échanges entre les Ministères concernés et les professionnels du secteur. Mais je sais bien que le temps presse et que le temps des décisions est maintenant venu. Les décrets, avec les améliorations, devraient être publiés dans les prochaines semaines.
- Le BTP devrait perdre 7000 emplois cette année suite à l'effondrement du marché. L'Etat est-il prêt à participer à la relance de la commande publique en s'engageant au delà des 47 M d'euros prévus par le plan de relance ?
Il est extrêmement réducteur de limiter l'appui de l'Etat à la commande publique aux seuls crédits d'investissement du plan de relance. Je vous rappelle que, dans ce plan, le Gouvernement a accéléré le versement du fonds de compensation de la taxe sur la valeur ajoutée (FCTVA) aux collectivités. C'est de l'investissement en plus pour les collectivités. Le Premier ministre s'est engagé le 17 novembre devant les Maires de France à reconduire ce dispositif en 2010. Par ailleurs, La Réunion a bénéficié en 2009 de plus de 88 Meuros de crédits au titre de la ligne budgétaire unique. Et, pour 2010, conformément à une décision du conseil interministériel de l'outre-mer, les crédits de la ligne budgétaire unique pourront être augmentés. Le Gouvernement joue pleinement la carte de la relance de la commande publique. Mais j'insiste sur le fait qu'il ne sert à rien d'obtenir plus de crédits, s'ils ne sont pas investis rapidement. De ce point de vue, les acteurs locaux doivent améliorer l'efficacité du dispositif de la commande publique car je constate que les crédits de l'Etat tardent parfois à être consommés.
- Le gouvernement envisage-t-il de répondre favorablement à la demande de subvention ferroviaire - 80 M d'euros annuels - émanant de la Région pour le financement du tram-train ?
L'Etat s'est clairement engagé, dans le protocole de Matignon, à accompagner la réalisation de ce projet. Et il tiendra sa promesse. Les 435 Meuros d'aides, qui concernent l'équipement, représentent son engagement et ne sont pas remis en cause, bien au contraire. Et même au dela du protocole, les outils du plan de relance pour les grands projets ont été activés (800 millions de garantie de l'Etat, 630 millions de fonds d'épargne). C'est un des plus gros chantiers soutenus par la solidarité nationale outre-mer. Je rappelle qu'au moment des discussions préparatoires, l'Etat avait insisté pour qu'un dispositif de conduite de projet soit mis en place pour éviter des dérives de coûts. Aujourd'hui, le Conseil régional présente une demande nouvelle, qui n'avait jamais été discutée, et qui est assez inédite. Il sollicite un engagement récurrent de l'Etat à hauteur de 80% des frais de fonctionnement du service. On ne peut pas ainsi répondre dans l'urgence à une demande aussi dérogatoire du droit commun. Les entreprises du BTP misent beaucoup sur ce chantier du tram-train pour relancer leur activité. L'Etat ne porterait-il pas une lourde responsabilité si le projet était abandonné par la Région ?
Je comprends les attentes du monde économique sur ce nouveau chantier. Mais je ne vois pas bien en quoi la responsabilité de l'Etat serait engagée alors même qu'il confirme scrupuleusement ses engagements. Pour le reste, la Région s'administre librement. Si la région désire modifier son projet tram-train, c'est son choix, pas celui de l'Etat.
- Depuis septembre 2007, les Réunionnais n'ont plus droit à l'aide au voyage prévu dans le cadre de la continuité territoriale. Quand va-t-elle reprendre et sous quelle forme ? Comment jugez-vous le refus de la Région d'entrer dans le GIP mis en place par l'Etat ?
C'est justement parce que la continuité territoriale ne fonctionnait pas de manière satisfaisante que le Gouvernement a décidé de réformer ce régime dans la loi pour le développement économique des outre-mer. Cette réforme a été conçue pour permettre une gestion concertée de ces aides entre l'Etat - qui, je le rappelle, finance ces dispositifs - et les collectivités. C'est tout le sens des groupements d'intérêt public prévus par la loi pour le développement économique des outre-mer. J'observe d'ailleurs qu'à aucun moment, ni au Sénat, ni à l'Assemblée nationale, ce mode d'association n'a été contesté. Je regrette qu'il le soit maintenant. Mais les circonstances ont sans doute changé. La loi prévoit que, si ces GIP ne peuvent être constitués, le Gouvernement définit par arrêté le mode d'organisation pour le territoire concerné. Vous le voyez, la loi a prévu cette situation de carence et donne à l'Etat les moyens de mettre en oeuvre cette politique. Mon objectif est de relancer cette politique dans tous les DOM en 2010.
- Yves Jégo a promis 50.000 billets par an à 440 euros HT. Le gouvernement tiendra-t-il cet engagement ?
Ma priorité est d'aboutir à une organisation efficace de la gestion de ce fonds, de la mise en oeuvre de ces aides. La LODEOM a fixé des critères et a défini un cadre global : nous devons maintenant le mettre en oeuvre pour que nos compatriotes qui en ont réellement besoin, qu'ils soient particuliers, étudiants ou en formation professionnelle, puissent bénéficier de cette aide à la mobilité. Les chiffres que vous citez illustrent cette orientation de la réforme voulue par le Gouvernement. Cela dit, les évaluations réalisées à un moment donné ne nous lient pas. Il y a une dotation globale et à l'intérieur, on peut faire jouer plusieurs critères : le nombre de bénéficiaires, le montant subventionné, la possibilité de cumuler plusieurs billets ou non.... L'essentiel est de coller au plus près des attentes de nos concitoyens. Ma position est de cibler l'aide sur ceux qui en ont le plus besoin, en calibrant bien les critères sociaux.
- La liste UMP que vous avez conduite aux européennes était arrivée en tête outre-mer. Prendrez-vous part à la campagne des régionales ?
Lorsque l'on est un responsable politique, on ne fuit pas le débat public. Je serai partie prenante aux élections régionales dans mon département d'origine ; ce qui ne veut pas dire tête de liste. Mon objectif aujourd'hui, c'est d'enrichir le débat avec mes convictions et ma sensibilité. Je pense préférable de permettre aux électeurs de faire leur choix entre plusieurs projets politiques. Mais tout cela se discute au sein de sa famille politique, en l'occurrence l'UMP, pour que les choix soient faits sereinement. C'est dans le rassemblement dès le premier tour que l'on se donne le maximum de chances de l'emporter.
Source http://www.outre-mer.gouv.fr, le 26 novembre 2009