Texte intégral
Q - Les tables rondes finales du Grenelle de la mer ont abouti en juillet dernier à la formulation dans un Livre bleu de 137 engagements couvrant 504 mesures très diverses. Comment les hiérarchiser ? Quelles sont les priorités ?
R - Je me méfie de la désignation de quelques priorités qui pourrait se solder par l'abandon des autres actions nécessaires. Dans cette affaire, je considère que tout est prioritaire, car les enjeux sont considérables. La mer constitue en effet le premier "potentiel de vie" de l'humanité, un potentiel alimentaire, médical, énergétique, scientifique, économique... Mais ce potentiel extraordinaire souffre d'un manque de connaissances scientifiques et il est menacé par des périls majeurs. Les émissions de gaz à effet de serre du transport maritime sont en train de dépasser celles du transport aérien, un déchet jeté à 300 kilomètres à l'intérieur des terres peut se retrouver entraîné en pleine mer à 300 milles de la côte, et l'on pourrait multiplier les exemples à l'infini. Deuxième pays maritime mondial grâce à l'étendue de sa zone économique exclusive et à sa présence sur tous les océans, la France a dans ce domaine une responsabilité particulière. Nous devons donc tout mettre en oeuvre pour préserver notre patrimoine maritime et en tirer au mieux tout son potentiel. Bien sûr, c'est une affaire de très longue haleine avec des actions relevant du court, du moyen et du long terme, mais la seule façon d'avancer est de prendre le dossier dans son ensemble.
Q - Où en est-on dans la mise en oeuvre de ces engagements ?
R - Le propre d'une démarche du type Grenelle, c'est que les parties concernées (Etat, élus, entreprises, syndicats, associations de protection de l'environnement) se mettent d'accord sur le niveau d'ambition le plus élevé acceptable par toutes. Concernant le Grenelle de la mer, cet objectif a ensuite été validé par le président de la République, dans son discours du 16 juillet dernier au Havre. Maintenant, place à la finalisation des modalités pour y parvenir. Nous avons crée une quinzaine de groupes de travail pour traiter de sujets aussi divers que le bateau du futur, le port du futur, la mise en place d'une filière pour le démantèlement des navires en fin de vie, les énergies marines ou encore l'évaluation de l'impact de l'extraction des matériaux marins, etc. En ce qui concerne la lutte contre la pollution, nous souhaitons ainsi pouvoir mettre au point un traceur contenu dans le carburant qui permettrait d'identifier les auteurs de dégazages sauvages en pleine mer. Nous avons également confié au député-maire de Pornic, Philippe Boënnec, et à Marie-Hélène Aubert, ancienne députée Verts au Parlement européen, une mission de réflexion sur la pêche en eaux profondes.
Q - A ce propos, vous aviez confié la présidence de cette mission à l'ancien ministre socialiste Louis Le Pensec. Mais il a démissionné, estimant que sa mission n'avait plus lieu d'être puisque la France militait à l'ONU en faveur d'une interdiction de cette pêche...
R - J'ai beaucoup d'estime pour Louis Le Pensec. Il y a simplement eu un malentendu entre nous. Un groupe de travail s'est mis en place et c'est là l'essentiel.
Pour en revenir à la mise en oeuvre des engagements du Grenelle, nous préparons donc avec nos collègues du gouvernement le Comité interministériel de la mer qui devrait se tenir avant la fin de l'année.
Q - Quel sera son ordre du jour ?
R - Le gros morceau sera l'adoption du Livre bleu de la stratégie nationale pour la mer, qui confirmera les engagements du Grenelle de la mer et proposera des thèmes qui n'ont pas été abordés dans le Grenelle, touchant par exemple à la Défense ou à l'organisation des différents services de l'Etat dans le domaine de la politique maritime, ainsi qu'à divers sujets internationaux.
Q - Va-t-on vers la création d'un corps de garde-côtes ?
R - C'est effectivement envisagé.
Q - La Polynésie française dispose d'un domaine maritime considérable, mais il n'y a qu'un bateau de guerre pour le surveiller.
R - Votre exemple est très pertinent. Je ne vois pas pour quel motif nous ne demanderions pas à tout navire entrant dans la zone de se déclarer avec ses motifs, sa destination, sa cargaison. Une fois qu'on a ces renseignements, il est bien plus facile d'agir efficacement que quand on se contente d'un contrôle a posteriori. On nous répond que cela poserait un tas de problèmes, mais le Chili le fait bien, lui ! Et avec des satellites en orbite autour de la Terre, on commence à pouvoir gérer l'aspect technique de la surveillance. Sinon, vous avez raison, un bâtiment pour surveiller une zone aussi gigantesque, cela n'a aucun sens.
Q - Faut-il taxer l'usage de la mer, alors que, dans le cadre de la convention internationale de Montego Bay, l'Organisation maritime internationale (OMI) pose le principe de la liberté de circulation en mer et donc de la gratuité ?
R - La question de la gratuité de tous les usages de la mer est posée et nous nous sommes engagés dans le Grenelle à mener cette réflexion d'ici à l'été prochain. Je ne préjuge pas des réponses. Mais plus globalement, la France souhaite davantage de régulation dans la haute mer, pour mieux lutter par exemple contre la pollution maritime ou la pêche illégale. S'il faut pour cela se battre pour une modification des règles mondiales de la gouvernance des mers, par exemple le statut ou la limite géographique des eaux internationales, eh bien nous nous battrons car, dans certains domaines, les cadres actuels des conventions internationales ne sont plus adaptés à la situation.
Q - Faut-il pour cela réformer l'OMI ?
R - Le fait qu'il y ait des zones de non-droit au milieu des océans alors que la mer est un bien commun de l'humanité pose une réelle question. Nous pensons que la planète a besoin d'une véritable ONU de la mer, une instance qui ne soit pas seulement l'organisation professionnelle des transports maritimes, mais un organisme mondial prenant en compte l'environnement de la mer et des océans dans toutes ses dimensions. Bien sûr, la tâche est gigantesque et il nous faudra trouver des alliés, mais je voyage beaucoup dans le monde et je me rends compte que sur ce type de sujets, les mentalités évoluent à une très grande vitesse.
J'ajoute que la France est désormais représentée à l'OMI par un ambassadeur et nous travaillons avec Bernard Kouchner pour leur adresser rapidement les instructions nécessaires.
Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 2 décembre 2009
R - Je me méfie de la désignation de quelques priorités qui pourrait se solder par l'abandon des autres actions nécessaires. Dans cette affaire, je considère que tout est prioritaire, car les enjeux sont considérables. La mer constitue en effet le premier "potentiel de vie" de l'humanité, un potentiel alimentaire, médical, énergétique, scientifique, économique... Mais ce potentiel extraordinaire souffre d'un manque de connaissances scientifiques et il est menacé par des périls majeurs. Les émissions de gaz à effet de serre du transport maritime sont en train de dépasser celles du transport aérien, un déchet jeté à 300 kilomètres à l'intérieur des terres peut se retrouver entraîné en pleine mer à 300 milles de la côte, et l'on pourrait multiplier les exemples à l'infini. Deuxième pays maritime mondial grâce à l'étendue de sa zone économique exclusive et à sa présence sur tous les océans, la France a dans ce domaine une responsabilité particulière. Nous devons donc tout mettre en oeuvre pour préserver notre patrimoine maritime et en tirer au mieux tout son potentiel. Bien sûr, c'est une affaire de très longue haleine avec des actions relevant du court, du moyen et du long terme, mais la seule façon d'avancer est de prendre le dossier dans son ensemble.
Q - Où en est-on dans la mise en oeuvre de ces engagements ?
R - Le propre d'une démarche du type Grenelle, c'est que les parties concernées (Etat, élus, entreprises, syndicats, associations de protection de l'environnement) se mettent d'accord sur le niveau d'ambition le plus élevé acceptable par toutes. Concernant le Grenelle de la mer, cet objectif a ensuite été validé par le président de la République, dans son discours du 16 juillet dernier au Havre. Maintenant, place à la finalisation des modalités pour y parvenir. Nous avons crée une quinzaine de groupes de travail pour traiter de sujets aussi divers que le bateau du futur, le port du futur, la mise en place d'une filière pour le démantèlement des navires en fin de vie, les énergies marines ou encore l'évaluation de l'impact de l'extraction des matériaux marins, etc. En ce qui concerne la lutte contre la pollution, nous souhaitons ainsi pouvoir mettre au point un traceur contenu dans le carburant qui permettrait d'identifier les auteurs de dégazages sauvages en pleine mer. Nous avons également confié au député-maire de Pornic, Philippe Boënnec, et à Marie-Hélène Aubert, ancienne députée Verts au Parlement européen, une mission de réflexion sur la pêche en eaux profondes.
Q - A ce propos, vous aviez confié la présidence de cette mission à l'ancien ministre socialiste Louis Le Pensec. Mais il a démissionné, estimant que sa mission n'avait plus lieu d'être puisque la France militait à l'ONU en faveur d'une interdiction de cette pêche...
R - J'ai beaucoup d'estime pour Louis Le Pensec. Il y a simplement eu un malentendu entre nous. Un groupe de travail s'est mis en place et c'est là l'essentiel.
Pour en revenir à la mise en oeuvre des engagements du Grenelle, nous préparons donc avec nos collègues du gouvernement le Comité interministériel de la mer qui devrait se tenir avant la fin de l'année.
Q - Quel sera son ordre du jour ?
R - Le gros morceau sera l'adoption du Livre bleu de la stratégie nationale pour la mer, qui confirmera les engagements du Grenelle de la mer et proposera des thèmes qui n'ont pas été abordés dans le Grenelle, touchant par exemple à la Défense ou à l'organisation des différents services de l'Etat dans le domaine de la politique maritime, ainsi qu'à divers sujets internationaux.
Q - Va-t-on vers la création d'un corps de garde-côtes ?
R - C'est effectivement envisagé.
Q - La Polynésie française dispose d'un domaine maritime considérable, mais il n'y a qu'un bateau de guerre pour le surveiller.
R - Votre exemple est très pertinent. Je ne vois pas pour quel motif nous ne demanderions pas à tout navire entrant dans la zone de se déclarer avec ses motifs, sa destination, sa cargaison. Une fois qu'on a ces renseignements, il est bien plus facile d'agir efficacement que quand on se contente d'un contrôle a posteriori. On nous répond que cela poserait un tas de problèmes, mais le Chili le fait bien, lui ! Et avec des satellites en orbite autour de la Terre, on commence à pouvoir gérer l'aspect technique de la surveillance. Sinon, vous avez raison, un bâtiment pour surveiller une zone aussi gigantesque, cela n'a aucun sens.
Q - Faut-il taxer l'usage de la mer, alors que, dans le cadre de la convention internationale de Montego Bay, l'Organisation maritime internationale (OMI) pose le principe de la liberté de circulation en mer et donc de la gratuité ?
R - La question de la gratuité de tous les usages de la mer est posée et nous nous sommes engagés dans le Grenelle à mener cette réflexion d'ici à l'été prochain. Je ne préjuge pas des réponses. Mais plus globalement, la France souhaite davantage de régulation dans la haute mer, pour mieux lutter par exemple contre la pollution maritime ou la pêche illégale. S'il faut pour cela se battre pour une modification des règles mondiales de la gouvernance des mers, par exemple le statut ou la limite géographique des eaux internationales, eh bien nous nous battrons car, dans certains domaines, les cadres actuels des conventions internationales ne sont plus adaptés à la situation.
Q - Faut-il pour cela réformer l'OMI ?
R - Le fait qu'il y ait des zones de non-droit au milieu des océans alors que la mer est un bien commun de l'humanité pose une réelle question. Nous pensons que la planète a besoin d'une véritable ONU de la mer, une instance qui ne soit pas seulement l'organisation professionnelle des transports maritimes, mais un organisme mondial prenant en compte l'environnement de la mer et des océans dans toutes ses dimensions. Bien sûr, la tâche est gigantesque et il nous faudra trouver des alliés, mais je voyage beaucoup dans le monde et je me rends compte que sur ce type de sujets, les mentalités évoluent à une très grande vitesse.
J'ajoute que la France est désormais représentée à l'OMI par un ambassadeur et nous travaillons avec Bernard Kouchner pour leur adresser rapidement les instructions nécessaires.
Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 2 décembre 2009