Texte intégral
J'étais ici vendredi pour parler de la politique industrielle, au Conseil compétitivité, pour envoyer un message fort portant sur notre demande d'une politique industrielle à l'échelle de l'Europe, notre exigence de réciprocité notamment sur l'accès aux marchés publics. Nous avons fait des annonces assez fortes, s'agissant de la demande d'une directive européenne qui traduise en droit européen l'accord OMC de 1994 sur l'accès aux marchés publics, d'une décision du gouvernement de prendre un décret pour permettre un jeu égal entre les marchés publics français et les marchés publics extérieurs. Tout cela parce qu'il y a eu une succession de choses, diverses d'ailleurs, dont l'affaire Opel, ce qui nous amène à dire qu'il faut que les règles soient équitables et que, maintenant que le Traité de Lisbonne est en place, le moment est venu de faire ; d'où mon slogan qui n'est pas "yes we can" mais "just do it" , ce qui est quand même ce qu'attendent les opinions publiques. On leur a parlé des institutions depuis 15 ans et, maintenant qu'on a les institutions, il s'agit de faire ; c'est aussi simple que cela. Vendredi je suis venu exprès pour dire que nous voulons une politique industrielle, une politique industrielle commune et nous voulons des règles du jeu équitables, l'Union européenne étant la zone économique la plus ouverte du monde. Il s'agit de ne plus nager dans la naïveté en ces matières, d'autant que je n'ai pas l'impression que l'on nous fasse des cadeaux particuliers. J'ai donné trois exemples en particulier où l'accès chez un certain nombre de concurrents n'est pas très facile.
Je suis donc revenu ce matin par le premier train pour, de façon symbolique mais aussi très politique, entourer, accompagner nos amis marocains qui sont engagés dans une relation que nous considérons comme très importante. C'est probablement le prototype des relations qu'il faudra dans les années qui viennent construire avec la périphérie sud de l'Europe. Le Maroc est engagé dans ce que nous avons appelé sous présidence française le "statut avancé", une gamme de partenariat qui consiste, si j'ose cette expression, à "brancher" le Maroc émergent, en développement, avec le maximum de structures économiques, politiques, européennes, de sorte qu'il se trouve hissé le plus possible au niveau de la rive Nord de la Méditerranée. Donc j'étais là, à côté de la future présidence espagnole, en présence de la Commission, de la Présidence et de toute une délégation interministérielle importante du Maroc pour dire à nos amis marocains que nous sommes avec eux, et puis dire aux amis européens aussi que nous tenons à ce partenariat comme pays fondateur de l'Union et comme pays très très proche depuis longtemps, depuis même avant la naissance de la communauté européenne, du Maroc, de son peuple, nous étions idéalement placés pour servir un peu de trait d'union.
Ensuite, j'ai assisté à un déjeuner PPE pour la première fois. Vous savez que pour des raisons qui lui appartiennent mon ami Bernard Kouchner ne participe pas, vous ne serez pas surpris, aux réunions du PPE. J'ai donc participé au déjeuner du PPE, fort utile d'ailleurs puisque nous avons parlé coordination politique entre nous sur un certain nombre de points, sur des points politiques importants, sur notre façon de regarder l'évolution de la mise en place du système de la politique étrangère de l'Union, qu'il s'agisse du service d'action extérieure, du rôle de Mme Ashton par rapport aux autres Commissaires chargés de l'international, du rôle du Parlement européen. Je retournerai avec le Premier ministre au PPE, jeudi, puisqu'il y a le congrès du PPE qui se tient à Bonn cette semaine.
Troisième épisode, si j'ose dire, avant le dîner avec Mme Ashton ce soir, si on y arrive parce qu'on est très en retard, le CAG avec un menu extrêmement chargé, des choses qui avaient déjà été traitées dans les différents Conseils ou comités sur la situation économique et financière, l'emploi. Je crois qu'il y a une convergence de travail qui a été réalisée ces derniers temps. Sur le climat, là aussi convergence, je ne suis pas allé à la conférence de presse que certains ministres tenaient avec le ministre danois parce que j'estimais que de toutes façons le vrai forum se discute à Copenhague, que Jean-Louis Boorlo y est déjà et quant à la position européenne, elle est arrêtée depuis le dernier Conseil.
Cet après-midi est important car nous avons traité des Balkans, de l'élargissement, nous ne sommes toujours pas arrivés à la Turquie et à Chypre. Il y a donc du travail, nous avons pris du retard.
Sur la Serbie, ce Conseil a été très satisfait de la coopération de la Serbie avec le TPIY. Dès lors, nous en avons tiré les conséquences politiques : l'accord intérimaire peut être appliqué et nous avons une clause de rendez-vous dans six mois s'agissant de la ratification de l'accord de stabilisation et d'association.
Sur la Croatie, en revanche, il semble que la coopération n'ait pas été optimale, du moins jusqu'au changement récent du gouvernement à Zagreb et là nous attendons, vous le verrez dans les conclusions telles qu'elles ont été modifiées, qu'un effort sérieux soit fait pour mettre la main sur toute une série de documents liés aux crimes de guerre qui ont été "égarés" ou détruits. Jusqu'à présent la Croatie n'a pas vraiment joué le jeu. Le procureur a demandé un effort supplémentaire ce qui se reflète dans les conclusions du Conseil.
Voilà où nous en sommes et, après, il y a le dîner avec Lady Ashton où il y a beaucoup de choses à se dire. Bernard Kouchner n'étant pas là ce soir je suis censé y participer. Il y a beaucoup de choses à dire notamment sur son rôle, son positionnement, la coordination de son action avec les autres Commissaires chargés de l'extérieur. C'est une discussion que j'attends avec intérêt. J'ai eu un contact très sympathique tout à l'heure avec elle. Une journée très chargée, vous le voyez bien, et qui n'est pas finie j'ai l'impression. Si vous avez des questions avant que j'y retourne.
Q - Cela veut dire qu'il ne faut rien attendre du prochain Conseil européen s'agissant de Copenhague ?
R - Non, je ne dis pas ça, je dis que les principes sont arrêtés à savoir que nous sommes leaders. Vous savez que l'essentiel est acté, c'est-à-dire les -20% en 2020, éventuellement plus si les autres partenaires prennent des engagements complémentaires mais les choses évoluent en permanence. C'est pour cela que je n'ai pas voulu faire de commentaire à la presse sur ces sujets alors que nous sommes ici à Bruxelles ; la négociation se déroule à Copenhague. La position américaine a beaucoup évolué ces dernières semaines, celle de la Chine aussi s'est améliorée. On peut avoir une nouvelle surprise et avoir des engagements plus importants, auquel cas l'Europe, qui a toujours été leader, pourrait mettre en oeuvre ce qu'elle a dit la dernière fois : -20% en 2020. Cela pourrait aller au-delà si les autres suivent, si j'ose dire.
Q - Y compris sur les chiffres, sur la fast track et la contribution européenne ?
R - Le chiffre commence à circuler, il sera je pense dans les conclusions du Conseil. Ce fameux chiffre de 10 milliards de dollars, vous le retrouverez dans les conclusions du Conseil. 7 milliards d'euros annuels de la communauté internationale en direction des pays du tiers-monde, mais pour le détail de comment c'est financé et la clé de répartition, voir Copenhague, ce n'est pas ici que cela se discute. Ici, on est au niveau de principes qui ont déjà été actés pour l'essentiel, pour donner naturellement un coup de main aux pays en développement, on était plutôt pilote par rapport aux autres grands p??les de développement économique dans les objectifs, il y a une clé de répartition basée sur les émissions, tout cela a été acté. Cela dépend de la contribution des autres, on ne la connaît pas encore, les gens se découvrent petit à petit. Au début, on était les seuls à avoir annoncé 20 puis les autres arrivent, il peut y avoir une bonne nouvelle. Il y a une semaine ou deux on pouvait être assez pessimiste, là il semble qu'il y ait une prise de conscience et le fait même qu'Obama vienne, moi je considère que c'est un succès que l'on peut attribuer bien sûr en partie au fait que du côté français on a protesté assez vigoureusement et publiquement. Mais je pense qu'au-delà des protestations françaises ou européennes, c'est surtout une prise de conscience, un peu partout, qui pèse sur la décision du président américain, y compris aux Etats-Unis. C'est cela la bonne nouvelle des dernières semaines, il faut espérer que cette tendance, ce mouvement continue.
Q - Qu'allez-vous dire à Mme Ashton ?
R - Lady Ashton est quelqu'un de parfaitement sympathique et efficace. J'en profite pour vous dire, parce qu'il est sorti des infos un peu curieuses ce matin dans le FT, que du côté français on joue le jeu, nous, de la politique extérieure de l'union, du Haut représentant, qu'il n'y a pas de réserve, au contraire. J'ai lu des choses sur les délégations, aucune n'est vraie. Nous jouerons pleinement le jeu, nous travaillons activement au Quai d'Orsay à la contribution et à l'influence française à l'intérieur du service d'action extérieure.
Q - Les ministres des Affaires étrangères sont-ils invités au dîner du conseil européen ?
R - J'ai cru comprendre que chez un certain nombre de ministres, il y a le "syndicat des ministres des Affaires étrangères" qui vit cela assez mal, pour certains d'entre eux, mais je crois comprendre que cela doit dépendre des systèmes constitutionnels et politiques. Je pense qu'en France la question n'est pas franchement discutable mais j'ai vu d'autres ministres des Affaires étrangères se raidir et même dire que si les ministres n'étaient pas présents le Conseil ne pouvaient pas se prononcer sur des questions de politique étrangère. Connaissant le président de la République, s'il a envie de s'emparer d'un sujet de politique étrangère je crois qu'il ne va pas demander la permission à son ministre des Affaires étrangères ou à son ministre des Affaires européennes, mais c'est vrai qu'il y a des cas de figure, des gouvernements de coalition où, la question n'est pas aussi évidente et où pour des raisons d'équilibre politique ou autre, il peut y avoir d'autres attitudes possibles. Pour l'instant le traité dit que seuls les chefs d'Etat sont membres, c'est l'application du traité, mais c'était amusant de voir, de noter chez un certain nombre de collègues la naissance d'un syndicat qui consiste à dire "pas sans nous".
Q - Partagez-vous les craintes que certains nombre d'Etats membres ne prêtent pas leurs moyens à l'action extérieure de l'Union européenne ?
R - En tout cas nous n'en faisons pas partie. Non, honnêtement, je n'ai pas vu ça, pas du tout, en tout cas pas chez les grands partenaires, ceux qui ont vraiment le réservoir, l'expérience historique en matière diplomatique ou stratégique et les moyens. Je n'ai pas senti que les gens disaient "non, on ne veut pas s'en occuper", au contraire.
Q - Le rôle de coordination de Mme Ashton
R - Je peux vous dire ce que j'ai toujours dit sur le sujet, ce n'est pas d'hier matin, c'est quand on a travaillé sur les premiers papiers d'options, c'est quand on a regardé de près ce que pourrait être ce service. Il est bien évident que la Haute représentante, puisque c'est une dame, son rôle va être de travailler à la fois en liaison avec les Etats, de coordonner l'action de l'Union avec l'action des Etats, ce qui n'était pas le cas précédemment, dans bien des crises et puis en même temps, elle est vice-présidente de la Commission. Alors après cela va dépendre du président de la Commission pour voir comment cela va se passer concrètement. Mais il y a le fait que l'action de la Haute représentante coordonne les différentes autres activités internationales de l'Union, cela va de l'aide au développement à la gestion des crises en passant par les négociations commerciales et d'autres choses encore.
Q - Cela veut dire quoi ? En Afghanistan par exemple ?
R - Je laisserai Mme Ashton expliquer, moi je ne suis pas là pour entrer dans le détail, je ne vais pas non plus définir son rôle à sa place. Elle est à la jonction entre la Commission et le Conseil. C'est un travail à la fois délicat et passionnant parce qu'elle va être à la fois une synthèse, un consensus entre les Etats, ce qui est aussi le travail du président du Conseil qui va devoir définir les grands sujets sur lesquels les chefs d'Etat et de gouvernement vont travailler. Mme Ashton va identifier les sujets avec les chefs d'Etat et, en même temps, s'assurer qu'au niveau de la Commission, notamment de l'argent de la Commission, la force de frappe financière de l'Union, elle est dans la Commission. Il y a aussi un consensus à bâtir avec le Parlement, donc c'est un travail très intéressant, très sensible. C'est à elle de le définir en liaison d'une part avec le Conseil, d'autre part avec M. Barroso. Vous n'êtes pas sans savoir que dans les couloirs cela s'agite beaucoup sur les dosages, les équilibrages entre les uns et les autres, c'est un moment très intéressant de ce point de vue.
Q - Vous voyez comment son rôle ?
R - Je ne suis pas à sa place, si j'étais à sa place je vous dirais comment je vois le rôle mais là je suis un représentant d'un Etat membre et encore pas le représentant le plus éminent loin de là. On est un Etat membre qui est favorable à voir émerger une politique commune qui joue le jeu. On l'a toujours dit depuis le début, il n'y a pas de rétention, ni de moyens, ni de quoi que ce soit, on aimerait que cela fonctionne, qu'il y ait une grande cohérence de l'ensemble des moyens de l'Union et qu'en même temps les Etat ne soient pas mis de côté, qu'on ne voit pas se renouveler ... Vous savez, j'ai vu tellement de choses curieuses par le passé, j'ai vu de l'argent européen déversé sur la Bosnie et le secrétaire d'Etat américain inaugurer l'aéroport de Sarajevo par exemple ; cela j'aimerais ne plus revoir. J'ai vu des Etats européens engagés dans la guerre en Afghanistan, de l'argent déversé des deux côtés de la montagne sans aucune coordination avec l'action des Etats ; ce serait bien que cela s'arrête. Si on arrive déjà à cela, ce serait bien. Idem, qu'on ait une vision à la fois politique et économique quand nous négocions le commerce avec la Chine parce que les négociations commerciales ne sont pas complètement sur une autre planète par rapport aux autres problématiques politiques avec la Chine. Il en va de même pour la Russie ; là-dessus, à chaque fois, la crédibilité de l'Union sera questionnée et donc son travail à elle sera très sensible.
Q - Que pouvez-vous nous dire du déjeuner avec le PPE ?
R - Pour nous, le PPE est un levier très important, ne serait-ce parce qu'il y a un Français qui dirige le groupe au Parlement européen, c'est Joseph Daul. Cela a donc eu une influence importante.
Q - Rôle des futures présidences tournantes ?
R - On est pour le traité, tout le traité, et rien que le traité. Vous savez comment cela se passe, la présidence stable plus le Haut représentant sur les affaires internationales signifie qu'on ne conserve la présidence tournante que sur les domaines techniques hors Affaires étrangères, les Affaires étrangères sont sous la responsabilité de Mme Ashton qui dirige le Conseil Affaires étrangères. Il y aura donc peut-être des ajustements pour la première présidence, à négocier avec la présidence sortante et la nouvelle. Les chefs d'Etat vont, j'imagine, parler de tout cela, mais la règle du traité est celle-là. Et nous sommes clairement en faveur de l'application du traité, il n'y a pas d'ambiguïté dans notre position.
Q - Sur le SEAE, notamment les activités consulaires ?
R - Vous avez raison, tout n'est pas acté, loin de là. De plus, on n'est pas dans un système qui va exister d'un moment à l'autre, demain matin, c'est quelque chose qui va monter en puissance. Nous travaillons en ce moment à la définition, comment cela va être organisé. Les Etats ont des propositions, M. Barroso a des propositions, Mme Ashton aussi. A un moment, il faudra, j'imagine, que les gens se parlent là-dessus.
Q - A quelle date ?
R - Nous y travaillons, nous travaillons avec les autres chancelleries. On essaye de se coordonner et, d'ailleurs, la réunion de ce soir avec Mme Ashton va essayer de confronter un peu les points de vue. Ensuite, il faudra voir M. Barroso. Bon, il y a les auditions, on a un peu le temps quand même, ce n'est pas l'affaire d'une semaine, il y a les fêtes, il y a les auditions au Parlement européen. Je pense que tout cela va monter progressivement en puissance à partir du début de l'année. C'est très intéressant, maintenant on est dans la phase technique de montage de ce que c'est que de fabriquer un service diplomatique. C'est intéressant mais tout n'est pas arrêté, loin de là. C'est très politique parce qu'il ne faut pas se tromper, parce que chacun veut exister. Le Parlement européen par exemple a déjà sorti un rapport dans lequel il veut contrôler le système, ce qui naturellement a déjà fait lever des boucliers chez nous et dans d'autres capitales. Cela risque au contraire de braquer les parlements nationaux, il faut donc que chacun trouve son rôle./.
Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 14 décembre 2009
Je suis donc revenu ce matin par le premier train pour, de façon symbolique mais aussi très politique, entourer, accompagner nos amis marocains qui sont engagés dans une relation que nous considérons comme très importante. C'est probablement le prototype des relations qu'il faudra dans les années qui viennent construire avec la périphérie sud de l'Europe. Le Maroc est engagé dans ce que nous avons appelé sous présidence française le "statut avancé", une gamme de partenariat qui consiste, si j'ose cette expression, à "brancher" le Maroc émergent, en développement, avec le maximum de structures économiques, politiques, européennes, de sorte qu'il se trouve hissé le plus possible au niveau de la rive Nord de la Méditerranée. Donc j'étais là, à côté de la future présidence espagnole, en présence de la Commission, de la Présidence et de toute une délégation interministérielle importante du Maroc pour dire à nos amis marocains que nous sommes avec eux, et puis dire aux amis européens aussi que nous tenons à ce partenariat comme pays fondateur de l'Union et comme pays très très proche depuis longtemps, depuis même avant la naissance de la communauté européenne, du Maroc, de son peuple, nous étions idéalement placés pour servir un peu de trait d'union.
Ensuite, j'ai assisté à un déjeuner PPE pour la première fois. Vous savez que pour des raisons qui lui appartiennent mon ami Bernard Kouchner ne participe pas, vous ne serez pas surpris, aux réunions du PPE. J'ai donc participé au déjeuner du PPE, fort utile d'ailleurs puisque nous avons parlé coordination politique entre nous sur un certain nombre de points, sur des points politiques importants, sur notre façon de regarder l'évolution de la mise en place du système de la politique étrangère de l'Union, qu'il s'agisse du service d'action extérieure, du rôle de Mme Ashton par rapport aux autres Commissaires chargés de l'international, du rôle du Parlement européen. Je retournerai avec le Premier ministre au PPE, jeudi, puisqu'il y a le congrès du PPE qui se tient à Bonn cette semaine.
Troisième épisode, si j'ose dire, avant le dîner avec Mme Ashton ce soir, si on y arrive parce qu'on est très en retard, le CAG avec un menu extrêmement chargé, des choses qui avaient déjà été traitées dans les différents Conseils ou comités sur la situation économique et financière, l'emploi. Je crois qu'il y a une convergence de travail qui a été réalisée ces derniers temps. Sur le climat, là aussi convergence, je ne suis pas allé à la conférence de presse que certains ministres tenaient avec le ministre danois parce que j'estimais que de toutes façons le vrai forum se discute à Copenhague, que Jean-Louis Boorlo y est déjà et quant à la position européenne, elle est arrêtée depuis le dernier Conseil.
Cet après-midi est important car nous avons traité des Balkans, de l'élargissement, nous ne sommes toujours pas arrivés à la Turquie et à Chypre. Il y a donc du travail, nous avons pris du retard.
Sur la Serbie, ce Conseil a été très satisfait de la coopération de la Serbie avec le TPIY. Dès lors, nous en avons tiré les conséquences politiques : l'accord intérimaire peut être appliqué et nous avons une clause de rendez-vous dans six mois s'agissant de la ratification de l'accord de stabilisation et d'association.
Sur la Croatie, en revanche, il semble que la coopération n'ait pas été optimale, du moins jusqu'au changement récent du gouvernement à Zagreb et là nous attendons, vous le verrez dans les conclusions telles qu'elles ont été modifiées, qu'un effort sérieux soit fait pour mettre la main sur toute une série de documents liés aux crimes de guerre qui ont été "égarés" ou détruits. Jusqu'à présent la Croatie n'a pas vraiment joué le jeu. Le procureur a demandé un effort supplémentaire ce qui se reflète dans les conclusions du Conseil.
Voilà où nous en sommes et, après, il y a le dîner avec Lady Ashton où il y a beaucoup de choses à se dire. Bernard Kouchner n'étant pas là ce soir je suis censé y participer. Il y a beaucoup de choses à dire notamment sur son rôle, son positionnement, la coordination de son action avec les autres Commissaires chargés de l'extérieur. C'est une discussion que j'attends avec intérêt. J'ai eu un contact très sympathique tout à l'heure avec elle. Une journée très chargée, vous le voyez bien, et qui n'est pas finie j'ai l'impression. Si vous avez des questions avant que j'y retourne.
Q - Cela veut dire qu'il ne faut rien attendre du prochain Conseil européen s'agissant de Copenhague ?
R - Non, je ne dis pas ça, je dis que les principes sont arrêtés à savoir que nous sommes leaders. Vous savez que l'essentiel est acté, c'est-à-dire les -20% en 2020, éventuellement plus si les autres partenaires prennent des engagements complémentaires mais les choses évoluent en permanence. C'est pour cela que je n'ai pas voulu faire de commentaire à la presse sur ces sujets alors que nous sommes ici à Bruxelles ; la négociation se déroule à Copenhague. La position américaine a beaucoup évolué ces dernières semaines, celle de la Chine aussi s'est améliorée. On peut avoir une nouvelle surprise et avoir des engagements plus importants, auquel cas l'Europe, qui a toujours été leader, pourrait mettre en oeuvre ce qu'elle a dit la dernière fois : -20% en 2020. Cela pourrait aller au-delà si les autres suivent, si j'ose dire.
Q - Y compris sur les chiffres, sur la fast track et la contribution européenne ?
R - Le chiffre commence à circuler, il sera je pense dans les conclusions du Conseil. Ce fameux chiffre de 10 milliards de dollars, vous le retrouverez dans les conclusions du Conseil. 7 milliards d'euros annuels de la communauté internationale en direction des pays du tiers-monde, mais pour le détail de comment c'est financé et la clé de répartition, voir Copenhague, ce n'est pas ici que cela se discute. Ici, on est au niveau de principes qui ont déjà été actés pour l'essentiel, pour donner naturellement un coup de main aux pays en développement, on était plutôt pilote par rapport aux autres grands p??les de développement économique dans les objectifs, il y a une clé de répartition basée sur les émissions, tout cela a été acté. Cela dépend de la contribution des autres, on ne la connaît pas encore, les gens se découvrent petit à petit. Au début, on était les seuls à avoir annoncé 20 puis les autres arrivent, il peut y avoir une bonne nouvelle. Il y a une semaine ou deux on pouvait être assez pessimiste, là il semble qu'il y ait une prise de conscience et le fait même qu'Obama vienne, moi je considère que c'est un succès que l'on peut attribuer bien sûr en partie au fait que du côté français on a protesté assez vigoureusement et publiquement. Mais je pense qu'au-delà des protestations françaises ou européennes, c'est surtout une prise de conscience, un peu partout, qui pèse sur la décision du président américain, y compris aux Etats-Unis. C'est cela la bonne nouvelle des dernières semaines, il faut espérer que cette tendance, ce mouvement continue.
Q - Qu'allez-vous dire à Mme Ashton ?
R - Lady Ashton est quelqu'un de parfaitement sympathique et efficace. J'en profite pour vous dire, parce qu'il est sorti des infos un peu curieuses ce matin dans le FT, que du côté français on joue le jeu, nous, de la politique extérieure de l'union, du Haut représentant, qu'il n'y a pas de réserve, au contraire. J'ai lu des choses sur les délégations, aucune n'est vraie. Nous jouerons pleinement le jeu, nous travaillons activement au Quai d'Orsay à la contribution et à l'influence française à l'intérieur du service d'action extérieure.
Q - Les ministres des Affaires étrangères sont-ils invités au dîner du conseil européen ?
R - J'ai cru comprendre que chez un certain nombre de ministres, il y a le "syndicat des ministres des Affaires étrangères" qui vit cela assez mal, pour certains d'entre eux, mais je crois comprendre que cela doit dépendre des systèmes constitutionnels et politiques. Je pense qu'en France la question n'est pas franchement discutable mais j'ai vu d'autres ministres des Affaires étrangères se raidir et même dire que si les ministres n'étaient pas présents le Conseil ne pouvaient pas se prononcer sur des questions de politique étrangère. Connaissant le président de la République, s'il a envie de s'emparer d'un sujet de politique étrangère je crois qu'il ne va pas demander la permission à son ministre des Affaires étrangères ou à son ministre des Affaires européennes, mais c'est vrai qu'il y a des cas de figure, des gouvernements de coalition où, la question n'est pas aussi évidente et où pour des raisons d'équilibre politique ou autre, il peut y avoir d'autres attitudes possibles. Pour l'instant le traité dit que seuls les chefs d'Etat sont membres, c'est l'application du traité, mais c'était amusant de voir, de noter chez un certain nombre de collègues la naissance d'un syndicat qui consiste à dire "pas sans nous".
Q - Partagez-vous les craintes que certains nombre d'Etats membres ne prêtent pas leurs moyens à l'action extérieure de l'Union européenne ?
R - En tout cas nous n'en faisons pas partie. Non, honnêtement, je n'ai pas vu ça, pas du tout, en tout cas pas chez les grands partenaires, ceux qui ont vraiment le réservoir, l'expérience historique en matière diplomatique ou stratégique et les moyens. Je n'ai pas senti que les gens disaient "non, on ne veut pas s'en occuper", au contraire.
Q - Le rôle de coordination de Mme Ashton
R - Je peux vous dire ce que j'ai toujours dit sur le sujet, ce n'est pas d'hier matin, c'est quand on a travaillé sur les premiers papiers d'options, c'est quand on a regardé de près ce que pourrait être ce service. Il est bien évident que la Haute représentante, puisque c'est une dame, son rôle va être de travailler à la fois en liaison avec les Etats, de coordonner l'action de l'Union avec l'action des Etats, ce qui n'était pas le cas précédemment, dans bien des crises et puis en même temps, elle est vice-présidente de la Commission. Alors après cela va dépendre du président de la Commission pour voir comment cela va se passer concrètement. Mais il y a le fait que l'action de la Haute représentante coordonne les différentes autres activités internationales de l'Union, cela va de l'aide au développement à la gestion des crises en passant par les négociations commerciales et d'autres choses encore.
Q - Cela veut dire quoi ? En Afghanistan par exemple ?
R - Je laisserai Mme Ashton expliquer, moi je ne suis pas là pour entrer dans le détail, je ne vais pas non plus définir son rôle à sa place. Elle est à la jonction entre la Commission et le Conseil. C'est un travail à la fois délicat et passionnant parce qu'elle va être à la fois une synthèse, un consensus entre les Etats, ce qui est aussi le travail du président du Conseil qui va devoir définir les grands sujets sur lesquels les chefs d'Etat et de gouvernement vont travailler. Mme Ashton va identifier les sujets avec les chefs d'Etat et, en même temps, s'assurer qu'au niveau de la Commission, notamment de l'argent de la Commission, la force de frappe financière de l'Union, elle est dans la Commission. Il y a aussi un consensus à bâtir avec le Parlement, donc c'est un travail très intéressant, très sensible. C'est à elle de le définir en liaison d'une part avec le Conseil, d'autre part avec M. Barroso. Vous n'êtes pas sans savoir que dans les couloirs cela s'agite beaucoup sur les dosages, les équilibrages entre les uns et les autres, c'est un moment très intéressant de ce point de vue.
Q - Vous voyez comment son rôle ?
R - Je ne suis pas à sa place, si j'étais à sa place je vous dirais comment je vois le rôle mais là je suis un représentant d'un Etat membre et encore pas le représentant le plus éminent loin de là. On est un Etat membre qui est favorable à voir émerger une politique commune qui joue le jeu. On l'a toujours dit depuis le début, il n'y a pas de rétention, ni de moyens, ni de quoi que ce soit, on aimerait que cela fonctionne, qu'il y ait une grande cohérence de l'ensemble des moyens de l'Union et qu'en même temps les Etat ne soient pas mis de côté, qu'on ne voit pas se renouveler ... Vous savez, j'ai vu tellement de choses curieuses par le passé, j'ai vu de l'argent européen déversé sur la Bosnie et le secrétaire d'Etat américain inaugurer l'aéroport de Sarajevo par exemple ; cela j'aimerais ne plus revoir. J'ai vu des Etats européens engagés dans la guerre en Afghanistan, de l'argent déversé des deux côtés de la montagne sans aucune coordination avec l'action des Etats ; ce serait bien que cela s'arrête. Si on arrive déjà à cela, ce serait bien. Idem, qu'on ait une vision à la fois politique et économique quand nous négocions le commerce avec la Chine parce que les négociations commerciales ne sont pas complètement sur une autre planète par rapport aux autres problématiques politiques avec la Chine. Il en va de même pour la Russie ; là-dessus, à chaque fois, la crédibilité de l'Union sera questionnée et donc son travail à elle sera très sensible.
Q - Que pouvez-vous nous dire du déjeuner avec le PPE ?
R - Pour nous, le PPE est un levier très important, ne serait-ce parce qu'il y a un Français qui dirige le groupe au Parlement européen, c'est Joseph Daul. Cela a donc eu une influence importante.
Q - Rôle des futures présidences tournantes ?
R - On est pour le traité, tout le traité, et rien que le traité. Vous savez comment cela se passe, la présidence stable plus le Haut représentant sur les affaires internationales signifie qu'on ne conserve la présidence tournante que sur les domaines techniques hors Affaires étrangères, les Affaires étrangères sont sous la responsabilité de Mme Ashton qui dirige le Conseil Affaires étrangères. Il y aura donc peut-être des ajustements pour la première présidence, à négocier avec la présidence sortante et la nouvelle. Les chefs d'Etat vont, j'imagine, parler de tout cela, mais la règle du traité est celle-là. Et nous sommes clairement en faveur de l'application du traité, il n'y a pas d'ambiguïté dans notre position.
Q - Sur le SEAE, notamment les activités consulaires ?
R - Vous avez raison, tout n'est pas acté, loin de là. De plus, on n'est pas dans un système qui va exister d'un moment à l'autre, demain matin, c'est quelque chose qui va monter en puissance. Nous travaillons en ce moment à la définition, comment cela va être organisé. Les Etats ont des propositions, M. Barroso a des propositions, Mme Ashton aussi. A un moment, il faudra, j'imagine, que les gens se parlent là-dessus.
Q - A quelle date ?
R - Nous y travaillons, nous travaillons avec les autres chancelleries. On essaye de se coordonner et, d'ailleurs, la réunion de ce soir avec Mme Ashton va essayer de confronter un peu les points de vue. Ensuite, il faudra voir M. Barroso. Bon, il y a les auditions, on a un peu le temps quand même, ce n'est pas l'affaire d'une semaine, il y a les fêtes, il y a les auditions au Parlement européen. Je pense que tout cela va monter progressivement en puissance à partir du début de l'année. C'est très intéressant, maintenant on est dans la phase technique de montage de ce que c'est que de fabriquer un service diplomatique. C'est intéressant mais tout n'est pas arrêté, loin de là. C'est très politique parce qu'il ne faut pas se tromper, parce que chacun veut exister. Le Parlement européen par exemple a déjà sorti un rapport dans lequel il veut contrôler le système, ce qui naturellement a déjà fait lever des boucliers chez nous et dans d'autres capitales. Cela risque au contraire de braquer les parlements nationaux, il faut donc que chacun trouve son rôle./.
Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 14 décembre 2009