Déclaration de Mme Rama Yade, secrétaire d'Etat aux sports, sur le rôle des futures Directions régionales de la jeunesse, des sports et de la cohésion sociale (DRJSCS), Paris le 10 novembre 2009.

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Circonstance : Séminaire des préfigurateurs des Directions régionales de la jeunesse, des sports et de la cohésion sociale (DRJSCS) à Paris le 10 novembre 2009

Texte intégral

Monsieur le Chef du service de l'inspection générale de la jeunesse et des sports, cher Hervé Canneva
Monsieur le Secrétaire général des ministères sociaux
Mesdames et messieurs les préfigurateurs,
Mesdames et messieurs les préfigurateurs,
Merci d'abord à vous de m'accueillir au sein de votre séminaire des préfigurateurs des directions régionales de la jeunesse, des sports et de la cohésion sociale.
Merci de me donner l'occasion de m'exprimer devant vous,
- pour vous dire tout ce que j'attends de vous, des nouvelles directions qui vont se mettre en place au 1ier janvier prochain,
- pour vous dire aussi en quoi vous pouvez comptez sur moi et les orientations que j'ai commencées à mettre en place s'agissant de la politique publique du sport.
Avant cela, je tiens à féliciter chacun d'entre vous : vous avez été choisis pour vos compétences, et le pronostic qui a été fait sur vos capacités à conduire cette réforme.
Certains de vos collègues DRASS ou DRJS n'ont pu être retenus comme préfigurateurs.
Je ne peux pas ne pas avoir une pensée pour eux : certes, et c'est une bonne chose, leur situation matérielle et financière est pour l'essentiel préservée. Mais nous devons, cher Jean-Marie BERTRAND être attentifs à nos anciens chefs de service et je sais qu'avec Michelle KIRRY, notre DRH, vous l'êtes.
Un mot enfin de bienvenu plus accentué à ceux d'entre vous qui sont issus du réseau DRASS : vous connaissez moins ce département ministériel chargé des sports : sa culture propre, ses réseaux et ses missions. Dites-vous que vos collègues jeunesse et sport se retrouvent dans la même situation s'agissant du vaste champ sanitaire et social !
Vous êtes tous préfigurateurs et le vivier dont vous êtes issus, à l'instant même de votre nomination, ne doit plus être un facteur discriminant, dans un sens comme dans l'autre.
Bienvenue donc à chacun et pleine réussite dans vos nouvelles responsabilités !
Vous en aurez besoin, car la réforme territoriale de l'Etat engagée est une réforme en profondeur.
Je ne vais pas, dans le temps qui m'est imparti ce matin, vous faire un discours de politique générale ; les débats budgétaires en cours auxquels je vous sais attentifs vous en donnent une première esquisse.
La Directive nationale d'orientation, sur laquelle les différents cabinets devraient se prononcer rapidement maintenant (N'est-ce pas, Monsieur le Secrétaire général ?) vous précisera les priorités à mettre en oeuvre s'agissant de la politique du sport. J'ai d'ailleurs en l'occasion, récemment à la Sorbonne de vous en préciser les contours.
En revanche, je voudrais mettre l'accent sur quelques aspects qui me semblent essentiels s'agissant de votre feuille de route, en tant que préfigurateurs.
1/ le premier concerne la question de l'articulation à réinventer entre le niveau départemental et régional. Certains d'entre vous étaient probablement de ceux qui pensaient que l'Etat, dans un contexte de raréfaction de ses moyens et notamment de ses ressources humaines, devaient se concentrer sur le niveau régional.
Tel n'a pas été le choix du gouvernement. Même si le niveau régional est affirmé comme le niveau de pilotage des politiques publiques, le niveau départemental, réorganisé en profondeur en deux ou trois directions à vocation interministérielle, tient une place importante dans la mise en oeuvre des politiques publiques de l'Etat.
Cette dimension de proximité est particulièrement déterminante dans la politique publique du sport: son efficacité repose pour beaucoup sur la qualité de l'accompagnement de nos services aux acteurs locaux, en particulier les responsables sportifs locaux et aux services des territoires.
Nous devons réussir cette dimension de la réforme territoriale, sauf à considérer que le rôle de l'Etat peut se limiter à un simple exercice de programmation de moyens au profit du mouvement sportif et au contrôle de leur bon usage.
La recherche de cette bonne articulation entre le niveau régional et le niveau départemental nous concerne tous :
-l'administration centrale d'abord. Car à quoi servirait-il d'affirmer l'intérêt d'un niveau et d'un autre, sans en tirer les conséquences en matière d'affectation des ressources humaines. On ne peut pas accepter aujourd'hui que dans une vingtaine de départements, les moyens humains ne permettent plus l'exercice des misions de services publics dans le domaine du sport.
Ne nous voilons pas la face : nous prendrions un grand risque pour l'avenir à faire la preuve qu'1/5ième des départements peuvent se dispenser de compétences d'intervention dans le champ du sport et que tout cela serait sans incidence...
C'est la raison pour laquelle j'ai souhaité que le déficit de ces départements en professeurs de sport ou en inspecteurs soit résorbé sans plus. L'ouverture d'un concours CAS et la possibilité de recruter si besoin est, dans les départements structurellement déficitaires par voie de détachement doivent être engagés dès 2010.
- de votre côté, vous devez prendre toute votre place dans cette réflexion : il n'est pas concevable que vous restiez simple spectateur de cette question d'affectation des ressources humaines des services, au sein des nouvelles configurations régionales et départementales.
Soyons imaginatifs et sans a priori. L'administration centrale doit vous associer : le dialogue de gestion ne peut se limiter à un simple exercice bilatéral saisonnier ; c'est un état d'esprit, de nouvelles relations entre le niveau central et les services déconcentrés qu'il convient d'instaurer.
2/ C'est bien là le second enjeu de la réforme territoriale de l'Etat et une condition de sa réussite.
Il faut aller jusqu'au bout de la logique de la réforme qui a positionné le niveau régional comme le dernier échelon de représentation de l'organisation des ministères et de leur périmètres.
A ce titre, vous êtes, vous devez vous considérer comme étant les émissaires en région des services centraux.
Les administrations centrales doivent probablement faire aussi leur mue et apprendre à mieux vous utiliser : vous n'êtes pas qu'un échelon de coordination et d'exécution des mesures décidées à Paris. Il vous revient aussi d'inspirer ces mesures, de les orienter dans leur application, en fonction de dynamiques territoriales évidement très variables selon les régions. L'administration centrale, le cabinet, la Ministre ont un impérieux besoin de vos éclairages, de vos mises en perspectives.
Soyez force de propositions, n'attendez-pas qu'on vous demande de rendre compte, prenez les devants. N'attendons pas l'arme au pied que des consultants externes viennent nous expliquent à nouveau des décisions prises à un niveau pourraient être mieux exercées à un autre...
A quoi servirait-il de disposer dans les régions d'une ressource humaine de qualité, d'une réelle capacité d'analyse et d'observation, si ce n'est pas pour la mettre au service de la conception de la politique publique dont il revient au ministre d'arrêter les grandes orientations.
La réforme, ce n'est pas un simple mécano. C'est une posture et un état d'esprit, pas un nouveau code de procédure.
La transversalité, la mutualisation, le partage d'expérience et d'expertise constituent les nouvelles frontières attendues des fonctionnaires de l'Etat, et singulièrement des fonctionnaires exerçant les plus hautes responsabilités. Ce n'est donc pas maintenant qu'il convient de figer les compétences et les logiques de coopération entre tous ceux qui, au niveau du territoire régional concourent à la politique publique du sport.
A L'HEURE DES EQUIPES PROJETS, DES COMPETENCES ET DES INTELLIGENCES COLLECTIVES, IL FAUDRA NOUS GARDER D'UN EMIETTEMENT DANS LA GESTION DE CES RESSOURCES HUMAINES. Le niveau régional, dans ses responsabilités réaffirmées et accentuées de pilotage des politiques publiques, demeure probablement le bon échelon de gestion de ces équipes techniques régionales.
Aujourd'hui les inspecteurs, les professeurs de sports ne sont plus des gestionnaires de projets : ce sont des ingénieurs de l'accompagnement, à même de proposer une expertise pointue dans un domaine ou un autre. Mais, tous les domaines ne pouvant être couverts au sein d'un même département, notamment dans les plus petits, il faudra bien organiser, mutualiser et diffuser cette expertise, depuis le niveau régional. L'obligation d'un égal accès à l'expertise et à l'ingénierie de développement sur tout le territoire régionale nous obligera, vous obligera à rechercher de tels formats de gestion des ressources humaines disponibles.
Il vous revient, ainsi qu'aux préfets, de définir l'articulation à créer entre le niveau régional et le niveau départemental, non pas de façon bureaucratique et dogmatique, mais en références à la politique du sport et aux dynamiques territoriales.
C'est par cette nouvelle approche à double sens entre le national et le territorial qu'on mettra un terme à un dangereux décrochage entre le central et le local. Ce décrochage est non seulement source de gâchis et d'inefficacité de l'action de l'Etat. Mais il contribue à entretenir l'idée d'un Etat loin du citoyen et du quotidien.
Je n'attache pas plus d'importance qu'il n'en faut aux sondages.
Je suis cependant troublée par une récente enquête de l'IFOP auprès des fonctionnaires de catégorie A des 3 fonctions publiques. A la question sur l'adaptation des périmètres des nouvelles directions régionales, 42% seulement des cadres interrogés déclarent les trouver adaptés s'agissant des DRJSCS. Le score le plus faible avec celui des directions régionales des entreprises, de la concurrence, de la consommation du travail et de l'emploi. Si les cadres de l'Administration ne perçoivent pas clairement les misions de nos nouveaux services, interrogeons-nous sur la perception de nos usagers et partenaires.
Tout cela me conforte dans ma conviction : de grandes réformes comme celle en cours doivent être expliquées, aux personnels des services évidement et c'est la raison pour laquelle j'attache une si grande importance au dialogue social interne, avec les organisations syndicales représentatives, mais aussi, car cela n'est pas exclusif, dans le management de vos équipes au quotidien, S'il y a bien un domaine ou vous ne devez pas déléguer, reléguer vos responsabilités, c'est bien celui des relations et du climat social interne.
3/ Enfin, la réforme de l'administration territoriale de l'Etat, ne peut être isolée, s'agissant des évolutions des politiques publiques qu'elle sous-tend, de l'autre chantier que le président de la république a décidé d'ouvrir, celui de la réforme des collectivités.
La-encore, soyez assurés de ma conviction et de ma volonté : le sport ne peut être à l'écart du débat qui va s'ouvrir sur les compétences des collectivités.
Je suis déjà intervenue auprès du Ministre de l'Intérieur sur la question cruciale des financements croisés en matière d'investissements sportifs, notamment pour les équipements structurant qui ne répondent pas aux seuls besoins de la population de la commune d'implantation: pourquoi faudrait-il faire payer au contribuable local un équipement répondant aussi aux besoins du département ou de toute une région ?
Mais la question du rôle des collectivités dans le domaine du sport ne se limite pas, loin de là, aux seuls financements croisés.
J'ai besoin, au travers de votre connaissance du terrain local, de votre approche des différents enjeux des politiques sportives au niveau territorial que vous m'éclairiez.
Le choix final qui sera fait ne saurait être ni dogmatique, ni simplement technique, parce que au travers du sport , et vous le savez mieux que quiconque, c'est une dimension forte de la vie sociale qui se joue, pour une grande part de la population, et sur tout les territoires.
Autant je suis vigilante pour que le sport soit reconnu pour ses propres valeurs, autant cette affirmation n'est en rien contradictoire avec le fait que le sport demeure un vecteur majeur d'une politique de cohésion sociale et de protection des populations.
Je ne doute pas que vous partagiez cette conviction avec moi.
Soyez assurés de mon soutien, de votre écoute.Source http://construisonsensemble.org, le 20 novembre 2009