Texte intégral
1999, une année européenne
Chers amis,
Jai souhaité, à loccasion de ma visite à Troyes, venir vous rencontrer et dialoguer avec vous sur les questions européennes, en cette année 1999 qui est, à plus dun titre, une importante année européenne.
Je suis particulièrement heureux de pouvoir le faire dans ces locaux, presque neufs, de lUniversité de Technologie de Troyes, dont la création doit beaucoup, non seulement à laction déterminée des élus locaux et des gouvernements successifs qui ont soutenu le projet, mais aussi, pour partie, à lEurope.
En effet, comme vous le savez certainement, lUnion européenne a apporté, à travers les fonds structurels communautaires, une contribution financière non négligeable à la réalisation de cette Université, de lordre de 40 millions de francs au total, tant pour ce qui concerne les bâtiments de lUTT que pour leur équipement.
Cela me paraît une bonne illustration de ce que lEurope peut faire concrètement, au service de ses citoyens : de ses jeunes étudiants, tout dabord, en favorisant la création de structures comme celle-ci ; mais, plus globalement, au service de tous les habitants dun territoire, tant il est clair que lUTT va aussi permettre la modernisation, la dynamisation dun tissu industriel local important, mais qui a encore besoin de mieux sadapter au monde qui lentoure, et qui ne pourra le faire que grâce à lapport de compétences et de matière grise que vous représentez.
Avant de pouvoir converser plus informellement avec vous, je voudrais dire quelques mots sur les principales échéances de cette année et dégager quelques pistes de réflexion sur lEurope du siècle prochain, en évoquant successivement trois thèmes :
1) le Kosovo, ou le défi de la paix et de la sécurité en Europe ;
2) leuro, ou le défi dune Europe de la croissance et de lemploi ;
3) le traité dAmsterdam et la question institutionnelle, ou le défi dune Europe politique et démocratique, prête pour lélargissement à lEst.
1) Je voudrais, tout dabord, évoquer la crise au Kosovo, qui pose le défi dune Europe de la paix et de la sécurité.
La crise au Kosovo nous interpelle tous. A la base de notre engagement européen, il y a la volonté de faire progresser la paix et la démocratie sur notre continent. Or, si la démocratie a progressé partout en Europe, dans lex-Yougoslavie, depuis près de dix ans, on bafoue les libertés individuelles, on mène des politiques de violence et dexactions. Le régime de Belgrade est à lopposé de nos valeurs.
Il faut bien comprendre que construire lEurope démocratique et de progrès, ce que limmense majorité des Européens souhaitent, passe par un règlement durable du foyer de tension des Balkans. A partir du moment où tous les efforts en vue de parvenir à un règlement diplomatique avaient échoué, du fait des autorités serbes, notamment pendant la conférence de Rambouillet, il fallait agir.
Certes, la décision de recourir à la force est toujours difficile à prendre. Elle comporte des risques. Elle était pourtant inévitable, pour faire face à la politique dépuration ethnique menée par Milosevic. Elle est dirigée contre un régime, pas contre un pays, encore moins contre le peuple serbe.
Les bombardements aériens ont déjà causé des dommages significatifs aux forces de répression serbes. Il faut les poursuivre. Je voudrais dire à ce sujet quil est faux de dire, comme certains, que laction de lOTAN a provoqué le drame humanitaire. Celui-ci avait malheureusement commencé depuis des mois : exactions, massacres, déportations. Il était programmé par Belgrade et avait commencé à être exécuté. Ses auteurs devront dailleurs en répondre devant la justice internationale.
Je veux insister également sur le fait que ceux qui sont aujourdhui, souvent sincèrement, hostiles aux frappes, au nom de la paix, se trompent : ne rien faire, ce nétait pas garantir la paix, cétait laisser Milosevic faire la guerre à la population civile du Kosovo.
Nous devons donc faire bloc et appuyer laction menée actuellement, parce quelle est la seule de nature à contraindre Milosevic à accepter un Kosovo en paix, au sein duquel tous les habitants, quelle que soit leur appartenance ethnique ou religieuse, puissent vivre en sécurité.
La France a bien souligné quà tout moment, le régime serbe pouvait faire cesser les frappes en acceptant un règlement politique. Ceci reste valable aujourdhui et passe par les cinq conditions mises au point par la France et reprises par lONU :
1. larrêt des offensives et de la répression serbe ;
2. le retrait des troupes serbes du Kosovo ;
3. lacceptation du retour des populations déplacées et réfugiées ;
4. lacceptation du cadre de règlement politique fondé sur les Accords de Rambouillet ;
5. lacceptation du déploiement dune force de sécurité internationale pour vérifier la mise en oeuvre des Accords et la sécurité des populations.
Je voudrais dire un dernier mot sur le rôle de lEurope dans cette crise, là aussi pour aller contre certaines idées reçues. Les pays européens ont joué un rôle essentiel dans la recherche dune solution diplomatique, notamment à Rambouillet. Les membres européens de lOTAN jouent tout leur rôle dans la phase militaire actuelle.
Il est vrai, pour autant, que cette crise doit inciter lEurope à renforcer ses efforts en vue dune défense commune. Il ne faut plus que lEurope ait seulement le choix entre agir avec lOTAN ou ne rien faire.
A court terme, il faut que lUnion européenne joue le rôle central dans la recherche dune sortie de la crise et dans la gestion de laprès-crise, pour contribuer à létablissement dune sécurité durable dans la région des Balkans.
Il faudra ensuite avancer de façon décisive vers la mise en place dune réelle capacité militaire commune pour que lEurope puisse prendre en main de façon plus autonome son destin.
2) Nous devons ensuite relever le défi de leuro, en faire linstrument dune Europe de la croissance et de lemploi.
Je nai pas besoin de vous le rappeler, nous sommes entrés, avec une grande réussite sur le plan technique, dans lère de leuro le 1er janvier.
Mais nous ne pouvons pas nous contenter de ce succès. Pour nous, en effet, leuro est un instrument. Il doit être au service de la croissance et de lemploi. Je pense que, - en grande partie grâce à la volonté politique du gouvernement français depuis juin 1997 - nous sommes parvenus à leuro dans des conditions qui rendent cette ambition réaliste : un euro qui na pas laissé de côté les pays du Sud - lItalie, lEspagne, le Portugal -, une autorité politique -le Conseil de leuro - face à la Banque centrale européenne et une direction claire vers la croissance et lemploi.
Tout dabord, la croissance. Rien ne serait plus dangereux quune coïncidence entre lentrée en vigueur de leuro et un affaiblissement de la croissance.
La monnaie unique avait commencé à montrer, lannée dernière, un peu par anticipation, sa capacité à protéger lEurope des crises monétaires en Asie, en Russie, en Amérique latine. Elle doit maintenant le confirmer, alors que ces menaces de crise financière ne sont pas totalement éloignées.
Il sagit ensuite pour le Conseil de leuro, dont nous devons largement la création à Dominique Strauss-Kahn, dêtre capable de garantir que les politiques économiques resteront tournées vers le soutien à la croissance. Je constate que de plus en plus de pays reconnaissent aujourdhui la nécessité dune autorité de politique économique, une sorte de « gouvernement économique » européen. Le Conseil de leuro devrait donc trouver toute sa place au cours des prochains mois.
Cette croissance, que leuro peut nous permettre de consolider, devra être mise au service de lemploi. Car une chose est sûre : tant que, dans lEurope de leuro, il y aura 16 millions de chômeurs, la monnaie unique aura beau faire lunanimité, ou presque, du monde économique et financier, elle ne pourra totalement convaincre les citoyens de son utilité.
Laction du gouvernement de Lionel Jospin, en près de deux ans, a commencé à porter ses fruits. Le nombre de chômeurs a baissé de plus de 200.000 et est aujourdhui revenu à son niveau de 1993. Le chômage des jeunes a particulièrement reculé.
Mais laction doit être désormais menée à léchelle européenne. Les objectifs fixés fin 1997, lors du sommet spécial consacré à lemploi, à Luxembourg, doivent être poursuivis. Ils concernent la réduction du chômage des jeunes, du chômage de longue durée, laugmentation de leffort de formation des demandeurs demploi.
Nous devons, cette année, mettre en oeuvre le « pacte européen pour lemploi », décidé par les chefs dEtat et de gouvernement en décembre dernier, avec des objectifs chiffrés de lutte contre le chômage pour chacun des Etats membres. Je souhaite que les partenaires sociaux européens, syndicats et patronat, soient associés étroitement à son élaboration et à sa mise en oeuvre.
Dune façon plus générale, nous voulons avancer de façon décisive vers lEurope sociale. Nous devons promouvoir notre conception dune société qui combine le mieux possible lefficacité de léconomie et la cohésion sociale, car je suis convaincu que cest cette recherche permanente qui fait la spécificité de lEurope par rapport aux autres sociétés industrialisées. LEurope doit être un modèle social, alors quelle inspire encore souvent, des craintes dun nivellement par le bas.
Nous avons proposé à nos partenaires européens plusieurs thèmes de réflexion : lorganisation et la réduction de la durée du travail, le principe dun salaire minimum dans chaque Etat, lélaboration de conventions collectives européennes. Cest pourquoi nous oeuvrons également à la mise en place dun véritable dialogue social à léchelle européenne, qui est encore balbutiant.
3. Enfin, le troisième jalon de cette année européenne, cest le Traité dAmsterdam et les problèmes institutionnels de lUnion, qui nous ramènent au défi de lEurope politique et démocratique, une Europe prête à sagrandir à 25 ou 30 Etats membres, au siècle prochain.
Après le vote du Parlement sur sa ratification, le Traité dAmsterdam entrera en vigueur le 1er mai prochain. Parallèlement, le Conseil européen de Berlin a désigné M. Romano Prodi comme prochain président de la Commission européenne, à la suite de la démission collective de la Commission présidée par Jacques Santer.
Ces deux événements ramènent à une même question, celle des moyens et des ambitions que lEurope doit se donner pour affronter les défis du siècle prochain et, en premier lieu, celui de lélargissement vers les pays dEurope centrale et orientale.
En effet, le Traité dAmsterdam, qui modifie le Traité de Maastricht, tout en étant un traité utile, notamment pour lEurope sociale, pour lEurope de la justice et de la sécurité, comporte une lacune majeure, puisque quil ne réforme pas les institutions comme cela aurait été et demeure nécessaire, notamment avant les nouvelles adhésions.
La crise de la Commission, marquée par la démission collective de ses membres, pour la première fois, en mars dernier, a confirmé la nécessité dune réforme. En effet, au delà de la situation personnelle de tel ou tel Commissaire européen, cest bien le fonctionnement général de la Commission qui a été remis en cause par le rapport du comité dexperts indépendants.
Or il est clair quil ny aura pas dEurope forte avec des institutions faibles. Nous devons donc entamer ce travail de réforme dès maintenant, en espérant aboutir à la fin de lannée prochaine, quand la France assurera la Présidence semestrielle de lUnion.
Pour accroître lefficacité des institutions, il faudra donc une Commission européenne plus efficace, qui fonctionne de façon plus collégiale, qui joue mieux son rôle dimpulsion politique. Je fais pleinement confiance au futur président, Romano Prodi, pour contribuer à ce travail nécessaire.
Des institutions plus efficaces, cela veut dire également revoir le fonctionnement du Conseil des ministres européens, avec notamment la généralisation du vote à la majorité qualifiée, au lieu de devoir prendre la plupart des décisions à lunanimité.
Une Europe démocratique et efficace, ce doit être enfin un Parlement européen fort. Des progrès ont été faits dans le Traité dAmsterdam, mais il faut aller plus loin, ce qui suppose également une réforme du mode de scrutin, notamment en France, afin que les députés européens soient plus proches de leurs électeurs. Je saisis cette occasion pour vous dire mon espoir que les élections européennes du 13 juin prochain - autre grand rendez-vous de cette année - soient loccasion, peut-être pour la première fois, dun véritable débat européen.
Car lenjeu est bien, selon moi, lapparition dun véritable espace politique européen, avec ses acteurs, ses règles du jeu, ses événements. Ainsi, lEurope commencera à acquérir une existence concrète aux yeux de ses citoyens, et ne se résumera plus à sa dimension commerciale et monétaire.
Ces réformes seront nécessaires avant lélargissement à lEst, mais je veux insister sur le fait que cet élargissement est avant tout une chance pour la paix en Europe. Ce sera une chance pour les pays candidats, qui nous rejoindront dans quelques années, et pourront ainsi rattraper le retard dû aux années disolement de la guerre froide, mais aussi pour les actuels Etats membres, car lEurope réunifiée pourra être plus puissante, plus efficace.
Avant de dialoguer avec vous, je ne voudrais pas terminer sans évoquer un sujet qui mest cher, et qui doit aussi vous être cher, qui est de celui de lEurope de lEducation ou, plus globalement, de lEurope du savoir.
En effet, pour faire face à la mondialisation de léconomie, pour préserver son modèle social et profiter pleinement de ses richesses intellectuelles, culturelles et scientifiques, au bénéfice de tous, lEurope doit mieux exister dans ce domaine. Pour avancer dans cette voie, il me paraît nécessaire de mobiliser lensemble des acteurs concernés : Institutions communautaires, Etats membres, Régions, Universités.
Jai proposé pour cela de reprendre la démarche retenue au milieu des années 1980, lorsque les Européens ont décidé la liberté de circulation des marchandises : lActe unique européen a fixé un programme, un calendrier et une date butoir, le 1er janvier 1993, pour lentrée en vigueur du Marché unique.
Nous pourrions, de la même manière, nous donner pour objectif quau 1er janvier 2005, par exemple, la liberté de circulation et détablissement des élèves, des étudiants, des diplômés, des professeurs et des chercheurs, ainsi que la possibilité de se former, en Europe, tout au long de la vie, soit devenue une réalité, grâce à la mise en oeuvre de ce que jai appelé, par simple référence au précédent des années 80, un « Acte unique de la Connaissance ». Il me paraissait utile de vous informer de ce projet, qui peut aussi être le vôtre. Je vous invite, en tout cas, à vous en saisir.
Vous le voyez, à travers les thèmes que je viens dévoquer, le tournant du siècle est également un tournant pour lEurope. Une telle occasion ne se représentera peut-être pas de pouvoir façonner ainsi notre continent. Jespère que vous en serez les acteurs enthousiastes.
Je vous remercie de votre attention. Je suis maintenant à votre disposition pour répondre aux questions que vous voudriez me poser./.
(Source http ://www.diplomatie.gouv.fr, le 29 avril 1999)
Chers amis,
Jai souhaité, à loccasion de ma visite à Troyes, venir vous rencontrer et dialoguer avec vous sur les questions européennes, en cette année 1999 qui est, à plus dun titre, une importante année européenne.
Je suis particulièrement heureux de pouvoir le faire dans ces locaux, presque neufs, de lUniversité de Technologie de Troyes, dont la création doit beaucoup, non seulement à laction déterminée des élus locaux et des gouvernements successifs qui ont soutenu le projet, mais aussi, pour partie, à lEurope.
En effet, comme vous le savez certainement, lUnion européenne a apporté, à travers les fonds structurels communautaires, une contribution financière non négligeable à la réalisation de cette Université, de lordre de 40 millions de francs au total, tant pour ce qui concerne les bâtiments de lUTT que pour leur équipement.
Cela me paraît une bonne illustration de ce que lEurope peut faire concrètement, au service de ses citoyens : de ses jeunes étudiants, tout dabord, en favorisant la création de structures comme celle-ci ; mais, plus globalement, au service de tous les habitants dun territoire, tant il est clair que lUTT va aussi permettre la modernisation, la dynamisation dun tissu industriel local important, mais qui a encore besoin de mieux sadapter au monde qui lentoure, et qui ne pourra le faire que grâce à lapport de compétences et de matière grise que vous représentez.
Avant de pouvoir converser plus informellement avec vous, je voudrais dire quelques mots sur les principales échéances de cette année et dégager quelques pistes de réflexion sur lEurope du siècle prochain, en évoquant successivement trois thèmes :
1) le Kosovo, ou le défi de la paix et de la sécurité en Europe ;
2) leuro, ou le défi dune Europe de la croissance et de lemploi ;
3) le traité dAmsterdam et la question institutionnelle, ou le défi dune Europe politique et démocratique, prête pour lélargissement à lEst.
1) Je voudrais, tout dabord, évoquer la crise au Kosovo, qui pose le défi dune Europe de la paix et de la sécurité.
La crise au Kosovo nous interpelle tous. A la base de notre engagement européen, il y a la volonté de faire progresser la paix et la démocratie sur notre continent. Or, si la démocratie a progressé partout en Europe, dans lex-Yougoslavie, depuis près de dix ans, on bafoue les libertés individuelles, on mène des politiques de violence et dexactions. Le régime de Belgrade est à lopposé de nos valeurs.
Il faut bien comprendre que construire lEurope démocratique et de progrès, ce que limmense majorité des Européens souhaitent, passe par un règlement durable du foyer de tension des Balkans. A partir du moment où tous les efforts en vue de parvenir à un règlement diplomatique avaient échoué, du fait des autorités serbes, notamment pendant la conférence de Rambouillet, il fallait agir.
Certes, la décision de recourir à la force est toujours difficile à prendre. Elle comporte des risques. Elle était pourtant inévitable, pour faire face à la politique dépuration ethnique menée par Milosevic. Elle est dirigée contre un régime, pas contre un pays, encore moins contre le peuple serbe.
Les bombardements aériens ont déjà causé des dommages significatifs aux forces de répression serbes. Il faut les poursuivre. Je voudrais dire à ce sujet quil est faux de dire, comme certains, que laction de lOTAN a provoqué le drame humanitaire. Celui-ci avait malheureusement commencé depuis des mois : exactions, massacres, déportations. Il était programmé par Belgrade et avait commencé à être exécuté. Ses auteurs devront dailleurs en répondre devant la justice internationale.
Je veux insister également sur le fait que ceux qui sont aujourdhui, souvent sincèrement, hostiles aux frappes, au nom de la paix, se trompent : ne rien faire, ce nétait pas garantir la paix, cétait laisser Milosevic faire la guerre à la population civile du Kosovo.
Nous devons donc faire bloc et appuyer laction menée actuellement, parce quelle est la seule de nature à contraindre Milosevic à accepter un Kosovo en paix, au sein duquel tous les habitants, quelle que soit leur appartenance ethnique ou religieuse, puissent vivre en sécurité.
La France a bien souligné quà tout moment, le régime serbe pouvait faire cesser les frappes en acceptant un règlement politique. Ceci reste valable aujourdhui et passe par les cinq conditions mises au point par la France et reprises par lONU :
1. larrêt des offensives et de la répression serbe ;
2. le retrait des troupes serbes du Kosovo ;
3. lacceptation du retour des populations déplacées et réfugiées ;
4. lacceptation du cadre de règlement politique fondé sur les Accords de Rambouillet ;
5. lacceptation du déploiement dune force de sécurité internationale pour vérifier la mise en oeuvre des Accords et la sécurité des populations.
Je voudrais dire un dernier mot sur le rôle de lEurope dans cette crise, là aussi pour aller contre certaines idées reçues. Les pays européens ont joué un rôle essentiel dans la recherche dune solution diplomatique, notamment à Rambouillet. Les membres européens de lOTAN jouent tout leur rôle dans la phase militaire actuelle.
Il est vrai, pour autant, que cette crise doit inciter lEurope à renforcer ses efforts en vue dune défense commune. Il ne faut plus que lEurope ait seulement le choix entre agir avec lOTAN ou ne rien faire.
A court terme, il faut que lUnion européenne joue le rôle central dans la recherche dune sortie de la crise et dans la gestion de laprès-crise, pour contribuer à létablissement dune sécurité durable dans la région des Balkans.
Il faudra ensuite avancer de façon décisive vers la mise en place dune réelle capacité militaire commune pour que lEurope puisse prendre en main de façon plus autonome son destin.
2) Nous devons ensuite relever le défi de leuro, en faire linstrument dune Europe de la croissance et de lemploi.
Je nai pas besoin de vous le rappeler, nous sommes entrés, avec une grande réussite sur le plan technique, dans lère de leuro le 1er janvier.
Mais nous ne pouvons pas nous contenter de ce succès. Pour nous, en effet, leuro est un instrument. Il doit être au service de la croissance et de lemploi. Je pense que, - en grande partie grâce à la volonté politique du gouvernement français depuis juin 1997 - nous sommes parvenus à leuro dans des conditions qui rendent cette ambition réaliste : un euro qui na pas laissé de côté les pays du Sud - lItalie, lEspagne, le Portugal -, une autorité politique -le Conseil de leuro - face à la Banque centrale européenne et une direction claire vers la croissance et lemploi.
Tout dabord, la croissance. Rien ne serait plus dangereux quune coïncidence entre lentrée en vigueur de leuro et un affaiblissement de la croissance.
La monnaie unique avait commencé à montrer, lannée dernière, un peu par anticipation, sa capacité à protéger lEurope des crises monétaires en Asie, en Russie, en Amérique latine. Elle doit maintenant le confirmer, alors que ces menaces de crise financière ne sont pas totalement éloignées.
Il sagit ensuite pour le Conseil de leuro, dont nous devons largement la création à Dominique Strauss-Kahn, dêtre capable de garantir que les politiques économiques resteront tournées vers le soutien à la croissance. Je constate que de plus en plus de pays reconnaissent aujourdhui la nécessité dune autorité de politique économique, une sorte de « gouvernement économique » européen. Le Conseil de leuro devrait donc trouver toute sa place au cours des prochains mois.
Cette croissance, que leuro peut nous permettre de consolider, devra être mise au service de lemploi. Car une chose est sûre : tant que, dans lEurope de leuro, il y aura 16 millions de chômeurs, la monnaie unique aura beau faire lunanimité, ou presque, du monde économique et financier, elle ne pourra totalement convaincre les citoyens de son utilité.
Laction du gouvernement de Lionel Jospin, en près de deux ans, a commencé à porter ses fruits. Le nombre de chômeurs a baissé de plus de 200.000 et est aujourdhui revenu à son niveau de 1993. Le chômage des jeunes a particulièrement reculé.
Mais laction doit être désormais menée à léchelle européenne. Les objectifs fixés fin 1997, lors du sommet spécial consacré à lemploi, à Luxembourg, doivent être poursuivis. Ils concernent la réduction du chômage des jeunes, du chômage de longue durée, laugmentation de leffort de formation des demandeurs demploi.
Nous devons, cette année, mettre en oeuvre le « pacte européen pour lemploi », décidé par les chefs dEtat et de gouvernement en décembre dernier, avec des objectifs chiffrés de lutte contre le chômage pour chacun des Etats membres. Je souhaite que les partenaires sociaux européens, syndicats et patronat, soient associés étroitement à son élaboration et à sa mise en oeuvre.
Dune façon plus générale, nous voulons avancer de façon décisive vers lEurope sociale. Nous devons promouvoir notre conception dune société qui combine le mieux possible lefficacité de léconomie et la cohésion sociale, car je suis convaincu que cest cette recherche permanente qui fait la spécificité de lEurope par rapport aux autres sociétés industrialisées. LEurope doit être un modèle social, alors quelle inspire encore souvent, des craintes dun nivellement par le bas.
Nous avons proposé à nos partenaires européens plusieurs thèmes de réflexion : lorganisation et la réduction de la durée du travail, le principe dun salaire minimum dans chaque Etat, lélaboration de conventions collectives européennes. Cest pourquoi nous oeuvrons également à la mise en place dun véritable dialogue social à léchelle européenne, qui est encore balbutiant.
3. Enfin, le troisième jalon de cette année européenne, cest le Traité dAmsterdam et les problèmes institutionnels de lUnion, qui nous ramènent au défi de lEurope politique et démocratique, une Europe prête à sagrandir à 25 ou 30 Etats membres, au siècle prochain.
Après le vote du Parlement sur sa ratification, le Traité dAmsterdam entrera en vigueur le 1er mai prochain. Parallèlement, le Conseil européen de Berlin a désigné M. Romano Prodi comme prochain président de la Commission européenne, à la suite de la démission collective de la Commission présidée par Jacques Santer.
Ces deux événements ramènent à une même question, celle des moyens et des ambitions que lEurope doit se donner pour affronter les défis du siècle prochain et, en premier lieu, celui de lélargissement vers les pays dEurope centrale et orientale.
En effet, le Traité dAmsterdam, qui modifie le Traité de Maastricht, tout en étant un traité utile, notamment pour lEurope sociale, pour lEurope de la justice et de la sécurité, comporte une lacune majeure, puisque quil ne réforme pas les institutions comme cela aurait été et demeure nécessaire, notamment avant les nouvelles adhésions.
La crise de la Commission, marquée par la démission collective de ses membres, pour la première fois, en mars dernier, a confirmé la nécessité dune réforme. En effet, au delà de la situation personnelle de tel ou tel Commissaire européen, cest bien le fonctionnement général de la Commission qui a été remis en cause par le rapport du comité dexperts indépendants.
Or il est clair quil ny aura pas dEurope forte avec des institutions faibles. Nous devons donc entamer ce travail de réforme dès maintenant, en espérant aboutir à la fin de lannée prochaine, quand la France assurera la Présidence semestrielle de lUnion.
Pour accroître lefficacité des institutions, il faudra donc une Commission européenne plus efficace, qui fonctionne de façon plus collégiale, qui joue mieux son rôle dimpulsion politique. Je fais pleinement confiance au futur président, Romano Prodi, pour contribuer à ce travail nécessaire.
Des institutions plus efficaces, cela veut dire également revoir le fonctionnement du Conseil des ministres européens, avec notamment la généralisation du vote à la majorité qualifiée, au lieu de devoir prendre la plupart des décisions à lunanimité.
Une Europe démocratique et efficace, ce doit être enfin un Parlement européen fort. Des progrès ont été faits dans le Traité dAmsterdam, mais il faut aller plus loin, ce qui suppose également une réforme du mode de scrutin, notamment en France, afin que les députés européens soient plus proches de leurs électeurs. Je saisis cette occasion pour vous dire mon espoir que les élections européennes du 13 juin prochain - autre grand rendez-vous de cette année - soient loccasion, peut-être pour la première fois, dun véritable débat européen.
Car lenjeu est bien, selon moi, lapparition dun véritable espace politique européen, avec ses acteurs, ses règles du jeu, ses événements. Ainsi, lEurope commencera à acquérir une existence concrète aux yeux de ses citoyens, et ne se résumera plus à sa dimension commerciale et monétaire.
Ces réformes seront nécessaires avant lélargissement à lEst, mais je veux insister sur le fait que cet élargissement est avant tout une chance pour la paix en Europe. Ce sera une chance pour les pays candidats, qui nous rejoindront dans quelques années, et pourront ainsi rattraper le retard dû aux années disolement de la guerre froide, mais aussi pour les actuels Etats membres, car lEurope réunifiée pourra être plus puissante, plus efficace.
Avant de dialoguer avec vous, je ne voudrais pas terminer sans évoquer un sujet qui mest cher, et qui doit aussi vous être cher, qui est de celui de lEurope de lEducation ou, plus globalement, de lEurope du savoir.
En effet, pour faire face à la mondialisation de léconomie, pour préserver son modèle social et profiter pleinement de ses richesses intellectuelles, culturelles et scientifiques, au bénéfice de tous, lEurope doit mieux exister dans ce domaine. Pour avancer dans cette voie, il me paraît nécessaire de mobiliser lensemble des acteurs concernés : Institutions communautaires, Etats membres, Régions, Universités.
Jai proposé pour cela de reprendre la démarche retenue au milieu des années 1980, lorsque les Européens ont décidé la liberté de circulation des marchandises : lActe unique européen a fixé un programme, un calendrier et une date butoir, le 1er janvier 1993, pour lentrée en vigueur du Marché unique.
Nous pourrions, de la même manière, nous donner pour objectif quau 1er janvier 2005, par exemple, la liberté de circulation et détablissement des élèves, des étudiants, des diplômés, des professeurs et des chercheurs, ainsi que la possibilité de se former, en Europe, tout au long de la vie, soit devenue une réalité, grâce à la mise en oeuvre de ce que jai appelé, par simple référence au précédent des années 80, un « Acte unique de la Connaissance ». Il me paraissait utile de vous informer de ce projet, qui peut aussi être le vôtre. Je vous invite, en tout cas, à vous en saisir.
Vous le voyez, à travers les thèmes que je viens dévoquer, le tournant du siècle est également un tournant pour lEurope. Une telle occasion ne se représentera peut-être pas de pouvoir façonner ainsi notre continent. Jespère que vous en serez les acteurs enthousiastes.
Je vous remercie de votre attention. Je suis maintenant à votre disposition pour répondre aux questions que vous voudriez me poser./.
(Source http ://www.diplomatie.gouv.fr, le 29 avril 1999)