Déclaration de M. Michel Duffour, secrétaire d'Etat au patrimoine et à la décentralisation culturelle, sur l'avenir du secteur du cinéma et de l'audiovisuel, notamment les partenariats avec les collectivités locales en Seine Saint Denis le 19 avril 2001.

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Circonstance : Deuxièmes rencontres Producteurs Industries Techniques du Pôle audiovisuel cinéma, multimédia du nord parisien en Seine Saint Denis le 19 avril 2001

Texte intégral

Madame et messieurs les maires,
Mesdames et messieurs les représentants du Conseil général de Seine-Saint-Denis,
Mesdames et messieurs les représentants du Conseil régional d'Ile-de-France,
Monsieur le Directeur général du CNC,
Mesdames, messieurs,
Chers amis,
Permettez-moi tout d'abord de remercier les responsables du " Pôle audiovisuel cinéma multimédia du nord parisien " pour leur invitation à participer à ces deuxièmes rencontres producteurs-industries techniques.
C'est en effet un plaisir pour moi d'être parmi vous, aux côtés de notre directeur général du CNC, David Kessler, pour clôturer ces deux journées de réflexion et de débats sur l'avenir du secteur du cinéma et de l'audiovisuel.
Si les professionnels que vous êtes n'ont certes pas attendu ce 19 avril pour se rencontrer et travailler ensemble - puisque vos métiers respectifs vous amènent en permanence à collaborer à la fabrication des films de cinéma et des programmes audiovisuels - votre souci du dialogue et de l'échange entre acteurs d'une même filière, sur ses perspectives de développement, en tentant ensemble d'identifier les enjeux économiques, technologiques et réglementaires, est suffisamment rare pour être salué.
Une des premières richesses du cinéma et de l'audiovisuel français est la diversité de ses intervenants et cette tradition de concertation permanente que des rencontres comme celles-ci confirment.
Là se situe une partie de notre " exception culturelle ": dans cette spécificité de la chaîne du cinéma français, où chaque maillon est essentiel à l'autre.
C'est là sa force. Là, son originalité. Et je tiens à vous affirmer, un an après les turbulences qui ont secoué le cinéma français lors du lancement des cartes d'abonnement, de l'attachement que Catherine Tasca et moi-même portons au maintien et à la solidité de cette chaîne.
Le fait que vous soyez réunis, depuis hier, pour aborder ensemble des questions essentielles, la manière d'enrayer la délocalisation des tournages de productions vers l'étranger, la politique à mettre en uvre pour inciter les productions étrangères à venir travailler dans notre pays, les opportunités ouvertes par le développement des technologies numériques, ou la voie pour dégager les marges suffisantes aux investissements qu'appelle l'évolution rapide de vos professions, est une chance, un atout, pour le Septième art aussi bien que pour notre télévision.
Le public vous connaît mal. Et pourtant... Vos métiers sont tous - comme je le disais à l'instant - absolument indispensables à la réalisation des films et des programmes : duplicateurs ; prestataires techniques de diffusion ; laboratoires et entreprises de sous-titrage ; spécialistes des effets spéciaux ; sociétés de postproduction images et sons ; fabricants de pellicules ; constructeurs ; distributeurs et loueurs de matériel ; studios.... Chacune de ces professions a ses spécificités, mais toutes sont inexorablement liées dans la construction d'une même histoire.
N'est-ce pas, au demeurant, le sens de votre participation à ces rencontres dans ce bassin du nord de Paris, où une grande majorité de vos entreprises sont installées, puisque entre Aubervilliers, Epinay-Sur-Seine, Saint-Denis, Saint-Ouen et Stains, ce sont quelque 200 entreprises et pas moins de 3.500 salariés qui travaillent pour l'industrie du cinéma et de l'audiovisuel ?
Votre image de marque est excellente. David Kessler le rappelait à l'instant. Et les difficultés que rencontrent certains d'entre vous ne viennent certainement pas d'un manque de compétence, mais d'un ensemble de facteurs liés à une concurrence internationale de plus en plus rude. De fait la modernisation de l'industrie à laquelle vous appartenez semble inéluctable, mais vous n'avez pas toujours devant vous les marges financières suffisantes pour pouvoir y faire face.
A ce moment de mon propos, un mot sur la situation de la SFP et de ses personnels, à propos de laquelle Catherine Tasca a été conduite à s'exprimer à plusieurs reprises devant les parlementaires. Vous connaissez la situation. Sachez que nous la vivons douloureusement et que nous avons parfaitement conscience que les solutions sont ténues. Des rendez-vous historiques, et ce gouvernement n'en porte pas la responsabilité, ont été par le passé manqués ou sabotés. Nous mettons, et nous mettrons, Catherine Tasca comme moi-même, toute notre conviction pour positiver toutes les pistes et ne laisser personne au bord du chemin.
Je ne reviens pas sur les mécanismes d'aides gérés par le CNC, que son directeur général vient de vous exposer, et qui demeure le principal instrument dont disposent les Pouvoirs Publics pour aider vos entreprises à se moderniser. C'est sur le rôle déterminant que peuvent jouer aujourd'hui les collectivités territoriales que je souhaite insister. Et sur les partenariats que l'Etat et ces collectivités entendent multiplier.
Les régions ont en effet un rôle important à jouer pour soutenir les industries techniques du cinéma et de l'audiovisuel. De très nombreux élus en sont désormais convaincus, je peux vous l'assurer.
Les collectivités territoriales sont d'ailleurs de plus en plus nombreuses à soutenir la création et la diffusion, même si la région Ile-de-France est la seule à avoir prévu, dans son budget 2000, une aide structurelle aux industries techniques dans les domaines du cinéma, de l'audiovisuel et du multimédia.
Si une grande majorité d'entreprises est implantée en Ile-de-France, les industries techniques regroupent 600 entreprises, à travers tout le pays, qui génèrent un chiffre d'affaires d'environ 6 milliards de francs. Et si l'on considère que 35 % du budget d'un film est dépensé dans la région de son tournage, les retombées économiques potentielles de l'activité cinématographique pour une région sont évidemment très importantes, même si elles ne doivent pas constituer la première motivation au soutien.
Comme l'a rappelé avec raison David Kessler, la réalité est toutefois que vos entreprises souffrent d'une forte délocalisation des tournages. En Europe, certains pays qui ont mis en place des incitations fiscales exercent, à n'en pas douter, un puissant pouvoir d'attraction sur les tournages. Mais je crois sincèrement que grâce aux savoir-faire de ses professionnels, à la diversité de ses paysages, mais également à l'action conjointe que l'ensemble des collectivités publiques peuvent mener, notre pays peut augmenter encore son pouvoir d'attraction.
Au-delà de la réflexion engagée par le CNC sur les dispositifs d'incitation au tournage sur notre sol, des initiatives comme celle que vient de prendre la région Ile-de-France, en créant un fonds de soutien aux industries techniques, peuvent - j'en suis convaincu - permettre de limiter la délocalisation du film français et attirer encore plus de tournages et de post-production de films étrangers en Ile-de-France. Je viens de prendre connaissance avec beaucoup d'intérêt du discours prononcé en fin de matinée par Monsieur Brunel, vice-président de la Région.
Désormais, les producteurs qui, selon des critères très précis, utiliseront des prestataires techniques franciliens seront donc aidés par la Région. Un budget global de 10,2 millions de francs étant consacré à cette aide. C'est là un exemple concret de l'intérêt grandissant que portent les collectivités à votre secteur d'activité. Un exemple que d'autres auront peut-être envie de suivre. Je ne peux en tout cas que les y inciter en rappelant que l'Etat sera à leurs côtés.
Déjà, à travers les conventions conclues entre l'État et les Régions, le Ministère de la Culture et le CNC mènent, depuis plusieurs années, une politique d'accompagnement des mesures prises par les collectivités territoriales en faveur de la création et de la diffusion cinématographiques.
L'intervention du CNC dans ce domaine consiste prioritairement à apporter son soutien financier aux actions et projets de la Commission Nationale du Film France (CNFF), outil technique et fédérateur de cette politique nationale, et à développer la coopération engagée sur ce thème avec les collectivités territoriales.
Vous le savez, les objectifs de la Commission Nationale du Film France sont de lutter contre la délocalisation des tournages français à l'étranger, en favorisant l'accueil des tournages dans nos régions, mais aussi en attirant et en favorisant les tournages de films étrangers en France.
À ce titre, elle propose des services aux professionnels français et étrangers en matière d'information et de promotion, de concertation et de réflexion. Et, avec le soutien du CNC, a entrepris la constitution d'un réseau national de commissions locales du film, missionnées par les collectivités territoriales, et a défini une série d'axes de travail communs.
Actuellement 22 commissions locales du film constituent le réseau de la Commission nationale : 14 régionales, 4 départementales et 4 municipales.
Elles sont animées par des professionnels du cinéma et de l'audiovisuel qui proposent gratuitement leurs services d'information et d'assistance aux producteurs et aux réalisateurs désireux de tourner dans les régions françaises.
Il est particulièrement important qu'en plus du soutien qu'elles apportent déjà à la création et à la production cinématographique et audiovisuelle, les collectivités territoriales puissent participer à l'organisation des tournages en région.
Dans chaque région, les Commissions du film doivent pouvoir bénéficier d'un large partenariat local, dans les secteurs du cinéma et de l'audiovisuel, de la culture et du tourisme, du commerce et de l'industrie
Les apports à la fois économiques, culturels et touristiques d'une telle démarche sont importants, car le tournage d'un film est en même temps une activité industrielle et commerciale, un créateur d'activités et un outil de communication. Ses effets en matière d'emplois sectoriels ou généraux ne sont pas non plus à négliger.
Cette volonté de soutenir les initiatives légitimes des collectivités en matière de cinéma et d'audiovisuel s'est manifestée par le souci du Ministère de la culture et de la communication de suivre de très près la modification de l'article L 1511-5 du Code général des collectivités territoriales qui a été voté fin 2000 par les parlementaires lors de l'adoption de la loi d'orientation pour l'outremer.
Cette modification a étendu le champ d'intervention des aides directes des collectivités territoriales à des actions de politique économique et non plus, comme précédemment, aux seuls secteurs agricole et industriel. Le cinéma et l'audiovisuel peuvent ainsi être pris en compte au titre des actions de politique économique des collectivités locales.
Une circulaire sur l'application de cette modification législative devrait être prochainement adressée aux préfets de région et de département et aux responsables des collectivités territoriales.
Mais je tenais, surtout, aujourd'hui, à vous annoncer qu'une circulaire du Ministère de la Culture et de la Communication, consécutive et spécifique à cette modification législative est actuellement en cours de rédaction. Elle précisera les conditions d'attribution de ces aides dans le secteur du cinéma, de l'audiovisuel et du multimédia, dans le respect de l'indépendance de la création. Ces aides devront ainsi faire l'objet d'une convention conclue entre l'État et chaque collectivité territoriale.
De ce fait, se trouveront donc parfaitement assurées du point de vue juridique, les aides financières des collectivités territoriales à la création et à la production cinématographiques et audiovisuelles, telles que celle qui a été donnée pour la réalisation du film " Les destinées sentimentales ". Dès lors, je l'espère, le cinéma français pourra continuer avec force et talents de se développer partout, et l'implication grandissante de l'ensemble des collectivités publiques pour le soutenir contribuer à ce qu'il soit vu si ce n'est par tous, en tout cas par le plus grand nombre.
Je vous remercie.

(Source http://www.culture.gouv.fr, le 23 avril 2001)