Déclaration de M. Xavier Darcos, ministre du travail, des relations sociales, de la famille, de la solidarité et de la ville, sur les priorités du Plan national de lutte contre le travail illégal 2010-2011, Paris le 26 novembre 2009.

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Circonstance : Réunion de la Commission nationale de lutte contre le travail illégal à Paris le 26 novembre 2009

Texte intégral

J'ai souhaité réunir aujourd'hui la Commission nationale de lutte contre le travail illégal, que je préside en tant que ministre du travail, afin de fixer mes priorités d'action dans le cadre du plan de lutte contre le travail illégal que je veux lancer pour 2010 et 2011. J'ai voulu en effet vous informer et vous consulter dès maintenant sur l'orientation que j'entends donner à mon action. Ma conception, c'est celle d'un chef de service. Je veux que vous mettiez tout en oeuvre pour combattre le travail illégal sous toutes ses formes, notamment lorsqu'il concerne des ressortissants étrangers sans titre de travail.
Je veux tout d'abord saluer l'implication de tous les corps de contrôle dans la lutte contre le travail illégal. Près de 9000 procédures ont été engagées en 2008, un chiffre en hausse constante. Les services de l'inspection du travail ont effectué 28 000 contrôles et dressé 20% des procédures, ceux de l'URSSAF ont redressé 108 millions d'euros. Je veux également saluer l'action de la police et de la gendarmerie qui enregistrent respectivement 22% et 36% des procédures. Nous devons cependant aller plus loin encore, car je suis déterminé à mener une lutte sans merci contre ces pratiques et à promouvoir la culture du résultat.
Sous ses multiples formes, le « travail au noir » est un fléau qui a un coût économique mais aussi social et humain. Il représente 4% du PIB, soit 60 milliards d'euros par an : c'est l'équivalent du budget de l'Education nationale ! Il prive les travailleurs de la protection sociale à laquelle ils ont droit, leurs droits à la retraite, à l'assurance chômage et à l'assurance maladie. Il pénalise les employeurs qui respectent les règles du jeu. Il nuit enfin à la société tout entière, privée de l'effort national qui s'impose à chacun. En somme, le travail illégal fragilise les fondements de notre pacte social.
En dépit des règles existantes, ces abus restent trop souvent impunis. Le Président de la République s'est engagé à renforcer la lutte contre toutes les formes de fraudes et de pratiques abusives aux finances publiques : nos concitoyens ne comprendraient pas que nous n'assumions pas nos responsabilités.
1. Les quatre priorités du Plan national de lutte contre le travail illégal 2010 - 2011 que je vous propose sont les suivantes :
- lutter contre le travail dissimulé,
- combattre l'emploi d'étrangers sans titre de travail,
- s'attaquer aux recours frauduleux à des statuts spécifiques,
- sanctionner les fraudes transnationales.
1. Je veux d'abord lutter contre le travail dissimulé (le fait de ne pas déclarer tout ou partie du travail ou de l'activité).
C'est la forme la plus répandue, donc la plus coûteuse pour les finances publiques et notre système de protection sociale : 108 millions d'euros ont été redressés en 2008. Je souhaite naturellement que ces efforts soient poursuivis via :
- des actions de prévention comme celle qu'ont menée l'ACOSS et le ministère du budget en octobre 2009. J'encourage les services de contrôles à communiquer localement sur leurs actions.
- la simplification des formalités administratives, en développant la télédéclaration des cotisations sociales, qui a augmenté de 30% en 2008.
- le ciblage des contrôles en intensifiant les échanges d'informations entre les corps de contrôle. Je veillerai en particulier à lever les obstacles en matière de secret professionnel qui peuvent exister entre eux : j'estime que s'il n'y a pas de frontières et des limites entre les fraudeurs, il ne doit pas y en avoir non plus entre les agents de contrôle.
2. Je veux lutter contre l'emploi d'étrangers sans titre de travail.
Le Gouvernement veux d'abord développer une politique d'immigration professionnelle maîtrisée, dans le cadre d'une immigration librement souhaitée.
Je veux ensuite lutter contre l'emploi illégal d'étrangers sans titre de travail, qui pâtissent souvent de conditions de travail, de transports ou d'hébergement tout simplement inhumaines.
La transposition de la directive européenne « sanctions » du 18 juin 2009 dans la loi dès 2010 rendra compte de la double exigence qui est la nôtre, sanctionner les employeurs et faire respecter les droits que les salariés en situation irrégulière ont acquis du fait de l'exécution de leur travail.
3. Je veux ensuite lutter contre l'abus de certains statuts qui sont détournés de leur finalité.
Ces abus permettent de contourner les règles en refusant aux personnes concernées, par exemple les stagiaires ou les intermittents, les garanties inhérentes au statut de travailleur salarié. Je ne peux tolérer par exemple que le stage devienne un instrument d'exploitation des jeunes alors qu'il est leur première occasion de contact avec le monde de l'entreprise.
Je veux donc renforcer les contrôles afin de requalifier ces situations spécifiques en relations salariales de droit commun, dès lors que les conditions de subordination juridique à l'égard de l'entreprise d'accueil sont réunies.
4. Enfin je veux lutter contre un autre aspect de la réalité actuelle du travail illégal, les fraudes transnationales.
Je tiens à rappeler d'abord que les prestations de service transnationales sont inhérentes à la construction du marché intérieur des services dans l'Union Européenne. Elles sont de plus inévitables compte tenu de l'internationalisation de l'économie et de la mobilité croissante des entreprises et des travailleurs.
Pour autant, je veux que nous appliquions avec la plus grande détermination la législation qui existe au plan national et européen pour lutter contre le « dumping social », qui porte atteinte aux droits et à la dignité des travailleurs.
Je souhaite dans ce but que nous poursuivions les efforts pour :
- Améliorer la formation, notamment grâce à des guides méthodologiques.
- Mettre en place un système d'information permettant dès 2010 aux services d'accéder facilement aux déclarations : sur les 200 à 300 000 travailleurs détachés chaque année, 95 000 salariés détachés ont été déclarés en 2008.
- Intensifier l'activité des bureaux de liaison entre Etats.
- Poursuivre la coopération transfrontalière, à l'image de celles qui se développent actuellement avec l'Allemagne et la Belgique ou qui vont se mettre en place très prochainement avec la Bulgarie et les Pays-Bas, la Pologne et le Portugal.
Telles sont mes quatre priorités pour les deux prochaines années à venir. Elles cibleront cinq secteurs d'activités en particulier : le bâtiment et les travaux publics, les hôtels et cafés restaurants, les services aux entreprises, le spectacle et le travail saisonnier dans l'agriculture, sans préjudice de toute action qui paraîtrait se justifier au regard d'un diagnostic local.
Ces cinq secteurs professionnels sont en effet les plus exposés aux pratiques d'emploi illégal, pour des raisons liées aux difficultés de recrutement sur certains métiers, au développement des formes de sous-traitance, au coût du travail et à l'organisation de l'activité.
2 - Voici les mesures nouvelles que je compte prendre pour rendre plus efficace la politique de lutte contre le travail illégal.
Vous l'avez compris, ce qui compte pour moi, c'est l'effectivité de cette politique. Nous avons déjà des outils, mais nous allons en créer de nouveaux. Ces outils doivent être efficaces, réactifs et dissuasifs.
Je veux d'abord faire appliquer les sanctions pénales et administratives existantes : je souhaite en particulier recevoir un bilan régulier des suppressions d'aides publiques, comme le permet la loi en cas de relevé d'infraction en matière de travail illégal. C'est une arme très dissuasive et je veux que nous l'utilisions pleinement. Nous donnerons aussi, avec Eric Woerth, des instructions précises en matière de remise en cause des exonérations de cotisations sociales, qui ont représenté 3,7 millions d'euros en 2008.
Mais il faut aussi de nouvelles sanctions. Nous devons donner la possibilité aux Préfets de procéder à la fermeture administrative des établissements qui emploient des travailleurs illégaux. Quand l'entreprise est organisée autour de la fraude, c'est tout l'établissement qui doit être fermé. Je veillerai à ce que cette mesure puisse concerner toutes les sortes de travail illégal, qu'il s'agisse de l'emploi d'étrangers sans titre de travail ou du travail dissimulé. En fermant l'établissement dans ces situations, nous lutterons ainsi contre des filières organisées de travail illégal et nous nous doterons par ailleurs d'un nouvel instrument dissuasif.
Les sanctions doivent aussi garantir les droits des salariés qui sont souvent victimes de la situation de travail illégal. Je souhaite donc que l'indemnité due dans tous les cas de rupture du contrat de travail en matière de travail illégal soit fixée à six mois de salaire. Cela suppose d'ailleurs de l'augmenter pour les étrangers sans titre de travail, pour lesquels cette indemnité est aujourd'hui d'un mois. Dans le cas des étrangers sans titre de travail, les sommes dues aux travailleurs doivent lui être acheminées, au frais de l'employeur, et bénéficier du caractère de créances super privilégiées.
Je veux responsabiliser les donneurs d'ordre, qui sont solidairement responsables en matière de travail dissimulé.
Tout d'abord, je vous annonce que la loi de financement de la sécurité sociale pour 2010 prévoira une extension de la remise en cause des exonérations de charges sociales aux donneurs d'ordre dont les sous-traitants n'ont pas déclaré leur activité ou ont recours à du travail dissimulé, afin de sanctionner ceux qui sont complices de ces infractions.
Je proposerai aussi, dans le même ordre d'idée, des sanctions pénales contre les donneurs d'ordre qui n'agréent pas les sous-traitants qui leur sont connus, comme le requiert la loi depuis 1975, et je veillerai à ce qu'ils soient inéligibiles aux appels d'offre.
Enfin je veux faciliter l'action des agents de contrôles.
Nous poursuivrons le plan de modernisation de l'inspection du travail, avec 150 agents supplémentaires pour 2010. Je souhaite également accélérer le développement des applications informatiques et je demanderai à mes services un compte-rendu trimestriel sur ce sujet.
Nous allons également permettre à l'inspection du travail d'accéder à la base de gestion qui recense la régularité des titres de séjour et de travail des étrangers.
3 - Je demande aux corps de contrôles et à l'ensemble des acteurs de se mobiliser pleinement et je leur adresserai des instructions pour atteindre des résultats précis.
Pour que cette politique produise des résultats, j'ai décidé cette année de fixer à notre action les objectifs quantitatifs suivants :
1. - Augmenter d'au moins 5% le nombre de procès verbaux en 2010.
2. - 108 millions d'euros ont été récoltés par les URSSAF au titre du travail dissimulé. J'estime que nous pouvons atteindre la barre des 120 millions.
3. - Enfin, les procédures issues de contrôles conjoints représentent 23% des procédures pour travail illégal. Nous devons dépasser la barre des 25%.
La coordination des politiques interministérielle et interinstitutionnelle de contrôle est à mes yeux indispensable. Je demande à la Délégation nationale à la lutte contre la fraude (DNLF), forte de l'implication de son délégué national, Benoît Parlos, et à la Direction générale du travail (DGT) qui lui apporte son concours, de me proposer une répartition des objectifs que je viens de vous exposer, à la suite du dialogue qu'elles auront conduit au niveau régional. Je fixerai ensuite ces grandes orientations aux services déconcentrés de l'Etat.
Je souhaite donc que dans les comités locaux, le comité opérationnel placé sous l'autorité du Procureur de la République établisse un programme d'action annuel, avec un mode de suivi et d'évolution, permettant de décliner les objectifs que je viens d'énoncer. Les résultats devront remonter à l'administration centrale avant la fin du premier trimestre 2010 et figurer clairement au bilan de l'année prochaine.
Enfin je veux que nous nous mettions l'accent dans ces programmes d'actions sur les actions conjointes, qui sont plus efficaces puisqu'elles couvrent un périmètre plus large grâce à l'association de plusieurs corps de contrôle.
Mesdames et messieurs,
La lutte contre le travail illégal est au coeur de la politique de revalorisation du travail souhaitée par le Président de la République et le Premier ministre. Nous avons une exigence de résultat et je compte sur votre implication pour veiller à faire appliquer nos objectifs. Nos concitoyens attendent de l'action de l'Etat qu'elle soit rapide, juste et efficace. C'est ce que nous ferons en renforçant à la fois les sanctions contre les employeurs et les droits des travailleurs.
Je vous remercie.Source http://www.travail-solidarite.gouv.fr, le 26 novembre 2009