Déclaration de M. Bruno Le Maire, ministre de l'alimentation, de l'agriculture et de la pêche, sur les difficultés de la filière légumes et sur les mesures d'aide d'urgence aux producteurs et sur les questions de coût de revient de la production, d'ouverture des frontières à la concurrence, Cavaillon le 19 novembre 2009.

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Circonstance : 53ème Congrès des producteurs de légumes de France, à Cavaillon du 19 au 21 novembre 2009

Texte intégral

Madame la Présidente des Légumes de France, chère Angélique, Mmes MM. les Présidents et Directeurs, M. le Député-maire de Cavaillon, Mmes MM. les élus, Mmes, MM.
J'étais tout à l'heure dans le Nord de la France. Je dois être ce soir à Bruxelles. J'ai fait le détour par Cavaillon, ce qui n'est pas la voie la plus directe pour faire Béthune - Bruxelles, vous l'avouerez. L'écrivain ne dit pas seulement que tous les chemins mènent à Rome, il dit aussi qu'il n'y a pas d'amour, mais qu'il n'y a que des preuves d'amour. J'estime que faire Béthune - Cavaillon au lieu de faire Béthune - Bruxelles, c'est une preuve d'amour à l'égard des Légumes de France.
La deuxième chose que je veux vous indiquer, juste pour corriger un peu vos propos, c'est qu'il n'y a pas que des promesses, chère Angélique, il y a des décisions qui ont été prises, vous le savez, et vous savez qu'elles ont été prises de manière difficile pour votre ministre de l'Agriculture. Je tenais simplement à le rappeler avant de dire aussi que j'ai parfaitement conscience que vous traversez une crise sans précédent. Que j'ai parfaitement conscience que des décisions qui auraient dû être prises depuis longtemps ne l'ont pas été. Que j'ai parfaitement conscience que les revenus des producteurs, que ce soit dans la filière des légumes ou dans d'autres filières, sont insuffisants. Que le partage de la valeur ajoutée dans les filières agricoles n'est pas celui qui est juste, ni celui qui est souhaitable, ni celui qui est équitable, et qu'il faut corriger cela.
Depuis quatre mois que je suis ministre de l'Agriculture, j'estime qu'un certain nombre de choses ont bougé, et je suis déterminé à continuer à les faire bouger au rythme qui est le mien, c'est-à-dire un rythme rapide, toujours trop lent pour ceux qui connaissent les difficultés que vous connaissez, mais le plus rapide possible pour éviter néanmoins que tout le système ne s'effondre au passage.
* Aides d'urgence
Ma première responsabilité, c'est de vous apporter un soutien immédiat dans la crise que vous traversez. Parce que là aussi - et je vous le dis très simplement -, si j'ai voulu faire ce détour par ici, c'est pour vous redire que nous avons besoin d'un potager français, nous avons besoin d'une filière des légumes qui soit forte en France. et nous avons besoin surtout d'assurer nous-mêmes en France notre production de légumes pour notre consommation, comme pour l'exportation. Et que toute politique qui conduirait à vous accabler de charges, de trop de règles, de trop de normes, de trop de complexité, et qui, par conséquent, aboutirait à la fermeture en France d'un certain nombre de filières agricoles, comme nous sommes sur le point d'y arriver, serait une politique ruineuse pour la nation. Et quand on s'aperçoit que l'on est arrivé tout près de cette situation, il est temps de redresser la barre. Et nous redresserons la barre, et nous prendrons les décisions nécessaires.
Ma première responsabilité, c'est donc d'apporter des soutiens immédiats. C'est là que j'ai une petite divergence avec vous. Ce que j'annonce et ce que j'ai décidé, avec l'accord du Président de la République et du Premier Ministre, ce ne sont pas des promesses, ce sont des décisions. Et ce sont des décisions qui, en terme budgétaire, ont un coût élevé pour la nation française.
Nous allons débloquer un certain nombre de prêts à hauteur d'un milliard d'Euros. Vous ne le voulez pas, certains le veulent néanmoins, je peux vous le garantir, je les ai rencontrés ne serait-ce que ce matin. Par ailleurs, au-delà de ces prêts d'un milliard d'Euros, nous avons débloqué 650 millions d'Euros de mesures budgétaires. Ces 650 millions d'Euros, ce n'est pas de l'argent en l'air, ce sont des mesures en espèces sonnantes et trébuchantes, qui seront votées par vos députés en loi de finance rectificative, car j'ai tenu que vous puissiez en disposer dès le début de l'année 2010. Vos députés, vos parlementaires voteront en loi de finance rectificative ces 650 millions d'Euros de mesures complémentaires.
50 millions d'Euros serviront à la prise en charge de cotisations sociales patronales au titre des salariés agricoles. Elles permettront de prendre en charge des cotisations 2009, voire des cotisations antérieures si cela était nécessaire.
30 millions d'Euros serviront à la prise en charge et à l'échelonnement des cotisations personnelles des exploitants par la mutualité sociale agricole. Et d'autres mesures d'urgence sont également décidées dans le cadre de ces 650 millions d'Euros, notamment des mesures AGREDIF qui ont le mérite de ne pas être soumises au plafond de 15 000 Euros du minimis européen.
Une solution sera trouvée pour chaque agriculteur et s'il y a des difficultés, Madame la Présidente, Monsieur le Préfet, vous me les ferez remonter pour que nous apportions une solution à chacun. J'ai demandé qu'un médiateur soit nommé, Nicolas Forissier, qui fera le point dans chaque région, pour voir exactement quelles sont les difficultés rencontrées, savoir si les banques répondent bien présentes ou non, et pour que chaque exploitant en difficulté trouve une réponse aux questions qu'il se pose et aux besoins qu'il pourra manifester.
Au-delà de ces mesures immédiates, nous allons prendre un certain nombre de décisions qui permettront de répondre aux interrogations qui sont les vôtres. Je crois que trois questions doivent impérativement être traitées, si nous voulons effectivement garder une production de légumes en France. La première question est l'ouverture des frontières. La seconde est le coût de revient de la production. La troisième est le partage de la valeur ajoutée dans la filière.
* Ouverture des frontières
S'agissant de l'ouverture des frontières, que voit-on aujourd'hui ? On voit une concurrence de plus en plus forte, de la part de légumes qui ne sont pas produits en Europe, qui ne respectent ni les mêmes normes sanitaires, ni les mêmes règles environnementales, ni les mêmes règles en terme de droit du travail. J'estime que cette situation est tout à fait inacceptable. La concurrence doit se faire sur une base équitable, produit contre produit, fabriqués de la même façon, avec les mêmes contraintes, avec les mêmes règles en matière sociale, environnementale et sanitaire. Si nous nous engageons dans cette concurrence par les prix, nous allons nous entraîner dans une baisse des prix, et une baisse des prix de vente qui rendront impossible la production de légumes ou de fruits en France.
Je me rendrai à Genève avec Anne-Marie Idrac pour défendre cette position. J'expliquerai que le surcoût de ces normes, qui est considérable pour les producteurs, devra être compensé par des soutiens ou par une protection tarifaire suffisante. La position de la France dans ce domaine est que la libre concurrence est d'abord une concurrence équitable, et qu'une concurrence équitable est une concurrence dans laquelle les producteurs sont tous soumis aux mêmes règles. Et si certains ont des règles moins disantes, ils paient pour compenser les moindres règles auxquelles ils sont soumis.
A l'échelle européenne, nous affirmerons une préférence communautaire renouvelée, nous travaillerons avec l'ensemble de mes collègues européens que je réunirai à Paris, dans le courant du mois de décembre, pour définir les nouvelles règles de cette politique agricole commune, et nous ferons en sorte que toute le monde soit soumis à des règles de commerce équitable, c'est-à-dire aux mêmes contraintes en matière de commercialisation.
Toujours à l'échelle européenne, je souhaite, et je porterai dans les négociations européennes l'idée que l'Union sécurise et consolide son système de prix d'entrée qui protège la majorité des fruits et légumes européens, mais qui est aujourd'hui très largement contourné par toutes sortes de procédures que vous connaissez certainement mieux que moi. Je souhaite également qu'on limite davantage les importations pendant les périodes de production européenne de façon à ce que nous ne retrouvions pas sur les étals des fruits ou des légumes qui nous concurrencent au mauvais moment alors que nous avons les mêmes, meilleurs, produits dans de meilleures conditions et produits sur notre territoire. Voilà les règles que je fixe en matière européenne et mondiale et que je défendrai dans les semaines à venir.
* Coût de revient de la production
Deuxième élément, le coût de revient de la production. Depuis plusieurs années, vous avez fait des gains de compétitivité importants en travaillant à améliorer les rendements de vos productions et à gagner en compétitivité. Mais ces gains de compétitivité, si on regarde les choses avec lucidité, ne compensent plus la hausse des charges, notamment depuis 2008. Hausse de l'électricité, hausse du prix des intrants, hausse du prix des matières premières.
Par ailleurs, vous êtes soumis à ce que vous appelez, à juste titre, des distorsions de concurrence par rapport aux autres pays européens. C'est vrai que la situation dans laquelle nous nous trouvons - et je le dis pour la filière des fruits et légumes comme pour beaucoup d'autres filières agricoles - n'est pas tenable, situation dans laquelle nous avons un marché qui est ouvert, mais des règles qui sont différentes d'un pays à l'autre. Nous avons une concurrence libre et totale à L'échelle d'un marché de 500 millions d'habitants, et en même temps, nous avons des règles en matière de droit du travail, de rémunération des salariés, en matière de contraintes phytosanitaires, de règles environnementales, qui ne sont pas les mêmes. Donc. le système ne peut pas fonctionner de cette façon.
Notre objectif, que nous devons atteindre le plus rapidement possible, c'est l'harmonisation des règles européennes. Il n'y a pas de marché unique sans harmonisation des règles. Il n'y a pas de concurrence sans harmonisation des contraintes auxquelles sont soumis les producteurs. Ce doit être la règle que nous nous fixons.
* Phytosanitaire
S'agissant des phytosanitaires, si nous regardons point par point ces différences de concurrence, je souhaite que nous poursuivions l'harmonisation des normes environnementales à l'échelle européenne. Je souhaite que nous cessions également de systématiquement vouloir être les meilleurs élèves de la classe européenne en rajoutant des contraintes environnementales que d'autres ne suivent pas chez nos voisins. On peut à la fois être défenseur de l'environnement, soucieux de préserver le développement durable, comme je le suis et comme vous l'êtes tous ici dans cette salle, et en même temps ne pas être plus bête que son voisin en se mettant des charges sur le dos qui ne seront pas supportables. Lorsque le Président me demande de vérifier que l'harmonisation des règles européennes se fait bien dans tous les domaines, j'y vois une incitation à regarder précisément cette question et à y apporter des solutions.
Par ailleurs, au-delà de cet effort d'harmonisation et de cette obligation de ne pas rajouter des contraintes supplémentaires sur le dos des producteurs quand nos voisins européens ne le font pas, je pense qu'il est aussi indispensable de permettre au consommateur français de mieux choisir ses produits, afin qu'il sache exactement ce qu'il achète et ce qu'il va retrouver dans son assiette. Vous avez décidé de développer un label ou un logo qui mentionnerait l'origine France des produits. Je suis favorable à cette initiative qui relève d'une démarche privée et volontaire des professionnels mais qui me semble aller exactement dans le bon sens.
* Energie
Deuxième élément de distorsion, la question de l'énergie. Pour vous, l'énergie est, bien sûr, un poste de dépense important. Cette année, les taxes intérieures de consommation sur les produits pétroliers et sur le gaz naturel seront à nouveau remboursées pour un coût de 170 millions d'Euros. Là aussi, c'est une décision concrète. Ne pensez pas que ces décisions se renouvellent mécaniquement d'année en année. Il vous faut un ministre de l'Agriculture qui se bat pour obtenir que ces mesures soient reconduites. Ces batailles ne sont pas aussi faciles qu'on peut l'imaginer.
S'agissant de la taxe carbone, 75% de la taxe sera remboursée par anticipation des 2010. J'ai demandé, et obtenu, que l'intégralité des 25% restants soit redistribuée au profit des exploitants qui réduiront leur bilan carbone. Tout l'argent doit revenir directement aux producteurs eux-mêmes. S'agissant des serristes qui pratiquent la cogénération et qui n'ont pas de statut agricole pour cette activité, nous allons travailler, d'une part, sur un contrat privé mieux valorisé entre les opérateurs énergétiques et les serristes de façon à soutenir précisément cette cogénération et ne pas être en retard par rapport à nos grands voisins, notamment du nord de l'Europe comme les Hollandais. D'autre part, nous allons revoir le contrat de rachat à tarif réglementé, pour qu'il puisse fonctionner en été, parce que je ne vois pas très bien le sens d'un tarif réglementé qui ne fonctionne que six mois sur douze, en hiver et pas en été, sous prétexte que cela permet de faire des économies à l'Etat. Je souhaite également que ce tarif réglementé soit revalorisé et que le taux de déplafonnement soit plus avantageux ou bien que les tarifs soient eux-mêmes révisés.
Pour les hausses de prix du gaz, qui ont évidemment un impact sur la taxe carbone, j'ai obtenu qu'elles soient mieux prises en compte dans la révision des tarifs de rachat d'électricité puisque le déplafonnement sera porté à 92,5% au lieu de 70%. Voilà encore des décisions concrètes qui ont été prises au cours des dernières semaines.
* Coût du travail
Troisième élément, et c'est le plus important, sur lequel je voudrais que nous nous arrêtions un instant, pour bien me faire comprendre et bien expliquer ce qui a été obtenu et le chemin qu'il reste à parcourir. C'est la question du coût du travail. Selon vos produits, le coût du travail peut représenter 30, 40, 50, parfois 70% du coût du produit. Depuis que je suis député, et bien avant de devenir ministre des Affaires européennes et ministre de l'Agriculture, dans toutes les régions de France où je suis allé, on m'a alerté sur ce problème du coût du travail dans les filières de fruits et légumes en France. Et j'estime que nous avons atteint un point de quasi non retour.
C'est en ce sens que j'ai plaidé auprès du Premier ministre et du Président de la République pour que nous prenions immédiatement des mesures d'urgence qui seront le prélude à d'autres mesures qui permettront d'avoir, en terme de coût du travail, dans la filière des fruits et légumes, une compétitivité reconstruite par rapport à nos pays européens. Quand vous produisez des asperges dans un petit village d'Alsace, à trois kilomètres de la frontière allemande, et que votre coût du travail est à 12 Euros alors qu'il est à 6 Euros chez les Allemands, vos asperges ont beau être excellentes et bien meilleures que les asperges allemandes, vous ne les vendez pas. Et tous ceux qui me disent qu'il suffit de gagner en qualité ou en gamme ne connaissent pas la situation sur le terrain. Une asperge ne sera jamais suffisamment meilleure qu'une autre pour compenser un coût du travail et de la production deux fois plus élevé que celui du voisin.
La première décision que nous avons prise, c'est l'exonération à cent pour cent de la plupart des charges patronales. Je tiens à préciser, car je sais qu'il y a eu une ambiguïté sur ce sujet, que dans cette exonération nous prenons également en compte les cotisations dites conventionnelles. J'aimerais que chacun touche du doigt le risque politique que cela représente que de prendre en charge les cotisations dites conventionnelles. J'ai expliqué au Premier ministre comme au Président de la République, au moment de la réunion d'arbitrage, qu'aujourd'hui, le dispositif TO/DE vous permettait d'avoir une exonération de 90% sur une base très étroite des charges patronales, et que si nous voulions par conséquent être efficace, il fallait évidemment passer à 100% de l'exonération, ce sur quoi tout le monde était à peu près d'accord, mais qu'en plus il fallait élargir la base pour inclure les cotisations conventionnelles. C'est en élargissant la base aux cotisations dites conventionnelles que nous arrivons à une exonération importante qui fera passer le coût horaire du SMIC de 10,30 Euros, pour une heure de SMIC disposant de la mesure TO/DE aujourd'hui; à 9,26 Euros pour le moment. Et j'espère que nous pourrons aller plus loin. Nous étions à 12,53 Euros sans exonération TO/DE, 10,30 Euros avec exonération TO/DE, 9,26 Euros avec cet effort de l'Etat.
Deux précisions importantes à ce sujet. La première est que cela représente un coût pour le budget de l'Etat de 170 millions d'Euros, sans doute un peu plus chaque année, soit environ 1 milliard tous les cinq ans. Ce n'est pas une dépense qui intervient une année ou une autre, c'est une dépense récurrente pour le budget de l'Etat. La deuxième remarque est que cet effort important ne résout pas toutes les difficultés et que le second chantier auquel nous devons nous attaquer rapidement, c'est la question du travail permanent. Ma méthode consiste à avancer pas à pas. Nous faisons le travail occasionnel, nous faisons cet effort massif, nous le mettons dans la loi, nous le votons en loi de finance rectificative pour que ce soit opérationnel dès 2010, mais nous nous mettons tout de suite à travailler sur la question du travail permanent.
Sur cette question du travail permanent, je souhaite fixer deux lignes de conduite très claires. D'une part, ce travail doit se faire dans le respect du droit du travail français et dans le respect des règles européennes. Je ne crois pas qu'il y aura de solution en avançant vers du moins disant social et en essayant de ressembler à des pratiques européennes qui ne sont pas respectables et qui, de toute façon, ne seront pas comprises dans notre pays.
En revanche, cela n'interdit pas de faire en sorte que tous les pays européens respectent un certain nombre de règles minimales de droit du travail et de droit social. J'ai donc demandé à la Commission un projet de directive sur l'emploi saisonnier dans les autres pays européens de façon à ce que nous mettions un terme à certaines pratiques inacceptables dans le travail saisonnier dans d'autres pays européens. La première ligne de conduite est donc de respecter le droit du travail français, de respecter des règles européennes, en faisant en sorte que tous les autres pays européens respectent eux aussi cette règle en demandant une directive à la Commission, qui a accepté d'y travailler et qui la sortira dans les prochains mois.
Deuxième ligne de conduite, il faut travailler sur toutes les propositions et faire preuve d'imagination. Vous m'avez fait des propositions, Angélique, nous allons les regarder et les étudier. Le député maire de Cavaillon m'a lui aussi fait des propositions, un certain nombre de parlementaires m'ont fait des propositions, nous en avons parlé avec le Président de la filière des fruits Bruno Dupont. Nous allons tout regarder, tout examiner, tout expertiser. Et nous verrons quelle est la solution qui nous semble la plus adaptée pour poursuivre dans cet allégement du coût du travail et gagner en compétitivité par rapport à nos grands voisins européens.
* Partage de la valeur ajoutée
Troisième sujet important, le partage de la valeur ajoutée dans la filière. La situation actuelle - c'est le moins que l'on puisse dire - n'est ni raisonnable ni équitable. Nous avons un premier instrument à notre disposition, qui est l'Observatoire des prix et des marges. Je souhaite que cet observatoire soit renforcé et que nous en tirions toutes les conséquences. J'ai donc demandé que l'Observatoire des prix et des marges prenne une forme législative et soit inscrit dans le projet de loi de modernisation de l'agriculture et de la pêche, et je demande également, dans le cadre de cette loi, à ce que nous renforcions les pouvoirs de cet observatoire pour en tirer des conclusions concrètes. Il ne suffit pas d'observer, il faut également décider. Si l'on observe des abus, il faut les sanctionner et y remédier. Telle est la ligne que je fixe pour cet Observatoire des prix et des marges. C'est un instrument récent, il doit être renforcé et consolidé dans le cadre de la loi de modernisation de l'agriculture et de la pêche.
Par ailleurs, il est temps de mieux réglementer les relations entre opérateurs. S'agissant du prix après vente, l'encadrement de cette pratique doit devenir la règle par l'obligation d'un bon de commande. Aucune marchandise ne doit partir sans destination. Je tiens d'ailleurs à vous dire qu'à titre personnel, je serai tout à fait favorable à ce que ce système de prix après vente disparaisse. De la même façon, nous interdirons les remises, rabais et ristournes en période de crise. Là aussi, c'est une première concrète. Je suis tout à fait convaincu qu'il sera nécessaire à un moment ou à un autre d'aller encore plus loin. Enfin, s'agissant de la publicité hors lieu de vente, l'obligation d'un accord écrit entre les parties pour vérifier que cet accord est bien intervenu figurera également dans le cadre de la loi. Tous les éléments que je vous indique seront transcrits dans le cadre de la loi de modernisation de l'agriculture et de la pêche.
S'agissant des contrats, l'obligation de contrat figurera elle aussi entre producteurs et distributeurs ou industriels dans le cadre de la loi. Vous avez fait déjà beaucoup de démarches, Madame la Présidente, sur ce sujet. J'ai vu également d'autres initiatives intéressantes, comme le petit producteur qui valorise des produits haut de gamme. 'Tout cela va dans le bon sens, tout cela mérite d'être soutenu, défendu, valorisé, notamment à travers ces contrats sur lesquels je veillerai à ce qu'un équilibre strict soit maintenu entre les producteurs et l'aval de la filière. Nous prévoirons notamment dans la loi de modernisation de l'agriculture et de la pêche une commission d'examen des contrats qui sera une puissance publique capable de vérifier l'équité des contrats.
S'agissant de l'organisation de la filière, vous nous appelez à aller plus loin et à prendre nos responsabilités. Nous prendrons nos responsabilités. Ce que vous avez fait en matière de réforme de la gouvernance de la filière sera là aussi retranscrit de manière législative. Une réforme de la gouvernance de la filière a été lancée en 2008 avec 13 associations d'organisations de producteurs nationales qui ont été reconnues depuis 2008. Une fédération nationale vient de se constituer, la Fédération de la gouvernance économique des fruits et légumes. Je souhaite que les AOP nationales par produit puissent trouver leur place vis-à-vis des institutions et des pouvoirs publics. Je soutiendrai la filière pour terminer les réformes engagées. La réforme de la gouvernance se fera autour des AOP nationales produits. Je sais que vous vous heurtez également, comme dans d'autres filières, à un certain nombre de difficultés juridiques, et vous avez cité l'exemple des Pays-Bas où les questions d'entente ne se posent pas d'une organisation de producteurs à l'autre. Nous ferons aussi le nécessaire pour que ces difficultés juridiques soient levées.
* Politique globale
Voilà les quelques éléments que je souhaitais vous donner sur la politique globale que nous allons conduire. Je voudrais y ajouter un élément essentiel. Pour que tout cela fonctionne, et pour toutes ces décisions qui vont être prises dans les prochaines semaines ou qui ont déjà été prises soient suivies d'effet, il faut donner une direction politique, il faut donner un sens à tout cela qui soit acceptable par les citoyens, qui soit défendu par les citoyens, dans lequel chacun puisse se retrouver. Il ne s'agit pas uniquement de dépendre d'une filière pour la défendre, cela ne suffira pas. Il ne s'agit pas uniquement de nous faire gagner en compétitivité, même si je suis résolu à le faire, cela ne suffira pas. Il ne suffit pas seulement de viser l'harmonisation européenne, à laquelle nous parviendrons même s'il faudra du temps, cela ne suffira pas.
Il faut que chaque citoyen se dise que produire ses propres fruits et légumes en France a un intérêt stratégique pour la nation. Pour ce faire, il faut fixer un objectif politique. Cet objectif, c'est la politique publique de l'alimentation, que je souhaite mettre en oeuvre avec le Premier ministre et le Président de la République dans le cadre de la loi de modernisation de l'agriculture et de la pêche, à partir du début de l'année 2010.
Nous assistons à une explosion de la malnutrition en France. Nous sommes face à une augmentation du nombre d'obèses, qui est un vrai sujet de préoccupation publique. Personne ne peut accepter que le nombre d'obèses ait augmenté de 11% en dix ans. Personne ne peut accepter que 30% des enfants issus des milieux populaires soient victimes d'obésité. Personne ne peut accepter que la consommation de fruits et légumes ait baissé au cours des deux dernières années, alors même que nous avions fixé des objectifs politiques contraires.
Tout cela me fait penser à ce qui s'est passé en matière de sécurité routière où pendant des années, on s'est contenté de quelques spots publicitaires à la télévision pour recommander d'attacher sa ceinture, moyennant quoi nous restions à 8 000 morts sur la route. Le jour où une vraie politique publique de sécurité routière a été définie, le nombre de morts sur la route a baissé, parce que tous les acteurs se sont engagés, parce que des objectifs chiffrés ont été fixés. parce que les élus régionaux ont été associés, parce que toutes les administrations ont été impliquées et parce que les citoyens ont été responsabilisés.
Je souhaite que nous fassions la même chose en matière d'alimentation. C'est bon de consommer des fruits et légumes, parfait. Alors faisons le nécessaire pour que les Français consomment des fruits et légumes. C'est nécessaire pour la santé publique de réduire l'obésité en France, alors favorisons les produits qui permettent de la réduire. C'est bon d'avoir des recommandations nutritionnelles_, alors mettons en place des recommandations nutritionnelles obligatoires dans les filières et dans les lieux de restauration collective. C'est bon d'avoir des filières courtes, alors mettons en place ces filières courtes. Nous savons très bien que toutes ces recommandations, toutes ces indications nutritionnelles, tous ces conseils que nous donnons aux parents, aux malades, aux salariés, ne seront suivis d'efficacité que si nous mettons en même temps à disposition les produits qui permettent de respecter ces volontés et ces engagements nutritionnels.
C'est la politique publique de l'alimentation que je souhaite mettre en oeuvre, articulée autour de recommandations nutritionnelles, articulée autour de la mise en place de filières courtes, de soutien à la restauration collective, de soutien aux producteurs qui fournissent directement les fruits et les légumes à cette restauration collective. C'est cela qui donnera un sens à votre activité, qui permettra d'apporter un soutien politique massif à la production des fruits et légumes en France par des producteurs français.
Voilà les quelques éléments que je voulais vous donner ce soir. Vous pouvez compter sur ma détermination. Je ne fais pas mille kilomètres en plus dans la journée uniquement pour venir vous saluer ou pour le plaisir de vous voir, je l'ai fait surtout pour vous dire que vous pouvez compter sur mon soutien, sur mon engagement total, et sur ma détermination à faire en sorte que nous continuions à produire des fruits et des légumes dans notre beau pays. Je vous remercie.
Source http://www.fnplegumes.org, le 30 décembre 2009