Texte intégral
« Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs les conseillers, si j'ai tenu à assister à votre débat, c'est pour démontrer tout l'intérêt que porte le gouvernement à vos travaux, comme d'ailleurs à tous ceux du CESE.
Le titre du projet d'avis qui sera soumis à votre vote tout à l'heure, et qui vient de nous être présenté par Monsieur Daguin à sa manière inimitable et avec son accent qui fleure bon le terroir, résume parfaitement la philosophie de l'ensemble du document. Travailler de l'assiette aux champs, c'est comprendre et reconnaître que notre alimentation est le produit d'une chaîne, dont les maillons nombreux interagissent, non seulement pour former un secteur économique important, mais aussi, bien au-delà, pour dessiner la manière dont nous nous nourrissons, dont nous vivons et dont nous concevons notre rapport à la nature et aux autres.
Claude Lévi-Strauss avait parfaitement compris et démontré à quel point la manière de cultiver, de préparer et de consommer les aliments est révélatrice des structures sociales, des cultures et des croyances des sociétés humaines. Ce qui est vrai pour les sociétés tribales peu développées l'est encore pour les sociétés modernes dans lesquelles nous vivons : parler de l'alimentation, aujourd'hui en France, c'est nécessairement sortir du seul cadre économique pour aborder des dimensions culturelles, patrimoniales, sociétales et environnementales.
Les Français gardent un lien particulier à la nourriture. C 'est une réalité qui dépasse largement les clichés et qui se matérialise très concrètement. Ainsi, les études nous apprennent que les Français passent en moyenne 40 % de plus de temps à table que leurs voisins européens. Ils ont aussi un indice de masse corporelle inférieur de 10 % à la moyenne européenne, ce qui est révélateur d'un souci d'équilibre dans leur alimentation. J'ajouterai qu'ils sont sensibles et vigilants aux qualités nutritionnelles des produits qu'ils achètent, notamment dans les grandes surfaces.
Mais si le goût bénéficie d'un terreau fertile dans notre pays, il ne faut pas négliger pour autant l'ensemble des phénomènes qui contribuent à changer notre rapport à la nourriture et aux repas. Qu'il s'agisse de l'urbanisation, du développement du travail des femmes, de l'apparition de nouveaux concepts de restauration ou de la désynchronisation des repas dans la cellule familiale, nombreuses sont les évolutions qui ont un impact, en bien ou en mal, sur notre rapport à l'assiette. Et ces évolutions sont d'autant plus difficiles à circonscrire qu'elles peuvent se nourrir de tendances contradictoires. Ainsi, dans le même temps que l'on a vu se développer le grignotage et la malbouffe, entraînant notamment chez les plus jeunes une augmentation de l'obésité, on observe une aspiration réelle à la nourriture et à la cuisine de qualité, dont les émissions de télévision sont la manifestation la plus triviale, mais la plus visible. De même, alors que les process d'industrialisation et de normalisation se sont imposés dans la production agroalimentaire, on observe une volonté de consommer des produits environnementalement responsables et de redécouvrir des produits authentiques.
L'ambition de votre texte est, je crois, d'offrir une vision d'ensemble et une direction générale dont je dirais, de manière réductrice et vous me pardonnerez, qu'elle repose sur la défense et la promotion de la qualité. La qualité dans toutes ses dimensions : du champ à l'assiette, en passant par la transformation, le transport et l'étiquetage des aliments.
Vous évoquez des pistes, pertinentes à mon sens, pour associer les citoyens à la défense du goût et des produits authentiques. Vous avez compris que ces combats ne pouvaient être portés qu'en développant une stratégie de pédagogie et de communication auprès du grand public.
En tant que secrétaire d'État en charge de la consommation, je suis extrêmement vigilant à ce que l'information du consommateur en matière alimentaire soit la plus complète et la plus lisible possible. Vous savez qu'au niveau européen, la France est un des acteurs les plus exigeants sur la qualité de l'information nutritionnelle pour les produits de grande consommation. Avec les décrets de 2002, 2005 et 2008, nous avons réglementé strictement l'utilisation d'expressions telles que pur, biologique, artisanal, fait maison, du terroir, etc. J'ai également eu l'occasion d'indiquer à Mme Kuneva, la commissaire européenne encore en charge de la protection des consommateurs, qu'une harmonisation européenne en la matière ne pourrait se faire que par le haut. Le gouvernement porte les mêmes convictions en matière de normes de production agricoles, notamment dans leur dimension environnementale.
Car le cadre national ne suffit pas. Les récentes et fortes tensions dans le monde agricole démontrent bien que c'est au niveau européen que se joue l'avenir de la production agricole et des questions alimentaires. Considérant que la qualité est la meilleure arme pour la production européenne face à la concurrence des pays émergents, la Commission européenne a publié, en octobre 2008, un Livre vert sur la qualité des produits agricoles et lancé à cette occasion un débat sur la manière de garantir un cadre optimal pour protéger les produits agricoles et en promouvoir la qualité.
Les services de l'État ont contribué de manière active au débat et ont associé notamment le CNC aux travaux. Notre contribution a été importante, notamment sur le contenu et la lisibilité des étiquettes, ainsi que sur la nécessité d'avoir, au niveau européen, des signes de qualité qui soient d'une exigence équivalente à celle de notre législation.
Le cadre européen est également pertinent pour mener le recensement des produits que vous appelez de vos voeux, et qui pourrait être formalisé par une base de données européennes. Défendre le goût, cela commence par le fait de connaître et de protéger les produits qui contribuent à façonner et enrichir le goût. À mes yeux, ce type d'initiative pourrait être l'incarnation d'une mondialisation heureuse, une mondialisation qui n'est pas synonyme d'uniformisation, mais au contraire de valorisation des identités et des cultures locales. En protégeant les produits de qualité, nous donnons aussi la chance à nos visiteurs étrangers de venir les découvrir et les apprécier.
Naturellement, l'enjeu économique n'est pas anodin. Un exemple concret : en mars dernier, j'ai installé avec mon collègue de l'Agriculture, Michel Barnier, le Conseil supérieur de l'oenotourisme, dont la présidence a été confiée à Paul Dubrule. Ce conseil va mettre en place, avant la fin de l'année, un label des « destinations du vin », pour les terres vini-viticoles qui sauront se structurer et présenter aux clientèles touristiques une offre complète et qualitative - hébergement, restauration, caves, découverte du patrimoine naturel ou culturel - sur le thème du vin. Nous avons là un exemple d'initiative qui concilie la préservation et la valorisation de notre patrimoine, avec le développement touristique et économique de nos territoires. Ce type de démarche a aussi l'intérêt d'associer l'ensemble des acteurs et de favoriser ainsi le décloisonnement entre les métiers et la solidarité entre les professionnels que vous appelez de vos voeux dans votre projet d'avis.
De manière générale, tout ce qui contribue à rapprocher les consommateurs des lieux de production des produits de qualité et à renforcer les liens entre agriculteurs et professionnels des métiers de bouche mérite d'être encouragé. Je retiens votre proposition concrète de mobiliser les réseaux consulaires pour favoriser ce rapprochement, piste qui devra être approfondie dans un avenir proche.
Je crois aussi comme vous que les restaurateurs peuvent et doivent jouer un rôle important, notamment en matière de pédagogie et de prescription : ils ont, pour ce faire, la légitimité et la crédibilité nécessaires. Les consommateurs et les clients, mieux informés de l'origine géographique, plus au fait de l'histoire des produits et de leurs conditions de production, deviendront ainsi naturellement plus responsables et exigeants. De fait, le rapprochement du lieu de consommation avec le lieu de production des produits de base prend tout son sens dès lors qu'il est expliqué aux citoyens. En mettant en avant des produits sains, respectueux de la nature et de la tradition, je suis en effet convaincu que les restaurateurs peuvent diffuser une culture et un message qui, à terme, imprègneront l'ensemble du secteur de la restauration et, au-delà, l'ensemble de notre filière agroalimentaire.
Après la rencontre avec André Daguin, il y a quelques années, j'ai voulu promouvoir la qualité au travers du développement du titre de maître restaurateur pour nos meilleurs professionnels de la restauration traditionnelle, sur tous nos territoires, en valorisant de façon concrète leur compétence et leur engagement en faveur de la qualité de service. Je souhaite que cette distinction, la seule mise en oeuvre dans ce domaine par les pouvoirs publics, se développe et constitue une véritable aide pour les consommateurs. Les organisations professionnelles signataires se sont engagées à porter le nombre de maîtres restaurateurs à 3 000 d'ici 3 ans, contre 500 environ aujourd'hui. À cette fin, j'ai souhaité proroger, pour une période de trois ans, le crédit d'impôt tel qu'il existe actuellement.
Vous me pardonnerez de ne pas avoir commenté et repris exhaustivement toutes vos propositions, nombreuses et riches, mais je tenais à venir aujourd'hui dans cet hémicycle pour dire aux membres du Conseil économique, social et environnemental que ses travaux recueillent toute l'attention du gouvernement et que les pistes qu'il dégage contribuent à enrichir utilement le débat et les travaux en matière d'alimentation, de production agricole et, bien entendu, de goût.
Je vous remercie. »
source http://www.conseil-economique-et-social.fr, le 22 décembre 2009
Le titre du projet d'avis qui sera soumis à votre vote tout à l'heure, et qui vient de nous être présenté par Monsieur Daguin à sa manière inimitable et avec son accent qui fleure bon le terroir, résume parfaitement la philosophie de l'ensemble du document. Travailler de l'assiette aux champs, c'est comprendre et reconnaître que notre alimentation est le produit d'une chaîne, dont les maillons nombreux interagissent, non seulement pour former un secteur économique important, mais aussi, bien au-delà, pour dessiner la manière dont nous nous nourrissons, dont nous vivons et dont nous concevons notre rapport à la nature et aux autres.
Claude Lévi-Strauss avait parfaitement compris et démontré à quel point la manière de cultiver, de préparer et de consommer les aliments est révélatrice des structures sociales, des cultures et des croyances des sociétés humaines. Ce qui est vrai pour les sociétés tribales peu développées l'est encore pour les sociétés modernes dans lesquelles nous vivons : parler de l'alimentation, aujourd'hui en France, c'est nécessairement sortir du seul cadre économique pour aborder des dimensions culturelles, patrimoniales, sociétales et environnementales.
Les Français gardent un lien particulier à la nourriture. C 'est une réalité qui dépasse largement les clichés et qui se matérialise très concrètement. Ainsi, les études nous apprennent que les Français passent en moyenne 40 % de plus de temps à table que leurs voisins européens. Ils ont aussi un indice de masse corporelle inférieur de 10 % à la moyenne européenne, ce qui est révélateur d'un souci d'équilibre dans leur alimentation. J'ajouterai qu'ils sont sensibles et vigilants aux qualités nutritionnelles des produits qu'ils achètent, notamment dans les grandes surfaces.
Mais si le goût bénéficie d'un terreau fertile dans notre pays, il ne faut pas négliger pour autant l'ensemble des phénomènes qui contribuent à changer notre rapport à la nourriture et aux repas. Qu'il s'agisse de l'urbanisation, du développement du travail des femmes, de l'apparition de nouveaux concepts de restauration ou de la désynchronisation des repas dans la cellule familiale, nombreuses sont les évolutions qui ont un impact, en bien ou en mal, sur notre rapport à l'assiette. Et ces évolutions sont d'autant plus difficiles à circonscrire qu'elles peuvent se nourrir de tendances contradictoires. Ainsi, dans le même temps que l'on a vu se développer le grignotage et la malbouffe, entraînant notamment chez les plus jeunes une augmentation de l'obésité, on observe une aspiration réelle à la nourriture et à la cuisine de qualité, dont les émissions de télévision sont la manifestation la plus triviale, mais la plus visible. De même, alors que les process d'industrialisation et de normalisation se sont imposés dans la production agroalimentaire, on observe une volonté de consommer des produits environnementalement responsables et de redécouvrir des produits authentiques.
L'ambition de votre texte est, je crois, d'offrir une vision d'ensemble et une direction générale dont je dirais, de manière réductrice et vous me pardonnerez, qu'elle repose sur la défense et la promotion de la qualité. La qualité dans toutes ses dimensions : du champ à l'assiette, en passant par la transformation, le transport et l'étiquetage des aliments.
Vous évoquez des pistes, pertinentes à mon sens, pour associer les citoyens à la défense du goût et des produits authentiques. Vous avez compris que ces combats ne pouvaient être portés qu'en développant une stratégie de pédagogie et de communication auprès du grand public.
En tant que secrétaire d'État en charge de la consommation, je suis extrêmement vigilant à ce que l'information du consommateur en matière alimentaire soit la plus complète et la plus lisible possible. Vous savez qu'au niveau européen, la France est un des acteurs les plus exigeants sur la qualité de l'information nutritionnelle pour les produits de grande consommation. Avec les décrets de 2002, 2005 et 2008, nous avons réglementé strictement l'utilisation d'expressions telles que pur, biologique, artisanal, fait maison, du terroir, etc. J'ai également eu l'occasion d'indiquer à Mme Kuneva, la commissaire européenne encore en charge de la protection des consommateurs, qu'une harmonisation européenne en la matière ne pourrait se faire que par le haut. Le gouvernement porte les mêmes convictions en matière de normes de production agricoles, notamment dans leur dimension environnementale.
Car le cadre national ne suffit pas. Les récentes et fortes tensions dans le monde agricole démontrent bien que c'est au niveau européen que se joue l'avenir de la production agricole et des questions alimentaires. Considérant que la qualité est la meilleure arme pour la production européenne face à la concurrence des pays émergents, la Commission européenne a publié, en octobre 2008, un Livre vert sur la qualité des produits agricoles et lancé à cette occasion un débat sur la manière de garantir un cadre optimal pour protéger les produits agricoles et en promouvoir la qualité.
Les services de l'État ont contribué de manière active au débat et ont associé notamment le CNC aux travaux. Notre contribution a été importante, notamment sur le contenu et la lisibilité des étiquettes, ainsi que sur la nécessité d'avoir, au niveau européen, des signes de qualité qui soient d'une exigence équivalente à celle de notre législation.
Le cadre européen est également pertinent pour mener le recensement des produits que vous appelez de vos voeux, et qui pourrait être formalisé par une base de données européennes. Défendre le goût, cela commence par le fait de connaître et de protéger les produits qui contribuent à façonner et enrichir le goût. À mes yeux, ce type d'initiative pourrait être l'incarnation d'une mondialisation heureuse, une mondialisation qui n'est pas synonyme d'uniformisation, mais au contraire de valorisation des identités et des cultures locales. En protégeant les produits de qualité, nous donnons aussi la chance à nos visiteurs étrangers de venir les découvrir et les apprécier.
Naturellement, l'enjeu économique n'est pas anodin. Un exemple concret : en mars dernier, j'ai installé avec mon collègue de l'Agriculture, Michel Barnier, le Conseil supérieur de l'oenotourisme, dont la présidence a été confiée à Paul Dubrule. Ce conseil va mettre en place, avant la fin de l'année, un label des « destinations du vin », pour les terres vini-viticoles qui sauront se structurer et présenter aux clientèles touristiques une offre complète et qualitative - hébergement, restauration, caves, découverte du patrimoine naturel ou culturel - sur le thème du vin. Nous avons là un exemple d'initiative qui concilie la préservation et la valorisation de notre patrimoine, avec le développement touristique et économique de nos territoires. Ce type de démarche a aussi l'intérêt d'associer l'ensemble des acteurs et de favoriser ainsi le décloisonnement entre les métiers et la solidarité entre les professionnels que vous appelez de vos voeux dans votre projet d'avis.
De manière générale, tout ce qui contribue à rapprocher les consommateurs des lieux de production des produits de qualité et à renforcer les liens entre agriculteurs et professionnels des métiers de bouche mérite d'être encouragé. Je retiens votre proposition concrète de mobiliser les réseaux consulaires pour favoriser ce rapprochement, piste qui devra être approfondie dans un avenir proche.
Je crois aussi comme vous que les restaurateurs peuvent et doivent jouer un rôle important, notamment en matière de pédagogie et de prescription : ils ont, pour ce faire, la légitimité et la crédibilité nécessaires. Les consommateurs et les clients, mieux informés de l'origine géographique, plus au fait de l'histoire des produits et de leurs conditions de production, deviendront ainsi naturellement plus responsables et exigeants. De fait, le rapprochement du lieu de consommation avec le lieu de production des produits de base prend tout son sens dès lors qu'il est expliqué aux citoyens. En mettant en avant des produits sains, respectueux de la nature et de la tradition, je suis en effet convaincu que les restaurateurs peuvent diffuser une culture et un message qui, à terme, imprègneront l'ensemble du secteur de la restauration et, au-delà, l'ensemble de notre filière agroalimentaire.
Après la rencontre avec André Daguin, il y a quelques années, j'ai voulu promouvoir la qualité au travers du développement du titre de maître restaurateur pour nos meilleurs professionnels de la restauration traditionnelle, sur tous nos territoires, en valorisant de façon concrète leur compétence et leur engagement en faveur de la qualité de service. Je souhaite que cette distinction, la seule mise en oeuvre dans ce domaine par les pouvoirs publics, se développe et constitue une véritable aide pour les consommateurs. Les organisations professionnelles signataires se sont engagées à porter le nombre de maîtres restaurateurs à 3 000 d'ici 3 ans, contre 500 environ aujourd'hui. À cette fin, j'ai souhaité proroger, pour une période de trois ans, le crédit d'impôt tel qu'il existe actuellement.
Vous me pardonnerez de ne pas avoir commenté et repris exhaustivement toutes vos propositions, nombreuses et riches, mais je tenais à venir aujourd'hui dans cet hémicycle pour dire aux membres du Conseil économique, social et environnemental que ses travaux recueillent toute l'attention du gouvernement et que les pistes qu'il dégage contribuent à enrichir utilement le débat et les travaux en matière d'alimentation, de production agricole et, bien entendu, de goût.
Je vous remercie. »
source http://www.conseil-economique-et-social.fr, le 22 décembre 2009