Déclaration de Mme Marie-Luce Penchard, ministre de l'outre-mer, sur le bilan de l'année 2009 en outre-mer et les priorités pour 2010, Paris le 2 février 2010.

Prononcé le

Intervenant(s) : 

Circonstance : Voeux pour l'année 2010, à Paris le 2 février 2010

Texte intégral

Je voudrais tout d'abord vous dire ma très grande fierté de m'exprimer devant vous aujourd'hui, à l'occasion de cette première cérémonie des voeux, en ma qualité de ministre de l'Outre-mer. J'adresse donc à chacun et à chacune d'entre vous, pour cette nouvelle année, mes voeux les plus chaleureux de bonheur et d'épanouissement personnels et professionnels.
J'ai l'honneur d'être en responsabilité, auprès de Brice Hortefeux, depuis sept mois maintenant. Que le temps passe vite ! On pense que tout est oublié, il n'en est rien. L'année 2009 restera incontestablement dans notre mémoire collective.
Pourquoi ? Parce que de nombreux temps forts ont rythmé cette année : la crise sociale, tout d'abord, qui a touché les départements d'Outre-mer au premier trimestre, puis l'organisation et le suivi de la plus vaste consultation jamais organisée : les Etats Généraux de l'Outre-mer, cet « exercice inédit d'intelligence collective » salué récemment le Président de la République à la Réunion. Puis, après le temps de la parole, de l'échange et du débat, le temps des décisions est venu avec le premier Conseil Interministériel de l'Outre-mer du 6 novembre 2009.
A cette occasion, 137 mesures ont été annoncées pour les Outre-mer et déclinées territoire par territoire. Vous comprendrez que la mise en oeuvre de ce CIOM constitue donc ma priorité, ma feuille de route au seuil de cette nouvelle année, car ce qui est en jeu au travers de ces mesures, c'est bien la parole et la crédibilité de l'Etat. Nous nous devons d'être à la hauteur des espoirs suscités dans les territoires. Nous n'avons pas plus le droit de décevoir après ce que s'est passé en 2009 et nous devons tout faire pour maintenir une relation de confiance basée sur le respect mutuel et la responsabilité de chacun.
L'actualité n'a pas manqué sur le plan institutionnel et parlementaire : à la loi organique relative à l'évolution institutionnelle de la Nouvelle-Calédonie et à la départementalisation de Mayotte. De même, je n'oublie pas les lois organiques Saint Martin et Saint Barthélémy, ainsi que le débat, particulièrement intéressant, relatif à la situation de l'Outre-mer au Sénat. Premier exercice pour moi, riche d'expérience.
J'ai particulièrement le sentiment qu'en 2009, l'Outre-mer a eu une actualité très riche ! Le Gouvernement, le Parlement, mais surtout l'ensemble des ultramarins qu'ils résident dans les territoires ou dans l'hexagone se sont saisis de cette question. Le débat n'est pas resté confiné ici, rue Oudinot. Il a irrigué l'ensemble de nos institutions, des lieux de discussion, des média français et même étrangers ! Certes, plutôt négativement au premier semestre, et nous tous ultramarins, nous en avons beaucoup souffert. Mais le second semestre fut l'occasion d'un grand sursaut pour revaloriser notre image et construire un projet commun.
Alors c'est vrai, on dit souvent que le passage d'une année à l'autre est l'occasion de poursuivre les actions que nous avons déjà entamées en ayant le souci de le faire avec plus de détermination et de conviction. Mais j'ai envie de tourner la page de l'année 2009, oublier ce premier trimestre si difficile pour nous tous. Oui, j'ai envie de conserver de cette année, la feuille de route des 137 mesures du CIOM, j'ai envie de mener à bien la LODEOM et les deux lois organiques, l'une sur l'évolution institutionnelle de Mayotte et la départementalisation.
Au delà des paroles, d'ores et déjà un certain nombre de mesures simples ont été prises qui changent la vie en Outre-mer :
* Je pense à la création des Groupement d'intérêt Régionaux de la concurrence dont le Premier Ministre va signer l'acte de création dans les prochains jours,
* Je pense aux observatoires des prix qui seront désormais présidés par des personnalités indépendantes,
* Je pense notamment à l'assouplissement de près de 130 régimes de visas pour faciliter les déplacements des touristes et des entrepreneurs vers les territoires d'Outre-mer,
* Je pense à la suppression du double contrôle pour les passagers au départ de l'aéroport d'Orly et se rendant vers la Martinique et la Guadeloupe ;
* Je pense aux moyens consacrés au logement et à la résorption de l'habitat indigne avec un effort de près de 275 millions d'euros au titre de la ligne budgétaire unique en 2010 et l'accès à une nouvelle ressource par la défiscalisation,
* Je pense à la dotation scolaire de 15 millions d'euros consacrés à Mayotte et à la Guyane,
* Je pense enfin à la nomination de Daniel Maximin pour piloter l'année des Outre-mer
Au delà de toutes ces mesures importantes pour chacun d'entre nous, je pense bien évidemment aux consultations des électeurs en Martinique et en Guyane. Vu les résultats de cette consultation, le Président de la République a eu raison et il a vu juste. Il a confirmé sa proximité et sa compréhension des attentes de ses concitoyens ultramarins. Car il ne suffit pas d'aimer les outre-mer, il faut les comprendre, c'est cela le plus important pour rétablir les liens très forts de confiance partagés et de respects mutuels.
Quant à la méthode, vous avez pu le constater, j'ai eu à coeur d'ouvrir la rue Oudinot à ceux qui militent sincèrement pour la défense des intérêts des outre-mer. Ainsi, au sujet des décrets d'applications LODEOM, j'ai pris le risque d'arrêter le processus de signature en cours, en dépit des fortes pressions exercées, pour adapter ces textes aux besoins des acteurs économiques. Je me réjouis des retours positifs du monde économique à ce sujet et je tiens à les remercier pour leur précieuse collaboration. Cela me conforte dans ma conviction que le temps de la concertation n'est jamais perdu.
J'ai toujours, depuis le début et je continue, placer la responsabilité au coeur de mon action, j'ai refusé les effets d'annonces et préféré garantir l'efficacité des décisions prises. C'est le fil conducteur de tous mes nombreux déplacements : mon tempérament n'est pas de venir faire des annonces et de repartir sans se préoccuper de la mise en oeuvre concrète de ces décisions. Chaque fois que je me rends sur un territoire, c'est pour mesurer le chemin accompli, déceler les blocages et avec l'ensemble des acteurs concernés, adapter les dispositifs existants à la réalité économique et sociale locale.
Pour ce faire, je souhaite maintenant vous faire part des axes prioritaires que j'ai à coeur de mettre en oeuvre pour 2010.
Bien évidemment, parmi mes priorités pour cette nouvelle année, comme vous pouvez l'imaginer, figure en première place la mise en oeuvre des mesures du Conseil interministériel de l'Outre-mer. Les choses doivent changer et il me faut rendre lisibles les impacts dans votre quotidien des mesures instaurées.
Les sous-préfets à la cohésion sociale seront installés dans les prochaines semaines. Ils coordonneront la politique en faveur de notre jeunesse en lien avec les collectivités dont c'est aussi la compétence ; Les commissaires au développement endogène sont en cours de recrutement. J'ai tenu à ce qu'ils soient sélectionnés par un cabinet spécialisé et qu'ils aient une forte expérience du monde de l'entreprise.
La plupart de ces mesures sont engagées avec les Ministères concernés. Je salue à ce sujet la décision de la Ministre de la Justice et des Libertés, Michèle ALLIOT-MARIE, de créer une Cour Administrative d'appel à Cayenne.
Parallèlement, nous aurons à mettre en oeuvre en 2010 la loi électorale en Polynésie française, car, comme l'a annoncé le Président de la République lors des voeux à l'outre-mer, il nous faut trouver des solutions pour garantir la stabilité politique, condition indispensable d'un développement économique réussi. A cet effet, je me rendrai la semaine prochaine en Polynésie Française.
Au delà de ces engagements, je souhaiterais mettre au coeur de notre action 4 priorités :
Le logement tout d'abord : il s'agira de faire de la résorption de l'habitat insalubre et indigne une priorité nationale en s'appuyant sur les conclusions du rapport de Monsieur le Député-maire Serge LETCHIMY. Mais il nous faudra aussi libérer du foncier, assouplir les règles d'utilisation des aides et enfin poursuivre la relance de la production du logement social, tout en apportant notre soutien à l'amélioration de l'habitat privé.
Ensuite j'ai une ambition pour la jeunesse. L'urgence sociale nous oblige à lui apporter des perspectives. C'est pourquoi j'ai rencontré le Ministre de l'Education Nationale, Luc Chatel, pour arrêter le calendrier des réalisations des mesures énoncées lors du CIOM, mais pour parler aussi de la montée en puissance du SMA ou encore le plan contre l'illettrisme.
Je rencontrerai prochainement le Haut-commissaire à la Jeunesse, Martin Hirsch pour voir avec lui la déclinaison de son plan jeunesse en outre-mer.
Il nous faut donner à nos jeunes compatriotes d'outre-mer les moyens de réussir leur avenir.
Troisième chantier prioritaire : l'action en faveur des femmes.
Parce que dans la société ultramarine, les femmes jouent un rôle crucial de prévention dans la cellule familiale et qu'elles constituent la porte d'entrée la plus efficace pour de nombreuses politiques sociales - je pense notamment à la prévention contre le VIH-, elles sont un acteur incontournable.
Cependant, parce que je suis ultramarine, je sais bien que le statut de la femme en Outre-mer est beaucoup plus fragile qu'en métropole.
C'est pourquoi je vais impulser des actions interministérielles afin que soient mieux prises en compte ces spécificités ultramarines. Parallèlement, je réunirai très prochainement les Déléguées régionales aux Droits des femmes de chacun des territoires pour les écouter et définir avec elles les actions prioritaires.
Enfin, le dernier axe qui structurera cette année, c'est bien évidemment la biodiversité car, vous ne l'ignorez pas, 2010 c'est l'année de la biodiversité. Or la biodiversité française se situe principalement en Outre-mer. Ainsi l'Outre-mer concentre près de 10% de la biodiversité marine mondiale soit 13 000 espèces endémiques et 20% des atolls.
Je souhaite valoriser ce patrimoine extraordinaire, et notamment les îles Eparses, réserve naturelle fragile, dans laquelle je me rendrai au cours de l'année 2010.
Je vous ai présenté mes chantiers prioritaires. Je souhaite maintenant apporter une dimension plus personnelle pour 2010. Mon ambition pour 2010 c'est de changer le regard de la métropole sur l'Outre-mer en valorisant les atouts qui permettront à l'Outre-mer de faire face aux défis qui s'annoncent. Arrêtons de toujours penser que l'outre-mer a besoin de la métropole, pensons aussi que la métropole a besoin de l'outre-mer.
Le rôle des Antilles et de la Guyane, dans le positionnement de la France dans le monde, a été mis en évidence par la catastrophe humanitaire en Haïti. Les Antilles ont été une plate forme avancée de la France dans la mobilisation immédiate des moyens en homme et en matériels envoyés en Haïti quelques heures après cette terrible catastrophe. Je me suis rendue en Guadeloupe pour accueillir les premiers rapatriés. J'ai envoyé 42 jeunes du service militaire adapté de Martinique et de Guadeloupe pour participer aux opérations de déblaiement.
En outre-mer, la solidarité est un mot qui a du sens. Lorsque nos voisins sont dans la détresse, nous sommes fiers de répondre présents et d'être parmi les premiers à leur venir en aide. C'est aussi ce visage des outre-mer que je souhaite voir rayonner.
Ce qui est formidable en Outre-mer, c'est la coexistence entre une société traditionnelle et des secteurs à la pointe de l'innovation technologique, entre le maloya et les énergies nouvelles dans lesquels l'Outre-mer fait figure de pionnier.
C'est l'ouverture culturelle sur d'autres environnements régionaux pour un regard renouvelé sur notre conception française de l'identité. L'Outre-mer, c'est une fenêtre sur la diversité des cultures et sur la richesse des liens partagés.
Alors en 2011 se déroulera en métropole mais aussi dans tous nos territoires d'Outre-mer« l'année de l'outre-mer ». Cette saison culturelle constitue une formidable opportunité de faire connaître cette richesse et de faire évoluer les mentalités. Je pense par exemple à la vitalité des cinquante-cinq langues régionales présentes en Outre-mer. Ce patrimoine, il nous appartient de le valoriser et de le promouvoir. C'est pourquoi 2010 doit être une année de préparation intense, à laquelle, Mesdames Messieurs les Parlementaires ; Mesdames Messieurs les Présidents et représentants des associations ultramarines ; Mesdames Messieurs les membres du Conseil Economique et Social d'Outre-mer ; je souhaite que vous soyez pleinement associés.
Pourtant, nous ultramarins, nous avons encore trop souvent tendance à vivre dos à la mer, tourné vers l'intérieur des terres. Notre enclavement est certes lié à notre insularité ou à des contraintes géographiques particulièrement marquées, mais il n'est pas non plus étranger à une tentation de repli ou de vivre « entre-soi ».
Or, les échanges culturels mais aussi économiques dans nos bassins régionaux sont la clé du rayonnement de la France dans le monde. Pour réaliser une plus grande ouverture de nos territoires, certes les coopérations régionales vont nous permettre de le faire, mais nous devons aussi mener une politique du désenclavement par le numérique.
C'est pourquoi le Président de la République a eu raison de rappeler sa volonté d'une politique ambitieuse de développement du numérique et a demandé que le plan de déploiement du très haut débit concerne prioritairement l'outre-mer. Le désenclavement numérique sera essentiel, j'en suis convaincue, à la prospérité de nos territoires.
Alors pour conclure, je formule le voeu que l'année 2010 soit celle du renouveau, de la relance économique, de la reprise d'activité, de la cohésion sociale pour tous ces territoires de l'outre-mer qui nous sont chers et auquel nous sommes profondément attachés et qui font la fierté et la grandeur de notre pays.
Bonne année.
Source http://www.outre-mer.gouv.fr, le 8 février 2010