Déclaration de Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, secrétaire d'État chargée de la prospective et du développement de l'économie numérique, sur l'importance sociale, politique et économique des enjeux numériques, à Paris le 19 janvier 2010.

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Circonstance : Discours de présentation des voeux à La Conciergerie, à Paris le 19 janvier 2010

Texte intégral

Bienvenue à tous,
Nous sommes dans l'antichambre d'une prison, mais ne craignez rien : je ne vous retiendrai que le temps de vous adresser des voeux.
Des voeux pour vous ; des voeux pour notre pays, c'est-à-dire pour nous tous ; et des voeux, enfin, pour le numérique, qui est notre commune actualité.
Une actualité qui nous entoure et qui nous donne aujourd'hui ce décor ludique, que nous devons aux concepteurs de jeux vidéos.
Merci au Syndicat National et à l'Agence Française du jeu vidéo, à Julien Villedieu et à Emmanuel Forsans.
L'année commence bien puisque nous allons pouvoir jouer. Et nous allons également pouvoir admirer les oeuvres qu'exposent Michel Serviteur, Nicolas Martinie, Virginie Hoyaux et Alex Angi.
Merci à eux, et merci enfin à Isabelle Lemesle, qui préside le Centre des monuments nationaux et nous permet aujourd'hui d'occuper ce lieu magnifique.
Alors vous avez remarqué que notre communauté du jour est quelque peu hétéroclite.
On pourrait croire que j'ai voulu, en vous rassemblant, lancer en fanfare l'année « 2010, année de la biodiversité ». Eh bien non ! Cette communauté bigarrée que vous formez, c'est la communauté des amis du secrétariat d'État. La communauté ouverte, mais néanmoins très sélecte, de tous ceux avec qui nous avons eu le plaisir de travailler au quotidien depuis tout juste un an.
Je vois devant moi des élus, des conseillers ministériels, des blogueurs, des journalistes, des ingénieurs, des universitaires, des chercheurs.
Il fallait sans doute une occasion festive pour vous réunir ensemble un même jour. Mais vous n'en avez pas moins tous un point commun : vous nous êtes indispensables.
Votre diversité, la diversité de vos métiers et de vos talents témoigne aussi de la variété des activités du secrétariat d'État, entre numérique et prospective, de sa richesse, et de la chance qui est la nôtre.
L'occasion m'est donc offerte de vous dire ma gratitude, en mon nom comme au nom de mes collaborateurs. Et je forme d'abord un voeu, pour notre propre compte : pouvoir poursuivre avec vous la réalisation de nos projets, en 2010.
Les deux missions du secrétariat d'État, la prospective et le numérique, auront en 2010 une actualité forte.
Il est possible qu'au terme de l'année, notre pays commence progressivement à sortir de la crise qui l'a frappé.
Il est possible .... que nous cessions de creuser notre dette, possible encore ...que notre économie retrouve du souffle, que la croissance reparte.
Mais rien, je le crois tout autant que je l'espère, ne sera plus comme avant. Pour cette triste raison d'abord que le chômage affligera toujours notre pays au terme de l'année. Il faudra du temps pour y remédier.
L'emploi fait aujourd'hui défaut ; il faut en créer. Voilà l'urgence collective à laquelle nous sommes confrontés. Du coup, se réjouir aujourd'hui d'une embellie financière en nous croyant sortis d'affaire serait évidemment une erreur grossière.
D'autant plus grossière que nous avons des leçons à tirer de cette crise.
Les années 2008 et 2009 ont infligé à nos modes de vie et à notre mode de croissance un désaveu que nous devons comprendre.
Réfléchir à la réforme de nos modes de vie et de consommation par exemple, ou bien trouver des modèles de développement durables et sobres, voilà aussi en quoi consiste la prospective.
Nous conduirons cette année une prospective à horizon proche, une prospective à la mesure de l'urgence sociale et économique, en nous intéressant notamment à l'avenir de la protection sociale ou encore aux nouvelles mobilités.
Ces enjeux sociaux me conduisent à former pour notre pays et pour l'Europe, c'est-à-dire pour nous-mêmes, des voeux de rétablissement et des voeux d'initiative : nous sommes à un tournant, et c'est bien aujourd'hui, dès cette année, qu'il nous faut le prendre.
Ce tournant, il est certain que nos sociétés européennes le prendront en tirant un profit considérable des nouvelles technologies, qui ont bouleversé nos modes de vie, de consommation et de travail.
Et qui ont bouleversé également notre industrie et nos services. Ces nouvelles technologies, elles
relèvent toutes, peu ou prou, du numérique.
Et le numérique aura cette année une actualité considérable.
Nous avons quelques travaux en cours, déjà. Je pense à la couverture en haut-débit, à la métamorphose numérique de la télévision ou au développement de la téléphonie mobile. L'Internet haut-débit et bientôt très haut débit, la télévision numérique et la téléphonie mobile ont en commun d'être d'usage massif.
Les média de masse sont aujourd'hui numériques, tout comme le sont la majorité des moyens de communication les plus ordinaires.
L'année dernière, cette année encore, compteront parmi celles qui auront connu le pic de cette transformation collective.
Je ne vais pas vous infliger une dissertation philosophique devant ce beau buffet [d'ailleurs, je vous recommande les verrines salées]. Pas de philosophie, mais... tout de même : je suis de ceux qui pensent que la technique n'est, en elle-même, ni bonne ni mauvaise, elle n'emporte pas de valeur morale. Tout dépend de nous, de ce que nous en faisons. Rien de diabolique, donc. Rien d'angélique, non plus.
Pourquoi vous parler de cela maintenant ? Eh bien justement parce que nous sommes en train de nous doter collectivement de technologies et d'outils qui modifient considérablement et massivement nos existences. Les débats sur le numérique et ses applications sont aujourd'hui permanents et nombreux.
Comme vous le savez, les États se réunissent pour discuter de la gouvernance mondiale de l'Internet ; nous parlons tous les jours des grands projets de numérisation du patrimoine littéraire ; l'industrie musicale cherche son modèle de diffusion numérique ; le législateur s'attaque à la cyber-criminalité ; les réseaux sociaux élaborent des règles d'usage qui semblent courir derrière leur développement fulgurant.
Et ce ne sont là que quelques exemples, les plus saillants, de la transformation numérique, mais aussi de l'importance sociale et politique des enjeux numériques, qui se manifestent lors des débats sur le droit à l'oubli ou la numérisation du patrimoine culturel.
Car sans que nous nous en rendions toujours compte, c'est l'ensemble de notre société qui a été et continue d'être transformée par ces technologies. Ou plus exactement, par les usages que nous en faisons.
Ni diabolique, ni angélique, donc. Notre mission publique consiste à accompagner le développement et la maîtrise des usages numériques qui sont socialement utiles et avantageux. Ceux qui, réellement et collectivement, apportent quelque chose à notre manière de travailler, à notre santé, à l'éducation, au savoir, à la culture.
C'est à cette condition que le numérique aura une véritable actualité sociale en même temps qu'une véritable actualité industrielle.
On est ici au coeur du combat du secrétariat d'État. Je me suis assez plainte de son titre « économie numérique », là ou le terme de « société numérique » me semblait bien plus juste. S'occuper des accès, bien sûr, mais aussi de ce qu'on en fait. Et faire en sorte que cette grande transformation participe de l'emploi et de la cohésion chez nous, en France.
Ce pari - élargir l'action publique sur le numérique, des infrastructures à l'ensemble des transformations en cours - il est en passe d'être gagné. Et le grand emprunt l'illustre.
Plus de 15% du grand emprunt réservé par le Président de la République et le Premier ministre au numérique, c'est en soi une vraie reconnaissance du rôle majeur du numérique comme moteur de transformation positif de notre économie et notre société.
Je ne boude pas mon plaisir - d'abord je suis contre les politiques grognons - et puis dans un Etat forcément impécunieux en période de crise, avoir le moyen de ses ambitions, c'est énorme.
C'est une victoire que je partage avec beaucoup parmi vous, bien au-delà des cabinets : ministres, conseillers, patrons d'entreprises qui ont su convaincre. Et puis il y a en a une autre : en plus des 2mrds infra, 2,5mrds usages, pratiques, contenus. Le tout dans un « fonds pour la société numérique ». Cela ne vous dit rien ? Moi si : c'est la reconnaissance que l'action publique ne doit pas se limiter aux tuyaux.
Alors depuis que l'annonce a été faite que nous allions administrer 4,5 milliards du Grand emprunt, le secrétariat d'État est bien sûr très courtisé ; les demandes abondent.
On dit toujours que l'argent rend les hommes sexy. Je suis aujourd'hui en mesure de confirmer que cela marche aussi pour les femmes.
Tout cela, c'est une responsabilité considérable, bien sur. J'ai suffisamment milité pour obtenir un tel investissement, je n'en ignore pas l'importance.
Le bon usage de ces 4,5 milliards d'euros, auquel j'associerai l'ensemble des autres ministères, sera donc au coeur de nos missions cette année.
Je serai en charge, avec René RICOL, le Commissaire général aux investissements, de la gestion stratégique de ce grand programme d'investissement, au travers du Fonds pour la société numérique.
Voilà pourquoi je forme, pour finir, ce dernier voeu : celui que les projets que nous allons financer cette année favorisent les usages les plus utiles, ceux qui serviront au mieux la société nouvelle.
Nous compterons sur vous tous pour qu'il en soit ainsi, et que 2010 soit à tous égards une année féconde.
Bonne année à vous ! [et bon appétit].
Source http://www.prospective-numerique.gouv.fr, le 19 avril 2010