Déclaration de Mme Michèle Alliot-Marie, présidente du RPR, sur le rapport d'étape élaboré par le RPR , les principes et valeurs ("Vers une société de confiance") à soutenir en vue des échéances électorales de 2002.

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Circonstance : Réunion du Conseil national du RPR à Paris le 30 juin 2001

Texte intégral

Mes chers compagnons,
Depuis les longues semaines consacrées à la préparation de ce rapport d'étape, que vous avez entre les mains, et dont nous avons déjà longuement parlé ce matin, les débats et les contributions des uns et des autres ont été de grande qualité.
Que soient remerciés toutes celles et tous ceux qui ont contribué, par leurs travaux, à la préparation de ce Conseil National et ceux aussi, bien sûr, qui ont animé nos débats de ce matin. Je salue leurs contributions novatrices et dynamiques à notre réflexion. Je sais aussi tout le travail de nos délégués jeunes.
Notre rencontre de ce matin ne vient pas par hasard dans notre calendrier politique. Dès nos assises de juin 2000, nous avons arrêté les grandes lignes de notre projet de société. Nous avions déjà lancé les notions, notamment de responsabilité Individuelle et de proximité.
Nous voici aujourd'hui réunis en conseil national pour un exercice plus technique. Il s'agit de vous présenter, un rapport d'étape de nos travaux de ces derniers mois destinés renforcer notre capacité de réforme et de modernisation de notre société.
Nos assises, les ateliers et conventions de l'alternance, les forums qui nous ont occupé ces dernières semaines, les travaux des sections professionnelles, ce Conseil national ce matin, les nouveaux forums qui reprendront à la rentrée, sur d'autres thèmes, comme la famille, la justice, la recherche, la santé, tout cela constitue un même calendrier. Il a sa cohérence, sa logique, sa dynamique. Nous sommes bien en train de nous préparer, de préparer notre Mouvement et de contribuer à préparer l'ensemble de l'opposition aux échéances majeures pour le pays, aux échéances qui nous attendent dans moins d'un an.
Un mot, vous l'avez entendu, revient sur nos lèvres, remonte de nos travaux, se fait jour dans les aspirations des individus, des associations, des entreprises, des syndicats et de l'ensemble de nos groupes de travail. Ce mot, c'est le mot confiance. Nos compatriotes aspirent à une société de confiance. Ils souffrent de son antinomie. Ils sont victimes, nous sommes victimes, tous, tous les jours de la défiance qui s'est instaurée dans les rapports entre les citoyens et les institutions, entre les électeurs et le monde politique, dans les rapports entre les Français euxmêmes.
Nous proposons donc avec ces premières orientations une organisation nouvelle de la société française et une façon nouvelle et moderne de vivre dans notre pays,.
Nous proposons de bâtir une société de confiance, reposant sur un pacte de confiance avec chacun de nos concitoyens.
Cette société devra répondre à trois aspirations majeures des Français. Elles sont régulièrement exprimées dans les grandes enquêtes d'opinion publique. Elles sont surtout manifestées auprès de nous, élus et cadres politiques, quotidiennement sur le terrain.
Les Français veulent une France plus sûre, ils veulent une France plus libre, et ils veulent vivre dans une France plus juste. Nos propositions autour de la société de confiance, nos axes de réflexion, ont pour mission d'apporter des réponses à ces trois aspirations.
Pour que les Français retrouvent confiance en l'Etat, celui-ci doit garantir une France plus sûre.
Pour que les Français aient le sentiment de vivre dans une France plus libre, l'Etat doit leur faire confiance en allégeant ses contraintes.
Pour constituer une France plus juste, les Français doivent retrouver un lien de confiance entre eux afin d'avoir envie à nouveau de partager un destin commun, de constituer à nouveau une Nation.
Ne nous étonnons pas de voir les Français demander dans le même temps plus à l'Etat et moins à l'Etat. Plus de sûreté et plus de liberté, plus d'Etat ici et moins d'Etat là.
Le paradoxe n'est qu'apparent.
Ce qu'il faut comprendre, et nos adversaires politiques ne le comprennent pas, c'est que les Français veulent que l'Etat retrouve ses vraies missions. Là où il faut plus de sécurité, il faut plus d'Etat. Là où il faut plus de liberté et de place pour le contrat, il faut moins d'Etat. Partout, il faut mieux d'Etat, c'est-à-dire un Etat plus efficace, attentif aux évolutions de la société, à l'écoute des citoyens.
I) Les Français doivent retrouver confiance en un Etat qui leur garantisse
une France plus sûre.
Il faut recréer un pacte de confiance entre l'Etat et les citoyens. Nos compatriotes doutent profondément de la capacité de l'Etat à assurer ses missions traditionnelles, notamment de sécurité, de protection de la personne physique. En nous appuyant largement sur les travaux des ateliers parlementaires, que nous proposons toute une série d'actions allant de la prévention à la sanction pour rendre plus efficace la sécurité des personnes.
Mais au-delà et c'est nouveau, les Français attendent l'Etat dans de nouvelles missions : la sécurité alimentaire, la protection de l'environnement, la lutte contre
le bruit, la qualité de l'eau que l'on boit, la qualité de l'air que l'on respire.
Notre Forum sur l'environnement a tracé des pistes modernes, fait des propositions innovantes en la matière.
Il n'est pas paradoxal que les Français veuillent en même temps une France plus sûre et une France plus libre, mais c'est un enchaînement logique.
La sécurité et le choix sont deux anneaux intimement mêlés, ayant entre eux
une articulation fine et nous devons bien avoir à l'esprit que cette articulation
passe par la réforme de l'Etat.
II) Les Français veulent donc que l'Etat leur fasse à nouveau confiance
pour vivre dans une France plus libre.
Nos travaux nous ont largement permis d'illustrer cette idée. En France, pour des pans entiers de sa vie, l'individu ne peut exercer son libre arbitre, faire des choix. Avec les 35 heures obligatoires, il ne peut choisir son temps de travail.
Avec la retraite à 60 ans, il ne peut choisir le moment de l'arrêt de son activité.
Avec la sectorisation, il n'a pas le choix de l'école de ses enfants. L'Etat impose ainsi une règle identique à des hommes et des femmes différents entre eux, sans prendre
en compte leurs différentes aspirations, sans respecter leur volonté, sans reconnaître leur droit à choisir leur projet de vie.
C'est un facteur grave de déresponsabilisation.
Nous proposons en même temps qu'une société de liberté, une société qui redonne tout son sens à la responsabilité. Travailler 35 heures, c'est une base, certes, mais qui doit forcément être assouplie, celui qui veut travailler plus, sans dépasser une limite légale, doit pouvoir le faire !
De même si les Français se voient garantie une retraite correspondant à une activité professionnelle, ils doivent aussi pouvoir choisir plus librement leur temps d'activité et le moment de leurs efforts pour leur retraite. Cela passe bien sûr par le droit, pour tous ceux qui le veulent, d'accéder à un complément de retraite fondé sur l'épargne, défiscalisée à l'instar de ce qui se passe aujourd'hui pour les fonctionnaires.
Dans ce domaine du droit du travail. Pourquoi imposer impérativement le diktat gouvernemental là où le contrat dans le cadre du dialogue social peut permettre
d'avancer ?
Je n'aurai pas la cruauté pour Monsieur JOSPIN et pour Madame AUBRY de revenir sur le triste épisode de l'UNEDIC. Nous proposons que par principe, le dialogue social prime sur la loi, qu'il y ait un partage des tâches entre la loi et le contrat. Pour nous, tout projet à caractère social doit désormais être soumis à la libre appréciation des partenaires sociaux avant sa transmission au législateur. Vous le voyez, on est loin des 35 heures imposées.
Cette transformation des rapports du citoyen et de l'Etat implique de réformer ce dernier dans la définition de ses missions, dans sa façon d'agir, mais aussi dans ses structures. Il faut rapprocher le lieu de décision et les citoyens pour que ceux-ci soient plus entendus, écoutés et compris.
C'est dans cet esprit que nous avons travaillé, et vous êtes beaucoup ici à avoir contribué à cette réflexion, sur la décentralisation. Il est évident que le pays a besoin là aussi d'une nouvelle et importante reforme qui accorde de nouvelles libertés aux collectivités locales avec probablement une reconnaissance plus forte de deux niveaux de travail et de représentation qui s'affirment : la région et les communautés de communes. Nos propositions ont été rappelées.
Voilà donc quelques exemples de ces transformations qui permettraient de renouveler les rapports entre les Français et l'Etat face à la nécessité devant laquelle nous sommes : l'Etat doit faire confiance aux Français pour leur permettre de choisir leur vie.
Mais, l'organisation harmonieuse plus sûre et plus libre de la société française, ne saurait s'enfermer dans la dialectique du couple Etat-individu. Au-delà les Français doivent retrouver le goût de vivre ensemble. L'individu attend de la sûreté de la part de l'Etat et attend aussi de la liberté, mais au-delà, l'individu, les personnes, les Français, les gens, comme certains disent de nos jours, doivent aussi retrouver le goût de vivre ensemble.
III) Ils veulent aussi retrouver un lien de confiance entre eux, afin de constituer à nouveau une Nation plus unie, une France plus juste. Vivre ensemble passe par un contrat de chacun avec le groupe. Vivre ensemble, c'est vouloir partager un destin commun. Pour cela, chacun doit pouvoir épanouir ses capacités et ses aspirations, se sentir reconnu, valorisé, suffisamment libre dans sa sphère d'action pour ne pas être contraint par les autres.
Ce souci du destin commun, ce souci de l'homme, perçu comme ayant un destin individuel, à l'intérieur d'un destin commun national, c'est un souci gaulliste et personne ne peut venir nous dire que c'est archaïque !
Nous vivons aujourd'hui dans une France où certains nourris d'idéologies à base marxistes, trotskistes, révisionnistes ou autres. peu importe - s'obstinent à diviser la France. Ceux qui vivent de la terre sont forcément des pollueurs, ennemis tout trouvés de la loi sur l'eau. Tout est fait pour que salariés et fonctionnaires s'opposent dans leurs régimes de retraites comme dans leurs heures de travail. De la même façon, salariés et chefs d'entreprise sont forcément dans un rapport conflictuel. Plus grave encore, parce que plus durablement ancré dans la société française, on a communautarisé les 2ème et 3ème générations de l'immigration, on a pris le risque des doubles cultures en créant des générations sans culture, sans références.
Ce n'est pas notre vision de la Nation. Ce n'est pas notre vision de la France.
La France est fraternelle. Elle est juste. Elle constitue un cadre où chacun doit
retrouver les moyens de s'épanouir de manière égale.
Comment ne pas voir le risque d'agressivité quand ce sont toujours les mêmes
à qui on demande de faire des efforts, de payer et qu'ils croient que ceux qui en
font moins sont mieux considérés et aidés ?
Nombreux sont les Français qui se sentent injustement visés par l'impôt, oubliés par les prestations sociales et interdits de prospérité.
Nous devons créer les conditions d'une juste reconnaissance du mérite, de l'effort, dans l'entreprise comme dans la société. Cela passe par l'école, creuset de ce destin partagé qu'est la République et condition de l'épanouissement individuel.
La révision que nous proposons de la fiscalité autour de l'idée de charte de contribuable repose sur une idée semblable : Reconnaître les différences et les différences de mérite. La justice ce n'est pas systématiquement la même chose pour tous, quels que soient les efforts.
La mise en uvre de cette société passe par un certain nombre de mesures concrètes, non seulement, dans l'organisation générale de la notre société, mais aussi dans la vie de tous les jours. Dans l'accès aux administrations, dans la apacité à comprendre la complexité juridique de certaines situations, les Français ne sont pas égaux. Et nous devons, là aussi, faire d'importants efforts de réformes.
Notre idée de participation, je dis, notre, parce qu'elle appartient à nos valeurs, sous-tend évidemment toutes ces propositions. L'idée de participation n'a pas vocation à nous guider pour la seule vie du salarié dans l'entreprise, elle est aussi, et elle demeure l'idée qui fonde notre vision de l'homme et son engagement dans l'ensemble de la société.
La justice, c'est aussi la garantie sur tout le territoire d'une même éducation de base. Bien sûr, telle ville, telle entreprise, telle université, telle région portée sur une industrie particulière ou frontalière doivent pouvoir créer ensemble des filières spécialisées de formation. Mais il revient à l'Etat de s'assurer et de garantir aux Français et aux parents que les enfants recevront un même bagage commun. On disait autrefois, lire, écrire et compter, il faut ajouter à cette trilogie l'accès aux nouvelles technologies. Il faut surtout qu'ensuite chaque jeune soit amené au niveau le plus haut possible de formation en fonction de ses goûts et des ses compétences. 80 % d'élèves au bac ce n'est pas un progrès de la justice puisqu'on abandonne les 20 % restant !
Dans le même esprit, les Français attendent de l'Etat plus de justice dans la possibilité pour chacun d'être soigné. Ils aspirent, sur l'ensemble du territoire, à un égal accès aux soins.
Oui, mes chers Compagnons, j'en ai le sentiment profond, les Français veulent retrouver confiance. Ils veulent que l'Etat leur garantisse une France plus sûre ; Ils veulent que l'Etat leur fasse à nouveau confiance en allégeant leurs contraintes pour vivre dans une France plus libre ; Ils veulent aussi retrouver un lien de confiance entre eux, afin de constituer à nouveau une Nation, une France, plus juste.
Une dernière remarque sur ce triptyque, mais je suis sûre que vous y avez aussi pensé, l'approche qui préside à tout cela, ce n'est pas celle de la catégorie, ce n'est pas celle de la collectivité, c'est celle de l'individu. Notre souci, c'est l'homme. Nous le faisons passer avant l'idéologie. Ce qui nous intéresse, c'est l'individu, le citoyen, dans sa vie, dans son environnement. L'assurance de ces sécurités et la réservation de ces libertés. C'est l'homme et la dimension humaine, la prise en compte du destin de chacun qui nous occupe.
Pour conclure, mes chers Compagnons, je veux me poser avec vous une question que beaucoup se posent, que j'ai beaucoup entendu ces derniers jours : ce rapport d'étape, cette ébauche de programme, pour qui et pour quoi ?
1) Je vous répondrai qu'il est d'abord pour vous. Vous, les cadres du Mouvement, qui, tous les jours, sur le terrain, dans les fédérations êtes sollicités, interrogés par nos militants. Ces propositions vous permettront de leur répondre, de les faire réagir et de leur montrer que le Mouvement pour lequel ils se mobilisent et pour lequel ils veulent encore se mobiliser, est à l'ouvrage et attend leurs réactions et leurs contributions.
2) Mais au-delà de nous-mêmes, ce document, cet effort, ce travail sont destinés à l'ensemble de nos amis, de nos alliés de l'opposition pour gagner les législatives. J'entends dire, à quoi sert de faire un programme seul, puisqu'il faudra bien gouverner ensemble.
3) Et ce ne sera sans doute pas facile, compte tenu de la situation que le Gouvernement de Lionel JOSPIN laisse s'installer dans son irresponsabilité. On me dit aussi : pourquoi faire un programme puisqu'une Union de l'opposition est en train de se construire ?
4)
Je réponds : où est l'incompatibilité ? Pourquoi le Rassemblement pour la République, parti important de l'Union de l'opposition, qui vient de remporter avec ses alliés d'importantes victoires, qui est crédité dans les sondages d'environ 25 % des intentions de vote ne travaillerait-t-il pas à un programme de gouvernement ?
N'oublions pas que dans un an, tout sera joué. Et nous aurons, si nous gagnons les élections législatives, comme je l'espère, à gouverner la France. Et je peux vous le dire déjà, dans les mois qui viennent, tout le monde se trouvera heureux de pouvoir travailler sur la base que le Rassemblement Pour la République aura bâti pour le bénéfice de tous.
3) Mais au-delà de nous-mêmes, au-delà de l'union de l'opposition qui veut gagner les élections législatives, c'est à tous les Français, qui vont élire le Président de la République, que nous nous adressons.
Nous voulons leur faire savoir que nous les écoutons, le monde change, les Français changent. Nous devons moderniser notre société et notre Etat. Avant les élections législatives en effet, nous ferons un choix de société.
La Constitution de notre pays, comme son inspirateur principal l'a voulu, veut que ce choix de société s'incarne dans le choix d'une personne. Et là, il ne s'agira pas de 577 combats électoraux, il s'agira d'une seule, grande et unique circonscription : la France ! Pour cette échéance à laquelle, nous nous préparons tous, nos travaux, mais aussi notre énergie et notre ferveur sont destinés à celui dont nous appelons la candidature de nos vux.
La philosophie de notre projet, la manière dont il est conçu, le souci constant de
l'écoute des Français et de la proximité avec chacun d'eux s'incarnent en effet
dans les valeurs, les idées et l'action politique de Jacques CHIRAC.
(source http://www.rpr.org, le 3 juillet 2001)