Texte intégral
Mesdames et Messieurs,
Je suis particulièrement heureuse d'ouvrir cette journée d'échanges et de débats avec vous, et je remercie les organisateurs du Forum Green IT de me donner ainsi l'occasion de présenter quelques unes des priorités d'action du secrétariat d'Etat chargé de la Prospective et du Développement de l'économie numérique.
Votre invitation me permet de rappeler combien je suis convaincue que la nouvelle économie se construit aujourd'hui au frottement des technologies numériques et des éco-technologies : c'est tout l'enjeu du Green IT sur lequel vous travaillez aujourd'hui.
Nous faisons face, depuis quelques mois, à deux crises ; deux crises qui sont toutes deux d'ampleur inégalée et qui ont toutes deux en commun d'être des crises de ce que l'on pourrait appeler le « court-termisme ». Nous affrontons d'une part une crise économique, déclenchée notamment par le besoin de profits immédiats, aux dépens de toute réflexion sur la croissance réelle de l'économie ; la crise écologique d'autre part, qui résulte de notre incapacité à comprendre le caractère fini de notre monde. Mais cette double crise est également une opportunité, parce qu'elle fait appel à notre responsabilité collective et nous invite à concevoir un autre rapport au monde, qui devra tirer des technologies numériques le meilleur parti qui soit.
Depuis l'élection du Président Nicolas Sarkozy en mai 2007, nous nous sommes engagés dans une véritable rénovation écologique de toutes nos politiques grâce au formidable exercice de démocratie et de concertation qu'à été le « Grenelle de l'environnement ».
En effet, nous avons acquis la conviction que la prise en compte des enjeux environnementaux et énergétiques dans les décisions du Gouvernement ou des entreprises n'est pas du greenwashing, à l'image des 200 chèvres qui remplacent les tondeuses sur le siège social de Google à Mountain View. Non, cette prise en compte est bien l'une des modalités prioritaires du soutien immédiat à une activité malheureusement en berne aujourd'hui. Je vois à ce titre un formidable message d'espoir dans la part belle fait aux investissements « verts » dans les plans de relance.
L'économie numérique est le secteur le plus dynamique de l'économie mondiale : elle représente désormais plus de 25 % de la croissance mondiale ; elle en représentera 30 % avant 5 ans.
Par conséquent, même si, comme je l'ai vu lors de mon déplacement en avril dans la Silicon Valley, le secteur des TIC semble résister à la crise, il ne peut être absent de cette transformation en cours de toute l'économie vers un nouveau modèle de croissance pérenne, responsable et solidaire.
Pour accompagner ce verdissement des TIC (je n'ose pas dire leur « verdeur »), le Gouvernement a commandé dès 2008 un rapport au conseil général de l'environnement et du développement durable (CGEDD) et au conseil général de l'industrie, de l'énergie et des technologies (CGIET), en collaboration avec l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes (ARCEP). Ce rapport effectue une première évaluation des impacts écologiques des technologies de l'information et de la communication et de leurs apports dans la lutte contre le changement climatique.
Il s'appuie en particulier sur une large synthèse des études internationales sur le sujet, comme l'est par exemple celle du Climate Group pour le compte du GeSI (Global eSustainability Initiative) « SMART 2020 - Pour une économie sobre en carbone à l'age de l'information » ou celle de Gartner et du WWF « Assess Low Carbon and Environmental Leadership Among Global ICT Companies ». Le rapport établit que la contribution des TIC à la croissance verte peut être de deux ordres. Je souhaiterais examiner avec vous successivement ces deux niveaux.
Tout d'abord, comme tous les secteurs de l'économie, les TIC peuvent être - et même doivent être - elles-mêmes plus sobres en énergie et produire moins de déchets. Les voies de progrès sont nombreuses et variées en la matière. Cela peut passer soit :
- par l'amélioration des unités d'alimentation électrique et une meilleure gestion de l'énergie grâce à l'extinction automatique des moniteurs et disques durs : le constructeur Dell, dont l'approche Green IT vous sera présentée par Éric Greffier, s'est ainsi engagé en 2008 à ce que ses PC de bureau et portables consomment 25 % de moins en 2010 ;
- par la refonte des « data centers » avec par exemple des réflexions sur leur architecture, leur localisation ou sur la récupération de chaleur dégagée ; j'ai pu vérifier lors d'une visite chez Schneider Electric en avril dernier que les solutions existent en la matière : il vous appartient désormais, en tant que responsables informatiques dans vos entreprises, de les mettre en oeuvre, sachant que l'arrivée pour cette catégorie de matériel du label « Energy Star » va vous faciliter la tâche ;
- par l'attention portée à l'écriture des applications pour qu'elles consomment moins d'énergie, comme vous y a invité Microsoft lors des « Techdays 2009 » en organisant spécifiquement une session « développement d'applications vertes » ;
- par la rationalisation des impressions qui est désormais bien passée dans les habitudes des entreprises, même si des voies de progrès existent encore, comme vous l'expliqueront Jean-Pierre BALANGER et Olivier MEYER de Ricoh ;
- ou encore et enfin, par la « virtualisation » : les exemples abondent en ce moment en la matière ; ainsi, après avoir virtualisé 90% de ses serveurs en 2007, le groupe Agrica a virtualisé en 2008 tous ses postes de travail : selon les mesures qu'ils ont effectuées, leur consommation électrique a ainsi été divisée par deux.
Je profite de ma présence devant un public nombreux de responsables informatiques en entreprises pour consacrer une remarque particulière au programme « Ordi 2.0 ».
Chaque année, plus de 2,5 millions d'ordinateurs « amortis » d'un point de vue comptable prennent encore le chemin de la déchetterie. L'obsolescence de plus en plus rapide des machines, liée aux effets de mode ou aux nouveaux systèmes et logiciels, accroît ainsi le nombre d'ordinateurs réutilisables mais souvent jetés de manière inutile.
Pourtant, plus de 50 % d'entre eux fonctionnent encore et pourraient être donnés à des personnes qui n'ont pas les moyens d'acquérir des matériels neufs, alors que parallèlement, seulement 60 % des foyers français sont équipés en ordinateurs. Et vous savez qu'aujourd'hui, être privé d'un ordinateur connecté, c'est être privé d'accès à l'information, à la culture, à l'éducation, aux services publics, et donc se retrouver exposé à un risque accru de marginalisation.
Pour accélérer l'équipement à bas prix des publics en difficulté économique, j'ai souhaité, au niveau national comme sur ma commune de Longjumeau, soutenir et encourager le déploiement, sous la marque Ordi 2.0 d'une filière nationale de collecte, de rénovation et de réemploi des ordinateurs.
La démarche est conçue pour donner une deuxième vie aux matériels informatiques et pour devenir un moteur d'insertion économique.
Elle s'inscrit dans une stricte démarche de respect de l'environnement : la production d'un ordinateur laisse en effet une forte empreinte écologique : environ 240 kg d'énergies fossiles, 22 kg de produits chimiques et 1 500 l d'eau, 1,8 tonne de matières premières dont beaucoup deviennent rares, comme l'eau, le cuivre, l'aluminium ou l'or, et d'autres sont néfastes pour l'environnement, comme le mercure, le cadmium ou le plomb.
Je vous invite donc, lors de votre prochain renouvellement d'ordinateurs, à vous renseigner au préalable sur le site www.ordi2-0.fr/ pour contribuer vous aussi à une démarche exemplaire, tant du point de vue économique que social.
Le programme Ordi 2.0 est un exemple de ce que je souhaite initier à travers les « Ateliers de la société numérique solidaire », dont j'organise la première réunion après-demain sur les thématiques de l'aide à l'emploi, de l'entraide sociale et de l'équipement numérique des logements sociaux.
Le deuxième volet des liens entre les TIC et le développement durable tient à la manière dont les TIC peuvent être utilisées dans l'industrie, les services et la vie quotidienne pour diminuer les émissions de gaz à effet de serre.
Les exemples de bonnes pratiques en la matière sont innombrables ; vous êtes mieux placés que quiconque pour le savoir. Je souhaite en mentionner quelques-uns, mais je ne doute pas que les intervenants de cette journée, et les témoignages que vous y ajouterez, viendront compléter cette liste.
Je pense d'abord aux nouveaux systèmes de télécommunication performants, qui permettent le développement de la visioconférence ou du télétravail : Christophe GIRARDET de Genedis interviendra sur ce sujet, qui est particulièrement d'actualité aujourd'hui, au moment même où s'ouvre à l'Assemblée nationale la discussion d'une proposition de loi pour faciliter le maintien et la création d'emploi, proposition de loi qui comprend un article spécifique pour faciliter le recours au télétravail. Par ailleurs, l'accélération de la couverture du territoire national par le réseau très haut débit, que j'ai souhaité inscrire au volet numérique du Plan de relance, facilitera le recours au télétravail ;
Vient ensuite la mise en oeuvre de capteurs électroniques et de dispositifs de contrôle, d'information et de commande d'automatismes, qui favorise l'optimisation des consommations énergétiques dans les bâtiments. Une offre comme celle de la société Vizelia, qui vous sera présentée cet après-midi par René-Yves LABRANCHE, DSI de la mairie de Chelles, et que j'ai pu apprécier lors de ma visite de cette entreprise, est ainsi susceptible d'offrir des diminutions immédiate de consommation de 10 à 15 % par simple modification du comportement des usagers ; puis vient l'utilisation de logiciels de « product lifecycle management », qui devrait être à l'avenir davantage tournée vers le développement de l'éco-conception et la généralisation des analyses de cycle de vie (ACV).
C'est là le prélude à la mise en place des systèmes de production « circulaires », qui en finiront avec la notion même de déchets. Il s'agit d'une voie de progrès encore balbutiante que je vous incite vivement à explorer dans vos entreprises ;
Je pense encore aux systèmes de gestion des flux logistiques (ou SCM pour Supply Chain Management) et du trafic urbain. L'électronique embarquée et la motorisation intelligente dans les véhicules diminuent l'impact des transports : la recherche s'intéresse à ces systèmes intelligents d'optimisation, puisqu'ils sont par exemple identifiés comme un des premiers sujets de travail de la future chaire Ecole Polytechnique / CNRS / Microsoft que j'inaugurerai le 3 juin prochain à Palaiseau ;
Enfin, la dématérialisation des procédures administratives est une vraie voie de simplification pour les entreprises puisqu'une étude AFNOR parue en 2008 évalue les démarches administratives des entreprises à plus de 130 millions de formulaires par an : nous continuons à travailler activement à la faire progresser avec des initiatives comme « TéléTVA » ou « netentreprises » pour les déclarations sociales.
Le rapport CGEDD/CGIET auquel je faisais allusion montre que les TIC ont un apport positif pour la réduction des émissions de gaz à effet de serre, en permettant d'économiser 1 à 4 fois leurs propres émissions sur le reste de l'économie : les TIC nous offrent ainsi de multiples opportunités pour répondre à l'objectif ambitieux de réduction de la consommation énergétique que s'est fixé la France.
Je voudrais toutefois rappeler que les arguments en faveur de l'utilisation du Green IT ne sont pas seulement écologiques : ils sont également économiques.
C'est ce que montre une enquête menée entre décembre 2008 et janvier 2009 auprès d'un millier de PME de 12 pays, dont la France, par Info-Tech Research Group pour le compte d'IBM. Il apparaît que plus de 80% des entreprises sondées ont lancé des chantiers green IT ou prévoient de le faire sous peu. Mais cette étude a surtout montré que les PME qui investissent dans le Green IT le font plus par souci de réduction de coûts que par souci écologique. Pourtant, la réduction de coût immédiate que ces investissement génèrent (en diminuant la consommation électrique ou l'utilisation de consommables) entraîne également une diminution des émissions de CO2. L'économie et la planète s'en sortent toutes les deux mieux. Je ne crois pas qu'on doive s'en plaindre.
Cette enquête identifie en outre quatre grands profils de responsables informatiques ; je vous en résume l'essentiel, pour vous permettre de réfléchir à vos pratiques (et vous permettre peut-être de vous retrouver dans l'un ou l'autre de ces « Caractères » - ce n'est pas du La Bruyère, mais c'est intéressant) :
- les économes sont les plus nombreux (avec 38 % de l'échantillon) : très engagés dans les projets de green IT, ils sont moins concernés par les aspects environnementaux ;
- les avocats de la cause (25%), eux, ont lancé leurs chantiers avec la sauvegarde de l'environnement en tête ;
- les observateurs (30%) ont engagé peu de choses et se sentent peu concernés par l'écologie ;
- enfin, pour les 7% restants, la Green attitude est bien là, mais les projets n'ont pas encore suivi.
Ce tableau est déjà encourageant mais j'espère qu'à l'issu de cette journée, vous serez encore plus nombreux à avoir rejoint les avocats de la cause ou les économes. Ce sont, je l'avoue, mes préférés.
Vous le voyez, les TIC offrent de multiples opportunités pour soutenir les stratégies de développement durable des entreprises.
Les TIC peuvent de plus apporter ce qui manque malheureusement encore trop souvent aux démarches de développement durable : la coopération et la mutualisation, qui sont très complémentaires du réglementaire que met en oeuvre l'Etat. Cette coopération et cette mutualisation, c'est ce que l'on appelle le Web 2.0, c'est-à-dire des outils de partage et d'intelligence collective créés plus par les usagers qu'à la faveur d'une logique de prescription « descendante ».
Le Web 2.0 offre des opportunités considérables, qui seront évoquées à deux reprises aujourd'hui : d'abord, avec le projet porté par Jean-Paul HEBRARD dans le cadre de Tech for Food ; il s'agit de structurer une plateforme collaborative pour que les compétences des pays du Nord soient mises à la disposition des agriculteurs du Sud. C'est un instrument formidable : un lycée agricole du Cantal pourrait ainsi aider des paysans maliens dans des calculs d'hydraulique pour installer une pompe d'irrigation ; ensuite, le Cluster « Green and Connected Cities » que vous présentera Gilles BERHAULT, de l'Association ACIDD - projet que mon Secrétariat d'Etat soutient - et qui devrait également, parmi ces premiers travaux, se pencher sur cette question du Web 2.0 pour favoriser la collaboration et la mutualisation au sein des aires métropolitaines entre administrations, entreprises et simples citoyens.
C'est dans cet esprit que j'ai souhaité que soit inclus dans le volet numérique du Plan de relance que j'ai dévoilé le 6 mai dernier, un volet spécifique de 20 Meuros consacré au soutien à des projets de plates-formes Web 2.0. Pour ne pas perdre de temps dans la mise en oeuvre de cette mesure de soutien au secteur du logiciel et des services, je dévoilerai dès demain les modalités pratiques de cet appel à projets.
Cependant, il ne faut pas se cacher que la mise en oeuvre du Web 2.0 au service du développement durable dans les entreprises nécessite de marier des compétences qui sont encore bien souvent éloignées dans les organigrammes : les compétences dans les technologies du numérique et celles en matière de développement durable, sous ses trois approches, économiques, environnementales et sociétales.
Le programme Green IT lancé le mois dernier par la Société Générale dans le cadre de son programme de neutralité carbone à l'horizon 2012 est ainsi piloté conjointement par la direction du développement durable et la direction des systèmes informatiques : il est à ce titre exemplaire de la double compétence qu'il convient désormais d'acquérir.
C'est pourquoi, je souhaite que la journée que vous organisez aujourd'hui soit l'occasion de susciter au sein de vos entreprises le développement de nouveaux métiers, associant développement durable et technologies de l'information dans une compréhension globale et systémique.
Ces nouveaux responsables que j'appelle de mes voeux devront assurément faire preuve de force de mobilisation et de capacité pédagogique pour convertir l'ensemble de leur entreprise à ce nouvel état d'esprit.
Vous le voyez à travers ces quelques mots d'ouverture, les perspectives ouvertes en matière de Green IT sont vastes. Je vous souhaite donc une journée studieuse et riche : je serai attentive aux retours qui m'en seront faits.
Je vous souhaite d'excellents travaux.
Source http://www.prospective-numerique.gouv.fr, le 21 avril 2010
Je suis particulièrement heureuse d'ouvrir cette journée d'échanges et de débats avec vous, et je remercie les organisateurs du Forum Green IT de me donner ainsi l'occasion de présenter quelques unes des priorités d'action du secrétariat d'Etat chargé de la Prospective et du Développement de l'économie numérique.
Votre invitation me permet de rappeler combien je suis convaincue que la nouvelle économie se construit aujourd'hui au frottement des technologies numériques et des éco-technologies : c'est tout l'enjeu du Green IT sur lequel vous travaillez aujourd'hui.
Nous faisons face, depuis quelques mois, à deux crises ; deux crises qui sont toutes deux d'ampleur inégalée et qui ont toutes deux en commun d'être des crises de ce que l'on pourrait appeler le « court-termisme ». Nous affrontons d'une part une crise économique, déclenchée notamment par le besoin de profits immédiats, aux dépens de toute réflexion sur la croissance réelle de l'économie ; la crise écologique d'autre part, qui résulte de notre incapacité à comprendre le caractère fini de notre monde. Mais cette double crise est également une opportunité, parce qu'elle fait appel à notre responsabilité collective et nous invite à concevoir un autre rapport au monde, qui devra tirer des technologies numériques le meilleur parti qui soit.
Depuis l'élection du Président Nicolas Sarkozy en mai 2007, nous nous sommes engagés dans une véritable rénovation écologique de toutes nos politiques grâce au formidable exercice de démocratie et de concertation qu'à été le « Grenelle de l'environnement ».
En effet, nous avons acquis la conviction que la prise en compte des enjeux environnementaux et énergétiques dans les décisions du Gouvernement ou des entreprises n'est pas du greenwashing, à l'image des 200 chèvres qui remplacent les tondeuses sur le siège social de Google à Mountain View. Non, cette prise en compte est bien l'une des modalités prioritaires du soutien immédiat à une activité malheureusement en berne aujourd'hui. Je vois à ce titre un formidable message d'espoir dans la part belle fait aux investissements « verts » dans les plans de relance.
L'économie numérique est le secteur le plus dynamique de l'économie mondiale : elle représente désormais plus de 25 % de la croissance mondiale ; elle en représentera 30 % avant 5 ans.
Par conséquent, même si, comme je l'ai vu lors de mon déplacement en avril dans la Silicon Valley, le secteur des TIC semble résister à la crise, il ne peut être absent de cette transformation en cours de toute l'économie vers un nouveau modèle de croissance pérenne, responsable et solidaire.
Pour accompagner ce verdissement des TIC (je n'ose pas dire leur « verdeur »), le Gouvernement a commandé dès 2008 un rapport au conseil général de l'environnement et du développement durable (CGEDD) et au conseil général de l'industrie, de l'énergie et des technologies (CGIET), en collaboration avec l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes (ARCEP). Ce rapport effectue une première évaluation des impacts écologiques des technologies de l'information et de la communication et de leurs apports dans la lutte contre le changement climatique.
Il s'appuie en particulier sur une large synthèse des études internationales sur le sujet, comme l'est par exemple celle du Climate Group pour le compte du GeSI (Global eSustainability Initiative) « SMART 2020 - Pour une économie sobre en carbone à l'age de l'information » ou celle de Gartner et du WWF « Assess Low Carbon and Environmental Leadership Among Global ICT Companies ». Le rapport établit que la contribution des TIC à la croissance verte peut être de deux ordres. Je souhaiterais examiner avec vous successivement ces deux niveaux.
Tout d'abord, comme tous les secteurs de l'économie, les TIC peuvent être - et même doivent être - elles-mêmes plus sobres en énergie et produire moins de déchets. Les voies de progrès sont nombreuses et variées en la matière. Cela peut passer soit :
- par l'amélioration des unités d'alimentation électrique et une meilleure gestion de l'énergie grâce à l'extinction automatique des moniteurs et disques durs : le constructeur Dell, dont l'approche Green IT vous sera présentée par Éric Greffier, s'est ainsi engagé en 2008 à ce que ses PC de bureau et portables consomment 25 % de moins en 2010 ;
- par la refonte des « data centers » avec par exemple des réflexions sur leur architecture, leur localisation ou sur la récupération de chaleur dégagée ; j'ai pu vérifier lors d'une visite chez Schneider Electric en avril dernier que les solutions existent en la matière : il vous appartient désormais, en tant que responsables informatiques dans vos entreprises, de les mettre en oeuvre, sachant que l'arrivée pour cette catégorie de matériel du label « Energy Star » va vous faciliter la tâche ;
- par l'attention portée à l'écriture des applications pour qu'elles consomment moins d'énergie, comme vous y a invité Microsoft lors des « Techdays 2009 » en organisant spécifiquement une session « développement d'applications vertes » ;
- par la rationalisation des impressions qui est désormais bien passée dans les habitudes des entreprises, même si des voies de progrès existent encore, comme vous l'expliqueront Jean-Pierre BALANGER et Olivier MEYER de Ricoh ;
- ou encore et enfin, par la « virtualisation » : les exemples abondent en ce moment en la matière ; ainsi, après avoir virtualisé 90% de ses serveurs en 2007, le groupe Agrica a virtualisé en 2008 tous ses postes de travail : selon les mesures qu'ils ont effectuées, leur consommation électrique a ainsi été divisée par deux.
Je profite de ma présence devant un public nombreux de responsables informatiques en entreprises pour consacrer une remarque particulière au programme « Ordi 2.0 ».
Chaque année, plus de 2,5 millions d'ordinateurs « amortis » d'un point de vue comptable prennent encore le chemin de la déchetterie. L'obsolescence de plus en plus rapide des machines, liée aux effets de mode ou aux nouveaux systèmes et logiciels, accroît ainsi le nombre d'ordinateurs réutilisables mais souvent jetés de manière inutile.
Pourtant, plus de 50 % d'entre eux fonctionnent encore et pourraient être donnés à des personnes qui n'ont pas les moyens d'acquérir des matériels neufs, alors que parallèlement, seulement 60 % des foyers français sont équipés en ordinateurs. Et vous savez qu'aujourd'hui, être privé d'un ordinateur connecté, c'est être privé d'accès à l'information, à la culture, à l'éducation, aux services publics, et donc se retrouver exposé à un risque accru de marginalisation.
Pour accélérer l'équipement à bas prix des publics en difficulté économique, j'ai souhaité, au niveau national comme sur ma commune de Longjumeau, soutenir et encourager le déploiement, sous la marque Ordi 2.0 d'une filière nationale de collecte, de rénovation et de réemploi des ordinateurs.
La démarche est conçue pour donner une deuxième vie aux matériels informatiques et pour devenir un moteur d'insertion économique.
Elle s'inscrit dans une stricte démarche de respect de l'environnement : la production d'un ordinateur laisse en effet une forte empreinte écologique : environ 240 kg d'énergies fossiles, 22 kg de produits chimiques et 1 500 l d'eau, 1,8 tonne de matières premières dont beaucoup deviennent rares, comme l'eau, le cuivre, l'aluminium ou l'or, et d'autres sont néfastes pour l'environnement, comme le mercure, le cadmium ou le plomb.
Je vous invite donc, lors de votre prochain renouvellement d'ordinateurs, à vous renseigner au préalable sur le site www.ordi2-0.fr/ pour contribuer vous aussi à une démarche exemplaire, tant du point de vue économique que social.
Le programme Ordi 2.0 est un exemple de ce que je souhaite initier à travers les « Ateliers de la société numérique solidaire », dont j'organise la première réunion après-demain sur les thématiques de l'aide à l'emploi, de l'entraide sociale et de l'équipement numérique des logements sociaux.
Le deuxième volet des liens entre les TIC et le développement durable tient à la manière dont les TIC peuvent être utilisées dans l'industrie, les services et la vie quotidienne pour diminuer les émissions de gaz à effet de serre.
Les exemples de bonnes pratiques en la matière sont innombrables ; vous êtes mieux placés que quiconque pour le savoir. Je souhaite en mentionner quelques-uns, mais je ne doute pas que les intervenants de cette journée, et les témoignages que vous y ajouterez, viendront compléter cette liste.
Je pense d'abord aux nouveaux systèmes de télécommunication performants, qui permettent le développement de la visioconférence ou du télétravail : Christophe GIRARDET de Genedis interviendra sur ce sujet, qui est particulièrement d'actualité aujourd'hui, au moment même où s'ouvre à l'Assemblée nationale la discussion d'une proposition de loi pour faciliter le maintien et la création d'emploi, proposition de loi qui comprend un article spécifique pour faciliter le recours au télétravail. Par ailleurs, l'accélération de la couverture du territoire national par le réseau très haut débit, que j'ai souhaité inscrire au volet numérique du Plan de relance, facilitera le recours au télétravail ;
Vient ensuite la mise en oeuvre de capteurs électroniques et de dispositifs de contrôle, d'information et de commande d'automatismes, qui favorise l'optimisation des consommations énergétiques dans les bâtiments. Une offre comme celle de la société Vizelia, qui vous sera présentée cet après-midi par René-Yves LABRANCHE, DSI de la mairie de Chelles, et que j'ai pu apprécier lors de ma visite de cette entreprise, est ainsi susceptible d'offrir des diminutions immédiate de consommation de 10 à 15 % par simple modification du comportement des usagers ; puis vient l'utilisation de logiciels de « product lifecycle management », qui devrait être à l'avenir davantage tournée vers le développement de l'éco-conception et la généralisation des analyses de cycle de vie (ACV).
C'est là le prélude à la mise en place des systèmes de production « circulaires », qui en finiront avec la notion même de déchets. Il s'agit d'une voie de progrès encore balbutiante que je vous incite vivement à explorer dans vos entreprises ;
Je pense encore aux systèmes de gestion des flux logistiques (ou SCM pour Supply Chain Management) et du trafic urbain. L'électronique embarquée et la motorisation intelligente dans les véhicules diminuent l'impact des transports : la recherche s'intéresse à ces systèmes intelligents d'optimisation, puisqu'ils sont par exemple identifiés comme un des premiers sujets de travail de la future chaire Ecole Polytechnique / CNRS / Microsoft que j'inaugurerai le 3 juin prochain à Palaiseau ;
Enfin, la dématérialisation des procédures administratives est une vraie voie de simplification pour les entreprises puisqu'une étude AFNOR parue en 2008 évalue les démarches administratives des entreprises à plus de 130 millions de formulaires par an : nous continuons à travailler activement à la faire progresser avec des initiatives comme « TéléTVA » ou « netentreprises » pour les déclarations sociales.
Le rapport CGEDD/CGIET auquel je faisais allusion montre que les TIC ont un apport positif pour la réduction des émissions de gaz à effet de serre, en permettant d'économiser 1 à 4 fois leurs propres émissions sur le reste de l'économie : les TIC nous offrent ainsi de multiples opportunités pour répondre à l'objectif ambitieux de réduction de la consommation énergétique que s'est fixé la France.
Je voudrais toutefois rappeler que les arguments en faveur de l'utilisation du Green IT ne sont pas seulement écologiques : ils sont également économiques.
C'est ce que montre une enquête menée entre décembre 2008 et janvier 2009 auprès d'un millier de PME de 12 pays, dont la France, par Info-Tech Research Group pour le compte d'IBM. Il apparaît que plus de 80% des entreprises sondées ont lancé des chantiers green IT ou prévoient de le faire sous peu. Mais cette étude a surtout montré que les PME qui investissent dans le Green IT le font plus par souci de réduction de coûts que par souci écologique. Pourtant, la réduction de coût immédiate que ces investissement génèrent (en diminuant la consommation électrique ou l'utilisation de consommables) entraîne également une diminution des émissions de CO2. L'économie et la planète s'en sortent toutes les deux mieux. Je ne crois pas qu'on doive s'en plaindre.
Cette enquête identifie en outre quatre grands profils de responsables informatiques ; je vous en résume l'essentiel, pour vous permettre de réfléchir à vos pratiques (et vous permettre peut-être de vous retrouver dans l'un ou l'autre de ces « Caractères » - ce n'est pas du La Bruyère, mais c'est intéressant) :
- les économes sont les plus nombreux (avec 38 % de l'échantillon) : très engagés dans les projets de green IT, ils sont moins concernés par les aspects environnementaux ;
- les avocats de la cause (25%), eux, ont lancé leurs chantiers avec la sauvegarde de l'environnement en tête ;
- les observateurs (30%) ont engagé peu de choses et se sentent peu concernés par l'écologie ;
- enfin, pour les 7% restants, la Green attitude est bien là, mais les projets n'ont pas encore suivi.
Ce tableau est déjà encourageant mais j'espère qu'à l'issu de cette journée, vous serez encore plus nombreux à avoir rejoint les avocats de la cause ou les économes. Ce sont, je l'avoue, mes préférés.
Vous le voyez, les TIC offrent de multiples opportunités pour soutenir les stratégies de développement durable des entreprises.
Les TIC peuvent de plus apporter ce qui manque malheureusement encore trop souvent aux démarches de développement durable : la coopération et la mutualisation, qui sont très complémentaires du réglementaire que met en oeuvre l'Etat. Cette coopération et cette mutualisation, c'est ce que l'on appelle le Web 2.0, c'est-à-dire des outils de partage et d'intelligence collective créés plus par les usagers qu'à la faveur d'une logique de prescription « descendante ».
Le Web 2.0 offre des opportunités considérables, qui seront évoquées à deux reprises aujourd'hui : d'abord, avec le projet porté par Jean-Paul HEBRARD dans le cadre de Tech for Food ; il s'agit de structurer une plateforme collaborative pour que les compétences des pays du Nord soient mises à la disposition des agriculteurs du Sud. C'est un instrument formidable : un lycée agricole du Cantal pourrait ainsi aider des paysans maliens dans des calculs d'hydraulique pour installer une pompe d'irrigation ; ensuite, le Cluster « Green and Connected Cities » que vous présentera Gilles BERHAULT, de l'Association ACIDD - projet que mon Secrétariat d'Etat soutient - et qui devrait également, parmi ces premiers travaux, se pencher sur cette question du Web 2.0 pour favoriser la collaboration et la mutualisation au sein des aires métropolitaines entre administrations, entreprises et simples citoyens.
C'est dans cet esprit que j'ai souhaité que soit inclus dans le volet numérique du Plan de relance que j'ai dévoilé le 6 mai dernier, un volet spécifique de 20 Meuros consacré au soutien à des projets de plates-formes Web 2.0. Pour ne pas perdre de temps dans la mise en oeuvre de cette mesure de soutien au secteur du logiciel et des services, je dévoilerai dès demain les modalités pratiques de cet appel à projets.
Cependant, il ne faut pas se cacher que la mise en oeuvre du Web 2.0 au service du développement durable dans les entreprises nécessite de marier des compétences qui sont encore bien souvent éloignées dans les organigrammes : les compétences dans les technologies du numérique et celles en matière de développement durable, sous ses trois approches, économiques, environnementales et sociétales.
Le programme Green IT lancé le mois dernier par la Société Générale dans le cadre de son programme de neutralité carbone à l'horizon 2012 est ainsi piloté conjointement par la direction du développement durable et la direction des systèmes informatiques : il est à ce titre exemplaire de la double compétence qu'il convient désormais d'acquérir.
C'est pourquoi, je souhaite que la journée que vous organisez aujourd'hui soit l'occasion de susciter au sein de vos entreprises le développement de nouveaux métiers, associant développement durable et technologies de l'information dans une compréhension globale et systémique.
Ces nouveaux responsables que j'appelle de mes voeux devront assurément faire preuve de force de mobilisation et de capacité pédagogique pour convertir l'ensemble de leur entreprise à ce nouvel état d'esprit.
Vous le voyez à travers ces quelques mots d'ouverture, les perspectives ouvertes en matière de Green IT sont vastes. Je vous souhaite donc une journée studieuse et riche : je serai attentive aux retours qui m'en seront faits.
Je vous souhaite d'excellents travaux.
Source http://www.prospective-numerique.gouv.fr, le 21 avril 2010