Interview de M. Hervé Novelli, secrétaire d'Etat au commerce, à l'artisanat, aux petites et moyennes entreprises, au tourisme, aux services et à la consommation, à "RMC" le 28 avril 2010, sur le bilan de la basse de la tva dans la restauration.

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Texte intégral

G. Cahour.- Bonjour H. Novelli, secrétaire d'Etat au Commerce, à l'Artisanat, aux Petites et moyenne entreprises, au Tourisme, à la Consommation ; cela vous fait beaucoup de casquette. On va balayer avec vous bien évidemment le bilan de la TVA dans la restauration, qui a baissé il y a un an tout juste. D'abord cette actualité qui est de plus en plus préoccupante, actualité économique et financière avec la situation de la Grèce et par ricochet, la situation de l'Europe. Il y a deux points de vue, le point de vue qui consiste à dire "on ne sauve pas la Grèce, cela ne sert à rien, ils sont dans une situation irrécupérable, on les laisse se débrouiller avec leurs créanciers" ou alors, on aide la Grèce, on verse quelque dizaine de milliards d'euros. C'est la situation de la France. Pourquoi la France veut sauver la Grèce ?

Parce que la Grèce fait partie intégrante de l'Union européenne, que nous sommes dans la zone euro, que nous avons besoin d'être solidaire et c'est pour cela que la France soutiendra la Grèce. Mais elle soutiendra la Grèce à condition que la Grèce se soutienne elle-même aussi c'est-à-dire qu'il y ait des efforts qui soient entrepris.

Est-ce qu'on peut faire confiance aux Grecs pour entreprendre ces efforts alors qu'ils ont déjà truqué leurs comptes par le passé ?

Bien sûr, qu'on peut leur faire confiance à condition qu'il y ait des engagements très fermes et que nous suivions la réalisation de ces engagements. Mais je le répète, la Grèce c'est une partie de l'Europe et nous sommes aujourd'hui dans cette situation de devoir la soutenir pour assumer la crédibilité de l'Union européenne.

L'euro baisse. On l'a vu hier les marchés financiers sont en très forte baisse ; -4 % quasiment à Paris, c'est la plus forte chute depuis un an. Est-ce que cela vous inquiète pour la situation des entreprises françaises ?

Lorsqu'une monnaie baisse, il y a toujours ceux qui en tirent profit d'une certaine manière. Les Américains vont revenir chez nous avec un dollar qui va leur permettre d'acheter un peu plus et ça, c'est une bonne nouvelle pour celui qui est en charge du tourisme que de voir revenir ces Américains qui avaient déserté un peu notre pays avec la faiblesse du dollar. Et puis il y a ceux qui vont se trouver dans une situation plus délicate du fait d'un dollar qui se renchérit. Et là, il y a d'autres entreprises qui peuvent être affectées.

L'an dernier, vous défendiez la baisse de la TVA dans la restauration de 19,6 à 5,5 % sauf pour les alcools. On va faire le bilan ensemble. Il y avait trois engagements, engagements sur les prix, engagement sur les recrutements et engagements sur les salaires. On va commencer avec les prix, puisque c'est ce qui concerne le plus grand nombre d'entre nous. Pour les clients, vous misiez sur une baisse de l'addition de 3% ; finalement, d'après l'INSEE, cest 1,17 %. Bref, c'est raté !

Non, ce n'est pas raté ! Vous avez 4 restaurants sur 10 qui ont joué le jeu de la baisse des prix, de la répercussion de la baisse du taux de TVA sur les prix. On peut dire que cela n'a pas été aussi loin que nous le souhaitions. Mais ce qui est très important c'est que dans le même temps, on a fait mieux sur les salaires et sur les emplois.

On va parler de salaires mais quand même, restons sur les prix, puisque vous savez il y en a quand même 6 sur 10 qui se moquent de nous.

Ils ne se moquent pas de nous, ils ont choisi d'aller plus loin en matière de recrutement, d'aller plus loin en matière de hausse des salaires et je voudrais dire ici qu'il ne faut pas stigmatiser cette profession. Cette profession est l'une de celles qui produisait le plus de faillite. Eh bien, aujourd'hui grâce à cet effet TVA, on a un rythme de défaillance d'entreprises dans la restauration qui est quatre fois moins élevé que le rythme global dans l'économie.

Cela veut dire que, s'ils ne baissent pas les prix, cela veut dire qu'ils embauchent ou qu'ils augmentent les salaires systématiquement ?

Cela s'est passé comme si ils avaient fait moins d'efforts que nous l'aurions souhaité sur les prix, mais plus d'efforts sur l'emploi et les salaires. Les consommateurs, c'est bien, mais dans cette période, l'emploi et les salaires, c'est au moins aussi important.

Sur les prix, ce que l'on constate, c'est que ce sont les grandes chaînes qui ont plus joué le jeu de la baisse des prix, beaucoup plus que les indépendants, et inversement, pour les salaires et les recrutements, les chaînes ont moins joué le jeu et là, les indépendants, eux, ont plus misé sur ces deux leviers. Pourquoi ?

Oui, il y eu une sorte d'arbitrage. Les chaînes en ont fait un élément marketing, un élément de publicité pour faire venir plus de clients. Elles avaient aussi une force de frappe plus importante pour faire de la publicité ou pour attirer leur clientèle.

Donc, c'est une vision plus à court terme, faire de l'argent plus vite...

Il y a eu l'objectif de se dire : on se sert de cette TVA, de cette baisse de TVA, pour faire venir des clients. Et puis d'autres ont joué le recrutement, ont joué la formation. N'oublions pas qu'il y a aussi des engagements dans ce contrat d'avenir en matière d'apprentissage, en matière de qualification. Donc, je le dis, je suis très heureux de constater qu'il y a eu un accord historique ; on n'en parle pas assez, de cet accord historique, en matière de revalorisation salariale, 1 milliard d'euros ! 1 milliard d'euros par an va être redonné aux salariés de cette branche, aux 900.000 salariés de cette branche. C'est, je crois, très important. Il va y avoir la création d'une mutuelle, il va y avoir une prime TVA qui va être distribuée. Au total, vous le voyez, on a fait beaucoup sur les salaires, et on fait aussi beaucoup en matière de recrutement. La restauration, je veux juste donner ce chiffre, la restauration française aura été le premier secteur d'embauche au cours du deuxième semestre 2009.

5.300 emplois créés au second semestre 2009, alors qu'il avait détruit des emplois au premier semestre...

Absolument, et donc on le voit, il y a un effet TVA indéniable.

Il y a un effet TVA. Quelques restaurants ont baissé les prix, mais pas tous, quatre sur dix, vous nous l'avez dit, et encore pas forcément dans la mesure qu'on aurait pu attendre, c'est parfois très symbolique, histoire d'afficher une baisse de la TVA. J'ai le souvenir, et je pense que je ne suis pas le seul, d'avoir entendu un restaurateur, lorsque je dis "et alos, elle est où votre baisse de la TVA sur votre carte ?", me dire : "ben non, moi ça va...je serre les boulons depuis des années, la baisse de la TVA, elle est pour moi !". Et ça, on le voit dans une étude, les marges ont augmenté de 5 à 10 % selon les restaurateurs. Donc ils se sont enrichis aussi avec cette baisse de la TVA ?

Non, ils ont restauré leurs marges d'investissement. Il faut que vous sachiez....ça n'est pas forcément pareil lorsqu'il y a des établissements qui sont au bord de la faillite, et parce qu'on leur donne cette faculté d'une baisse du taux de TVA, retrouvent un peu de marge de manoeuvre, c'est bien, c'est bien pour l'avenir, et c'est pour ça que j'avais intitulé cet engagement entre l'Etat et les restaurateurs, "un contrat d'avenir".

Aujourd'hui, ce que vous êtes en train de nous dire, c'est que vous avez changé vos objectifs ? L'objectif, c'était notamment la baisse des prix, c'était aussi, peut-être, pour faire passer la pilule auprès des Français, et aujourd'hui vous nous dites : finalement, ça a permis de sauver des boîtes. Donc, l'objectif a changé ?

Non, il y en avait trois, et je reste sur ce que vous avez dit au début. Il y avait un objectif consommateur, on l'a dit, il a été atteint à 50 % ; il y avait un objectif, salaires-emplois, là, c'est carton plein jusqu'à présent. Et puis il y avait un objectif investissement, restauration des marges. Eh bien, je souhaite que cela soit le cas dans les années qui viennent.

Le nouveau ministre du Budget, F. Baroin, cherche à faire des économies, il cherche 4 milliards d'euros d'économies dans des niches fiscales. Finalement, là, on a déjà presque 2 à 3 milliards d'euros avec cette nouvelle niche fiscale. C'est une niche fiscale ?

Non, pas du tout. F. Baroin a dit : "je cherche à faire des économies lorsque des niches fiscales n'ont pas d'effet économique ou social". On est bien loin, et j'ai parlé de cet effet de TVA, donc je suis parfaitement serein avec mon ami, F. Baroin dans ce domaine.

Source : Premier ministre, Service d'Information du Gouvernement, le 11 janvier 2010